Le cas de Scedosporium apiospermum

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Transcription de la présentation:

Le cas de Scedosporium apiospermum Jean-Philippe Bouchara Groupe d’Etude des Interactions Hôte-Pathogène, UPRES-EA 3142 Université d’Angers et UF de Parasitologie-Mycologie, CHU Angers http://www.med.univ-angers.fr/GEIHP/ Paris, 3 décembre 2009

Scedosporium apiospermum et mucoviscidose Isolement répété d’Aspergillus fumigatus chez 2 patients atteints de mucoviscidose (Angers) Développement d’une réponse immune spécifique (3 à 5 arcs de précipitation en électrosynérèse) Traitement à base d’amphotéricine B Plusieurs cures de trois semaines par voie générale (14 à 32 mg/jour) + aérosols d’amphotéricine Puis itraconazole Eradication du champignon Chabasse et al., J. Mycol. Méd., 1991

Scedosporium apiospermum et mucoviscidose Spores unicellulaires piriformes à claviformes

Scedosporium apiospermum et mucoviscidose Sollicités pour l’identification d’un « Chrysosporium » par le CHU de Lyon. En fait, Scedosporium apiospermum Provenant d’un patient atteint de mucoviscidose suivi dans l’Hôpital Renée Sabran de Giens (Pr. Chazalette et J. Carrère) Chabasse et al., J. Mycol. Méd., 1991

Association particulière avec la mucoviscidose ? Scedosporium apiospermum et mucoviscidose Mycoses résultant d’une inoculation traumatique de spores (piqures végétales, surinfections de plaies, jardinage, accidents de la route, …) Mycétomes cutanés ou sous-cutanés Atteintes oculaires, osseuses, articulaires, … Atteintes de l’appareil respiratoire (superposables aux infections aspergillaires) Sinusites Mycétomes pulmonaires Association particulière avec la mucoviscidose ?

Scedosporium apiospermum et mucoviscidose Giens Angers Collaboration avec l’Hôpital Renée Sabran Fréquence de S. apiospermum Signification clinique de son isolement Association Française de Lutte conte la Mucoviscisdose

Scedosporium apiospermum et mucoviscidose - Etude transversale (210 patients) Examen mycologique des expectorations et recherche d’anticorps précipitants dirigés contre S. apiospermum et les Aspergillus pathogènes - Etude longitudinale (128 patients suivis pendant 5 ans) Protocole : Ensemencement quantitatif (100 µl par gélose) sur géloses de Sabouraud + chloramphénicol ± cycloheximide 0,1% Incubation à 37°C pendant 7 jours Cimon et al., J Mycol Méd, 1995 Cimon et al., Eur J Med Microbiol Infect Dis, 2000

Scedosporium apiospermum et mucoviscidose Etude Etude transversale longitudinale Aspergillus fumigatus 21,4 46,1 Scedosporium apiospermum 3,3 8,6 Aspergillus terreus 1,9 6,2 Habituellement associé à A. fumigatus (10 patients sur 11) S’installe après l’Aspergillus (9 patients; délai 14 mois en moyenne) Les milieux semi-sélectifs (cycloheximide, DRBC-bénomyl, Sce-Sel+) facilitent la détection de S. apiospermum

Scedosporium apiospermum et mucoviscidose Seconde espèce en fréquence parmi les filamenteux 10% dans une étude Australienne 6,5% dans une étude Autrichienne (Rainer et al., juin 2007) Mais très grande variabilité d’un centre à l’autre: Variations dans la répartition géographique Absence de standardisation de l’examen mycologique des expectorations (pas de milieux sélectifs, durée d’incubation trop courte)

Etude MucoFong (PHRC 2006 - Pfizer - VLM) Scedosporium apiospermum et mucoviscidose Etude MucoFong (PHRC 2006 - Pfizer - VLM) CHU de Lille, Rouen, Dijon, Grenoble, Angers et Bordeaux et CHG de Dunkerque (L. Delhaes. S. Leroy, D. Turck, I. Durand-Joly, et J.P. Bouchara) Durée : 3 ans Objectifs: Recensement des espèces fongiques en cause Rédaction de recommandations pour l’examen mycologique des expectorations Informations sur l’origine de la contamination des patients Signification clinique de l’isolement de ces champignons

