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Portrait de Madame de Pompadour
Pastel et gouache 1,77m x 1,36m Musée du Louvre Paris par Maurice Quentin de La Tour (1751)
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Jeanne Antoinette Poisson, alors âgée de 30 ans, est devenue 6 années auparavant la favorite du roi Louis XV . Ce qui cause scandale, ce n’est pas sa position de maîtresse officielle du monarque (après tout, il en a eu d’autres) mais sa naissance bourgeoise, et son éducation des Lumières. Cependant, elle a justement su charmer le roi par son esprit et sa culture, autant que par sa beauté. Celui-ci l’a faite « marquise de Pompadour » et la laisse régner sur son cœur et sur les arts de la cour. Dotée d’un grand goût et d’un sens artistique sûr, c’est tout naturellement qu’elle se tourne vers de la Tour pour faire réaliser son portrait. Quentin de la Tour ( ) est déjà au somment de son art lorsqu’il réalise le portrait de Madame de Pompadour. Reçu à l’Académie Royale de peinture en 1737, il réalise de nombreux portraits de bourgeois parisiens et de membres de la noblesse dans les années La technique du pastel, oubliée alors, et son habileté à faire ressortir la personnalité de ses modèles dans leur portrait, font sa renommée.
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1. Dimensions et fabrication du portrait.
Le pastel étant souvent réalisé sur de petites feuilles, l’artiste a été obligé de coller 8 d’entre elles ensemble. C’est leur fond bleuté qui donne au tableau final sa teinte si spécifique. Leur assemblage met particulièrement en valeur le visage de la marquise, ce qui est après tout l’objectif principal d’un portrait… Mesurant 1,77 m de hauteur pour 1,36 m de largeur, le portrait est dit « à taille réelle » parce qu’il se présente au spectateur comme si la marquise était réellement assise devant lui. Ainsi, une fois le tableau accroché au mur, le visage de Jeanne Antoinette se trouve au niveau de celui du spectateur, créant un effet d’intimité et de proximité avec le modèle. Quentin de la Tour utilise en effet un procédé courant à l’époque, et qui préfigure notre « 3D » moderne: le spectateur est projeté « au cœur » de l’œuvre.
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2. Composition du portrait: les lignes de force.
de la Tour choisit une composition pyramidale qui met elle aussi en valeur le visage de la marquise. Ainsi placés au sommet d’une pyramide dont la base est formée par le tapis et le corps par la robe, les traits de Madame de Pompadour se détachent sur le fond bleuté de la boiserie. Le relief du portrait est obtenu par la position du tapis sous les pieds de Madame de Pompadour. Les motifs bleutés guident l’œil vers la robe de la marquise dont ils rappellent les arabesques. Un mouvement gauche / droite est introduit par le drapé qui se trouve à l’arrière-plan… Ensuite, l’axe vertical du tableau passe précisément par l’œil gauche du modèle, soulignant le mouvement de la tête déjetée vers la droite. On obtient ainsi un effet jugé charmant à l’époque, comme si la marquise, dérangée dans sa lecture, tournait la tête vers l’objet de sa curiosité. Le spectateur a ainsi l’impression de la surprendre dans son salon, à l’improviste. … prolongeant l’arrondi du bras du modèle et trouvant un écho dans la forme du cadre du tableau accroché au mur derrière le bureau
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3. Un portrait politique. Les deux ouvrages suivants sentent davantage le souffre: l’Esprit des Lois, de Montesquieu a été écrit en 1749 et interdit dès l’année suivante car son auteur y réclame un contrôle du roi par le peuple. Le tome IV de l’Encyclopédie vient de paraître et sera interdit l’année suivante parce que nombre de ses articles critiquent le roi, la noblesse et le religion chrétienne. Maîtresse d’un souverain, Madame de Pompadour est représentée dans une splendide robe « d’indienne », du nom d’un tissu richement brodé originaire des comptoirs français d’Inde. Le globe terrestre, bien visible à l’arrière-plan, est centré sur la France. Le message est clair: maîtresse d’un roi et femme possédant une éducation politique, la marquise entend participer à la grandeur de la France en conseillant le souverain. C’est d’ailleurs à partir de 1751 qu’elle se mêle de plus en plus des affaires du royaume, engageant notamment la France dans la Guerre de Sept Ans. La marquise n’est ni inconsciente, ni ingrate envers le roi en soutenant des hommes qui le critiquent. Elle démontre ainsi son esprit supérieur: elle est capable de reconnaître la justesse des avis de ces philosophes, même si ce qu’ils disent est dérangeant. De plus, Madame de Pompadour prouve qu’elle leur reste fidèle même s’ils traversent des épreuves difficiles. Elle est en cela une authentique représentante de l’esprit des Lumières. En bonne place sur le bureau, La Henriade, écrite en 1728 par son ami Voltaire. Si le philosophe est chassé de France parce qu’il critique la monarchie absolue, l’œuvre célèbre Henri IV, fondateur de la dynastie des Bourbons et ancêtre de Louis XV. L’hommage est donc audacieux, mais habile. Cependant, en femme cultivée, Jeanne Antoinette n’oublie pas qu’elle est née « Poisson », et bourgeoise. De son éducation, peu courante chez une femme de son époque, et mal vue par les courtisans, elle va faire un atout de premier choix. Elevée pour apprécier les arts, la politique et pour savoir utiliser son esprit autrement qu’à des ouvrages superficiels « de dame », la marquise est l’amie des philosophes et entend bien le proclamer à la face du monde. Aussi se fait-elle représenter dans une petite pièce intime, son boudoir, accoudée à son bureau chargé de livres, porte-documents, partitions et objets d’arts. Le désordre n’y est qu’apparent, et la composition en est savamment orchestrée pour donner une impression de joyeux capharnaüm. Il n’en est rien. Chaque chose est à sa place et véhicule un message politique subtil.
