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Les philosophies hellénistiques
Les Sceptiques, Les Stoïciens et Les Épicuriens Pierre Baribeau ( )
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Les philosophies hellénistiques
Les Sceptiques Définition du scepticisme: «Le scepticisme est une faculté, un pouvoir d’opposer représentations sensibles et conceptions intellectuelles de toutes les manières possibles, pour en arriver, étant donné l’égale force propre aux choses sensibles et aux raisons, d’abord à l’équilibre mental qui caractérise la suspension du jugement et ensuite la quiétude de l’âme […] Par représentations sensibles nous désignons ce qui est senti, et c’est pourquoi nous leur opposons les conceptions intellectuelles.» (Jean-Paul Dumont, Les Sceptiques grecs, p. 9)
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Les Sceptiques Les sceptiques et les représentations sensibles
1-La raison seule est trompeuse: quand le sceptique cherche si le réel est conforme à son apparence, l’enquête ne porte pas sur la représentation, mais sur l’interprétation de la représentation, ce qui met nullement en question la représentation sensible proprement dite. 2-Le scepticisme est un phénoménalisme: le sceptique se contente de décrire la représentation sensible qui est la sienne, et d’énoncer l’état de sa sensibilité sans y ajouter son avis et en se gardant bien de préciser quoi que ce soit touchant la nature des réalités extérieures à lui. (Jean-Paul Dumont, Les Sceptiques grecs, p )
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Les Sceptiques Les sceptiques et les représentations sensibles
3-Ne se fier qu’aux apparences: le critère de l’école sceptique, c’est la représentation sensible, désignant par là la fonction propre de l’imagination sensible. Elle consiste en un sentiment et un état involontaire de la sensibilité. Aussi nul ne conteste la représentation de telle ou telle objet, le doute ne porte que sur la conformité de l’objet à sa représentation. 4-La suspension du jugement ou épochè: la suspension est le résultat de la mise en opposition des choses. Nous opposons les représentations aux représentations, les conceptions intellectuelles aux conceptions ou encore les unes aux autres. (Jean-Paul Dumont, Les Sceptiques grecs, p. 12)
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Les Sceptiques Les trois réfutations du scepticisme
Un des plus anciens arguments contre les sceptiques affirment qu’ils rendent impossibles toute vie et toute action, parce qu’ils prétendent n’avoir aucune opinion et suspendre leur jugement à propos de toute affirmation sur les choses, qu’elle soit positive, descriptive («il y a là un verre d’eau») ou morale: Majeure: il est nécessaire de tirer les conséquences pratiques de ses positions théoriques, c’est-à-dire de vivre en accord avec sa philosophie. Mineure: on ne peut agir si l’on doute de toute croyance ou connaissance Conclusion: à moins d’être absolument inactif, le sceptique ne peut mettre en pratique sa doctrine.
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Les Sceptiques Les trois réfutations du scepticisme
La seconde réfutation du scepticisme: Majeure: une doctrine philosophique se doit d’être systématiquement cohérente: ses thèses implicites ou explicites ne peuvent se contredire entre elles. Mineure: les affirmations négatives et universelles des sceptiques («Toute connaissance est douteuse», «je ne sais rien», etc.) présupposent les thèses positives qu’elles nient. Conclusion: le sceptique ou le scepticisme se contredit lui-même.
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Les Sceptiques Les trois réfutations du scepticisme
Le dernier type de réfutation du scepticisme: Majeure: toute réflexion philosophique doit avoir une signification du point de vue de notre existence «quotidienne». Mineure: les thèses sceptiques vont directement à l’encontre de notre expérience du monde. Conclusion: les thèses sceptiques n’ont aucun sens. Ce syllogisme se situe, par rapport au scepticisme, à un autre degré que le précédent: il ne le présente pas en effet comme une théorie erronée ou impossible, mais plutôt comme un faux problème. (Thomas Bénatouïl, le scepticisme, p )
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Les Sceptiques Les trois réfutations du dogmatisme
Considéré dans son ensemble et dégagée de la multitude infinie des détails dans lesquels elle s’est trop souvent complu et égarée, l’argumentation sceptique peut se ramener à trois chefs principaux: 1-Elle récuse la connaissance directe ou intuitive de la réalité. L’intuition sensible est jugée par elle radicalement impuissante. Sur le premier point, pour établir que nous n’atteignons pas directement la réalité, la principale raison des sceptiques, celle dont ils ont tant abusé, est la trope du désaccord, la célèbre preuve tirée de la contradiction des opinions humaines.
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Les Sceptiques Les trois réfutations du dogmatisme
2-Elle récuse la connaissance indirecte de la réalité, soit par le raisonnement proprement dit, soit par le principe de causalité. S’attachant, non plus à l’expérience vulgaire, mais à la science, telle que la définissent les philosophes, elle s’efforce de démontrer que cette science est impossible. Mais s’il en est ainsi, la causalité ne peut rien nous apprendre sur la nature des choses. L’ambition de la science serait d’expliquer les effets sur les causes; mais voilà que nous ne pouvons connaître les causes que quand les effets nous sont connus, car un rapport ne se conçoit pas sans les termes qu’il cause; il ne faut donc pas dire que nous allons des causes aux effets.
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Les Sceptiques Les trois réfutations du dogmatisme
3-Enfin, se plaçant à un point de vue encore plus général, envisageant non plus l’expérience ou la science, mais l’idée même de la vérité telle que tout le monde la conçoit, elle veut montrer que cette idée n’a pas d’objet. Par définition, la vérité serait ce qui s’impose à l’esprit; or rien, ni en fait, ni en droit, ne s’impose à l’esprit. Ce sont des simples hypothèses, qu’on est libre de rejeter ou d’admettre. D’ailleurs, la contradiction des opinions humaines montre qu’on n’est pas d’accord sur ces hypothèses. On ne contraint pas, on ne peut contraindre l’adhésion de personne. (Victor Brochard, Les Sceptiques grecs, p )
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Les Sceptiques Les formules sceptiques
«Pas plus» ou «rien de plus»: cette formule est elliptique; de même lorsque nous disons «double», nous voulons dire «double étage», et lorsque nous disons «large», nous voulons parler d’une «large route», de même lorsque nous prononçons «pas plus», nous voulons dire: «pas plus ceci que cela». «Peut-être», «admettons», «Il y a des chances»: ces expressions manifestent tout simplement la non-assertion. «Je ne définis rien»: le sceptique ne définit rien et dit être dans un état d’âme tel qu’il ne peut affirmer ou nier quoi que ce soit des objets qui constituent la matière de sa recherche.
