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Publié parThéo Vincent Modifié depuis plus de 9 années
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La bonne foi dans les relations contractuelles
Conférence formation, Université McGill Michelle Cumyn Professeure titulaire, Université Laval
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La bonne foi, « bonne à tout faire »?
Expansion considérable de la bonne foi en droit québécois depuis 1990 (BNC c. Houle). Outil de « moralisation » des relations contractuelles. Source d’obligations et de devoirs nouveaux; de recours autonomes. Comment parvenir à cerner cette notion, afin de rendre son application prévisible pour les parties? Le Code civil du Québec ayant par la suite consacré cette notion aux articles 6, 7 et 1375. Les auteurs et les juges reprennent souvent cette idée d’une moralisation des relations contractuelles. Je ne suis pas favorable à cette description du rôle de la bonne foi. Je crois qu’il faut faire preuve d’un peu plus de rigueur. Il est trop facile d’invoquer la bf dès qu’un comportement nous semble incorrect ou une situation injuste. À l’occasion de recherches dirigées, j’ai aussi remarqué que les étudiants font un usage abusif de la bonne foi; ils manquent de repères dans l’utilisation qu’ils font de cette notion. Dans une large mesure, la bonne foi s’insère dans les règles et recours existants du droit des obligations, dont elle enrichit le contenu et dont elle permet le développement. Mais il arrive aussi que la bonne foi soit à l’origine de devoirs, d’obligations ou de recours autonomes. Dans la mesure du possible, je crois qu’il faut intégrer la bonne foi aux règles et recours existants. Lorsque la bonne foi est à l’origine de règles et recours autonomes, il est d’autant plus important de pouvoir en cerner la portée et le contenu. À la différence de l’équité, qui intervient de manière exceptionnelle dans des situations particulières, lorsque l’application stricte des règles de droit serait source d’injustice, la bonne foi se veut un guide de bonne conduite d’application générale. L’équité intervient après le fait pour corriger une injustice; la bonne foi prétend guider les contractants tout au long du processus de formation et d’exécution du contrat. Pour qu’elle puisse jouer son rôle de guide ou de norme de bonne conduite, il faut que l’application de la bonne foi soit prévisible pour les parties.
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Approches possibles pour tenter de mieux cerner la bonne foi contractuelle
Recherche d’une définition générale Approche casuistique Approche fonctionnelle Apport du droit comparé Dans le but de mieux cerner la bonne foi, ces différentes approches sont possibles. Approche typique du droit civil. Approche typique de la common law. Approche du droit allemand (?) Par exemple dans le cas de l’imprévision
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Définitions courantes de la bonne foi en droit québécois
L’ignorance, la perception erronée de la réalité (ex. le possesseur de bonne foi) L’absence d’intention malicieuse (par opposition à la mauvaise foi) Depuis l’affaire Houle: une norme de comportement objective. Dans Banque de Montréal c. Bail (1992), la CSC réitère sa reconnaissance d’une « obligation générale de bonne foi » en matière contractuelle, qui procède de la même source que « l’obligation générale de bonne conduite » sanctionnée par l’article 1457. Les deux premières définitions renvoient à la disposition d’esprit de la personne (conception subjective). La troisième fixe une norme de conduite objective. Forte analogie, importants recoupements avec le devoir de conduite de l’article 1457 (devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.).
