LES EPIDEMIES DE DENGUE AUX ANTILLES-GUYANE DANS UN CONTEXTE D'EMERGENCE ET DE REEMERGENCE DES ARBOVIROSES Pierre Aubry
LA DENGUE Principale arbovirose tropicale, due à un flavivirus transmis par un moustique du genre Aedes, notamment Ae. aegypti. Le cycle : l'homme, hôte essentiel, et le moustique vecteur. Quatre sérotypes du virus DEN, pas d'immunité croisèe protectrice. La dengue a émergé à la fin du XVIII éme siècle (dengue classique [DC]), puis a changé de visage au cours des années 1950 : dengue hémorragique [DH] et/ou dengue avec syndrome de choc [DH/DSC] avec une extension à toute la zone inter-tropicale, de l'Asie du sud-est jusqu'aux Amériques. 2,5 milliards de personnes exposées, 100 millions de cas/an, 250 000 cas de DH et/ou DH/DSC, avec une mortalité des formes graves jusqu'à 10% selon les épidémies (essentiellement chez les enfants). Pas de traitement spécifique, toujours pas de vaccin, prévention : surveillance épidémiologique et lutte antimoustique.
EMERGENCE DE LA DENGUE HEMORRAGIQUE DANS LES AMERIQUES (ET DANS LES DFA) 1981 : première épidémie de DH à Cuba [DEN-2] 350 000 cas, 10 000 DH, 158 décès 1991 : premiers cas de DH en Guyane [DEN-2] 1995 : premiers cas de DH en Martinique [DEN-2, DEN-4] 1995 : premiers cas de DH en Guadeloupe [DEN-2, DEN-1]
FORMES CLINIQUES DE DENGUE AUX ANTILLES-GUYANE Au cours de ces épidémies : - description de cas de dengue materno-néonatale (Guyane) avec des conséquences graves, - description de formes graves de dengue chez l'enfant, mais aussi chez l'adulte (Guyane et Antilles), autres que la DH et la DH/DSC : - DH/DSC ne remplissant pas les critères de l'OMS (1986), - atteintes viscérales : encéphalite, polyradiculonévrite, hépatite, cholecystite et/ou pancréatite, myocardite, insuffisance rénale aiguë, insuffisance respiratoire aiguë, rhabdomyolyse, atteinte oculaire, autre défaillance viscérale
Surveillance des cas de dengue hospitalisés biologiquement confirmés selon la forme clinique Martinique, juin 2006 - janvier 2008
Surveillance des cas de dengue hospitalisés biologiquement confirmés selon la forme clinique. Guadeloupe, juin 2006 – janvier 2008
EVOLUTION DES EPIDEMIES DE DENGUE AUX ANTILLES-GUYANE Passage de l'endémo-épidémicité vers des épidémies extensives avec formes graves et l'hyperendémicité comme en témoignent : - la circulation des quatre sérotypes du virus DEN - l'augmentation du nombre de cas en période inter-épidémique - l'augmentation des cas graves : - en Martinique : 1,2% en 2007 versus 0,30% en 2005 - en Guadeloupe : 0,8% en 2007 versus 0,45% en 2005
PATHOGENESE DES FORMES GRAVES DE LA DENGUE Rôle de l'hôte infecté : le phénoméne de facilitation immunologique (réinfection par une souche virale hétérologue). Mais, un malade qui rencontre pour la première fois un virus de la dengue peut faire une forme grave. Rôle des virus : la théorie des souches virales plus virulentes (facteurs de virulence propres à la souche virale nouvellement introduite ou mutée). Dans les Caraïbes, le sérotype DEN-2 est généralement à l'origine des formes graves et des décès. Rôle des moustiques : rôle mal précisé, mais les épidémies de DH aux Amériques ont coïncidé avec un envahissement massif des pays par Ae. aegypti (épidémie de Cuba de 1991, due au DEN-2).