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Les Sceptiques Les formules sceptiques
«Tout est indéterminé»: l’indétermination est une disposition propre au jugement: celle-ci nous entraîne à ne rien nier ni affirmer de ce qui constitue le domaine des recherches dogmatiques. «Tout échappe à la compréhension»: nous n’entendons rien affirmer touchant le caractère proprement incompréhensible des objets de recherche dogmatique, mais nous nous bornons simplement à décrire l’état d’âme qui nous est propre. «À tout argument s’oppose un égal argument»: à tout argument que j’ai regardé comme prouvé et qui aboutit à une conclusion de type dogmatique et également propre à entraîner mon adhésion ou à me faire refuser ma créance, suscite en moi une représentation opposée.
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Les Sceptiques Les formules sceptiques
«Je suspends mon jugement»: la formule signifie que le sujet est incapable de dire à quelle chose il convient d’accorder ou au contraire de refuser créance. Les objets procurent des représentations également digne ou indigne de foi. La non-assertion: assertion admet deux acceptions, l’une générale, l’autre particulière. Pris généralement, ce terme désigne une affirmation ou une négation, par exemple: «il fait jour», «il ne fait pas jour», Pris particulièrement, il désigne seulement l’affirmation, de sorte qu’en ce sens la négation ne saurait être désignée par le terme d’assertion. (Jean-Paul Dumont, Les Sceptiques grecs, p.41-48)
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Les Sceptiques Aenésidème
Les dix modes d’Aenésidème: la tradition remontant aux anciens sceptiques fixe au nombre de dix les modes par lesquels est produite la suspension. Le premier fondé sur la diversité des animaux; le second sur la différence entre les hommes; le troisième sur les différences de disposition des organes sensoriels; le quatrième sur les circonstances; le cinquième sur les positions, les intervalles et les lieux; le sixième sur les mélanges, le septième sur la qualité et la composition des substances; le huitième sur la relation; le neuvième sur la fréquence et la rareté des rencontres; le dixième sur les morales, les coutumes, les lois, les croyances légendaires et les convictions dogmatiques. Cet ordre est purement conventionnel.
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Les Sceptiques Agrippa
Les cinq modes d’Agrippa: l’école d’Agrippa ajoute cinq autres modes aux dix premiers. Ils se fondent respectivement sur 1-la discordance, 2-la régression à l’infini, 3-la relation, 4-l’hypothèse et 5-l’inférence réciproque. 1-montre tant ce qui concerne les problèmes philosophiques qu’en ce qui concerne les questions de la vie courante, qu’il s’y trouve d’abondants conflits et de nombreuses confusions. 2-Nous renvoyant à l’infini, refuse tout fondement solide à la solution recherchée, parce que la certitude de telle proposition renvoie à celle de telle autre, et ainsi jusqu’à l’infini.
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Les Sceptiques Agrippa
3-La relation: rien ne peut être appréhendé en soi, mais toujours avec autre chose; il s’ensuit que tout est inconnaissable. 4-L’hypothèse: considérant ceux qui pensent que les principes doivent être d’eux-mêmes admis comme certains et n’ont pas à être l’objet d’une postulation. Opinion vaine, car on peut proposer l’hypothèse contraire. 5-L’inférence réciproque: ce qui se produit lorsque la preuve de ce qu’on recherche est fondée sur la validité d’une seconde preuve qui tire elle-même sa justification de la première: par exemple si l’on fonde l’existence de pores sur la présence d’émanation, et celles-ci ensuite sur la présence des pores. (Jean-Paul Dumont, Les Sceptiques grecs, p )
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
Contre les professeurs: «Cela dit, je juge superflu de faire savoir d’où vient l’appellation cycle d’études et de dire combien il y a d’études, puisque nous nous adressons à des gens qui ont suffisamment appris en ce domaine. Il est seulement nécessaire pour l’instant d’indiquer que, parmi les arguments contre les études, certains sont des arguments généraux contre elles toutes, tandis que d’autres sont spécifiques et s’adressent à chacune en particulier. Ainsi, qu’il n’existe pas du tout d’étude est un argument général; d’une façon spécifique, on argumente par exemple contre les grammairiens à propos des éléments de style, ou contre les géomètres en soutenant qu’ils ne faut pas tirer les principes d’une hypothèse.» (Sextus Empiricus, Contre les professeurs, p.71-73)
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
Argumentation générale: L’étude existe-elle? «Se prononcer sur le profond désaccord entre les philosophes sur bien des points concernant l’acquisition du savoir, est présentement hors de propos. Il suffira d’indiquer que s’il existe quelque étude achevée qui en résulte pour l’homme, on doit nécessairement admettre au préalable l’existence de quatre choses: un objet d’enseignement, quelqu’un qui enseigne, quelqu’un qui apprend et un mode d’acquisition du savoir. Or, comme nous allons le montrer, l’objet d’enseignement n’existe pas, non plus que celui qui enseigne, ni celui qui apprend ni le mode d’acquisition du savoir, et par conséquent, il n’est rien qui soit à l’étude.» (Sextus Empiricus, Contre les professeurs, p.73)
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
De l’objet d’enseignement: «S’agissant du premier point, nous affirmons d’abord que si quelque chose est enseigné, on enseigne ou bien un étant comme tel, ou bien un non-étant comme tel. Mais comme nous l’établirons, l’étant comme tel n’est pas objet d’enseignement, non plus que le non-étant comme tel. Donc il n’y a pas d’objet d’enseignement. Le non-étant comme tel ne saurait être enseigné. En effet, s’il est objet d’enseignement, il peut être enseigné; s’il peut être enseigné, il aura donc un statut parmi les étants, et pour cette raison sera à la fois non-étant et étant. Mais il n’est pas possible que la même chose soit à la fois étant et non-étant. Il n’est donc pas vrai que le non-étant soit enseigné.» (Sextus Empiricus, Contre les professeurs, p.73)
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
Du corps: «Le corps est, comme le prétend Épicure, un assemblage de grandeur, de forme et de résistance par agrégation, ou, selon la formule des mathématiciens, ce qui a trois dimensions (c’est-à-dire ce qui a longueur, largeur et profondeur), ou ce qui a trois dimensions et la résistance (une autre définition d’Épicure visant à distinguer le corps du vide), ou encore une masse résistante […] quoi qu’il en soit, puisque c’est en assemblant plusieurs particularités qu’on conçoit le corps et que la combinaison d’une pluralité n’est pas le fait de la sensation indépendamment de la raison (elle est le fait d’une intellection rationnelle), le corps relevant de l’intellection rationnelle ne sera pas parmi les sensibles.
