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Un policier laid à tête de policier Le et les policiers dans les romans non policiers de Rafael Menjívar Ochoa Thierry Davo Université de Reims Champagne.

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1 Un policier laid à tête de policier Le et les policiers dans les romans non policiers de Rafael Menjívar Ochoa Thierry Davo Université de Reims Champagne Ardenne Centre Aixois dÉtudes Romanes Les territoires hétérogènes du polar 25 mars 2013

2 Plan Présentation du Salvador et de lauteur (biographie succincte) Les romans policiers La présence policière dans lœuvre non-policière Conclusion

3 Rafael Menjívar Ochoa (San Salvador, 1959-2011 ) © Mélanie Morand, 2007

4 El Salvador «Le Petit Poucet» des Amériques : vingt mille km 2. Pays situé en Amérique Centrale, zone soumise à une grande violence car listhme de Panamá constitue un enjeu géo-politique et commercial majeur. 1931-1989 : Coups détat militaires et élections contestées, gouvernements ré- pressifs. 1961 : apparition des escadrons de la mort. 1970 : apparition de la guérilla. 1980-1992 : conflit armé généralisé. 1992 : accords de paix et fin du conflit armé. 1992 à aujourdhui : apprentissage de la démocratie mais la violence na pas dis- paru, elle sest seulement déplacée.

5 Rafael Menjívar Ochoa Biographie 1959 – Naissance à San Salvador. 1976 – Ses parents sinstallent au Mexique. 1985 – Publication de son premier roman: Histoire du traître de Jamais Plus. 1990 – Publication de son premier roman policier: Les années flétries. 1999 – Retour au Salvador. 2011 – Décès à San Salvador. 1973 – Ses parents quittent le Salvador. 1983 – Publication de sa première nouvelle: La nuit de Clarence. La période mexicaine constitue la moitié de sa vie Le père de Rafael Menjívar Ochoa, Rafael Menjívar Larín était un grand économiste. Recteur de lUniversité de San Salvador, il y instaura léquivalent de notre CROUS. Cest sous sa gestion, en 1972, que larmée investit le campus. Il fonde la Maison de lÉcrivain

6 Lœuvre romanesque Histoire du traître de Jamais Plus (1985) Portrait de linconnu et de son épouse (inédit) Tierces personnes (1996) Les années flétries (1990) Treize (2003) Les héros tombent de sommeil (1998) La mort de temps en temps (2002) Nimporte quelle façon de mourir (2006) Instructions pour vivre sans peau (2008) Bref inventaire de toutes les choses (2007) Requiem pour une femme sans cheveux blancs (inédit) Le directeur naime pas les cadavres (inédit) Kosta (inachevé) Barrio Coreana (inachevé) 1980-1981 1983-1986 1985-1989 1988-1989 1989-1998 1990-1991 1990-1996 1998-2002 1998-2004 2003 2005 2008-2009 2009 écriturepublication

7 Autres textes autour du polar La nuit de Clarence, nouvelle, 1983 Un monde où le ciel ne cesse de tomber, nouvelles, 2011 Sur le roman noir, réflexions datant de 1989 publiées sur son blog en 2009 Temps de folie, enquête sur le coup détat de 1979 (2006/2008) Histoires de famille, essai inédit consacré à la mort du commandant Marcial Tous les Cambodgiens, pièce de théâtre Quartier Coréenne, roman inachevé Crétins, texte dicté à sa fille lors de sa dernière hospitalisation, 2011

8 Les « polars » Rafael Menjívar en 1999 posant pour la couverture de Vértice, supplément littéraire de El diario de hoy

9 Les « polars » 1. Quelques façons de mourir (La trilogie mexicaine) Les années flétries Les héros tombent de sommeil La mort de temps en temps Le directeur naime pas les cadavres Nimporte quelle façon de mourir 3. Kosta (le polar inachevé) Jutilise le terme « polar » car en traduisant les romans jai eu besoin de trouver un terme permettant de désigner aussi bien les romans que les films ou les feuilletons, sans pour autant prêter confusion avec la fonction, ce que « policier » ne permettait pas. 2. Requiem pour une femme sans cheveux blancs (le polar salvadorien)

