Dépistage des cancers et des états précancéreux

Slides:



Advertisements
Présentations similaires
Développement d’un médicament
Advertisements

Le rationnel du dépistage organisé
Introduction to Impact Evaluation training HSRC, Pretoria, South Africa April 10, 2008 Induction Causale Florence Kondylis Initiative pour lévaluation.
Le dépistage des cancers
But de la lecture critique
Analyse d’articles étude des biais
Echantillonnage Professeur Francis GUILLEMIN > Ecole de santé publique - Faculté de Médecine.
Epidémiologie : types d’enquêtes
Dr BOUKERROU Pr VINATIER CHU la Réunion CHU LILLE
Médecine et prévention
Epidémiologie des cancers digestifs en France
Le dépistage organisé des cancers 79 rue Saint Eloi POITIERS
Examen clinique des seins et dépistage du cancer du sein
D. B.Foglia/Journées validation Nancy les 26 et 27 Avril Les recommandations de pratique clinique dans la surveillance post-professionnelle.
Dr DEVILLE Emmanuelle J D V 12/07/2006
L’épidémiologie, ses apports et ses limites
DMG Paris 7 mars 2007 Dépistage organisé du K du sein Daprès lintervention de Jérôme Sclaffer 18 ème journée de médecine générale de P7 Samedi 10 mars.
Le dépistage des cancers
Dépistage du cancer de la prostate
Cancer du col de l’utérin QUATORZE MESSAGES CLÉS POUR LA SAGE – FEMME MALIENNE Dr TEGUETE Ibrahima.
Le problème du dépistage des cancers
| Le cancer au Canada en 2005 Nous avons besoin au Canada d'une action concertée d'un océan à l'autre. Appuyez la Stratégie.
La sécu naura jamais autant dépensé pour le médicament quen 2008, malgré les génériques et les baisses de prix ! (*) : Dépenses de remboursements de médicaments.
Etat des lieux et recommandations pour le dépistage du cancer du col de l’utérus 10ème journée nationale de l’Association Française pour la Contraception.
DU de Carcinologie Clinique
Dépistage du cancer de la prostate un scandale sanitaire de plus ?
Hill 2006 Dépistage Distinguer : Dépistage de masse Dépistage dans une population à risque.
Dépistage des cancers Novembre 2011 Sylvie Guérin et Catherine Hill
Élaborée par Aicha Dorra Fakhfakh Henia Hajeji
DÉPISTAGE ORGANISÉ DES CANCERS DU SEIN : FAUX RÉSULTATS, SURDIAGNOSTIC, SURTRAITEMENT J-L. GUILLET CLINIQUE INTERNATIONALE DU PARC MONCEAU MARDI.
Activité physique et santé
Vaccination contre le cancer du col de l’utérus
Actualités sur le dépistage du cancer colo-rectal
Le dépistage du cancer du sein en France Débat autour de l ’efficacité Benoit Aurélie - Journée DES 22/11/2005.
Analyses coût efficacité du dépistage des cancers
CANCER DE PROSTATE.
Le cancer en France Incidence estimée en nouveaux cas Source : Institut de Veille Sanitaire Mortalité observée en
La Lettre du Cancérologue Étude IBIS-I : la prévention médicale du cancer du sein prendra-t-elle son envol ? (1) Objectifs –Principal : incidence de cancer.
LE DEPISTAGE EN CANCEROLOGIE
DEPISTAGE DU CANCER DE LA PROSTATE : ETAT DE LA CONTROVERSE
Politiques de dépistage en France, en Europe, au Canada et aux Etats-Unis Des politiques contrastées? Caen – 22 novembre 2005.
Dépistage du cancer de la prostate : pourquoi la controverse ?
BIAIS Epidémiologie Essai Test diag. Intervention Sélection Sélection*
La Lettre du Cancérologue National Lung Screening Trial (NLST) Patients âgés de 55 à 74 ans, fumeurs persistants ou ayant arrêté il y a moins de 15 ans.
Cancer du col de l’utérus
D épistage des C ancers en Gironde Cpam de la Gironde Jean-Luc LENAIN 1 Rencontre gynécologues 4 avril 2007.
Prévention secondaire des cancers Dépistage de masse : définition
Thèse pour le Doctorat en Médecine Présentée par Mlle Elsa Brunet
Mortalité attribuable au tabac en France
SURVIE ATTENDUE DES PATIENTS
EPIDEMIOLOGIE 1er cancer de la femme, tous âges confondus
DEPISTAGE DU CANCER DU COL DE L’UTERUS.
Le programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM)
INTRODUCTION 1 Intérêt du dépistage et du traitement des néoplasies de grade 3 (dysplasie sévère ou carcinome in situ) : réduction de l’incidence de cancer.
* 16/07/96 Cohorte des travailleurs du nucléaire à Électricité de France : mortalité des agents statutaires sur la période 1968–2003 *
Cancer de la prostate 1 Un homme du 58 ans souhaite un bilan prostatique. Il a entendu parler de tests pour le cancer de la prostate et souhaite un dépistage.
D’après un article du Dr Anne Schillings Clinique du sein – Ottignies Glem 19/05/2010.
Circoncision masculine et prévention du VIH
Direction générale de la santé Mo VII-3-1 Des résultats évalués : vers un tableau de bord de la santé en France Déclinaison des objectifs.
EPIDEMIOLOGIE DES CANCERS
Prévention des cancers Pr GANRY. Pourquoi mettre en place une politique de prévention? Cancers de mauvais pronostic: ORL, œsophage, estomac …. effet connu.
Prévention des cancers Pr GANRY. Pourquoi mettre en place une politique de prévention? Cancers de mauvais pronostic: ORL, œsophage, estomac …. effet connu.
ED diagnostic et dépistage
Prévention des cancers
Académie européenne des patients sur l'innovation thérapeutique Rôle et notions élémentaires des statistiques dans les essais cliniques.
Lecture critique des essais cliniques. But Juger de : - La validité scientifique - L’intérêt clinique Modifier ou ne pas modifier la pratique.
+ Dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA Estelle Creutzer GPE jeudi 23/04/2015.
1 I- Définition : dépistage –prévention – diagnostic II- Intérêt III- Notion de TEST de dépistage IV- qui dépister - comment V- Bénéfice du dépistage –
Dépistage de masse : définition Examen proposé à la population générale définie seulement en terme de sexe et d’âge, sans symptôme ni facteur de risque.
Le dépistage du cancer du sein, Les enjeux du débat
Transcription de la présentation:

