Histoire de l’URSS 1917-1991
Premier cours : De Nicolas II à Lénine (1900-1917) 1 – Que fut l’URSS ? 2 – La Russie au début du XXe siècle. 3 – De février à octobre 1917. 4 – La « révolution populaire et socialiste d’octobre ».
1 – Que fut l’URSS ? 22 millions de kilomètres carrés 285 millions d’habitants (1990) 15 républiques fédérées 189 peuples Première puissance nucléaire mondiale (en nombre de vecteurs – 16 000) Première puissance conventionnelle (en hommes – 2 millions (1987))
Communisme, socialisme, soviétisme ? Aucun dirigeant soviétique n’a prétendu que l’URSS était communiste. Au mieux, elle fut au stade du « socialisme développé » Selon Marx, le communisme ne peut s’établir que si les bases productives le permettent, et seule la révolution bourgeoise peut le faire.
- Alors socialisme ? Pas au sens habituel du terme. Ce n’est pas la société qui était propriétaire des moyens de production, mais l’État tentaculaire et son parti. Mais il y avait une bonne distribution de la richesse (pour 95% des gens, l’autre 5%, la nomenklatura, vivait dans un autre monde.) C’est pourquoi il faut parler de « soviétisme » : aucun autre terme connu ne peut décrire la réalité de l’économie soviétique.
Dictature du prolétariat, totalitarisme, autoritarisme ? Le premier de ces termes est purement fictif : le prolétariat n’a jamais dirigé l’URSS, malgré une réelle mobilité sociale. Totalitarisme : né au début du XXe siècle, le concept a été par la suite défini par Hannah Arendt et Raymond Aron, entre autres. Il n’est pas univoque. Seul le stalinisme triomphant peut s’apparenter vaguement au totalitarisme.
Pour les autres périodes de l’histoire soviétique, la société civile demeure trop active pour que l’on puisse utiliser le terme. Autoritarisme convient donc mieux, bien qu’il soit aussi très vague. S’agissant d’un phénomène nouveau dans l’histoire, on parlera donc d’un « autoritarisme de modèle soviétique ».
2 – La Russie au début du XXe siècle 2.1 – Géographie et démographie 2e superficie, derrière l’empire britannique. Territoire difficile à défendre, d’où la plus grande armée du monde 185 millions d’habitants (3e place dans le monde) Grande variété ethnique, linguistique et religieuse
L’empire russe en 1913
Croissance de la population (1897-1914)
Composition ethnique de l’empire en 1914
Grande disparité aussi dans les modes et le niveau de vie : l’ouest se compare à l’Europe, alors que la Sibérie ou encore l’Asie centrale sont très pauvres. Malgré tout, peu de mouvement nationaux, à l’exception de l’ouest (Pologne et Finlande).
2.2 – Économie - PIB : 16,4 milliards de roubles (7,4 % du PIB mondial) ; 4e rang mondial. Croissance très élevée : 7% par année entre 1908 et 1916. Valeur de la production industrielle : 5,7 milliards de roubles (5e rang mondial). Chemins de fer : 79 000 kilomètres (2e rang mondial)
Mais pour d’autres indicateurs (revenu par habitant et productivité), le pays est très en retard. Économie agraire : 51% du PNB ; industrie 28 %. Majoritairement rural : 30 millions d’urbains (18 % de la population). Faible alphabétisation : 20 % de la population ; 30% des enfants fréquentant l’école. Bref, pas encore un État industriel.
Répartition du PNB par secteur
Taux d’alphabétisation (1897)
Particularités de l’économie russe : Rôle prépondérant de l’État, surtout dans l’industrie militaire. Valeur des entreprises d’État : 800 millions de roubles en 1900 ; 2 milliards en 1913. Forte présence de capitaux étrangers (40% des investissements) : capital privé national insuffisant ; importance des dépenses de l’État.
Part des dépenses liées à l’appareil d’État dans l’ensemble du budget
Capitaux étrangers en Russie (1914)
2.3 – Situation politique Autocratie : concentration des pouvoirs politiques, économiques et religieux dans les mains de l’empereur. Quelques organes de pouvoir (Conseil d’État, Saint-Synode, Sénat, etc) contrôlés directement par l’empereur. Très peu d’institutions représentatives, de libertés ou de droits démocratiques
L’empereur Nicolas II Romanov (1868-1918)
Structure de l’État
2.4 – Société L’industrialisation entraîne des changements dans la structure sociale, en fonction des réalités économiques. Bourgeoisie : 400 000 personnes (0,2%), mais classe très active, concentrée à Piter et Moscou et dans quelques autres centres. Elle est organiquement liée à la noblesse terrienne
Prolétariat : 13 millions de personnes, concentrées dans les capitales et dans les grands centre de l’Oural, où ellles travaillent dans de gigantesques usines. Liés organiquement à la paysannerie. Leurs conditions de vie sont très difficiles : journée de travail de 12 heures, salaires faibles, conditions de logement pénibles, etc. Les syndicats sont interdits.