10 Quelques façons de mourir Lidée centrale de la trilogie, cest limpossibilité de savoir. Les choses sont si complexes quau bout du compte personne ne sait rien, à part le petit bout qui concerne chacun. Rafael Menjívar Ochoa Message adressé à Isabelle López 16 avril 2002 Trois romans devenus cinq, autant de variations sur le cynisme. Cinq mises en scène de la dialectique de la vertu et de la corruption dans trois secteurs dactivité interconnectés: la police, la politique et le journalisme. En contrepoint, une foule dhistoires, sentimentales ou familiales, dune humanité blessée dont on naperçoit, chaque fois, quune petite lucarne. Il y a, derrière les gradés de la police mexicaine et leurs tueurs, le monde souvent drôte et toujours touchant des petites gens: les logeuses, les chauffeurs de taxi, les serveurs, les prostituées, les secrétaires…

11 Sur lintrigue principale viennent se greffer des intrigues secondaires, passionnan- tes au point quon en oublie parfois, pour les suivre, lintrigue initiale. «En Angleterre ou aux États-Unis on aboutit; en Sicile et en Amérique Latine, 98% des crimes ne sont pas élucidés. Il suffit de lire les journaux. Cela rend le genre policier impossible et débouche sur un genre différent. Cest pour cela que dans un roman une fin ouverte est même naturaliste. » Rodrigo Rey Rosa Aucune enquête naboutit, ou si elle le fait, cétait un mirage. Aucune des énigmes nest élucidée sans que lon soit vraiment certain dêtre, à la fin du roman, face à « la » vérité. Si le roman policier propose sur la société un discours alternatif au discours officiel, celui que propose Menjívar est une nouvelle fiction: derrière le masque, il ny a rien dautre quun autre masque.

12 1. Les années flétries 1990, EDUCA, Costa Rica écrit entre 1988 et 1989 La police a fait subir à un guérillero un interrogatoire un peu trop musclé. Six pieds sous terre, il ne pourra plus tenir la conférence de presse quon attendait de lui. Un acteur de feuilletons radiophoniques au chômage est alors chargé, à partir dindices, de reconstituer sa voix et tenir à sa place la fameuse conférence de presse. Les journalistes sont de connivence, mais ce fameux guérillero, au fond, a-t-il seulement existé? Et qui est vraiment María, lactrice-mélomane-prof- collaboratrice de la police qui héberge le narrateur? Comment son morts ses parents ? Pourquoi son beau-frère at-til pour lui autant de haine ?

13 Au café du coin, il y avait Guadalupe Frejas, immense comme une boule géante de glace à la fraise. Quelque chose de bon devait arriver ce jour-là, et cétait Guadalupe. Elle avait une cinquantaine dannées, mais en faisait la moitié ; la graisse sous sa peau lempêchait de vieillir. Elle avait un visage de bébé. Elle transpirait comme un geyser, mais ce nétait pas une transpiration violente: tout en elle nétait que douceur et tendresse. Sa voix était la plus mélodieuse à être jamais passée par un poste de radio, la plus pure. Son registre nétait pas très étendu, mais son expressivité était étonnante. Tout en elle était graisse et voix, et cest sa voix qui la faisait vivre.

14 Parfois, au milieu dune conversation, quelque chose se brisait en elle ; elle avait comme une crise dasthme et on pouvait craindre quelle soit prise de convulsions et quelle meure asphyxiée. Mais devant un micro, elle avait la meilleure voix de la planète. Là elle pouvait parler pendant des heures et même des siècles sans avoir de crises. Elle était resplendissante. Jétais toujours à ses côtés, et je jure quelle était resplendissante. Prends un café elle mordit dans son hamburger, dun geste plein de candeur. Elle mangeait des hamburgers par milliers. Il ny avait pour elle dautre nourriture au monde que les hamburgers ; elle était sans cesse à la recherche de restaurants et de baraques, et elle racontait que, lorsquelle sennuyait, elle sen préparait chez elle en faisant des expériences de saveurs et de mélanges.

