Baruch Spinoza Xème partie
Traité théologico-politique 1677 Les superstitions, ennemies de la raison. Spinoza veut combattre les superstitions. Il explique que les hommes ne comprennent pas certains éléments naturels et les nomment « prodiges ». Ils pensent y voir l’expression de la colère de Dieu, son ressentiment à l’encontre de leurs fautes. En fait, la nature ne serait que le miroir d’eux- mêmes, de leurs actes et de la réaction divine à leur encontre.
« Sont-ils témoins de quelque phénomène extraordinaire et qui les frappe d’admiration, à leurs yeux c’est un prodige qui annonce le courroux des dieux, de l’Être suprême ; et ne pas fléchir sa colère par des prières et des sacrifices, c’est une impiété pour ces hommes que la superstition conduit et qui ne connaissent pas la religion. Ils veulent que la nature entière soit complice de leur délire, et, féconds en fictions ridicules, ils l’interprètent de mille façons merveilleuses. » r
La superstition est la marque de l’impuissance humaine à comprendre la nature mais c’est aussi l’expression de la paresse des hommes qui refusent de chercher à connaître les causes des événements, des choses. Ils ont pris l’habitude d’implorer Dieu au lieu d’agir par eux-mêmes. Ils se méfient peut-être de ceux qui réfléchissent parce qu’ils ne peuvent les comprendre et ils préfèrent écouter des augures leur lire l’avenir dans les entrailles des animaux.
« On voit par là que les hommes les plus attachés à toute espèce de superstition, ce sont ceux qui désirent sans mesure des biens incertains ; aussitôt qu’un danger les menace, ne pouvant se secourir eux-mêmes, ils implorent le secours divin par des prières et des larmes ;
la raison (qui ne peut en effet leur tracer une route sûre vers les vains objets de leurs désirs), ils l’appellent aveugle, la sagesse humaine, chose inutile ; mais les délires de l’imagination, les songes et toutes sortes d’inepties et de puérilités sont à leurs yeux les réponses que Dieu fait à nos vœux.
Dieu déteste les sages. Ce n’est point dans nos âmes qu’il a gravé ses décrets, c’est dans les fibres des animaux. Les idiots, les fous, les oiseaux, voilà les êtres qu’il anime de son souffle et qui nous révèlent l’avenir. »