Dépistage des cancers et des états précancéreux Catherine Hill Laureen Ribassin-Majed Gustave Roussy catherine.hill@gustaveroussy.fr laureen.majed@gustaveroussy.fr

Prévention secondaire des cancers Dépistage de masse : définition Examen proposé à la population générale définie seulement en terme de sexe et d’âge, sans symptôme ni facteur de risque particulier (sauf peut-être fumeur pour dépistage du cancer du poumon) Dès qu’il y a symptôme ou antécédent familial, on sort du cadre du dépistage de masse pour entrer dans le colloque singulier entre patient et médecin

Dépistage des cancers dans la population générale Potentielle transformation d’une personne bien portante en une personne malade Ne prévient le cancer que si l’on dépiste un état précancéreux guérissable : col de l’utérus, polype colorectal Ne prévient pas le cancer du sein, ni celui du poumon

Caractéristiques du dépistage Dépistage individuel: La population est recrutée lors d’un recours au soin (ex: cancer du col de l’utérus) Dépistage organisé: Le dépistage est proposé systématiquement à l’ensemble de la population cible. La participation est volontaire (ex: cancer du sein, cancer colorectal)

Dépistages organisés Cancer du sein: les femmes de 50 à 74 ans sont invitées tous les deux ans à faire une mammographie et un examen clinique des seins Colon-rectum: entre 50 et 74 ans, tous les deux ans par test immunologique

Dépistage recommandé Col de l’utérus: pas de programme national de dépistage organisé Dépistage spontané (individuel) par examen cytologique d’un frottis cervico-utérin chez les femmes de 25 à 65 ans, tous les 3 ans après deux examens normaux réalisés à 1 an d’intervalle. Dépistage organisé dans quelques départements (Isère, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Martinique)

Dépistages assez mal faits Col de l’utérus, en 2010, 50% des femmes pas ou trop peu souvent dépistées, 10% dépistées comme recommandé, 40% dépistées trop fréquemment. 1 400 décès en 2010 Sein mammographie de 50 à 74 ans tous les 2 ans en 2008-2009 40% des femmes mal suivies Colon-rectum : plus des 2/3 de la population de 50 à 74 ans n’a jamais eu d’Hemoccult. Source : Haute Autorité de Santé