15 Elle traversa la rue lentement, comme un navire dans la mangrove. De dos, sa grosseur était douloureuse. De face, on pouvait oublier le double menton, les seins inconcevables et les bras quelle bougeait gracieusement. Mais de dos les gens sont comme ils sont vraiment, et Guadalupe Frejas était pathétique.

16 2. Les héros tombent de sommeil DPI, San Salvador, 1998 écrit entre 1990 et 1991 Un journaliste sest pris pour un héros en réussissant à infiltrer un mouvement de guérilla. Il se voyait sans doute déjà avec le prix Pullitzer. Or il ny a pas de guérilla au Mexique. Il aurait dû le savoir, il doit mourir. Écoeuré, le policier chargé de lexécuter donne sa démission, ce dont Le Colonel tente de le dissuader: il doit en effet prendre sa retraite et comptait sur lui pour prendre sa succession, sans quoi cest lignoble Ortega – patron dune brigade de ripoux – qui ferait main basse sur la brigade quil dirige. Le narrateur accepte de reprendre du service afin déliminer Ortega et ses hommes.

17 3. La mort de temps en temps DPI, San Salvador, 2002 écrit entre 1990 et 1996 Un journaliste qui enquête sur un fait divers déterre la vieille histoire dun tueur en série dans laquelle rien ne colle. Par ailleurs, qui a tué la fille de son ex-maîtresse? Son beau-père, avec lequel elle avait une liaison? Mais étaient-ils vraiment amants ? Et comment la petite Graciela a-t-elle pu, après avoir sauvagement assassiné ses parents adoptifs, traîner leurs corps dans toute la maison? Kathy, la journaliste blonde de la rubrique « people » retournera-t-elle à la morgue, comme elle la promis en minaudant au gardien qui, comme tout le monde, navait dyeux que pour son décolleté ? Je crois que jétais le seul à ne pas voir son décolleté. Si un Martien arrivait, avant de demander à parler au leader de la planète, il regarderait son décolleté.

18 Le corps se brisa à la hauteur de la taille et sur les fesses apparut une masse de chair triturée, de muscles et de graisse. Je ne ressentis aucun dégoût. Ni peur, ni compassion, ni écœurement. Je ne ressentis rien. Je me retournai juste et je vomis. Comme si quelquun avait saisi mon estomac dans sa main et lavait serré. Le policier à la voix enrouée recula. Un de ses souliers reçut des éclaboussures du morceau de gâteau et du café que javais pris quelques heures plus tôt chez Cristina, la mère de la jeune morte. –Enfoiré –dit-il. Je mattendais à ce quil me frappe, mais il ne le fit pas. Ou bien il savait se contrôler, ou bien il adorait quon balance des cochonneries sur ses chaussures.

19 4. Le directeur naime pas les cadavres Inédit écrit en 2005 Depuis quil a vu le cadavre de sa mère, le directeur dun grand quotidien proche du parti au pouvoir ne supporte plus leur vue. Mais, par défi, son fils sinscrit en fac de médecine, puis devient doublure de cadavres au cinéma. Puis il voit, impuissant, mourir sa deuxième femme, Milady, victime de sa folie auto-destructrice. Mais, au fait, qui est donc lauteur de la coquille parue dans le journal, où le mot « civique » a vu son « v » remplacé par un « n » ? Bref, qui en veut au directeur au point quil se retrouve magré lui au cœur de la fusillade qui oppose les hommes dOrtega à ceux du Colonel? Elle était Mexicaine et sappelait Gabriela Santos. Nous nous étions croisés dans plusieurs films et séries télévisées et étions sortis deux ou trois fois ensemble. Elle était plus intéressante morte que vivante.

20 5. Nimporte quelle façon de mourir F&G Editores, Guatemala, 2006 écrit entre 1998 et 2002 Un policier croupit en prison après avoir avoué quil avait tué (mais la-t-il tuée) la sœur dun trafiquant de drogue. Pas de chance, il se retrouve dans la même prison que le trafiquant en question qui depuis sa cellule gère ses affaires et organise des soirées sado-maso. Le policier reçoit la promesse de sortir de prison sil accepte dexécuter Le Colonel, exécution qui serait maquillée en suicide. Le Colonel, de toute façon, naurait pas fait de vieux os: son cancer du foie lui sortait par les oreilles.