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Inconvénients de cette approche
L’obligation de bonne foi est beaucoup trop générale. Le rapprochement de la bonne foi contractuelle avec l’article 1457 est difficilement conciliable avec l’interdiction de l’option (art. 1458). L’approche « moralisatrice » qui consisterait à invoquer la bonne foi chaque fois qu’un comportement paraît déraisonnable, ou qu’une situation paraît injuste ou trop onéreuse pour une partie, manque de rigueur. Le rapprochement avec l’article 1457 est peut-être de nature à nous rassurer: s’il a été possible de composer avec un principe aussi général que celui de l’article 1457 en matière de responsabilité civile extracontractuelle, peut-être qu’on peut se satisfaire également de l’existence d’une obligation générale de bonne foi en matière contractuelle? Cette obligation impose aux contractants d’agir raisonnablement tant à l’étape de la formation que de l’exécution du contrat, de façon à ne pas nuire à son cocontractant. Le rapprochement de la bonne foi et de l’article 1457 peut sans doute se justifier à l’étape de la négociation du contrat, mais pas à l’étape de son exécution. En effet, le principe de l’interdiction de l’option veut que le contrat définisse les rapports entre les parties, à l’exclusion du régime de la responsabilité civile extracontractuelle. Il ne faudrait pas que la bonne foi en matière contractuelle soit une sorte de cheval de Troie permettant d’insérer le régime de la responsabilité extracontractuelle au sein même du contrat. Ainsi, la bonne foi dans l’exécution du contrat doit nécessairement avoir un fondement et un contenu distinct de ceux de la responsabilité extracontractuelle à l’article 1457. De toute façon, les définitions de la bonne foi données par les auteurs ou la jurisprudence me semblent beaucoup trop générales pour être d’une quelconque utilité. Je comprends la réticence des common lawyers, pour qui « general propositions do not decide concrete cases » (OW Holmes); « principles must be mediated by rules ». L’application des principes doit être complétée par l’utilisation du précédent, ce qui nous invite à préciser le contenu du devoir de bonne foi par une approche qu’on pourrait qualifier de casuistique.
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Une approche « casuistique »
Tantôt la bonne foi enrichit les règles existantes en favorisant leur développement; tantôt elle est la source de nouvelles règles et de recours autonomes. Pour mieux cerner son application, il convient de préciser comment elle s’applique d’abord à la formation, puis à l’exécution du contrat, en distinguant au besoin selon la nature du contrat et de la relation des parties. En droit québécois, on distingue généralement l’application de la bonne foi aux étapes de la négociation et de la conclusion du contrat, d’une part, et aux étapes de son interprétation et de son exécution, de l’autre.
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La bonne foi dans la négociation et la formation du contrat
En cas d’échec des négociations, la bonne foi permet de sanctionner la rupture abusive ou le fait de tirer profit d’informations confidentielles communiquées par l’autre partie. Elle s’intègre alors à l’analyse sous l’article 1457. Lorsqu’un contrat est formé, la bonne foi complète le régime des vices de consentement (dol, crainte, erreur). En particulier, la violation d’une obligation de renseignement (cf. les critères de l’arrêt Bail), sans nécessairement convertir l’erreur en dol, permet d’obtenir des dommages-intérêts. De nouveau, on peut y voir une application de l’article 1457. Place Brossard inc. c. Giovest inc. (C.A., ), SOQUIJ AZ , J.E , [2000] R.D.I. 192 . En cas d’erreur non dolosive, une partie peut obtenir la nullité du contrat, si l’erreur le justifie (art. 1407). Cependant, l’erreur ne donne pas ouverture au recours en réduction de l’obligation, ni aux dommages-intérêts. La violation de l’obligation de renseignement permet à une partie d’obtenir des dommages-intérêts – d’une part, ceux-ci peuvent s’appliquer dans un cas où l’erreur n’est pas d’une importance suffisante pour justifier la nullité du contrat. D’autres part, les dommages-intérêts peuvent s’ajouter à la nullité du contrat.