Prévention et dépistage du cancer du col Dépistage du cancer du sein Dépistage du cancer de la prostate Dépistage du cancer du poumon

Prévention du cancer du col La persistance de l’infection par certains types de papillomavirus (HPV) est la cause des cancers du col de l’utérus. Prévention primaire: vaccination anti-HPV type 16 et 18. Deux vaccins proposés en France aux filles de 11 à 14 ans, et en rattrapage jusqu’à 19 ans. Prévention secondaire: - Examen cytologique sur frottis - Test HPV à l’étude (sur frottis ou urine)

Dépistage du cancer du col 4 essais ont comparés Test HPV + cytologie (chaque test lu à l’aveugle de l’autre) à Cytologie seule Ils ont été réalisés en Suède, Hollande, Italie et Angleterre L’analyse de l’ensemble a été publiée: Ronco G et coll. Efficacy of HPV-based screening for prevention of invasive cervical cancer: follow-up of four European randomised controlled trials. Lancet 2014; 383: 524–32

Ensemble de la population Risque cumulé p. 100 000 93,6 46,7 Test HPV + cytologie* Cytologie Risque réduit de 40% (IC95% 11%-60%) Cancers invasifs cumulés pour 100 000 Années depuis l’inclusion

Population avec test négatif à l’inclusion Risque réduit de 70% (IC95% 40%-85%) Cancers invasifs cumulés pour 100 000 Incidence cumulée à 5,5 ans : 36,0 pour 100 000 groupe témoin 8,7 pour 100 000 test HPV Années depuis le test négatif à l’inclusion

Dépistage du cancer du col : synthèse des essais comparant Test HPV + cytologie à Cytologie Suivi médian 6,5 ans Cancers invasifs/ Population totale personnes années Test HPV + cytologie 44/650 000 Cytologie 63/561 000 Réduction du risque 40% Population avec test négatif à l’inclusion Test HPV + cytologie 12/590 000 Cytologie 35/525 000 Réduction du risque 70%

Conclusion des auteurs Le dépistage reposant sur le test HPV confère une meilleure protection que la cytologie. Les données suggèrent de commencer le dépistage par un test HPV à 30 ans et d’attendre au moins 5 ans entre deux dépistages (au lieu de faire une cytologie tous les 3 ans après deux examens négatifs à 1 an d’intervalle).

Dépistage du cancer du sein Bilan des avantages et des inconvénients 1 Dépistage du cancer du sein Bilan des avantages et des inconvénients 1. Avantage L’objectif du dépistage est de réduire la mortalité par cancer du sein L’estimation la plus fiable est tirée des essais : dans chaque essai, la population est divisée par tirage au sort en deux groupes comparables, l’un invité et l’autre non invité au dépistage

Synthèse des résultats des essais par divers auteurs Référence Réduction de mortalité (Interv. confiance à 95%) Marmot, Lancet 2012 20% (11% à 27%) Duffy, 2012 21% (14% à 27%) Gotzsche, Cochrane 2013 19% (13% à 26%) 3 essais dits adéquats 10% (<0% à 21%) Canadian Task Force 2011 21% (10% à 32%) Fitzpatrick-Lewis 2011 Nelson USPTF 2009 19% (  ?% à ?%)

Conclusion des résultats des essais La réduction de mortalité est en moyenne de 20% chez les femmes invitées, mais pas de consensus. Réduire de 20% le risque de mourir d’un cancer du sein, c’est relativement bien, mais quelle est la réduction absolue du risque ? On peut la calculer facilement à partir des données des essais, en appliquant la réduction relative du risque observée au risque du groupe témoin.