21 La trilogie mexicaine est à paraître aux éditions Cénomane La seule chose que javais vue de près, cétait sa nuque. Javais eu le temps de lapprendre par cœur. Je me retournai et me trouvai face à la mâchoire la plus carrée quil mait été donné de voir, et je vois la mienne tous les matins. Autour de la mâchoire il y avait une tête laide. Il avait des épaules à quatre voies, mais le pire cétait ses mains. Elles étaient pleines de durillons et de cicatrices. Chaque main avait la taille dun poulpe de taille moyenne. Je comptai même ses doigts pour lever le doute.

22 Requiem pour une femme aux cheveux blancs inédit, écrit en 2003 Un Salvadorien rentre au pays après 21 ans dexil. Il y retrouve danciens compagnons qui ont tourné la page, lun dentre eux, ex-guérillero est même devenu flic. Le protagoniste est le seul à ne pas pouvoir oublié, à ne pas pouvoir tourner la page de la réconciliation nationale et à trouver pervers ce qui avait été alors présenté comme un modèle de sortie de crise : intégrer au sein dune Police Nationale Civile les anciens combattants, guérilleros et membres des escadrons de la mort confondus. Il est obsédé par le sort dun de leurs anciens camarades, mais surtout de ses parents, tombés par sa faute entre les mains descadrons de la mort et portés disparus. Sa quête conduira notre protagoniste à débusquer sous les traits dun pasteur évangélique un des plus terribles psycopathes des escadrons de la mort de lépoque du conflit. Elle lamènera également à se souvenir du cadavre abandonné dans une cache dun industriel séquestré il y a plus de vingt ans et quon avait tout bonnement oublié dans cette cache au moment de la grande débandade. Nulle part il ny avait de chiens. Il ny avait pas si longtemps, la rue grouillait de chiens de toutes les tailles, de toutes les couleurs, de tous les regards. Soudain, plus aucun chien. Les gens ne semblaient pas les regretter, il sefforçaient de marcher en zig-zag avec des yeux apeurés, ces yeux qui auparavant étaient les yeux des chiens. Il ny avait pas non plus denfants. Il ny avait pas si longtemps, la rue grouillait aussi denfants qui jouaient avec les chiens, fuyaient les chiens ou ignoraient les chiens. Soudain il ny avait plus que des adultes, beaucoup dadultes, trop dadultes, et des groupes de jeunes qui rentraient de lécole, ou allaient à lécole. Sans écoles, la rue aurait débordé de personnes âgées, et pas de tous les âges: il ny avait pas de gens de mon âge. De cinq ans au-dessous à cinq ans au-dessus de mon âge il ny avait personne.

23 Kosta inachevé, 200-2009 Kosta est un policier spécialisé dans la négociation avec les déments qui menacent de se suicider. Un jour, on fait appel à lui pour raisonner le gardien dune maison dans le jardin de laquelle des joueurs de roulette russe entrerrent leurs perdants. Cela le ramène à son enfance, son père -- montreur de marionnettes amateur quil accompagnait souvent dans ses tournées -- étant mort en jouant à la roulette russe quand il était petit. Mais est-il vraiment mort en jouant à la roulette russe? Allant se recueillir sur la tombe de son père, Kosta est témoin dun entrerrement étrange. Parmi les participants, il reconnaît un ami de son père, présent le soir du drame… La maladie a empêché Rafael Menjívar de mener ce projet à bien. Il en a écrit quatre chapitres qui témoignent dune maîtrise du genre qui aurait sans doute fait de Kosta (titre provisoire) le meilleur de ses romans policiers. Kosta avait dû batailler avec deux types qui sétaient perforé la tête parce quils navaient pas obtenu certaines conditions pour se rendre. Un voulait quon lui amène sa femme pour la tuer et aller en prison pour un délit qui vaille la peine ; il lui avait déjà démoli le visage, un bras et quelques côtes au cours dune dispute du vendredi soir. Kosta ne trouva pas très bien quil se fasse sauter la cervelle, comme il lavait fait, mais mis à part le soubressaut lorsque le coup avait retenti, il ny avait pas eu non plus de quoi se mettre à pleurer. Ça cétait fait rapidement ; à peine une fraction de soupir et, comme toujours, le quidam avait éclaboussé la chambre avec ses propres morceaux. Le pire pour la famille, ça avait dû être le nettoyage, mais sen inquiéter nentrait pas dans ses attributions.