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4. Un portrait de sensibilité: la marquise, amie des arts.
Madame de Pompadour n’est pas qu’une « tête politique ». Elle a aussi le goût des arts et manifeste également des talents personnels dans de nombreux domaines. Autre habile allusion glissée par de la Tour, le carton à dessins au pieds de Jeanne Antoinette. Il porte, de manière ostensible, les nouvelles armes que son royal amant lui a accordées avec son titre de marquise: d’azur aux trois tours maçonnées de sable. Très fière de son anoblissement, la marquise de Pompadour fait figurer ses armes sur ses carrosses, ses hôtels particuliers et ses maisons de campagne, les reliures de ses livres, etc… Tout artiste se devant également de produire quelque chose de ses mains, Madame de Pompadour manifeste un vif intérêt pour la gravure des pierres précieuses et semi-précieuses. Le traité de gravure visible sous la partition est là pour le rappeler. De même, la planche illustrée montre-t-elle la marquise à l’œuvre : « Pompadour fecit. Représentation de la situation qui est la gravure de pierre fines et ses divers instruments ». Un geste courtisan que celui-ci, car la Pompadour certes grave elle-même, mais n’a jamais écrit de traité enseignant cet art… … et les tours de la noble Pompadour remplacent peu à peu, dans l’esprit du public, le poisson de la roturière Jeanne Antoinette. Son frère n’aura pas de ces fausses hontes, et même devenu marquis de Marigny, portera fièrement sur son blason les poissons symbolisant son patronyme. Passionnée de théâtre, et ne dédaignant pas monter elle-même sur les planches pour amuser son royal amant, la marquise apprécie les oeuvres de Guarini, dont le Pastor Fido (le « Berger Fidèle ») vient de remporter un franc succès dans le public.
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5. La musique, une présence évidente et discrète à la fois.
Enfin, la marquise de Pompadour pose en musicienne. Le livre qu’elle feuillette négligemment est en réalité une partition, et derrière elle on aperçoit une guitare, son instrument préféré. Madame Adélaïde, peinte par Nattier en train de faire du solfège. Madame Henriette, jouant de la basse de viole (l’ancêtre du violoncelle). Madame Sophie, par Drouais, le grand rival de Quentin de la Tour, en train de chanter. Elle est donc ici une familière de tous les arts: ceux de l’esprit (philosophie), ceux de l’éloquence (théâtre) et les arts manuels (gravure) parmi lesquels le XVIIIème siècle range la musique. Enfin Madame Victoire, avec sa harpe. Toutes 4 sont réputées s’adonner « avec fureur » (c’est le terme employé par les courtisans) à la musique. Sa position privilégiée à la cour et dans le cœur du roi en fait une protectrice naturelle des arts. C’est aussi un moyen pour la marquise de marquer son appartenance, même illégitime, à la famille royale car celle-ci apprécie particulièrement la musique et Mesdames, filles de Louis XV, sont d’excellentes concertistes. Mozart leur a même dédié des pièces et elles posent fréquemment en compagnie d’instruments.
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6. Le pastel, une technique qui donne un aspect délicat au portrait.
Le pastel est une technique sèche de dessin. De l’argile broyée est mêlée à des poudres de couleurs, un liant (en l’occurrence de la gomme arabique) et une terre destinée à donner de la consistance à la préparation. Le tracé du pastel se caractérise par un aspect poudreux et velouté. C’est sa nature granuleuse qui, en provoquant la réfraction de la lumière, lui donne un éclat particulier. Il offre à la fois la polychromie du trait (sous forme de hachures ou de touches fines), et la coloration des surfaces par frottis et estompage (au doigt ou au chiffon).