EVOLUTION DES EPIDEMIES DE DENGUE AUX ANTILLES-GUYANE Passage de l'endémo-épidémicité vers des épidémies extensives avec formes graves et l'hyperendémicité comme en témoignent : - la circulation des quatre sérotypes du virus DEN - l'augmentation du nombre de cas en période inter-épidémique - l'augmentation des cas graves : - en Martinique : 1,2% en 2007 versus 0,30% en 2005 - en Guadeloupe : 0,8% en 2007 versus 0,45% en 2005
Ae. aegypti Ae. albopictus Vecteur majeur de la dengue, anthropophile, transmission verticale Vecteur potentiel de la dengue, anthropophile, plastique, transmssion verticale
LE CONTEXTE D'EMERGENCE ET DE REEMERGENCE DES ARBOVIROSES La dengue n'est pas la seule arbovirose à avoir émergé, puis réemergé en zone intertropicale. D'autres arboviroses transmises par les moustiques sont caractérisées par leur extension géographique et la survenue de formes graves : - la Fièvre jaune, - l'Encéphalite japonaise, - la Fiévre de la Vallée du Rift, - l'infection à virus West-Nile ou Fièvre du Nil occidental, - l'infection à virus Chikungunya, toutes deux responsables de syndromes aigus fébriles (syndromes dengue-like)
L'INFECTION A VIRUS WEST-NILE Le virus West-Nile, flavivirus isolé en Ouganda en 1937, a fait parler de lui à partir de 1951 : encéphalites en Israël. Le cycle est différent de celui de la dengue : oiseaux - moustiques du genre Culex - hommes et chevaux (en impasses épidémiologiques). La répartition géographique est très vaste : Afrique, Madagascar, Europe (y compris le sud de la France), Moyen Orient, Inde avec, depuis plus de 20 ans, des épidémies d' encéphalites et d'autres formes graves (hépatites, paralysies flasques aiguës, syndrome de Guillain-Barré). Le vius West-Nile a émergé à New York en 1999 et a envahi les Etats Unis, le Canada, l'Amérique centrale et du sud, les Caraïbes ( Guadeloupe, 2002). Il a causé entre 1999 et 2006 aux Etats-Unis 23 974 infections dont 9 849 formes graves (encéphalites) et 962 décès.
Infection à virus Chikungunya Le virus Chikungunya est un alphavirus transmis par un moustique du genre Aedes, isolé en Tanzanie en 1952-53, puis épidémies propagées par Ae. aegypti en Afrique et en Asie. Cycle épidémiologique comparable à celui de la dengue. Extension vers l'Océan indien à partir du Kenya en 2005-2007 : Comores, Mayotte, Maurice, Seychelles, La Réunion, Madagascar, Maldives, Sri Lanka, Inde, Indonésie : épidémie propagée par Ae.aegypti, puis par Ae. albopictus. Emergence de formes graves décrites d'abord à La Réunion : encéphalites, syndromes de Gullain-Barré, hépatites, éruptions bulleuses chez l'enfant, transmission mére-enfant avec encéphalites chez le nouveau-né. Neuf cas dans les DFA en 2006 en provenance de l'Océan indien, pas de cas secondaire.
COMMENT EXPLIQUER L'EMERGENGE ET LES REEMERGENCES DES ARBOVIROSES? Augmentation du trafic aérien international et rapidité des transports Importance du volume des échanges commerciaux internationaux et diversité des produits transportés Accroissement continu de la population mondiale Urbanisarion galopante et anarchique Instabilité génétique des virus Changements climatiques
EPIDEMIE DE CHIKUNGUNYA EN ITALIE De juillet à septembre 2007 : 205 cas confirmés dans la région de Ravenne en Italie du nord-est à partir d'un cas importé de Kérala en Inde par voie aérienne Aedes albopîctus a été introduit en Italie en 1975 par le commerce des pneumatiques usagés
MUTATION DU VIRUS CHIKUNGUNYA Au cours de l'épidémie de La Réunion, mutation A226V du virus Chikungunya : l'infectivité de la souche V226 est supérieure à celle observée avec les souches A226 suggérant que l'évolution du virus avait pu contribuer à l'adaptation au moustique vecteur et expliquer l'ampleur de la transmission
CHANGEMENTS CLIMATIQUES Conséquences du réchauffement planétaire sur les vecteurs : - accélération du développement de l'oeuf vers l'adulte, - modification de leur répartition géographique. En Europe : - recolonisation de l'île de Madère par Ae. aegypti, - extension de la colonisation du sud de l'Europe par Ae. albopictus, moustique plastique et expansionniste.
Aedes albopictus en Europe, 2007 ecdc, meeting report, Paris, 22 octobre 2007
Possible extension d'Aedes albopictus en Europe ecde Possible extension d'Aedes albopictus en Europe ecde.meeting report, Paris, 22 octobre 2007
LES ARBOVIROSES EN FRANCE METROPOLITAINE West-Nile : reveil du West-Nile dans le sud après 35 ans de sommeil : chevaux (2000 et 2004), humains (2003). Dengue: corridor d'importation d'ouest en est à partir des DFA (234 cas en 2006); pas de cas secondaire. Chikungunya : corridor d'importation d'est en oueste (784 cas en 2006) à partir de l'Océan indien; pas de cas secondaire. Risque permanent de cas secondaires pour la dengue et le Chikungunya par la présence d'Ae. albopictus dans quatre départements du sud de la métropole. La dengue et le Chikungunya sont des maladies à déclaration obligatoire obligatoire en métropole depuis le 15/07/2006.
Remerciements au Professeur Claude Chastel, Membre correspondant de l'Académie de Médecine.