24 La nuit de Clarence nouvelle La Brújula (mensuel) n° 10 México D.F., juin 1983, pp. 7-8. Un policier, la nuit, emmène son fils sur un terrain vague pour lui apprendre à tirer au pistolet. Que contient le sac que le père porte sur lépaule? Il faut savoir perdre lorsquon joue aux billes avec le fils dun policier… Lœuvre non-policière …quand jeus pressé la détente et que le Clarence se retrouva allongé sur le sol je me demandai pourquoi je lavais dit à mon papa, je ne pourrais plus jamais jouer aux billes avec lui, parce quavec le trou quil avait dans la nuque il devait être mort de chez mort.

25 Lhistoire du traître de Jamais Plus Premier roman de Rafael Menjívar. Xavier nest pas un militant, cest pour rendre service à son frère quil accepte de transporter des prospectus dans le double fond de sa mallette. Mais cest le titre du livre de Chandler Le simple art de tuer qui le rend suspect aux yeux des policiers, assez peu cultivés comme il va de soi, qui larrêtent ce jour-là… EDUCA, Costa Rica, 1985 Cénomane, Le Mans, 1988 pour la trad. française Il était une fois un policier laid à tête de policier qui, en planant, fit son apparition entre les lampadaires et les parcmètres de la forêt et atterrit tout à côté d'un magasin, avec une petite vieille dans la vitrine et des bonbons au miel dans les bocaux, un policier laid à tête de policier qui lui demanda où crois-tu aller, c'est à toi que je cause, petit chaperon rouge … Son frère il a mouru / C'est parce qu'il l'a vendu / Turlututu chapeau pointu.

26 Portrait de linconnu et de son épouse (inédit) Deuxième roman de Rafael Menjívar. En avril 1983, à Managua, la dirigeante « Ana-María » est sauvagement assassinée de 35 coups de pics à glace. Le commando était dirigé par « Marcelo », responsable de la sécurité de lorganisation. Six jours plus tard le numéro un « Marcial » se suicide. À travers ce roman où sentrecroisent éducation sentimentale et éducation aux dures réalités de la politique, Rafael Menjívar sinterroge sur la version officielle de ce crime.

27 Treize Instituto Mexiquense de Cultura, Mexico, 2003 Cénomane, Le Mans, 2006, pour la trad. fr. Par désoeuvrement, parce quil na pas dobjectif dans la vie, le narrateur décide de se suicider. Mais il en a tant vu qui se sont juré quils mettraient fin à leurs jours sans passer à lacte quil se fixe une échéance: treize jours. En un magistral compte-à rebours à lenvers, puisquil commence le jour de sa mort, le narrateur nous livre son journal de ces treize jours, ses souvenirs ainsi que ses réflexions sur autant de façons de mourir ou de ne pas mourir. À la fin se suicide-t-il vraiment? Hier soir, jen ai fini avec le monde, comme le font tous les suicidés chaque jour de chaque année. Une chose me différencie deux : jai la possibilité de recommencer, comme un joueur déchecs. Mort, misère, angoisse, puis à nouveau la mort, peut-être un brin de bonheur, un peu plus de misère et dangoisse et à nouveau la mort. On remet les pièces en place, on recommence, et la mort est un point parmi tant et tant de possibilités de mouvements, de positions, dinconnues, de problèmes. Les suicidés qui ont réussi ont eu leur récompense, mais ils nen jouissent pas.