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
Du corps: Et à supposer même que nous posions le corps comme sensible, encore une fois il est non enseignable. En effet, le sensible lui aussi, comme sensible, n’est pas objet d’enseignement. En effet, personne n’apprend à voir le blanc, personne n’apprend à goûter le doux, à sentir le chaud, à percevoir une bonne odeur: ces sensations ne relèvent pas d’un enseignement mais de propriétés naturelles […] si l’on dit que le corps n’est ni une longueur conçue séparément, ni une largeur ni une profondeur, mais qu’il est l’ensemble conçu à partir de tous ces éléments, comme ce sont tous des incorporels, on conçoit nécessairement l’ensemble constitué comme un incorporel et non comme un corps, et pour cette raison aussi on ne peut l’enseigner.
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
Du corps: Cela s’ajoute au fait que, quand on conçoit le corps comme un ensemble constitué de ces éléments, on est obligé de concevoir d’abord ces éléments pour être capable de connaître l’ensemble. Or on pourrait les concevoir parce qu’ils tombent sous nos sens ou par transfert à partir de l’expérience sensorielle. Ce n’est pas parce qu’ils tombent sous nos sens. En effet, ce sont des incorporels et nous ne saisissons pas les incorporels en réaction à une affection accidentelle (c’est toujours par un contact que se fait la réception qui répond à la sensation). Et ce n’est pas non plus par transfert à partir de l’expérience sensorielle, du fait qu’on n’a pas de sensible à partir duquel on pourrait former une conception dérivée de ces éléments.» (Sextus Empiricus, Contre les professeurs, p.77-79)
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
De l’enseignant et l’enseigné: «À supposer qu’expert ou non-expert existent, ou bien l’expert enseigne à qui est comme lui expert, ou bien le non-expert enseigne à l’expert, ou l’inverse. Or est impossible que le non-expert enseigne au non-expert (tout comme l’aveugle ne peut guider l’aveugle), impossible aussi que l’expert enseigne à celui qui est expert comme lui; car aucun des deux n’a besoin d’apprendre, aucun n’a plus de nécessité que l’autre d’apprendre, puisqu’ils sont également bien fournis. Il est impossible aussi que le non-expert enseigne à l’expert. Ce serait comme dire que celui qui voit est guidé par un aveugle complet.» (Sextus Empiricus, Contre les professeurs, p.83)
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
Du mode d’acquisition du savoir (Sextus Empiricus, p ): «Les résultats de l’enseignement sont obtenus par le biais de l’évidence ou par celui du langage raisonné: la première concerne des choses qu’on peut montrer; ce qu’on peut montrer est apparent et ce qui est apparent, en tant que tel, peut être communément saisi par tout le monde; or ce qui est communément saisi par tout le monde ne relève pas de l’enseignement. Il n’est donc pas vrai que ce qu’on peut montrer par évidence soit enseignable. Pour ce qui est du langage raisonné, ou bien il signifie quelque chose ou bien il ne signifie pas. S’il ne signifie rien, il n’enseigne pas quelque chose, et s’il signifie c’est par nature ou par convention qu’il signifie quelque chose. Or il ne signifie pas par nature pour cette raison que tout le monde ne comprend pas tout le monde:
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
Du mode d’acquisition du savoir: On ne se comprend pas entre Grecs et barbares, non plus qu’entre Grecs ni entre barbares […] Par conséquent, s’il n’y a ni objet d’enseignement, ni enseignant, ni enseigné, ni mode d’acquisition du savoir, il est clair qu’il n’y a pas non plus d’étude ni quelqu’un qui préside à cette étude […] supposons l’existence d’une étude et la possibilité de l’acquisition du savoir et examinons si ce que promet chaque discipline est réalisable […] nous ne considérons que celles dont l’annulation annule tout le reste. Ceux qui tentent de s’emparer d’une ville s’efforcent de devenir les maîtres absolus des choses dont la prise leur assure la prise de la ville […] De même, pour combattre les professeurs, attaquons les points même par lesquels ils voudraient tout sauver: leurs principes, les méthodes générales qui s’appuient sur ces principes, et leur fin.»
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
Glossaire: Aporie, aporétique (aporia): l’aporie est le point à partir duquel le discours ne peut plus avancer. L’adjectif aporos voulant dire «sans passage, infranchissable», et le substantif poros signifie «passage, voie de communication». Discipline, étude (mathêma): le substantif mathêma (pluriel mathêmata) indique originairement toute étude et toute connaissance acquise par l’étude. Enseigner, enseignement (didaskein, didaskalia): on trouve plusieurs fois chez Sextus une réfutation de la possibilité de transmettre quoi que ce soit par l’enseignement
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
Glossaire: Expérience (empeiria): une sorte de savoir faire qui opère en dehors de l’art et de la raison. On voit combien cette définition s’éloigne de celle d’Aristote pour qui l’empeiria est «à peu près semblable à la science et à l’art.» (Métaphysique A,981a1) Inférence, inférer (epilogismos, epilogizomai): un résonnement qui a cette caractéristique de ne pas quitter le niveau des choses sûres et évidentes, c’est-à-dire, pour les Épicuriens, saisies par les sens. Les sceptiques le conçoivent comme une réponse à une forme de raisonnement utilisée par les écoles «dogmatiques».