Développement de méthodes moléculaires Scedosporium apiospermum et mucoviscidose Développement de méthodes moléculaires Détection et identification directe des différentes espèces en présence à partir des expectorations - PCR-TGGE (temporal gradient gel electrophoresis) Amplification de la région ITS de l’ADNr, puis séparation des amplifiats par électrophorèse sur gel de polyacrylamide en présence d’un gradient de température

Développement de méthodes moléculaires Scedosporium apiospermum et mucoviscidose Développement de méthodes moléculaires Détection et identification directe des différentes espèces en présence à partir des expectorations - Développement de puces à ADN ( Pr. T.C. Chang, Tainan, Taiwan) Amplification de la région ITS de l’ADNr, puis hybridation avec des sondes oligonucléotidiques immobilisées sur lame Cultures : Afla + AF + Ater + Cpara DNA chip : Afla + AF + Ater + Cpara + Cgla Bouchara et al., J Clin Microbiol, 2009

Scedosporium apiospermum et mucoviscidose Cultures: Négatives AF + CA AF + Spro + CA DNA chip: Négatif AF + CA AF + Spro + CA Aspergillus flavus Aspergillus fumigatus Aspergillus nidulans Aspergillus niger Aspergillus terreus Emericella nidulans var. echinulata Candida albicans Candida dubliniensis Candida glabrata Candida lusitaniae Candida parapsilosis Candida tropicalis Acrophialophora fusispora Exophiala dermatitidis Fomitopsis pinicola Paecilomyces lilacinus Paecilomyces variotii Penicillium emersonii Scedosporium apiospermum Scedosporium prolificans Scopulariopsis brevicaulis Bouchara et al., J Clin Microbiol, 2009

Signification clinique de la colonisation des voies respiratoires

Signification clinique 7 des 11 patients positifs présentaient > 2 cultures positives (sur une période allant de 10 à 56 mois) Cimon et al., Eur J Clin Microbiol Infect Dis, 2000 Colonisation chronique ou réinfestations successives ? Développement d’une méthode de typage Zouhair et al., J Med Microbiol, 2001 Application au typage d’isolats multiples et séquentiels Defontaine et al., J Clin Microbiol, 2002

Typage de Scedosporium apiospermum Amplification aléatoire de fragments d’ADN polymorphes (RAPD) 16 isolats cliniques 3 isolats environnementaux (sol, plumage d’étourneaux) 20 amorces RAPD testées Zouhair et al., J Med Microbiol, 2001 GC70 UBC 701 UBC 703

Typage de S. apiospermum et mucoviscidose Neuf patients, de 1 à 9 expectorations par patient sur une période de 3 ans, et de 1 à 5 colonies par prélèvement 130 isolats correspondant à 30 prélèvements Pour chaque isolat, 3 amplifications avec les amorces précédemment définies (GC70, UBC701 et UBC 703)

Aspergillus fumigatus et mucoviscidose Polymorphisme +++ chez les patients récemment colonisés Un génotype commun aux différents patients tend à s’installer avec l’ancienneté de la colonisation Cimon et al., J Med Microbiol, 2001

Isolats non apparentés (validation de la méthode) Typage de S. apiospermum et mucoviscidose Isolats non apparentés (validation de la méthode) Patient 4 C1 C2 C3 Parfois un génotype largement majoritaire, associé à un ou deux génotypes mineurs et très proches du génotype dominant Habituellement un génotype unique différent d’un patient à l’autre, et conservé tout au long du suivi malgré les traitements antifongiques Defontaine et al., J Clin Microbiol, 2002

Signification clinique - Habituellement, pas de symptomatologie Mycoses cérébrales ou disséminées chez les transplantés pulmonaires Mycoses broncho-pulmonaires allergiques comparables à l’ABPA Cimon et al., J Mycol Méd, 2000 Precipitin lines ( ) FEV1 (% ) Eosinophils (cells/mm3 ) 1500 1000 500 10 20 30 40 50 80 60 8 6 4 2 Itra - Ne pas négliger la simple colonisation chronique Contribue à la réaction inflammatoire chronique Prudence en cas de transplantation (caractère invasif, faible sensibilité)

Mucoviscidose et pathogénicité de S. apiospermum Patiente âgée de 26 ans colonisée par S. apiospermum En avril 1999, transplantation bipulmonaire Prophylaxie antibactérienne et antifongique (itraconazole et aérosols d’amphotéricine B) J29: choriorétinite bilatérale et nodules sous-cutanés Vitrectomie et biopsie des lésions cutanées S. apiospermum Voriconazole (400 mg/jour) pendant 6 mois Signes généraux (fièvre, nausées, vomissements) et atteinte cérébrale Ponction lombaire S. apiospermum Décès 3 semaines plus tard Symoens et al., J Heart Lung Tansplant, 2007