28 Instructions pour vivre sans peau Instructions pour vivre sans peau est lhistoire dun Salvadorien qui à lépoque de la guerre civile, rejoint la guérilla. Dopération en opération, il devient le chef dun petit groupe quil dénonce à la police par dépit amoureux. Ses camarades sont torturés, mutilés, achevés, réduits à des morceaux de viande, des cadavres de cadavres. Lui obtient un faux passeport et se refait une nouvelle vie – comme tueur à gage – à létranger. Tous les ans, le jour anniversaire des faits, il obéit à un étrange rituel, il donne rendez-vous à une femme mariée dans un hôtel de Phoenix pour un rapport sexuel sans amour : il poignarde de son sexe le sexe de sa partenaire. Fantasme ou réalité? La Orquídea Errante, México, 2008 Cénomane, Le Mans, 2004, pour la trad. Fr. Quest devenu papa ? Pourquoi papa na-t-il pas une tombe avec son nom et son prénom ? Maman a dit quil était méconnaissable. Avant, elle ne le disait, avec un sourire rempli dorgueil, que quand il mettait son costume gris (le seul) et une de ses deux cravates: « tu es méconnaissable ». La dernière fois, elle lavait dit en criant. (Qui a sculpté la chair de papa ?)

29 Bref inventaire de toutes les choses Indole Editores, San Salvador, 2007 Cénomane, Le Mans, 2007, pour la trad. fr. Le Bref inventaire est lhistoire dun homme qui, après sêtre entraîné sur des lapins, décide de passer à la vitesse supérieure en sculptant un corps de femme. On peut y voir une revisitation pessimiste du mythe de Pygmalion ; on peut également y voir une allégorie des Instructions, roman où les escadrons de la mort sont appelés « les artistes de la chair ». Comme Instructions ou Tierces personnes, nous ne découvrons que pas à pas ce qui se passe, ce qui sest passé, qui sont les personnages: lenquêteur, cest le lecteur.

30 Bref inventaire de toutes les choses Maquiller le cadavre. Lui vernir les ongles. Lui enfiler une robe qui lui aille, de préférence de couleur abricot pâle, sa préférée. Lui arranger les cheveux, les lui peigner puis les lui décorer avec des des rubans et des fleurs, un détail anachronique qui pourrait savérer seyant: Agathe il faut bien le dire commençait à vieillir, même si les cadavres nont pas dâge. Puis la remettre sur le lit, souriante, les mains croisées sur sa poitrine. (Mais elle na pas de mains. Mais elle na pas de lèvres.) Les jambes, les aligner délicatement, légèrement ployées, légèrement séparées pour produire un effet quelque peu troublant, les pieds peut-être unis par les talons, formant un angle de quarante-cinq degrés un degré de plus, un degré de moins, avec une légère déviation vers la gauche par rapport à langle du matelas afin dobtenir un effet fortuit. (Mais les rotules: comment les remettre? Et comment les emboîter parmi tant de viande déchirée, de ligaments coupés et désormais inflexibles, matériau à lair, sans peau qui le contienne?)

31 Treize, Instructions pour vivre sans peau et Bref inventaire de toutes les choses ont été adaptés au théâtre par Claude Esnault

32 Tous les Cambodgiens Compositeur, poète, essayiste, journaliste, scénariste de bandes dessinées, Rafael Menjívar a peu écrit pour la scène: le livret dune cantate, Les morts, et deux pièces de théâre. Ici, un homme attaché à une chaise subit un interrogatoire dont la brutalité est essentiellement psychologique. On ne découvre que dans les dernières répliques que son partenaire nest pas un flic mais un psychiatre.

33 Un monde où le ciel ne cesse de tomber Indole Editores, San Salvador, 2011 Cénomane, 2008, pour la trad. Rafael Menjívar a peu pratiqué la nouvelle, qui ne lui permettait pas délaborer les structures complexes quil aimait. Il y avait essentiellement recours afin daméliorer sa connaissances des personnages de ses romans. Certaines dentre elles mettent donc en scène Le Colonel (Cimetière dautomobiles), dautres policiers (Le Cubain) ou des hommes ayant eu la malchance den croiser la route (Fade out). Dans Une lumière qui ne séteint jamais, un papa dont la fille est malade assiste à la veillée funéraire de la fille dun usurier, nous plongeant dans une ambiance de roman noir. La lecture dautres nouvelles comme La troisième porte ou Un monde où le ciel ne cesse de tomber, du fait de leur caractère énigmatique, constituent une véritable enquête dont le détective est le lecteur.

