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Publié parNathalie Sévigny Modifié depuis plus de 9 années
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Les voyages du frère Polycarpe
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ON DIRAIT UN CONTE, MAIS IL N’EN EST PAS UN… Quand je suis arrivé à Saint- Flour, je me suis arrêté pour discuter avec Monseigneur de Marguerye sur une affaire concernant les écoles. Tout de suite après l’audience avec l’évêque, j’ai essayé de poursuivre mon voyage, mais il a commencé à neiger, le vent s’est levé et la température est devenue glaciale.
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L’évêque n’a pas voulu entendre parler de continuer le voyage et il m’a dit: « Il fait un temps à ne pas mettre un chien dehors, et encore moins, par conséquent, un saint du bon Dieu! » Je lui ai répondu: « Nous autres, pauvres frères, nous ne sommes pas faits pour les palais, même pour ceux où président la bienveillance et la charité. » Cependant, j’ai dû accepter de passer la nuit dans son “palais”.
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Après un parcours de quelques lieues, la marche devint décidément impossible. Le conducteur hésitait, craignait de s'égarer; il redoutait quelque désastre: à chaque instant la voiture ne pouvait pas s'engager dans une fondrière, ou rouler dans un précipice? Mais on ne pouvait pas non plus faire halte dans cette Sibérie; hommes et chevaux auraient gelé pendant la nuit.. Je n’avais jamais eu une peur semblable à celle de ce jour-là. Plus d’une fois, au milieu de la neige, je croyais que mon dernier jour était arrivé. Le lendemain matin, malgré que l’orage sévissait, et qu’on me conseillait de ne pas continuer, j’ai repris la route. La neige tombait à flocons, le jour était sombre, les routes s’effaçaient, se confondaient; la voiture avançait lentement au milieu des montagnes du Cantal devenues comme une immense solitude couverte d’un linceul blanc.
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Après de longues heures d’angoisse, nous arrivâmes enfin à Saint- Chély. Quelle joie d’être accueilli par mes frères ! Je m’y sentais enfin chez moi !
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Une autre fois, c'était dans une saison toute différente, en plein été de l'année 1852. Je marchais seul, portant un sac de voyage. Le ciel était sans nuages, la chaleur accablante. Après une marche longue et pénible, je m’arrêtai dans un lieu solitaire où je trouvai un ruisseau et l’ombre à souhait.
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Environ deux heures après, je me disposais à partir, lorsque soudain apparut devant moi un homme à la mine rébarbative, à la voix impérieuse, et dans un état voisin de l'ivresse : c‘était le garde-champêtre de la contrée. Il vint droit à moi. Je me levai et voulus continuer ma route; mais le garde m'interpella avec brutalité : « Que faites-vous là ? Avez-vous un passeport? Vous n'en avez pas? Je m'y attendais, vous êtes un vagabond et qui sait? peut-être un de ces malfaiteurs dont la police nous a donné le signalement... Au nom de la loi, je vous arrête! En avant, marchez, et plus vite que ça ! »
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Je me suis identifié comme religieux, mais mes protestations furent vaines et je dus obéir l’impitoyable fonctionnaire champêtre. Je fus conduit à Trémouille. Le trajet était environ de cinq kilomètres. J’étais accablé de lassitude, je ne pouvais plus porter mon léger bagage et je priai le garde de m’aider. Les curieux sortaient sur le devant de leurs portes pour nous voir passer. Chacun faisait son commentaire. « C'est un voleur pris sur le fait : qui sait quel « butin » on va trouver dans ce sac ! Non, c'est un simple chevalier d'industrie habillé en religieux. » Devant le maire, à qui je parlai d'un ton modéré mais ferme, c'est encore vainement que je cherchai à m'expliquer. À peine daigna-t-on m'entendre: « Mettez-moi ce gaillard-là en lieu sûr; il a trop bonne langue pour un honnête homme; je ne suis pas dupe de ses finasseries ! Aussi ne vous garderons-nous pas; demain, de bonne heure, vous serez conduit à Champs, notre chef-lieu de canton, et je compte bien que M. le Juge de paix me fera compliment d'une aussi bonne prise. »
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Cette nuit-là, je dormis, si on peut appeler cela dormir, en prison. Impossible de fermer les yeux à cause des piqûres de mille insectes parasites qui, établis avant moi, dans cette cellule, m’en disputaient la possession et se vengeaient sur moi du trouble que je leur apportais. Le lendemain matin tout fut réglé. Tout le monde s’excusait et s’accusait mutuellement. Alors je dis avec beaucoup de charité et un peu de malice: Ces messieurs m'ont fait beaucoup d'honneur; ils m'ont d'abord escorté à travers la campagne, puis ils m'ont fait passer la nuit en nombreuse compagnie, il faut l'avouer, mais en sécurité parfaite, sous la vigilance d'un sûr et fidèle gardien; je ne puis que leur adresser mes remerciements.
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