SEMIOLOGIE DES TROUBLES DE LA CONSCIENCE DE SOI ET DU VECU CORPOREL Pr Mamadou Habib THIAM Psychiatre des Hôpitaux Universitaires
Généralités La conscience de soi peut être altérée par : l'existence de troubles instrumentaux tels que les troubles du schéma corporel, de nombreux syndromes psychiatriques pouvant se traduire par un trouble de la perception de sa propre personne, de l'existence intime de soi-même et de ses limites, de l'identification de soi et de l'autre, de sa propre réalité...
Les troubles du schéma corporel La somatognosie La somatognosie correspond à la perception par un individu des caractéristiques spatiales de son propre corps. Il s'agit d'une perception consciente, limitée, structurée et construite à partir des informations sensorielles passées et présentes.
Les troubles du schéma corporel Asomatognosie ou hémiasomatognosie L’asomatognosie ou hémiasomatognosie est parfois consciente, le malade indique que la perception d'un hémicorps est perdue ou anormale. Plus souvent inconsciente, le malade se comporte alors comme si tout un hémicorps n'existait plus ; Il ne reconnaît pas les segments corporels comme lui appartenant.
Les troubles du schéma corporel Anosognosie pour une hémiplégie (syndrome d'Anton-Babinski) Le malade n'a pas conscience de son hémiplégie et la nie lorsqu'on la lui fait remarquer. Il peut recourir à des fabulations pour argumenter ses dénégations.
Les troubles du schéma corporel L’anosodiaphorie L'anosodiaphorie est une simple indifférence au déficit hémiplégique. Le Syndrome de Gerstmann Il associe agnosie digitale, acalculie, confusion droite-gauche et agraphie. L’autotopoagnosie C’est l’impossibilité de localiser ou de dénommer les différentes parties de son corps ou de celui de l'examinateur.
Les troubles du schéma corporel L’asymbolie à la douleur C’est une réaction insuffisante, absente ou inappropriée aux stimuli nocifs. Alors que les sensations élémentaires sont normales, le comportement du patient révèle qu'il n'attache aucune signification aux stimulations douloureuses.
Les troubles du schéma corporel Les hallucinations ou illusions corporelles (+++++) Dans ce cas le membre peut être ressenti comme très léger, aérien (hyposchematia) ou peut être ressenti comme lourd et gros (hyperschematia) ; Sensation de transformation ou de déplacement corporel ; Perception d'un membre surnuméraire et doué de mobilité ; Modification soudaine de la forme, de la taille, du volume d'une partie du corps (syndrome d'Alice au pays des merveilles).
Les troubles du schéma corporel Sensation de "membre-fantôme" C’est une illusion fréquente chez les amputés, caractérisée par l'impression d'avoir encore le membre qui a pourtant été amputé et dont les afférences sensitives ont été interrompues, Cette conviction illusionnelle de la permanence du membre est associée à la sensation que le membre empreinte une posture déterminée par rapport au corps et l'impression d'un mouvement ou de l'appui.
Les troubles du schéma corporel Les cénesthopathies (+++++) Ce sont des troubles de la sensibilité profonde, se traduisant par des sensations étranges, pénibles plus que douloureuses, des impressions de modification des formes, des volumes, des consistances des parties situées à l'intérieur du corps et faisant l'objet d'une description sans rapport avec la réalité anatomique. Dans ce cadre on décrit des hallucinations cénesthésiques intéressant la sensibilité interne ; Par exemple : conviction d'un cœur ne battant plus, d'un estomac en pierre, d'un animal se déplaçant à l'intérieur de son thorax, etc.
La depersonnalisation Trouble de la conscience de soi caractérisé par le sentiment de n'être plus soi-même. Ce vécu angoissant et pénible peut concerner sa propre intégrité psychique (désanimation), sa propre intégrité corporelle (désincarnation), ou constituer une perte du sentiment de réalité et de familiarité (déréalisation).
L'hypocondrie Estimation péjorative de l'état d'intégrité ou de santé de son corps. Les manifestations peuvent être sous la forme de cénesthopathie simple ou de préoccupations obsédantes ou anxieuses, ou peuvent relever parfois d'une thématique délirante.
La dysmorphophobie Préoccupations morbides concernant l'apparence corporelle. Conviction de disgrâces corporelles, douloureuses, angoissantes à l'origine d'une appréciation fausse et péjorative de l'image d'une partie ou de l'ensemble de son corps. La préoccupation obsédante de la dysmorphophobie ou dysmorphesthésie porte sur un aspect du corps (taille, pilosité, forme du nez, oreille...) que le sujet estime laid et inacceptable.
LA DYSMORPHOPHOBIE Elle entraîne une demande de soins et de chirurgie esthétique. Les parties corporelles le plus souvent concernées sont le visage, notamment le nez, le menton, les mâchoires, les oreilles mais aussi le poids et les seins chez la femme, la taille et le sexe chez l'homme.
La dysmorphophobie Les symptômes associés sont fréquemment : des difficultés relationnelles, une tendance à l'évitement des contacts sociaux, le repli sur soi, l'isolement, l'anxiété, une tendance dépressive avec péjoration du présent et de l'avenir, autodépréciation, sentiment de honte, sentiment d'hostilité et de malveillance.
Le vécu délirant Troubles du vécu corporel pouvant être liés aux troubles de la perception d'un syndrome délirant. Les hallucinations psychosensorielles, en particulier visuelles et cénesthésiques, peuvent participer à la conviction délirante de transformation corporelle, déformation, anéantissement, éclatement, dépossession, etc.
Le vécu délirant La thématique délirante peut aussi être en rapport avec l'altération du vécu corporel : par exemple les thèmes de négation d'organe et les thèmes d'énormité dans le syndrome de Cotard du mélancolique. Le sentiment du dédoublement exprimé par le sentiment d'être un spectacle pour soi-même parfois associé aux hallucinations héautoscopiques (vision du double), etc.
Le vécu dissociatif Syndrome de dissociation relevant de la perte de l'unité du Moi, qui s'éprouve alors comme scindé, divisé, disloqué et non plus comme instance unificatrice de la personne. Ce syndrome est souvent à l'origine d'une angoisse dite de morcellement, pouvant se révéler par la dépersonnalisation.
Le vécu dissociatif Dans ce cas l'angoisse de séparation, de néantisation, de morcellement est particulièrement intense et peut conduire à des gestes et des attitudes témoignant du vécu morcelé, comme par exemple les longues stations devant la glace (signe du miroir) où la vision de son image dans le miroir a valeur de réassurance confirmant d'une certaine façon son unité perdue.
Le vécu dissociatif De la même façon, le doute sur la cohésion des limites corporelles, l'impression de transformation de parties de son corps sont à l'origine de vérification itératives par la vue, le palpé, ou la demande de réassurance à un tiers.
Le vécu dissociatif Les troubles du vécu corporel peuvent se révéler dans le propos du patient, par exemple une patiente dissociée exprimant des idées suicidaires en ces termes : « Je vais me tirer une balle dans le dos. »
FIN