34 Le fou savait quil allait mourir. Le médecin le lui avait dit: –Ou je te coupe la main ou bien tu meurs. Il sétait levé et avait quitté la consultation. Il navait même pas tordu la bouche, comme il le faisait parfois. Il sétait juste levé et il était parti. Il avait déjà trop attendu et couper était la seule manière possible de le guérir. Lidée ne lui avait pas plu. –Fou, quils te lenlèvent–lui dis-je sur le pas de la porte–. Cest la gauche, cest pas un probème. –Cest ma main –dit-il. Il y avait quatre jours que le Fou nallait pas travailler et le commandant mavait appelé. –Amène-moi ce connard ou vous êtes virés. On lance une opération et je vous veux ici à sept heures, tous les deux. Parfois le Fou disparaissait pendant plusieurs jours, puis il réapparaissait comme si de rien nétait. Il restait probablement chez lui à laver du linge, ou il allait aux putes à Acapulco, mais il aimait faire le mystérieux. Il nétait pas étonnant quil disparaisse trois jours avant Noël. Il était chez lui. Le volume de la télé était à fond. Voix de dessins animés. Il était pâle et on aurait dit quil ne sétait pas lavé depuis un an, lui toujours si propre. Il transpirait de partout.

35 –Ça sent le rat mort –lui dis-je. –Vraiment? Quand ça sent comme ça cest parce quil y a quelque chose en état de décomposition. Presque toujours des gens. Crimes passionnels, petites vieilles tombées dans leur baignoire, suicides, des choses comme ça. Je jetai un coup doeil par la porte de la salle de bains. –Pas la peine de chercher –dit-il. Il me montra sa main gauche, enveloppée dans un mouchoir couvert de taches noires. Lodeur venait de là. Elle avait lair enflée, avec des doigts comme des chorizos, et de la même couleur que des chorizos. –Ils mont eu –dit-il. Il sassit devant la télévision et but une gorgée au goulot dune bouteille de Brandy. –Tu veux boire un coup? –me dit-il. –Non. –Tas vu les Pierrafeu? –me demanda-t-il. –Je vais temmener chez le médecin. –Tas vu ces foutus Pierrafeu? –Oui. –Tu ressembles à cet enfoiré dArthur-dit-il, et il commença à se bidonner. Jallumai une cigarette. –Arrête de fumer. Cest des trucs qui tuent –me dit-il. –On lance une opération. Je vais temmener chez le médecin pour quil te voie et te fasse un certificat.

36 Fred Pierrafeu sortait dune cheminée, habillé en Père Noël. –Tas vu les Pierrafeu? – me demanda-t-il à nouveau. Je ne pouvais détacher mon regard de sa main emmaillotée. Mon coeur se souleva. –Quest-ce qui test arrivé? –Ils mont eu –dit-il. –Qui? –Quest-ce que ça peut faire? –il souffla bruyamment–. Ils mont eu. Cest comme ça. (Cimetière de voitures)

37 Temps de folie FLACSO, San Salvador, 2006 Histoires de famille En 1979, des militaires modérés semparent du pouvoir. Un gouvernement provisoire est constitué, dirigé par un civil centriste. Or, quelques mois après cette relative ouverture, la guerre civile éclate. Interrogeant tant les archives que les acteurs de l époque, le détective Menjívar mène avec Temps de folie lenquête sur ce paradoxe… Dans Histoires de famille (à paraître) il revient sur la tragédie de Managua: Marcial a-t-il vraiment fait assassiner Ana-María comme le prétend lhistoire officielle, pour qui son suicide est un aveu, ou bien naurait-il pas plutôt été aimablement invité à se suicider, de manière à lui faire porter le chapeau, comme dans les romans policiers de Rafael Menjívar, dun crime commandité par ceux – Cubains, Nicaraguayens et leurs alliés salvadoriens – qui navaient pas intérêt à voir triompher ni la ligne de Marcial ni celle dAna María?