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
Glossaire: Observation, observer (têrêsis, têrô): Selon Sextus, observer les règles de la vie commune en quatre aspects: la conduite de la nature, la nécessité de nos affects, la tradition des lois et des coutumes et l’apprentissage des arts. Plausible, persuader (pithanon, peithô): une notion particulièrement dangereuse en ce qu’elle sert à la fois à nommer ce qui est évidemment vrai et nous conduit à l’assentiment en paraissant vrai et ce qui est «commun au vrai et au faux». Réfutation, réfuter (elenkhos, elenkhein): désigne d’abord toute preuve que l’on avance pour réfuter quelque chose.
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Les Sceptiques Sextus Empiricus
Glossaire: Théorème (theôrêma): une proposition démontrée à partir de principes antérieurement données, qu’ils aient été démontrés ou non. Selon Sextus, une proposition ou un ensemble de propositions jouant le rôle de préceptes ou de principes. Transfert (metabasis): le fait de passer, sans justification théorique, d’un domaine à un autre quand les circonstances le permettent. Si pour Sextus, le corps n’est pas saisi par transfert, c’est parce que l’on n’a pas d’expérience sensorielle à partir de laquelle on pourrait effectuer ce transfert. Utile (euchrêstos, ôphelimos) Utilité (euchrêstia, ôpheleia): l’utilité est l’un des critères du caractère acceptable d’un art pour Sextus.
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
Aristote: réfutation de ceux qui nient le principe de contradiction: «Par conséquent, celui qui connaît les êtres en tant qu’êtres doit être capable d’établir les principes les plus fermes de tous les êtres. Or, celui-là, c’est le philosophe; et le principe le plus ferme de tous se définit comme étant celui au sujet duquel il est impossible de se tromper: il est, en effet, nécessaire qu’un tel principe soit à la fois le mieux connu de tous les principes (car l’erreur porte toujours sur ce qu’on ne connaît pas) et inconditionné, car un principe dont la possession est nécessaire pour comprendre tout être, quel qu’il soit, ne dépend pas d’un autre principe, et ce qu’il faut nécessairement connaître pour connaître tout être quel qu’il soit, il faut aussi le posséder déjà avant toute connaissance.»
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
Les principaux arguments d’Aristote: 1-Sans le principe de contradiction toute signification disparaît, car les mots n’ont plus un sens déterminé et unique mais peuvent signifier une chose et son contraire. 2-Conséquence ontologique de l’argument précédent: toutes les distinctions pouvant être niées, elles s’évanouissent et rien ne se distingue plus de rien. 3-Nier le principe de contradiction détruit le principe du tiers-exclu («il n’y a aucun énoncé intermédiaire entre des énoncés contradictoires, l’un est vrai, l’autre faux»).
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
Les principaux arguments d’Aristote: 4-On ne peut construire une doctrine cohérente sur la base de la négation du principe de non-contradiction: première occurrence de l’idée d’auto-contradiction (la doctrine se nie elle-même) 5-L’argument présuppose le principe du tiers-exclu et la définition du faux (dire que ce qui est n’est pas ou que ce qui n’est pas est) pour réfuter l’adversaire. 6-Impossibilité pratique de nier le principe de contradiction: a) on ne peut plus comparer les thèses entre elles; b) on ne pense plus; c) on ne peut agir ni préférer ou éviter quelque chose, ni juger. (Thomas Bénatouïl, Le scepticisme, p. 110)
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
(1) «D’abord, il y a du moins cette vérité évidente que les mots être ou n’être pas signifient quelque chose de déterminé, de sorte que rien ne saurait être ainsi et non ainsi. De plus, supposons que homme signifie une seule chose, et que ce soit animal bipède […] si on disait, par exemple, que homme présente non pas un sens, mais plusieurs, dont un seul aurait comme définition animal-bipède; et il pourrait y avoir encore plusieurs autres définitions, pourvu qu’elles fussent en nombre limité, puisque un nom particulier pourrait être affecté à chacune de ces définitions. Mais si on ne posait pas de limites et qu’on prétendît qu’il y eût une infinité de significations, il est manifeste qu’il ne pourrait y avoir aucun raisonnement […] car on ne peut pas penser si on ne pense pas une chose unique […]»
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
(2) «Si toutes les contradictions relatives au même sujet sont vraies en même temps, il est évident que tous les êtres n’en feront qu’un. Il y aura, en effet, identité entre une trirème, un rempart et un homme, si de tout sujet, il est possible d’affirmer ou de nier, indifféremment n’importe quel prédicat, comme doivent nécessairement l’admettre ceux qui adoptent le raisonnement de Protagoras. Car s’il y a quelqu’un à croire que l’homme n’est pas une trirème, il n’est évidemment pas une trirème; par conséquent, il est aussi une trirème, puisque la contradiction est vraie. On en arrive alors à la doctrine d’Anaxagore que toutes choses sont confondus,et que, par suite, rien n’existe réellement.»
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
(3) «[…] Une autre conséquence en résulte encore, c’est qu’on n’est pas dans la nécessité d’admettre qu’il faut affirmer ou nier. En effet, s’il est vrai qu’un être est homme et non-homme, il est évident aussi qu’il ne sera ni homme, ni non-homme: aux deux assertions correspondent deux négations, et si la première est traitée comme une proposition unique composée de deux propositions, la dernière aussi sera une proposition unique opposée à la première.»