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La bonne foi dans l’interprétation et l’exécution du contrat
Obligation de renseignement suivant les critères de Bail. Obligation de coopération dans certains contrats de franchise (Provigo) ou d’entreprise de construction (Birdair c. Danny's Construction, 2013 QCCA 580). Devoir de cohérence (estoppel by conduct / venire contra factum proprium?) (Hydro-Québec c. Construction Kiewit, 2014 QCCA 947). Obligation de renégocier le contrat en cas d’imprévision (Churchill Falls v. Hydro-Québec, 2014 QCCS 3590 – non reconnue en CS) L’obligation de loyauté, à distinguer de la bonne foi Lorsqu’on aborde l’exécution du contrat, les applications de la bonne foi sont plus diversifiées; on retrouve ici toute une gamme d’obligations qui seraient dérivées de la bonne foi. Il est difficile d’en cerner le contenu et la portée, même en adoptant une approche casuistique – en distinguant, par exemple, selon le type de contrat dont il s’agit, ou selon la qualité des parties, ou selon la nature de leur relation. Une manière un peu différente d’y arriver est de fixer des conditions d’ouverture pour chacune de ces obligations, peu importe le type de contrat dans laquelle on est susceptible de la retrouver (approche suivie dans Bail pour l’obligation de renseignement, et appliquée par la suite). 3. Provigo: « l'une des obligations fondamentales du franchiseur à l'endroit du franchisé est celle d'assistance technique et commerciale, comprise dans cette perspective de partenariat, donc de collaboration. Le franchiseur possède, en effet, le savoir-faire et l'expertise dans le secteur commercial particulier où il oeuvre et c'est en partie ce qu'il vend à son franchisé. Ce faisant, il doit, bien évidemment et d'ailleurs dans son propre intérêt, suivre l'évolution du marché et adapter ses méthodes et ses techniques aux nouvelles réalités. Il doit cependant aussi, en raison de l'obligation de bonne foi et de loyauté qu'il assume à l'égard de son franchisé, faire bénéficier celui-ci de son assistance technique, de sa collaboration donc de ses nouveaux outils ou, au moins, trouver d'autres moyens de maintenir la pertinence du contrat qui le lie pour que les considérations motivant l'affiliation ne soient pas rendues caduques ou inopérantes. » Birdair: litige entre l’entrepreneur général et un sous-contractant engagés pour la construction d’un nouveau toit pour le stade olympique. Le contrat principal entre la RIO et l’entrepreneur général, Birdair, en est un de « conception-construction ». Le toit est conçu au fur et à mesure de sa construction. Le sous-contrat prévoit que « design will evolve » et que le sous contractant DCCI doit accepter les modifications en cours de projet qui sont raisonnablement prévisibles en raison de la nature du projet (« reasonably inferable or typically performed by subcontractor’s trade »). Jusqu’à quel point Birdair pouvait-elle modifier les plans et requérir des travaux additionnels en cours d’exécution du contrat, sans compensation additionnelle. Il existait par ailleurs une relation privilégiée entre les parties, qui partageaient une expertise unique et avaient déjà complété ensemble un projet semblabe à Londres. Cela donnait lieu à une « intensification de l’obligation de renseignement et de bonne foi » de Birdair, d’après le permier juge. Cela conduisait à un assouplissement des modalités du contrat de sous-traitance, dit la CA: « il est possible d'inférer du comportement d'une partie qu'elle a renoncé à l'approbation préalable de travaux ou à exiger un avis » (estoppel by conduct/ venire contra factum proprium?). Elle ajoute: « compte tenu de la volonté manifestée par Kopaskie de coopérer avec DCCI pour assurer l’avancement des travaux, le juge a eu raison de considérer comme une attitude ne répondant pas au devoir de coopération entre les parties son refus de tenter de trouver une solution autre que la résiliation au problème financier éprouvé par son sous-contractant.) » Mais surtout, « le juge en vient à la conclusion que Birdair est responsable en grande partie des coûts additionnels encourus par DCCI dans l’exécution du contrat, et ce, par suite de modifications importantes et imprévisibles apportées aux plans du projet et par suite de nombreux retards dans la livraison des matériaux qui incombait à Birdair. » Conclusion: « La résiliation du contrat de sous-traitance n'étant pas justifiée par un défaut du sous-traitant et se révélant, au contraire, clairement abusive, DCCI a le droit d'être indemnisée pleinement de ses dommages. » Même si l’obligation de collaboration a été reconnue dans ces deux décisions – Provigo et Birdair, elle n’a pas tout à fait le même contenu dans l’une et l’autre de ces décisions. Dans Provigo, on a reproché au franchiseur de faire concurrence à son franchisé tout en lui retirant les moyens de soutenir cette concurrence. Dans Birdair, on a reproché à l’entrepreneur général de résilier abruptement le contrat sans tenter de soutenir le sous-contractant, dont