Les essais mesurent le résultat de l’invitation au dépistage et non du dépistage réalisé. Si la compliance n’est pas parfaite, c’est-à-dire s’il y a : des femmes non dépistées dans le groupe dépistage et des femmes dépistées dans le groupe témoin, ils en sous estiment le bénéfice (par dilution). On peut estimer l’effet du dépistage réalisé (Cuzick, Statistics in Medicine 1997), prenons l’exemple d’un des essais

Réduction du risque 17% Risque relatif = 0,18/0,22 = 0,83

Correction :  1,4 ( 24%/17%) Réduction du risque 17% Risque relatif = 0,17/0,23=0,76 Réduction du risque 24%

Bénéfice du dépistage : conclusion Il semble raisonnable de prendre 20% comme estimation de l’effet de l’invitation et 28% comme effet du dépistage réalisé. Les experts ne sont pas d’accord, les estimations vont de 10% pour l’effet de l’invitation dans des essais sélectionnés à 38% ou 48% dans des enquêtes d’observation pour l’effet de la participation

Quand on propose le dépistage du cancer du sein à une femme, ce qui est pertinent c’est la réduction absolue du risque, pas la réduction relative Le risque de mourir d’un cancer du sein est en général très surestimé, aussi bien par les médecins que par la population et par les médias

Estimation par les femmes de la réduction du risque de décès si on fait une mammographie tous les deux ans à partir de 50 ans et si le suivi est de 10 ans (enquête sur 4000 femmes, Etats-Unis, Royaume-Uni, Italie et Suisse, Domenighetti 2003), et risques de décès observés aux Etats-Unis en 2008 Source: Biller-Andorno N, Jüni P. N Engl J Med 2014 22 mai

Effet réel du dépistage mammographique sur la mortalité par cancer du sein en 10 ans, calculé à partir des données de mortalité observées en 2008 aux Etats-Unis sous l’hypothèse d’une réduction du risque de 20% de la mortalité par cancer du sein chez 1000 femmes de 50 ans invitées au dépistage. Source: Biller-Andorno N, Jüni P. N Engl J Med 2014 22 mai

Risque de mourir d’un cancer du sein en France en 2011 Si on suit 1000 femmes de la naissance à la mort en leur faisant courir les risques observés en 2011, on aura 40 décès par cancer du sein : 0,5 entre 30 et 39 ans 1,8 entre 40 et 49 ans 3,8 entre 50 et 59 ans 6,2 entre 60 et 69 ans 8,0 entre 70 et 79 ans 20,0 à partir de 80 ans

Ce risque de mourir d’un cancer du sein observé en France en 2011 est déjà réduit par la pratique répandue du dépistage

Recours à la mammographie dans les deux ans, données 2008-2009 de l’Echantillon Généraliste des Bénéficiaires de l’Assurance maladie, régime général En 2010-2011 77% des femmes de 50 à 54 ans qui viennent pour un premier dépistage organisé ont déjà eu une mammographie

Dépistage entre 50 et 74 ans peu de progrès dans la couverture Organisé Autre Total 2008-2009 45% + 15% = 60% 2012 53% + 10% = 63% 2013 63,9%? 2014 62,9% D’après R. Ancelle-Park La lettre du sénologue 2013; 63: 37 Et le quotidien du médecin 2015; 9407: 3

Munis de ces informations, nous pouvons maintenant calculer la réduction absolue du risque apportée par le dépistage Comme exemple, nous allons faire ce calcul dans la classe d’âge 40 à 49 ans, sur la base d’une réduction du risque de 20%. Il faut préciser la durée du suivi. Nous avons pris 10 ans.

La mortalité par cancer du sein entre 40 ans et 49 ans est égale à 1,8 pour 1000 en 10 ans (0,18 pour 1000 personnes-années) en France en 2010. Si 36% de ces femmes ont eu un dépistage, et si ce dépistage a réduit le risque de 20%, alors le risque est de 2,0 pour 1000 en 10 ans chez les femmes non dépistées et de 1,6 pour 1000 en 10 ans chez les femmes dépistées. Le bénéfice est de 0,4 pour 1000 femmes en 10 ans (0,4=2,0-1,6) et il faut dépister 2 500 femmes (1/0,4 pour 1000) pour éviter 1 décès par cancer du sein en 10 années

L’avantage apporté par le dépistage augmente avec l’âge au premier dépistage, parce que le risque augmente avec l’âge Age Risque de décès par cancer du sein en 10 ans, France % dépistage en France Réduction du risque avec dépistage réalisé Femmes à dépister pour éviter 1 décès en 10 ans 40 1,8 pour 1000 36 % 28% 1 800 50 3,8 pour 1000 61% 800 60 6,2 pour 1000 62% 500 70 8,0 pour 1000 55% 380 Source INSERM cepiDC données 2011 Assurance maladie