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
(4) «Autre raison encore: ou bien la doctrine que nous attaquons est vraie dans tous les cas, et le blanc est aussi le non-blanc, et l’être le non-être, et semblablement pour toutes les autres affirmations et négations; ou bien cette théorie souffre des exceptions, elle s’applique à certaines affirmations et négations, et non à certaines autres. Si elle ne s’applique pas à toutes, celles qui sont exceptées seront alors, du propre aveu de nos adversaires, des opinions certaines. Si elle s’applique à toutes, alors, derechef, ou bien tout ce qu’on peut affirmer, on peut le nier aussi; ou bien tout ce qu’on affirme, on le nie, mais tout ce qu’on nie, on ne l’affirme pas. Et dans ce dernier cas, il y aura quelque chose qui, d’une façon assurée, n’est pas, et ce sera là une opinion ferme […]»
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
(5) «En outre, si, lorsque l’affirmation est vraie, la négation est fausse, et si, lorsque la négation est vraie, l’affirmation est fausse, il ne sera pas possible que la même chose soit, en même temps, affirmée et niée avec vérité.»
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
(6) «De plus, est-ce donc que celui qui pense que telle chose est ainsi, ou qu’elle n’est pas ainsi, se trompera, tandis que celui qui affirme les deux propositions dira la vérité? Si ce dernier est dans le vrai, que peut-on bien signifier en disant que telle est la nature des choses? S’il n’est pas dans la vérité, mais qu’il se trouve plus dans la vérité que celui qui pense qu’une telle chose est ainsi ou n’est pas ainsi, les êtres auront déjà une nature déterminée, et ce jugement du moins sera vrai, et ne sera pas en même temps aussi non vrai. Mais si tous sont également dans l’erreur et dans la vérité, il ne peut s’agir, pour un être se trouvant dans cet état, ni de proférer un son, ni de dire quelque chose d’intelligible, car, en même temps, il dit une chose et ne la dit pas.» (Thomas Bénatouïl, Les Sceptiques grecs, p )
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Berkeley - l’immatérialisme comme remède au scepticisme: «La couleur, la figure, le mouvement, l’étendue et les autres qualités, considérées comme autant de sensations dans l’esprit sont parfaitement connues, puisqu’il n’y a rien en elles qui ne soit perçu. Mais si nous les regardons comme des notes ou des images, rapportées à des choses ou à des archétypes existant hors de l’esprit, nous sommes alors complètement pris dans le scepticisme. Nous voyons seulement les apparences, et non les qualités réelles des choses […] nous ne connaissons que la proportion et la relation qu’ils entretiennent avec nos sens. Les choses restant les mêmes, nos idées varient; et il est hors de notre pouvoir de décider laquelle de ces idées représentent la véritable qualité existant réellement dans la chose […]»
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
«Tant que nous attribuons aux choses non pensantes une existence réelle, distincte du fait qu’elles sont perçues, il nous est non seulement impossible de connaître avec évidence la nature d’aucun être non pensant réel, mais même de savoir qu’il existe. De là vient que nous voyons les philosophes se défier de leurs sens et douter de l’existence du ciel et de la terre, de tout ce qu’ils voient ou sentent, et même de leur propre corps […] ils sont forcés d’avouer que nous ne pouvons parvenir à aucune connaissance évidente par soi ou démonstrative de l’existence des choses sensibles […] c’est une contradiction manifeste, qu’un objet sensible soit immédiatement perçu par la vue ou le toucher, et qu’il nait, en même temps, aucune existence dans la Nature, puisque l’existence même d’un être non-pensant consiste à être perçu.
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
«Rien ne semble plus important, pour élever un système assuré de connaissances solides et réelles, qui puisse résister aux assauts du scepticisme, que de placer au début une explication distincte de ce qu’on entend par chose, réalité, existence […] Nous comprenons notre propre existence par le sentiment intérieur ou la réflexion, et celle des autres intelligences par la raison. On peut dire que nous avons quelque connaissance ou notion de notre propre esprit, des intelligences et des êtres actifs, ce dont, au sens strict, nous n’avons aucune idée. De même, nous connaissons et nous avons une notion des relations entre les choses ou idées […] Il me semble que les idées, les intelligences, et les relations sont, dans leurs genres respectifs, l’objet de la connaissance humaine et le sujet du discours […]»
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
«Les idées imprimées sur les sens sont des choses réelles, elles existent bien réellement: nous ne le nions pas; mais nous nions qu’elles puissent subsister hors des esprits qui les perçoivent, ou qu’elles soient des ressemblances d’archétypes existant hors de l’esprit, puisque l’être même d’une sensation ou idée consiste à être perçue et qu’une idée ne peut ressembler qu’à une idée. En outre, on peut appeler extérieures les choses perçues par les sens, eu égard à leur origine, en ce qu’elles ne sont pas engendrées de dedans de l’esprit […] Ce serait une erreur de penser que ce qui est dit ici porte atteinte, le moins du monde, à la réalité des choses. On reconnaît, selon les principes reçus, que l’étendue, le mouvement, et en un mot toutes les qualités sensibles, ont besoin d’un support, parce qu’elles ne sont pas capables de subsister par elle-même.»
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
«Mais on accorde que les objets perçus par le sens ne sont que des combinaisons de ces qualités, que, par conséquent, ils ne peuvent pas subsister par eux-mêmes […] De sorte que, quand nous nions que les choses perçues par le sens existent indépendamment d’une substance ou d’un support dans lequel elles pourraient exister, nous n’enlevons rien à l’opinion reçue sur leur réalité et nous ne sommes coupables d’aucune innovation à cet égard. Toute la différence est que, selon nous, les êtres non pensants perçus par les sens n’ont pas d’existence distincte du fait d’être perçus, et ne peuvent donc exister dans aucune autre substance que ces substances inétendues, indivisibles, ou intelligences qui agissent, pensent et les perçoivent; alors que les philosophes soutiennent ordinairement que les qualités sensibles existent dans une substance naturelle, extérieure à tous les êtres pensants.»