les difficultés financières étaient en grande partie occasionnées par les décisions et les retards de l’entrepreneur général. Parmi les éléments justifiant l’imposition d’une obligation de coopération, il y aurait la poursuite d’un but commun, la durée de la relation entre les parties, la confiance prévalant entre les cocontractants ainsi que la complexité de la prestation (MHD). Il serait possible de considérer que l’obligation de coopération est inhérente à certains contrats comme les contrats de franchise et certains contracts de construction, en raison de leur nature (1434). Elle est prévue expressément dans le cas du contrat de société (2186). Certains auteurs suggèrent pourtant qu’une telle obligation devrait être d’application générale. Or, il me semble que cette obligation est si poussée, qu’elle ne peut pas être d’application générale. Si tant est qu’elle est issue de la bonne foi, il faudrait en déduire que cette dernière est à géométrie variable: que son contenu varie suivant la nature du contrat et de la relation des parties. Une approche casuisitique s’avère donc nécessaire, ou encore l’élaboration de critères – comme pour l’obligation de renseignement – permettant d’en définir les conditions d’application. Le développement dans la doctrine française d’une théorie du « solidarisme ou de la fraternité contractuelle » montre les excès d’une conception trop large de la bonne foi. Dans Hydro-Québec c. Kiewit (CA 2014), Hydro-Québec critique le premier juge « qui se serait livré à une espèce d'exercice d'angélisme – confondant, selon elle, la bonne foi avec le « fraternalisme contractuel » en imposant à Hydro-Québec le devoir de mettre les intérêts de Kiewit devant les siens ». Cet argument n’est pas retenu par la CA, qui reconnaît ici le devoir de ne pas susciter de fausse attentes ou encore le devoir de cohérence d’Hydro-Qc. La CA semble aussi avoir reconnu un tel devoir dans l’affaire Birdair. 4. Jobin propose qu’on admette l’imprévision sur le fondement de l’obligation de coopération. Envisage le cas où l’obligation d’une partie devient extrêmement onéreuse. L’imprévision s’applique-t-elle aussi en cas de « windfall profits »?
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La distinction de la bonne foi et de l’obligation de loyauté
Prérogatives juridiques Droits subjectifs Pouvoirs Prérogatives « égoïstes » Le titulaire peut exercer ses droits comme il l’entend et dans son intérêt propre, sous réserve de la bonne foi. Prérogatives « altruistes » L’attributaire de pouvoirs doit exercer ses pouvoirs dans l’intérêt des bénéficiaires ou conformément au but de son administration, en faisant abstraction de son intérêt propre. Les auteurs en droit des obligations tendent à assimiler l’obligation de loyauté à la bonne foi. Je suis convaincue, pour ma part, qu’il faut au contraire les distinguer, d’une part parce que l’obligation de loyauté possède un champ d’application limité, contrairement à la bonne foi qui s’applique en toute circonstance; et d’autre part, parce qu’elle impose des obligations beaucoup plus strictes que la bonne foi. L’obligation de loyauté s’applique nécessairement à toute personne qui exerce des pouvoirs. Ainsi, l’article 1309 du Code civil prévoit que l’administrateur du bien d’autrui est tenu d’agir « avec honnêteté et loyauté, dans le meilleur intérêt du bénéficiaire ou de la fin poursuivie ». La même obligation est imposée au mandataire à l’article 2138 et à l’administrateur d’une personne morale à l’article Certaines relations contractuelles puissent aussi donner naissance à l’obligation de loyauté. On la retrouve, par exemple, dans le contrat de travail à la charge du salarié (art. et dans certains contrats de service. Néanmoins, en règle générale, l’obligation de loyauté ne s’applique pas à l’exercice des droits subjectifs, tandis que la bonne foi s’impose en toute circonstance. L’obligation de loyauté exige de l’attributaire d’un pouvoir qu’il agisse exclusivement dans l’intérêt d’autrui ou conformément au but poursuivi, en faisant abstraction de son intérêt propre. Ce faisant, elle va beaucoup plus loin que la bonne foi. Elle constitue l’équivalent, en droit civil, de l’obligation fiduciaire. La Cour suprême prend bien soin, dans l’affaire Bhasin, de dinstinguer la bonne foi de l’obligation fiduciaire. Paul Miller: « In contract it is assumed that the parties will act in a mutually self-interested manner. Each is responsible for securing their interests in dealings with the other. In fiduciary law, by contrast, it is assumed that the parties are interacting for the exclusive benefit of one of them – the beneficiary.” C’est également l’approche qui devrait être suivie en droit québécois, à mon avis, en distinguant bien la bonne foi de l’obligation de loyauté. Cela m’amène à croire que peut-être, la bonne foi en mène un peu trop large dans notre droit. Il est possible que plusieurs obligations associées à la bonne foi relèvent en fait d’autres sources et d’autres fondements que celle-ci.
