Benjamin Stora, Histoire de l’Algérie depuis l’indépendance. Malgré l'accord du 5 septembre, qui fait d'Alger une « ville démilitarisée et placée sous le contrôle du Bureau politique », le colonel Boumediene impose l'entrée de ses bataillons dans la capitale le 9 septembre Désormais, seule la wilaya III (la Kabylie) échappe au contrôle de l'état-major général. Dans l'immédiat l'intervention militaire de l'état-major général donne les mains libres au Bureau politique pour achever son entreprise d'appropriation du pouvoir et d'élimination des contrepoids potentiels. La liste unique des candidats à l'Assemblée nationale sera amputée de cinquante-neuf noms et plébiscitée à 99 %, le 30 septembre. Les différentes composantes de la coalition de Tiemcen se répartissent les lieux du pouvoir. Ahmed Ben Bella devient chef du gouvernement, et Mohammed Khider, secrétaire général du Bureau politique. La présidence de l'Assemblée échoit à Ferhat Abbas. La crise se prolonge pourtant. … Au lendemain de la guerre d'indépendance livrée contre la France, les nationalistes algériens qui prennent le pouvoir adoptent pour devise officielle de « rattraper le retard accumulé pendant les cent trente ans de domination coloniale ». Dans un contexte marqué par l'émergence des pays du tiers monde sur la scène politique internationale et par le développement du « nationalisme arabe » porté par la forte personnalité de Nasser en Egypte, l'Algérie opte résolument pour une voie socialiste de développement. « L'autogestion » devient le thème clé pour transformer et mobiliser l'Algérie. Cette pratique est introduite par le pouvoir, « par le haut », dans un pays qui n'y est préparé ni politiquement ni matériellement. Le 25 septembre 1962, l'Assemblée nationale constituante, élue le 20 septembre, proclame la naissance de la République algérienne démocratique et populaire. Elle investit par 159 voix contre une le gouvernement qui désigne Ahmed Ben Bella président du Conseil des ministres. Dans ce gouvernement ne figure aucun membre du dernier GPRA. En revanche, cinq militaires, dont le colonel Houari Boumediene, occupent des postes clés. Ce gouvernement proclame sa volonté de réaliser une révolution socialiste, une réforme agraire, une algérianisation des cadres. Mais l'armée, fief de Boumediene, le FLN, que doit réorganiser le nouveau secrétaire général du Bureau politique Mohammed Khider, et l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), échappent à son autorité. Ait Benali Boubekeur, De l’indépendance au coup d’Etat de 1965 : histoire de l’usurpation du pouvoir. Le quotidien d’Algérie En guise de conclusion, il allait de soi qu’au sortir de la guerre, les Algériens ne pensaient pas que leurs sacrifices soient vains. Pendant huit longues années, ils avaient bravé un système colonial qui leur déniait le droit à la liberté. A l’indépendance, les propensions de Boumediene de gouverner par la force, en s’opposant notamment au GPRA, créèrent une anarchie au sommet de l’instance révolutionnaire. Bien que les Ben Khedda ou les Ferhat Abbas n’aient pas été élus au suffrage universel pendant la guerre, leur sagesse augurait d’une volonté manifeste de revenir au suffrage du peuple le moment adéquat. Leur neutralisation mit fin à tout espoir de compétition politique saine. Le nouveau pouvoir, selon Amrane Ahdjoudj, fit tout pour asseoir son pouvoir au lieu de développer le pays : « Les tensions internes sont d’autant plus vives que l’Etat apparait comme le principal instrument d’accumulation et de répartition du surplus économique. Les avantages en matière de revenu, de mode de vie, de prestige et de statut social sont réels, les occasions d’enrichissement multiples. La participation au FLN se pose pour beaucoup en termes de droits et de privilèges à acquérir. »