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
Hume - La réfutation «naturaliste» du sceptique: «[…] Car voici la principale objection et la plus ruineuse, qu’on puisse adresser au scepticisme outré, qu’aucun bien durable n’en peut jamais résulter tant qu’il conserve sa pleine force et sa pleine vigueur. Il nous suffit de demander à un tel sceptique: Quelle est son intention? Que se propose-t-il d’obtenir par toutes ces recherches curieuses? Il est immédiatement embarrassé et ne sait que répondre […] un pyrrhonien ne peut s’attendre à ce que sa philosophie ait une influence constante sur l’esprit, ou, si elle en a une, que son influence soit bienfaisante pour la société. Au contraire, il lui faut reconnaître, s’il veut reconnaître quelque chose, qu’il faut que périsse toute vie humaine si ses principes prévalaient universellement et constamment…
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Les Sceptiques Les réfutations du scepticisme
Toute conversation et toute action cesseraient immédiatement, et les hommes resteraient dans une léthargie totale jusqu’au moment où l’inassouvissement des besoins naturels mettrait fin à leur misérable existence […] Quand il s’éveille de son rêve, il est le premier à se joindre au rire qui le ridiculise et à avouer que toutes ses objections étaient de pur amusement et qu’elles ne pouvaient avoir d’autre intention que de montrer la condition étrange des hommes qui doivent agir, raisonner et croire, bien qu’ils soient incapables, par l’enquête la plus diligente, de se satisfaire sur le fondement de ces opérations ou d’écarter les objections qu’on pourrait soulever contre elles.» (Thomas Bénatouïl, Les sceptiques grecs, p )
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Les Sceptiques Les usages du scepticisme
Kant – idéalisme sceptique, idéalisme empirique et idéalisme transcendantal: «Sous le nom d’idéaliste, il ne faut donc pas entendre celui qui nie l’existence des objets extérieurs des sens, mais celui seulement qui n’admet pas qu’elle puisse être connue par une perception immédiate, et qui en conclut que nous ne pouvons jamais être parfaitement certains de sa réalité par aucune expérience […] il faut distinguer deux sortes d’idéalisme: l’idéalisme transcendantal et l’idéalisme empirique. J’entends par idéalisme transcendantal de tous les phénomènes la doctrine qui les regarde tous, non comme des choses en soi, mais comme de simples représentations, et d’après laquelle l’espace et le temps ne sont que des formes sensibles de notre intuition,…
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Les Sceptiques Les usages du scepticisme
et non pas des déterminations données par elles-mêmes, ou des conditions des objets considérés comme choses en soi. À cet idéalisme est opposé un réalisme transcendantal, qui regarde l’espace et le temps comme quelque chose de donné en soi (indépendamment de notre sensibilité). Le réalisme transcendantal se représente donc les phénomènes extérieurs (si l’on admet leur réalité) comme des choses en soi, qui existent indépendamment de nous et de notre sensibilité, et qui, par conséquent, existeraient en dehors de nous suivant des concepts purement intellectuels. C’est justement ce réaliste transcendantal qui joue ensuite, à vrai dire, le rôle d’un idéaliste empirique: après avoir faussement supposé que, pour être des objets extérieurs, les objets des sens doivent exister en eux-mêmes et indépendamment des sens, il trouve à ce point de vue, toutes les représentations…
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Les Sceptiques Les usages du scepticisme
De nos sens insuffisantes à en rendre certaine la réalité. L’idéaliste transcendantal, au contraire, peut être un réaliste empirique, et par conséquent, […] peut accorder l’existence de la matière, sans sortir de la simple conscience de soi-même, et admettre quelque chose de plus que la certitude des représentations en moi […] comme il ne donne cette matière et même sa possibilité intrinsèque que pour un phénomène qui, séparé de notre sensibilité, n’est rien, elle n’est chez lui qu’une espèce de représentations (d’intuitions) qu’on appelle extérieures, non parce qu’elles se rapportent à des objets extérieurs en soi, mais parce qu’elles rapportent les perceptions à l’espace, où toutes choses existent les uns en dehors des autres, tandis que l’espace lui-même est en nous.
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Les Sceptiques Les usages du scepticisme
[…] l’idéaliste sceptique, qui s’attaque simplement au principe de notre affirmation, et qui tient pour insuffisante notre persuasion de l’existence de la matière, que nous croyons fonder sur la perception immédiate, est un bienfaiteur de la raison humaine, en ce sens qu’il nous oblige à bien ouvrir les yeux jusque sur le plus petit pas de l’expérience commune, et à ne pas accepter tout de suite comme une possession bien acquise ce que nous n’avons peut-être obtenu que par surprise […] ses objections nous poussent avec force, si nous ne voulons pas nous égarer dans nos assertions les plus communes, à regarder toutes nos perceptions, qu’elles s’appellent intérieures ou extérieures, comme une simple conscience de ce qui appartient à notre sensibilité […] parce qu’elles appartiennent au sens extérieur, dont l’intuition est l’espace
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Les philosophies hellénistiques
Les Stoïciens Les trois grandes périodes du stoïcisme: 1-L’ANCIEN STOÏCISME – IVE-IIIE SIÈCLE AV. J.-C. -La période hellénistique ( av. J.-C) est caractérisée par les conquêtes d’Alexandre le Grand et par une diffusion sans précédent de la culture grecque. -Entre 322 et 300 naissent trois écoles philosophiques majeures: le stoïcisme, l’épicurisme et le scepticisme. -Zénon de Cittium est le fondateur du stoïcisme, il est originaire de l’île de Chypre. -Crésippe et Cléanthe, l’auteur d’un célèbre hymne à Zeus, sont deux autres figures dominantes de cette période. -Ils ont écrits 700 traités qui n’ont pas été conservés.
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Les Stoïciens 2-LE MOYEN STOÏCISME – IIE-IER SIÈCLE AVANT J.-C.
-Figures dominantes: Panétius et Posidonius -La philosophie grecque est introduite à Rome en 155. -Des fragments ont été conservés. 3-LE STOÏCISME IMPÉRIAL – IER-IIE SIÈCLE APRÈS J.-C. -Coïncide avec l’empire romain -Les représentants sont des romains; Sénèque (œuvre considérable), fut le précepteur et le conseillé de Néron, Épictète (un esclave), Arrien (son disciple qui écrivit le manuel d’Épictète) Marc-Aurèle (un empereur du IIe siècle); disparité sociale -La seule période où des traités complets sont conservés. -Rien d’original sur le plan doctrinal; infléchissement de la doctrine philosophique dans le sens de la morale.