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Les fonctions de la bonne foi dans l’exécution du contrat
1) Comme outil d’interprétation des clauses du contrat ou des obligations légales des parties (art. 1426, 1432). 2) Pour compléter l’entente des parties par l’ajout d’obligations ou de devoirs qui ne sont pas incompatibles avec ceux qu’elles y ont exprimés (art. 1434). 3) Pour contrer l’exercice abusif d’un droit contractuel, càd son exercice excessif ou déraisonnable, sans égard pour les intérêts du cocontractant (art. 6, 7 et 1375). Cela ne contrecarre pas l’intention des parties, car l’exercice raisonnable est un exercice conforme aux buts qu’elles se sont donnés, ainsi qu’aux attentes légitimes qui se sont développées au fil de leur relation. La bonne foi peut éclairer l’interprétation des clauses du contrat et des obligations des parties découlant du Code civil ou d’autres lois. Il est naturel d’interpréter les obligations des parties dans le sens de ce qu’exige la bonne foi. De même, l’article 1434 permet de compléter l’entente des parties en y ajoutant des obligations qui s’imposent en raison de la nature du contrat, des usages, de l’équité ou de la loi. De nouveau, la bonne foi peut jouer un rôle utile pour articuler les obligations qu’il est raisonnable d’imposer aux parties dans des circonstances qu’elles n’ont peut-être pas prévues. Ainsi, dans l’affaire Provigo, il serait possible de considérer que l’obligation de coopération imposée au franchiseur découle en partie d’une interprétation du contrat, qui contenait des clauses relativement à l’assistance technique qui serait fournie par le franchiseur au franchisé; et en partie de l’ajout d’obligations explicites, en vertu de l’article De même, l’ajout d’une obligation de renseignement s’insère facilement dans cette approche. L’affaire Houle représente l’exemple par excellence de l’abus de droit. Le devoir de cohérence se rapproche de l’abus de droit, puisque l’exercice d’un droit d’une manière qui contrevient aux attentes suscitées chez le cocontractant peut être vu comme un abus de droit. Ainsi, Birdair et dans Kiewit, la partie fautive a agi de manière à décevoir les attentes légitimes qu’elle avait suscitées chez son cocontractant. L’abus de droit, même s’il ne se fonde pas sur l’article 1434, demeure conforme à l’intention présumée des parties, pourrait-on dire.
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Les fonctions de la bonne foi dans l’exécution du contrat
4) Pour identifier les clauses abusives, en vue de les faire annuler ou réduire par le juge. Cette fois, la bonne foi agit «contre » la volonté des parties (ou du moins celle qu’elles ont exprimée/ à laquelle elles ont adhéré). Ce contrôle se fonde sur la loi (art. 1437, 1474, 1901). 5) Pour imposer aux parties des devoirs ou des obligations auxquels le juge attribue un caractère impératif. Ces devoirs et obligations l’emportent sur les clauses du contrat. Cette ingérence du juge dans le contrat se fonde sur l’article 1375, auquel la doctrine reconnaît un caractère impératif. Il importe de cerner et de justifier par des arguments pertinents ce pouvoir du juge, puisqu’il ne se fonde ni sur l’intention des parties, ni sur une règle de droit spécifique. EN plus de 1437: 1474 clause exonératoire (faute lourde) et 1901 clause pénale (déraisonnable). L’article 1437 fait expressément mention de la bonne foi comme critère permettant de déterminer si une clause est abusive. Enfin, il existe incontestablement des cas où les tribunaux ont imposé des obligations aux parties sans égard à ce que prévoit le contrat. Il ne s’agit plus de donner effet à l’intention présumé des parties, mais plutôt de leur imposer de manière impérative certains devoirs ou certaines obligations. Dans l’affaire Bhasin, c’est exactement ce qu’a fait la Cour suprême à propos de l’obligation d’honnêteté qu’elle impose à tous les contractants. Cette obligation est impérative, même si la cour autorise les parties à en moduler la portée. La jurisprudence québécoise n’est pas toujours claire quant à savoir si les obligations et devoirs qu’elle impose aux parties, au nom de la bonne foi, sont impératives ou non. Cet élément me semble important dans le but de savoir dans quelle mesure les parties y sont assujetties, ou si elles peuvent s’y soustraire en prévoyant des obligations différentes. Et dans quel esprit ces devoirs leur sont imposées: en prétendant se fonder sur leur volonté présumée, ou pour d’autres considérations?