Principaux inconvénients du dépistage Surdiagnostic : diagnostic d’un cancer qui ne serait jamais devenu cliniquement détectable du vivant de la femme Faux positif : dépistage avec mammographie anormale d’où examens complémentaires et beaucoup d’angoisse. Problème non traité faute de temps. Cancer radio-induit : une mammographie annuelle de 40 à 80 ans augmenterait le risque de décès par cancer du sein de 0,03% soit 20 à 25 décès pour 100 000 femmes (Hendrick Radiology 2010)

Sans surdiagnostic, les cancers dépistés E sont compensés par les cancers D qui seraient devenus symptomatiques plus tard.

Avec surdiagnostic, les cancers dépistés E ne sont pas compensés par les cancers D qui seraient devenus symptomatiques plus tard. Si le suivi n’est pas assez long, la différence E-D’ surestimera le surdiagnostic

Estimations du surdiagnostic comme % de l’ensemble des cas attendus sans dépistage, d’après Puliti J Med Screen 2012, mise à jour

Conclusions Pas de consensus sur les avantages : réduction du risque 20% pour Marmot (Lancet 2012) 38% à 48% pour un groupe de travail européen (Euroscreen 2012) Pas de consensus sur le surdiagnostic : 19% pour Marmot et 6,5% pour le groupe de travail européen La réduction relative du risque dépend peu de l’âge, mais la réduction absolue, seule importante, dépend elle beaucoup de l’âge

Risque de décès par cancer de la prostate Si on suit 1 000 hommes de la naissance à la mort, 47 mourront d’un cancer de la prostate, avec les risques observés en 2010, et il y aura : 0 décès entre 0 et 49 ans 6 décès entre 50 et 74 ans et 41 décès à partir de 75 ans Le risque est donc très faible avant 75 ans

Risque de décès par cancer de la prostate Si on suit 1 000 hommes de la naissance à la mort, il y aura 6 décès entre 50 et 74 ans i.e. en 24 ans Or 80% d’hommes interrogés par Gigerenzer et coll. (JNCI 2009) pensent qu’en suivant 10 ans 1000 hommes de 50 ans avec un dépistage, on évitera 10 décès, et 41% attendent une réduction d’au moins 100 décès Le risque de décès par cancer de la prostate est donc surestimé d’au moins un facteur 10, et souvent d’un facteur 100

Fréquence du cancer de la prostate Rich AR. J Urology 1935 repris dans Int J Epidemiol 2007 292 autopsies d’hommes de 50 ans et +, une coupe par prostate ?

Fréquence du cancer de la prostate Sakr WA, Eur Urol, 1996,30,138-144, cité par Martin RM Int J Epidemiol 2007. Autopsies de 525 hommes, décès dû à trauma, 10 à 14 coupes par prostate

Fréquence du cancer de la prostate Sur cette base, on peut estimer que 4 des 6 millions d’hommes de 55 à 74 ans seraient trouvés être porteurs d’un cancer de la prostate en France si on les autopsiait Fréquence très élevée qui augmente avec l’âge 30% à 30 ans 80% à 80 ans

Surdiagnostic Maladie semblable à une vraie maladie, mais qui n’aurait jamais ennuyé le patient : elle n’aurait jamais causé de symptôme elle serait restée infra clinique jusqu’à ce que la personne meure d’une autre cause Problèmes : Le résultat du traitement d’un cas de surdiagnostic ne peut qu’être un succès Le traitement peut seulement avoir des effets indésirables 44

Cancer de la prostate L’incidence, c’est à dire la fréquence des nouveaux diagnostics, a augmenté très rapidement jusqu’en 2005. La mortalité diminue depuis 1990 et la baisse est de 4% par an depuis 2003

Cancer de la prostate Mais la baisse de mortalité s’observe aussi au Royaume-Uni, où l’incidence augmente beaucoup moins car on y fait beaucoup moins de dosages de PSA

Etendue de l’épidémie due au dépistage A cause du dépistage, on est passé de 10 000 cas par an en 1980 à 21 000 cas en 1990, 39 000 cas en 2000 et 64 000 cas en 2005 53 000 cas en 2009 (L’INVS n’a pas prolongé l’estimation jusqu’en 2012)