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Les Stoïciens LES TROIS GRANDES DIVISIONS DE LEUR DOCTRINE 1-La Logique: une partie constitutive de la philosophie (ce n’est pas le cas chez Aristote: la logique est organon, un outil). 2-La physique 3-L’éthique Pas de hiérarchie: ils sont tous sur le même plan, il y a un ordre pédagogique seulement. Pas de métaphysique; elles ont un seul et même objet mais abordé sous trois angles différents: la raison (logos).
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Les Stoïciens LA RAISON (logos)
-Elle s’investit entièrement dans toute chose présente dans le monde physique -Sur le plan éthique de la vie humaine: tout est produit par la raison. -L’homme subit la raison et doit conformer ses actions en conséquence. - Cosmopolitisme: nous sommes tous issus du logos, alors nous sommes tous frères.
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Les Stoïciens LA PHYSIQUE (phusikê)
-La nature est entièrement rationnelle: logos= Dieu=la nature=le destin=la providence. -Pas de métaphysique car Dieu c’est la nature, le principe originel (forme de panthéisme) -Rien dans la nature arrive de manière accidentelle. Tous les événements se produisent comme un enchaînement de causes (Nexus causarum, «nœud de causes»). -Pas d’événements isolés.
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Les Stoïciens LE DESTIN ET LA LIBERTÉ
-Si tout ce qui se produit est l’effet du destin, qu’en est-il alors de la liberté humaine? -La liberté n’est pas de faire ce que l’on veut. La grande liberté est celle qui découle de l’adhésion à l’ordre des choses. -La liberté suppose que l’on distingue ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. -Ce qui dépend de nous: l’opinion et le désir (relève de l’âme); ce qui ne dépend pas de nous: le corps, la richesse et les hautes-charges (tout ce qui n’est pas nous).
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Les Stoïciens BONHEUR ET JUGEMENT
-L’homme est uniquement son âme, les biens extérieurs ne sont pas lui. -L’objectif des philosophies hellénistiques est le bonheur. -Le bonheur est définit comme une absence de trouble (état d’ataraxie). -Ce qui nous trouble ce ne sont pas les choses elle-mêmes, mais le jugement qu’on porte sur ces choses. -Les choses qui ne dépendent pas de nous ne sont pas des biens.
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Les Stoïciens PRATIQUE DE LA VERTU (aretè)
-La raison est souveraine (hêgemonikon), donc elle est libre dans l’usage qu’elle fait de ses représentations si elle comprend l’ordre des choses et la rationalité à l’œuvre. -La raison ne se laissera pas troubler par le jugement parce qu’elle comprend la rationalité de la nature. -Les biens de l’âme sont les vertus: on ne peut pas mal user des vertus; ils sont les seuls biens authentiques. -La vertu seule suffit au bonheur: chaque vertu est l’expression de la raison.
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Les Stoïciens CONFORMITÉ AVEC LA NATURE (phusis)
-L’idée de conformité de la nature est l’une des principales doctrines du stoïcisme. -Vivre conformément avec la nature c’est vivre conformément avec la raison. -Une éthique découle de la conséquence logique de l’étude de la nature (Socrate serait en désaccord; les épicuriens seraient d’accord; Platon est mitigé). -Pour tous les anciens, l’âme est le principe de la vie (deux mots pour dire la vie: Zoê (la vie au sens biologique) et bios (la vie au sens éthique).
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Les Stoïciens EXIGENCES DE LA DOCTRINE
-Les stoïciens sont les premiers à reconnaître qu’il est impossible de vivre en stoïcien. -Assimilation à la divinité: l’idéal vers lequel on doit tendre, qu’on ne doit jamais renoncer. -Celui qui parviendrait à respecter à la lettre la doctrine stoïcienne serait l’égal des dieux. -La raison humaine est une parcelle de la raison divine; on possède déjà à l’intérieur de nous une parcelle de son pouvoir. -Sages qui ont vécu aux exigences de la doctrine stoïcienne: Socrate, Diogène de Cynique et Héraklès.
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Les Stoïciens CONCLUSION
-Soit souverain de ce qui dépend de toi et méprise ce qui ne dépend pas de toi. -La richesse n’est pas un mal, il suffit de ne pas s’y attacher. -Soit invincible à la manière d’une forteresse. -Le suicide est pleinement justifié si on nous force à ne pas être vertueux. Le suicide était la mode chez les riches et les puissants. -Le stoïcisme a servi de justification idéologique à l’empire romain et à la réalisation d’un empire universel dans l’accomplissement du logos.
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Les philosophies hellénistiques
Les Épicuriens -Épicure est né en 340 av. J.-C., il est originaire de l’île de Samos. -Il fonde son école en 306 à Athènes. -Aucun de ses écrits n’ont été conservés. -Il a écrit plus de 300 traités. Trois lettres sont rapportés par Diogène Laërce dans son livre X où Épicure présente un condensé de sa philosophie: «Lettre à Hérodote» (résumé de la physique épicurienne), «Lettre à Pithoclès» (sur les phénomènes célestes), «Lettre à Ménécée» (exposé de son éthique). On a aussi préservé deux recueils de ses maximes (40 et 80 maximes). -Épicure n’était pas «épicurien».
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Les Épicuriens HISTOIRE DE L’ÉPICURISME
-Pas de division pour l’histoire de l’épicurisme. -L’histoire des épicuriens est celle d’une réelle orthodoxie: pas de grandes innovations de la doctrine. -Épicure a fait l’objet d’un véritable culte, à l’égal d’un dieu. -Le texte épicurien le plus important est en latin (1er siècle av. J.-C.) et a été écrit par Lucrèce: De natura rerum, «De la nature des choses». Il est l’interprète de la pensée épicurienne et l’a fait connaître aux Latins et aux Romains.
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Les Épicuriens LES SOURCES
-Une source considérable de papyrus a été retrouvée à Herculanum, situé dans la région italienne de Campanie, l’une des deux villes romaines avec Pompéi qui succomba à l’éruption du Vésuve, où vivait une communauté épicurienne. -Les papyrus furent retrouvés dans la bibliothèque d’une maison dans un état de conservation peu excellent.