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7. Coloris, éclairage et mise en valeur de l’œuvre.
Quentin de la Tour choisit pour son pastel des tons bleutés qui s’harmonisent parfaitement ensemble: Bleu de la feuille. Bleu du tapis. Bleu des petites fleurs brodées sur la robe. Bleu des boiseries derrière la marquise. Bleu des reliures de la partition et des porte-documents. L’effet final adoucit les traits de la marquise et donne une ambiance quasi aquatique à l’ensemble. La luminosité générale n’en est pas affectée: la silhouette de la marquise, éclairée par la gauche du tableau, se détache sur le fonds plus sombre.
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8. Conclusion. En faisant réaliser son portrait par Maurice Quentin de la Tour, Madame de Pompadour se fixe 3 objectifs: 1. Donner d’elle une image agréable, rafraîchissante et poétique. L’effet est obtenu par l’utilisation du pastel et le talent de l’artiste. Après tout, elle est une femme coquette qui veut être à son avantage. . 2. S’afficher en amatrice éclairée des Lumières. Amie des philosophes (Voltaire, Rousseau, Montesquieu), elle approuve leurs idées et leur fait de la publicité en posant leurs ouvrages bien en vue sur son bureau. En tant que maîtresse royale, elle peut influer sur leur destinée et l’image que le public a d’eux. 3. Enfin, montrer qu’elle apprécie et maîtrise personnellement tous les arts d’agrément: peinture, sculpture, musique. Il s’agit donc à la fois d’un portrait personnel et politique. C’est la première fois dans l’histoire qu’une maîtresse royale affiche ouvertement ses idées politiques et sa volonté de protéger les arts et les lettres.
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Madame de Pompadour, ou la maîtrise de l’image publique
3. Enfin, lorsque vient la quarantaine, l’image s’assagit encore. 2. Ensuite, ses relations avec le roi se modifient. 1. Au début de sa liaison avec le roi, elle a 24 ans. Le dernier portrait de Madame de Pompadour la représente assise à son métier à broder. Jeanne Antoinette a maintenant quarante ans passés, elle a renoncé à séduire et a le regard grave. La tête couverte d’une mantille de dentelle, engoncée dans une robe de satin à grands ramages, elle n’a plus rien de sensuel et le message est clair : Madame de Pompadour n’est plus maîtresse du roi, mais ce dernier lui a gardé toute sa confiance. Les livres sont toujours là, mais à l’arrière-plan à droite, comme dissimulés. Geste significatif, elle choisit Drouais, peintre « sage », pour cet ultime portrait. Il ne sera achevé qu’après la mort de la marquise. Au tournant de la trentaine, en pleine maturité, elle revendique une image plus sage, plus posée. La marquise s’entoure alors de livres, d’œuvres d’art et montre qu’elle a du goût. De maîtresse, elle devient peu à peu confidente, amie et conseillère politique…c’est dans ce nouveau rôle que Maurice Quentin de la Tour choisit de l’immortaliser. Elle se fait peindre par François Boucher, spécialisé dans les scènes légères, voire coquines. La marquise pose dans une tenue voyante, rose bonbon, couverte de volants, de dentelles et de bijoux. C’est l’image d’une jeune femme insouciante et fière de sa beauté, qui s’étourdit en fêtes, bals et spectacles. Maîtresse royale, elle est là pour divertir le souverain… et cela se voit. Jeanne Antoinette Poisson, marquise de Pompadour, est la première femme de l’entourage royal à comprendre que l’image qu’elle donne d’elle-même influence le public sur l’opinion qu’il a d’elle.
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Pour aller plus loin: Enfin, les passionnés d’histoire des arts consulteront le site web du Musée du Louvre avec intérêt, car il propose d’autres clés de lecture pour toutes ces œuvres et en analyse d’autres avec un grand sens pédagogique. 1. On peut comparer le portrait de Madame de Pompadour, par Quentin de la Tour, avec le portrait de la reine Marie Lescsinzka par Van Loo, lui aussi daté de 1751. La souveraine, épouse légitime de Louis XV, a une posture semblable à la marquise, mais son coude est posé sur les évangiles et sa robe est très simple. La reine y apparaît avait tout en chrétienne, loin de l’image philosophique (donc scandaleuse) de la maîtresse royale. 1. On analysera également avec profit le portrait de la dauphine Marie Josèphe de Saxe, belle-fille de Louis XV, avec son fils le duc de Bourgogne. Ce portrait, par de la Tour, étant resté à l’état d’esquisse suite à la mort prématurée du duc, permet de bien analyser les aspects techniques du pastel: douceur des modelés, finesse des traits, aspect granuleux des couleurs…
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