Effet du dépistage du cancer de la prostate sur le risque de décès Essai Gr. Dépistage Gr. Témoin Variation du risque Nb décès/Nb total Nb décès/Nb total & intervalle 95% Norrkoping 20/ 1 494 97/ 7 532 +4% [-36% à +68%] Québec 153/ 31 133 75/ 15 353 +1% [-34% à +34%] Etats-Unis 92/ 38 343 82/ 38 350 +11% [-17% à +49%] Europe-Suède 250/ 76 915 344/ 93 233 -16% [-30% à -1%] Suède 44/ 9 952 78/ 9 952 -44% [-61% à -20%] Total 559/160 000 676/160 000 -12% [-22% à 0%] Effet du dépistage p=0,05 Test d’hétérogénéité p=0,04 Mise à jour -15% après 9 ans -21% après 13 ans -60% -20% +20% +60% Dépistage : Mieux Pire

La réduction du risque de décès due au dépistage augmenté de 11% dans l’essai américain et diminué de 16% dans l’essai européen sauf Suède diminué de 44% dans l’essai suédois Le plus raisonnable est de faire la synthèse de tous les essais d’où une réduction significative de 12% Choisir l’essai le plus favorable conduit à une réduction très optimiste du risque de 44%

Les effets indésirables des traitements, d’après Gomella 2009 Prostatectomie : 60 à 90% des patients ont des problèmes d’érection 1 an après, amélioration ultérieure en général 1 à 12% de saignements importants 4 à 50% d’incontinence d’effort modérée 0 à 15% d’incontinence d’effort importante 2 à 9% de sténose de l’urètre Curiethérapie, radiothérapie : 40% d’impuissance 3 à 5 ans après curie et 80% d’impuissance après radiothérapie Hormonothérapie 50 à 100% de problèmes d’érection Impuissance et/ou incontinence chez 50% des patients Howard 2009

Bilan des avantages et des inconvénients du dépistage En supposant que le dépistage réduit le risque de décès de 20%, il conduira à éviter 1 décès pour 1 410 hommes de 50 à 69 ans suivis 10 ans En contrepartie, on aura diagnostiqué et traité 48 cancers qui n’auraient pas entrainé la mort et dont le traitement aura induit l’impuissance ou l’incontinence chez la moitié des patients. D’après Barry N Eng J Med

Conclusion Il est temps de conclure que la balance bénéfice risque est en défaveur du dépistage du cancer de la prostate avant 75 ans ! A moins que l’impuissance et l’incontinence ne vous paraissent des inconvénients négligeables

Dépistage du cancer du poumon Radiologie conventionnelle : inefficace (4 essais) Scanner spiralé à faible dose : un essai américain montre une réduction de la mortalité par cancer du poumon de 20% et une réduction de la mortalité globale de 4%. Cet essai détecte des nodules avec des fréquences de 27%, 28% et 17% dans les examens successifs, dont 96% sont des faux positifs. Plusieurs essais sont en cours dont un essai hollandais NELSON qui gère les nodules différemment d’où 2,6% d’examens positifs et 64% de faux positifs. Surdiagnostic : 18% Patz et al. JAMA 2014 Cancer radio-induit : Le dépistage par scanner spiralé et les examens diagnostiques en découlant délivrent une dose supérieure à celle des travailleurs de l’industrie nucléaire et des survivants des bombes atomiques. McCunney & Li. Chest 2014

Conclusion Avancer le diagnostic d’un cancer par dépistage systématique n’est pas nécessairement une bonne idée Il faut améliorer la couverture des dépistages dont l’efficacité est démontrée Il faut éviter de faire des examens qui font plus de mal que de bien

Annexes

Conséquence du dépistage sur la répartition du stade, données hypothétiques 10 000 cas en 1980 : 5 000 localisés, 5000 métastatiques 21 000 cas en 1990 : 16 000 localisés, 5000 métastatiques 39 000 cas en 2000 : 34 000 localisés, 5000 métastatiques 64 000 cas en 2005 : 59 000 localisés, 5000 métastatiques 53 000 cas en 2009 : 48 000 localisés, 5000 métastatiques Les urologues sont rassurés car ils ont l’impression de ne plus voir beaucoup de patients avec des cancers avancés, c’est vrai mais ce n’est pas du tout rassurant