- Noblesse terrienne : plus puissante politiquement que la bourgeoisie parce que proche du pouvoir. Principale force économique du pays : la valeur des terres du pays est de 60% plus élevé que la valeur des entreprises par actions. Mais le secteur agricole n’est pas rentable : en 1905, à peine 3% des exploitations sont automatisées
Paysannerie : elle forme toujours la grande majorité de la population, et la moins bien protégé. L’abolition du servage a entraîné une stratification sociale de cette classe : koulaks (petits propriétaires), paysans sans terres, batraki (employés agricoles) C’est la manque de terre qui, en poussant les paysans vers les villes, va favoriser l’apparition du prolétariat.
3 – De février à octobre 3.1 – Insurrection 18 février : grève des usines Poutilov 23 février : le mouvement s’amplifie, les femmes réclament du pain et la fin de la guerre. À partir du 25, les revendications deviennent politique : « À bas l’autocratie »
Le 25, Nicolas ordonne, en vain, de mater la rébellion Le 25, Nicolas ordonne, en vain, de mater la rébellion. Le 26 la garnison de Petrograd se range du côté des insurgés. Nicolas, après avoir proposé le 26 la constitutionnalisation du système, se rend aux argument de ses proches et abdique le 2 mars. Deux institutions prennent la relève : le gouvernement provisoire et les soviets.
3.2 – Le double pouvoir Le gouvernement provisoire va tout au long de l’année perdre l’initiative devant les Soviets, beaucoup plus radicaux. Même si le GP se radicalise aussi (plus de place aux socialistes), les Soviets le font plus rapidement (ex : Ordre 1), dominés bientôt par les bolcheviques. Exemples : la question de la guerre et la réforme agraire
3.3 – Lénine et les thèses d’avril Le 3 avril, Lénine revient d’exil. Il publie alors les thèses d’avril que l’on peut résumer par le slogan : « Tout le pouvoir aux soviets ! » Au plan économique, il est question de nationalisation des banques, des terres agricoles et de l’instauration d’un contrôle ouvrier sur les usines.
Vladimir « Lénine » Ilitch Oulianov (1870-1924)
3.4 – Les crises d’avril, juin et juillet Pendant ce temps, le GP tergiverse et perd de son autorité. Avril : les dissensions autour de la question de la guerre ouvrent la voie à l’entrée de socialistes au GP. On tente ainsi de discréditer ces derniers. Juin : le Premier congrès panrusse des soviets, dominés par les SR, appui le GP, les bolcheviques descendent dans la rue : 500 000 personnes manifestent.
2 Juillet : démissions des ministres libéraux. 4 juillet : une manifestation dirigée par les bolcheviques dégénère (700 victimes). Lénine est accusé de trahison et les bolcheviques passent dans la clandestinité. Formation d’un nouveau gouvernement, dirigé par Kerensky. Tout cela accroît la popularité des radicaux
Alexandre Federovitch Kerensky (1881-1970)
3.5 – Kornilov Le 18 juillet, Kerensky nomme un certain Kornilov commandant en chef, pensant pouvoir le manipuler. Mais un mois plus tard, Kornilov entreprend de s’emparer du pouvoir. Il marche sur la capitale avec des hommes fidèles. Paniqué, Kerensky fait appel à la Garde rouge des bolcheviques pour s’opposer au général. Le non-affrontement à lieu le 30 août. Les bolcheviques l’emportent, ce qui accroît encore leur popularité.
Membres du parti bolchevique en 1917
4 - La « révolution populaire et socialiste d’octobre ». 4.1 – La prise du pouvoir 10 octobre : Lénine, alors en Finlande, parvient à convaincre que le temps est venu de prendre le pouvoir par la force. Le 12, le Comité Révolutionnaire de Petrograd (CRP), dirigé par Trotski, est mis en place. Le 22 octobre, le CRP s’assure de la sympathie ou de la neutralité des garnisons.
Lev « Trotski » Davidovitch Bernstein (1878-1940)
La « révolution » d’octobre débute le 24 La « révolution » d’octobre débute le 24. Le CRP s’empare des principaux points stratégiques de la ville : ponts, gares, etc. Tout cela presque sans violence. Au 25, toute la ville est aux mains des bolcheviques, sauf le Palais d’hiver, lequel tombe à son tout au matin du 26, consécutivement à l’assaut. Bilan de toute l’opération : une dizaine de morts
Putsch ou révolution ? C’est évident… 3.2 – Pourquoi octobre ? Putsch ou révolution ? C’est évident… Malgré tout, les bolcheviques sont alors très populaires dans les villes, de sorte que le putsch jouit d’un véritable soutien. Les causes de ce succès : Absence de tradition démocratique Double pouvoir La guerre Lénine lui-même