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Les Épicuriens LES TROIS GRANDES DIVISIONS DE LEUR DOCTRINE
1-L’éthique 2-La physique 3-Canonique (méthodologie ou épistémologie) La physique est subordonnée à l’éthique: on fait de la physique en vue de développer une éthique. Les épicuriens ont la même conception formelle que les stoïciens: ne pas être troublé (ataraxie). Épicure était un atomiste: il reprit l’atomisme de Démocrite et Leucippe.
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Les Épicuriens LA PHYSIQUE
-Il y a des phénomènes naturels qui nous perturbent (la douleur, le désir, la mort). -L’étude de la nature doit nous fournir une explication en vue de ne plus être troublé par ses phénomènes naturels. -La physique épicurienne s’oppose à la physique stoïcienne: le stoïcisme croit à une chaîne causale, qu’il n’y a aucune indétermination. Les épicuriens croient qu’il y a une indétermination partielle, que les différents objets sensibles sont composés d’un agrégat d’atomes.
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Les Épicuriens LA THÉORIE ATOMISTE
-L’indétermination se trouve dans la théorie atomiste elle-même. -Avant la constitution du monde, il y aurait eu une pluie d’atomes tombant à la même vitesse de sorte qu’ils n’auraient jamais pu se combiner ensemble. Une légère déviation d’un atome aurait permit aux autres atomes de constituer l’univers sensible. -Épicure reconnaît qu’il pourrait y avoir une multiplicité de mondes. Les interstices entre ces différents mondes seraient occupés par les dieux.
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Les Épicuriens LE RÔLE DES DIEUX
-Pour les épicuriens, les dieux n’exercent aucune providence sur le monde sensible. -Exercer une influence serait au contraire un obstacle à leur bonheur parfait.Les dieux ne sont pas les créateurs, ils ne sont pas responsables du monde sensible. -Les dieux seraient de nature matérielle. -Le monde naturel peut s’expliquer par lui-même: il n’y a pas de causes surnaturelles. -Donc, pas besoin de métaphysique.
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Les Épicuriens LES QUATRE PRINCIPALES CONDITIONS DU BONHEUR (tetrapharmakon) -La philosophie est une thérapeutique qui peut nous soigner des maux qui nous empêchent d’être heureux. -Cette doctrine est déjà présente chez Platon mais elle sera nettement amplifiée chez les stoïciens et les épicuriens.
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Les Épicuriens LES QUATRE PRINCIPALES CONDITIONS DU BONHEUR
1-Le rejet des opinions fausses sur les dieux: -On craint la colère des dieux, mais les dieux ne sont pas responsables de notre monde, ils ne sont pas influencés par les cultes et sont inaccessibles aux faveurs. Les dieux existent, mais ce ne sont pas ceux de la tradition. Pour avoir affirmé cela, Épicure fut traité d’athée par ses contemporains.
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Les Épicuriens LES QUATRE PRINCIPALES CONDITIONS DU BONHEUR
2-Le rejet des opinions fausses sur la mort: -La crainte de la mort est un facteur de trouble comme si la mort était un mal. L’âme n’est pas immortelle: elle est de nature corporelle puisqu’elle est composée d’atomes. La mort est la dissolution des atomes de l’âme. Il n’y a aucune survie individuelle de l’âme. On ne doit pas craindre la mort. On ne doit pas remettre à plus tard le bonheur. Une plus grande longévité n’ajoute rien au bonheur car le bonheur est un état parfait.
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Les Épicuriens LES QUATRE PRINCIPALES CONDITIONS DU BONHEUR
-Maxime latine d’origine épicurienne: carpe diem: saisi l’occasion que t’offre le présent d’être heureux. -On a rien à craindre de la mort car la mort est la privation des sensations. On ne rencontre jamais la mort: quand on est vivant la mort n’est pas là, quand on rencontre la mort nous ne sommes plus. -Tout bien et tout mal sont des sensations: la mort n’est pas un mal puisqu’elle est privation de sensation.
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Les Épicuriens LES QUATRE PRINCIPALES CONDITIONS DU BONHEUR
3-La régulation des désirs et la conception du plaisir: -Le plaisir est la fin de toute chose. Le plaisir est l’absence de douleur dans le corps et du trouble dans l’âme. -Ce qui nous trouble c’est l’insatisfaction des désirs insatisfaits. -L’épicurisme nous invite à faire le ménage dans nos désirs superflus, on éliminerait ainsi un bon nombre de facteurs de trouble.
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Les Épicuriens LA CLASSIFICATION ÉPICURIENNE DES DÉSIRS
Désirs naturels: ils peuvent être satisfaits. -Simplement naturels: la sexualité. -Nécessaires: à la vie (faim et soif), au bien-être (vêtements et logement), au bonheur (l’aspiration au bonheur est naturelle et nécessaire). Désir vains: ils sont vides, ne peuvent être satisfaits parce qu’ils sont illimités. -Tous les autres désirs superflus.
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Les Épicuriens LA CLASSIFICATION ÉPICURIENNE DES DÉSIRS
-Si on cultive des désirs inassouvissables, on ne sera jamais heureux. -Il faut s’en tenir aux désirs naturels: il suffit de peu pour être satisfait. -Aucun philosophe grec n’a présenté l’amour comme une condition au bonheur. -Il faut être l’artisan de son propre bonheur et ne pas s’aliéner de l’autre.
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Les Épicuriens LES QUATRE PRINCIPALES CONDITIONS DU BONHEUR
4-La capacité à supporter la douleur. -Le plaisir est un état dynamique et intense parce qu’il est éphémère et qu’on se condamne à le renouveler tout le temps. -Il n’y a pas d’état intermédiaire entre l’état de plaisir et l’état de douleur: le plaisir c’est la non douleur -Tout ce qui contribue à l’état de non douleur est considéré positif. -Si on a ce qu’on désire tant mieux, si on ne l’a pas on ne le désirera pas.
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