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L’affaire Churchill Falls
Contrat d'électricité conclu le 12 mai 1969 pour un terme initial de 44 ans et pour un terme additionnel de 25 ans (option d’HQ), se terminant en 2041. Parties sophistiquées. Si l’on se place dans le contexte de l’époque, contrat qui prévoit un partage équitable des risques et des bénéfices, ce qui n’est pas contesté par CF. Augmentation substantielle des prix de l’énergie à compter des années 1970 (chocs pétroliers); ouverture des marchées d’exportation: HQ tire des profits du contrat qui paraissent disproportionnés (22 milliards en 2010 contre 1 milliard pour TNL). La province TNL estimait en février 2010 que l'entente avait fait en sorte de verser 22 milliards de dollars dans les coffres du Québec, comparativement à 1 milliard de dollars pour Terre-Neuve-et-Labrador (La Presse) HQ acceptait d’assumer tous les risques de développement du projet, en s’engageant à acheter substantiellement toute l’électricité qui serait produite par la centrale hydro-électrique pour toute la durée du contrat, et en donnant par ailleurs des garanties importantes aux prêteurs: garantie de parachèvement des travaux; garantie relative au service de la dette; garantie relative aux fluctuations du taux de change (puisque la dette avait été contractée en $ US) et des taux d’intérêts. En retour, elle pouvait compter sur un approvisionnement stable en électricité, une sécurité quant aux coûts futurs de cet approvisionnement et une protection contre l'inflation liée aux coûts d'exploitation des installations. Sans les risques assumés et les garanties offertes par HQ, le projet n’aurait pas pu aller de l’avant. Les parties ont envisagé la possibilité d’indexer le prix, mais ont exclu cette possibilité. Elles étaient conscientes des incertitudes entourant la fluctuation des prix de l’énergie dans l’avenir (known unkown).
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Le développement de l’imprévision en droit allemand, à partir de l’article 242 BGB
242. Prestation selon la bonne foi. Le débiteur est tenu de fournir la prestation comme l’exige la bonne foi eu égard aux usages admis en affaires. Der Schuldner ist verpflichtet, die Leistung so zu bewirken, wie Treu und Glauben mit Rücksicht auf die Verkehrssitte es erfordern. Projet de l‘Office: la survenance de circonstances imprévisibles qui rendent l'ex6cution du contrat plus onéreuse ne libère pas le débiteur de son obligation. Exceptionnellement, le tribunal peut, nonobstant toute convention contraire, résoudre, r6silier ou r6viser un contrat dont l'exécution entraînerait un prejudice excessif pour l'une des parties, par suite de circonstances impr6visibles qui ne lui sont pas imputables.
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Codification en 2002 313. Troubles du fondement de l’acte juridique. Si les circonstances qui ont constitué le fondement du contrat ont profondément changé après sa conclusion, de sorte que les parties n’auraient pas conclu ce contrat ou l’auraient conclu avec un autre contenu si elles avaient prévu ce changement, une adaptation dudit contrat peut être demandée dans la mesure où son maintien, tel qu’il avait été stipulé à l’origine, ne peut être imposé à l’une des parties, eu égard à tous les faits de l’espèce et notamment à la répartition conventionnelle ou légale des risques. § 313 Störung der Geschäftsgrundlage (1) Haben sich Umstände, die zur Grundlage des Vertrags geworden sind, nach Vertragsschluss schwerwiegend verändert und hätten die Parteien den Vertrag nicht oder mit anderem Inhalt geschlossen, wenn sie diese Veränderung vorausgesehen hätten, so kann Anpassung des Vertrags verlangt werden, soweit einem Teil unter Berücksichtigung aller Umstände des Einzelfalls, insbesondere der vertraglichen oder gesetzlichen Risikoverteilung, das Festhalten am unveränderten Vertrag nicht zugemutet werden kann. (2) Einer Veränderung der Umstände steht es gleich, wenn wesentliche Vorstellungen, die zur Grundlage des Vertrags geworden sind, sich als falsch herausstellen. (3) Ist eine Anpassung des Vertrags nicht möglich oder einem Teil nicht zumutbar, so kann der benachteiligte Teil vom Vertrag zurücktreten. An die Stelle des Rücktrittsrechts tritt für Dauerschuldverhältnisse das Recht zur Kündigung.
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