Mucoviscidose et pathogénicité de S. apiospermum 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 1-6 Isolats non apparentés 7-13 Isolats du patient 7-11 colonisation bronchique (expectorations) 7 : 12 novembre 1997 8 : 1er avril 1999 9 : 4 avril 1999 10 : 7 avril 1999 11 : 16 avril 1999 12-13 vitrée, 30 mai 1999 UBC701 UBC703 Symoens et al., J Heart Lung Tansplant, 2007

Origine de la contamination des patients

Origine de la contamination par S. apiospermum Sols contaminés et eaux fortement polluées (capacité à assimiler les hydrocarbures) Très rare à l’intérieur des habitations Prélèvements d’air et des surfaces dans 130 habitations à Bruxelles Pas retrouvé au niveau des surfaces, détecté une seule fois dans l’air (49ième position sur 52 genres identifiés, 1 UFC sur 20,000) Beguin et Nolard, Aerobiologia, 1994 Une meilleure connaissance de l’écologie du champignon et des réservoirs permettrait de proposer des mesures préventives

Origine de la contamination par S. apiospermum Etude environnementale au domicile de 6 patients colonisés suivis sur Angers Prélèvement d’eau de la douche ou de la baignoire (salle de bains, cabinet de toilette personnel) + aquarium : 500 ml pour chaque prélèvement Prélèvements d’air (chambre du patient, salon, salle de bains) : 2 x 1 m3 d’air dans chaque pièce (Sampl’Air MK2) Prélèvements de surface (chambre, salon, salle de bains) : Boîtes contact ou écouvillons (10 sites)

Origine de la contamination par S. apiospermum Prélèvements de terre : Jardin compost Litière des animaux Plantes en pot (toutes les plantes) Summerbell et al., Mycopathologia, 1989 Au total : 140 prélèvements analysés

Origine de la contamination par S. apiospermum Prélèvements d’air et d’eau : Un prélèvement d’air et un prélèvement d’eau se sont révélés positifs (avec pour chacun, 1 seule UFC, mais pas de S. apiospermum) Prélèvement de surfaces : Négatifs pour la plupart. 1 ou 2 espèces fongiques pour certains. Scedosporium apiospermum a été détecté une seule fois (radiateur dans la chambre d’un patient, 1 seule UFC) Prélèvements de terre : S. apiospermum n’est pas retrouvé dans la terre de jardin (même chose pour le compost ou la litière des animaux)

Origine de la contamination par S. apiospermum P1 P2 P3 P4 P5 P6 Plantes en pot prélevées 9 5 10 7 13 11 Prélèvements positifs 8 4 5 6 7 8 Sur 55 plantes en pot prélevées, 38 positives

Origine de la contamination par S. apiospermum Les plantes en pot : réservoir du champignon, et facteur de risque de colonisation des voies respiratoires par Scedosporium apiospermum Leur présence au domicile de patients atteints de mucoviscidose devrait être déconseillée

Mécanismes pathogéniques de Scedosporium apiospermum

Facteurs de virulence de S. apiospermum Colonisation et/ou infection Echappement à la réponse immunitaire Adhérence aux tissus de l’hôte Invasion des tissus Captation du fer extracellulaire (respiration, synthèse ergostérol)

Facteurs de virulence de S. apiospermum Adhérence aux tissus de l’hôte (Hydrophobines, lectines fongiques) Echappement à la réponse immunitaire Cu.Zn superoxyde dismutase Lima et al., Microb Infect , 2007. Catalases, mélanine Colonisation et/ou infection Invasion des tissus sérine-protéase de type subtilisine Larcher et al., Biochem J, 1996 Captation du fer extracellulaire Sidérophores, Bertrand et al. Biometals, 2009

“Fungal respiratory infections in Cystic Fibrosis” 1st Meeting of the ISHAM Working group on “Fungal respiratory infections in Cystic Fibrosis” Faculté des Sciences Pharmaceutiques, Angers 7-8 Juin 2009 Plus de 60 participants (14 pays) : - surveillance clinique ou biologique - amélioration du diagnostic ou de la prise en charge thérapeutique - amélioration des connaissances sur l’épidémiologie et la physiopathologie de ces infections, ou l’écologie de ces champignons