38 Crétins inédit, 2011 Cest peu dire que Rafael Menjívar aura écrit jusquà son dernier souffle. Une semaine encore avant son décès, et alors quil ne pouvait quà peine entrouvrir les lèvres, il dictait encore à sa fille un texte étrange, qui racontait lhistoire dun crétin, hospitalisé au milieu dautres crétins. Ce crétin était un écrivain moribond, dont les œuvres étaient celles de Menjívar, mais qui nétait pas Menjívar. La douleur faisait revivre en lui les temps de la torture, les opérations à répétition lui rappelaient les atrocités de lépoque des escuadrons de la mort et il demandait pardon à ses personnages de les avoir tant meurtris. Une seule chose apaisait ses souffrances: imaginer que tous ces crétins qui mouraient avant lui, autour de lui, étaient des policiers…

39 Crétins inédit, 2011 Je nai jamais voulu être un méchant. Je nai jamais écrit pour déplaire à qui que ce soit. Tout du moins je ne men suis jamais rendu compte. Jai écrit ce que javais à écrire, et sil y eu dans mes pages quelque chose de terrible, cétait sans importance. Je mens. Un jour jai parlé dun cadavre corrompu sculpté par un pauvre imbécile qui navait pas su quoi en faire. Cest peut-être mon meilleur texte. Jai peut-être su dès le début que personne nirait au-delà du troisème chapitre. Je suis certain de lavoir fait exprès. Mais même ainsi, je nai pas voulu être un méchant, rien quun écrivain.

40 Conclusion provisore Nous avons tous, en nous, quelque chose de policier… et il y a peu de textes de Menjívar qui nen aient beaucoup. Sa première nouvelle est lhistoire dun fils de policier, son premier roman souvre avec laparition dun policier laid à tête de policier, son dernier texte met en scène un crétin qui simagine entouré de policiers… Au-delà des raisons historiques qui expliquent cette obsession pour les policiers, on est frappé par limportance qua aux yeux de Menjívar lenquête, journalistique, historique, et même littéraire puisque souvent il ne nous livre dans le désordre (comme dans la vie) que des éléments que cest à nous, lecteurs, dassembler afin de reconstituer ce qui aurait pu être le fil des événements. Si lire, comme vivre, cest toujours tenter de résoudre une série dénigmes, lœuvre de Menjívar en est une illustration particulièrement spectaculaire. Il existe un enregistrement de la télévision britannique où Jacques Tati se livre à limitation désopilante dun gardien de la paix français, comparé à un gardien de la paix anglais. Un policier nest policier que dans son propre pays et le « flic » mexicain (corrompu) ou le « flic » salvadorien (ancien paramitaire) ne peut pas être le même que celui de Scotland Yard ou du quai des Orfèvres.

41 Dans une note postée sur son blog, Rafael Menjívar insistait sur le caractère efficace du roman noir ou policier. Cest cette efficacité narrative qui la souvent poussé à en emprunter des techniques, ainsi quà sêtre pris daffection pour le genre, ne parvenant pas à refermer le cycle de ce qui ne devait au début nêtre quune trilogie. Il ne faut donc pas voir dans son œuvre policière une activité en marge du reste de son œuvre. Il y a, au contraire une cohérence profonde. Si, dans les polars les corps sont joyeusement maltraités parce que cest la loi du genre, on tue, on meurt, on luxe les épaules, on éclate les visages contre les murs dans la plus grande bonne humeur, il en va de même dans le reste de son œuvre, la bonne humeur en moins, comme dans les deux masques allégoriques du théâtre antique, la comédie et la tragédie. La vision de la vie et de la mort qui y prévaut est bien la même. Rafael Menjívar Ochoa en fait le Cinquième Commandement de ses Instructions pour vivre sans peau: «Cinq. Tu ne mourras pas».

42 Liens utiles Tribulaciones y astericosTribulaciones y astericos, le blog de Rafael Menjívar Ochoa Les éditions CénomaneLes éditions Cénomane, l éditeur des traductions françaises de Rafael Menjívar Le CERMO, site consacré à Rafael Menjívar OchoaCERMO Pour me contacter: thierry.davo@univ-reims.fr


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