Jean Pierre Rosenczveig

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Transcription de la présentation:

L‘enfermement, dernier recours pour les enfants délinquants, mais pas une fin en soi Jean Pierre Rosenczveig président du Tribunal pour Enfants de Bobigny (France) du B.I.D.E. et D.E.I.-France New York, le 9 mai 2002

L’actualité du débat en France La montée (relative) de la délinquance juvénile violente : +, plus jeunes, + violents 1980 : la délinquance des moins de 18 ans = 14% de la délinquance globale 2001 : 20.5% (mais baisse sur 1999 et 2000) Plus préoccupant : la délinquance de rue ! En moyenne elle est de 33%; parfois 55% Un « sentiment » d’impunité et de laxisme, y compris dans la tête des jeunes, mais une réalité différente 2001 : 65 000 nouvelles procédures 7 400 condamnations à des peines de prison ferme; dont 4400 incarcérations, etc.

Une demande renforcée d’enfermement et d’éloignement Le débat est axé sur la prévention de la récidive ! Une unanimité des « grands » candidats à l’élection présidentielle : fermeté à l’égard des jeunes délinquants (différentes modalités dont les centres de sécurité dits éducatifs pour mineurs) Mais discrétion sur la prévention de la délinquance

Florilège des propositions avancées sur le thème « Tolérance 0 » ou « Impunité 0 » Abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans voire à 14 ans Introduire la possibilité de peines à partir de 10 ans Rétablir l’incarcération provisoire pour les délits simples entre 13 et ans Introduire le jugement immédiat pour les récidivistes Permettre au procureur de placer un jeune en détention Sanctionner les parents d’enfants délinquants Objectif : rétablir l’autorité, faire peur aux délinquants

Grands principes du droit pénal français des mineurs Une justice spécialisée depuis 1912 Une responsabilité pénale atténuée La priorité éducative Une défense obligatoire

Une justice spécialisée Les juridictions spéciales Le Tribunal pour enfants pour les délits commis avant 18 ans et crimes commis avant 16 ans La cour d’assises des mineurs : crimes entre 16 et 18 ans Un parquet spécialisé Des juges d’instruction spécialisés pour les crimes et affaires graves Un juge de la détention et des libertés étonnement pas spécialisé

SCHEMA DE LA JUSTICE PENALE DES MINEURS POLICE Victimes Témoins Juge délégué à la détention

1 - La priorité éducative ne fait pas obstacle à une mise à l’écart rapide L’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945 sur la délinquance juvénile fixe une priorité éducative …. mais n’interdit pas la répression (voir les chiffres supra), voire bien sûr l’éloignement du jeune Ses principes restent valables et modernes et appliqués au quotidien

La répression : Une responsabilité atténuée et graduée selon l’âge Avant 7- 8 ans Irresponsabilité pénale absolue, mais imputabilité possible et mesures éducatives 13-16 ans Responsabilité pénale atténuée (moitié de la peine encourue par un adulte), mais priorité éducative 16-18 ans Responsabilité pénale atténuée, mais possibilité de retirer l’excuse de minorité (la peine maximale encourue est alors réclusion criminelle à perpétuité) +18 ans majorité Pleine responsabilité pénale, mais possibilité de mesure éducative (art 16 bis)

Et l’incarcération provisoire est possible Limitée depuis 1989, mais réelle (voir tableau 11) Certains voudraient revenir à une détention provisoire plus aisée En attendant la loi de 2000 a eu le souci de limiter le recours à la détention, provisoire pour les majeurs comme pour les mineurs Le casse-tête des 13-16 ans; une piste … la détention provisoire après violation d’un contrôle judicaire

13-16 ans 16-18 ans avant 13 ans Détention provisoire Crimes Délits Contraven-tions avant 13 ans NON 13-16 ans OUI, 6 mois renouvelable une fois 16-18 ans OUI, max. 2 ans Oui, 1 mois renouvelable une fois (4 mois max. 1 an si peine encourue sup. à 7 ans

La procédure de la détention provisoire pour les mineurs Saisine du juge de la détention (J.L.D.) sur proposition du parquet ou initiative du juge des enfants ou du juge d’instruction L’audience n’est pas publique La défense est obligatoire Le service éducatif donne son avis sur le jeune Le J.L.D. peut incarcérer ou prendre des mesures de protection Il est seul compétent pour renouveler le mandat de dépôt; le juge des enfants ou le juge d’instruction peut libérer à tout moment

L’incarcération doit rester exceptionnelle On parle de développer des alternatives à l’incarcération Il s’agit en fait d’alternatives au retour en famille Le travail en milieu ouvert (ex. la liberté surveillée préjudicielle, la réparation) L’accueil en famille ou en institution avec un éloignement du quartier, des copains et de la famille

Conclusion provisoire Le droit français fait déjà une belle place à l’incarcération des mineurs soit par une condamnation à partir de 13 ans soit par la détention provisoire Pour certains, cela ne suffirait pas, d’où les pistes avancées pour durcir les réponses judiciaires : il s’agit d’une révolution , plus que d’une adaptation

Des lignes sur lesquelles on ne peut pas céder La remise en cause de la barrière des 13 ans : avant, on est dans l’enfance; or on éduque un enfant, on en fait pas un délinquant Le retour à la détention provisoire « sèche » pour les 13-16 ans est dangereux Le flagrant délit pour aller vite est la négation du dispositif éducatif

II - Des conditions d’incarcération contestables La prison française : la honte de la République dixit les parlementaires (Sénat, Assemblée) en 2000 Des mineurs incarcérés avec des majeurs Majorité pénale (18 ans) et majorité pénitentiaire (21 ans) ne correspondent pas La sécurité aux jeunes n’est pas assurée en prison; le droit n’est pas respecté La violence de la rue entre en prison Rétablir de la relation en prison L’état sanitaire et scolaire des jeunes est préoccupant Les mineurs sont parfois abandonnés par leur famille et les éducateurs Les détenus sont trop souvent inactifs Résultat : la récidive est importante à la sortie et le jeune acquiert le statut de caïd

En d’autres termes …. La sécurité n’est pas assumée par l’Etat qui entend restaurer l’image de la loi aux yeux des jeunes La société n’est protégée qu’un temps puisqu’en sortant les jeunes récidivent La peur règne en prison Les efforts déployés depuis deux ans sont réels mais insuffisants Conclusion : la recherche d’une alternative à la prison La tentation de proposer des lieux clos qui ne soient pas des prisons, mais aient une vocation éducative La solution parfaite …. en théorie

La résistance contre les centres fermés s’épuise 1999 : un programme de 50 Centres de Placement Immédiat et 100 Centres d’Education Renforcée piur (1500 places au total) Des établissements éducatifs publics ou privés ouverts La contention (relative) est assurée par un fort encadrement humain 2002 : on propose carrément de mettre des barreaux aux murs des établissements éducatifs pour les fermés On a déjà connu cela dans l’histoire de France Fermeture de la dernière maison de correction en 1979 Pourquoi?

Quels sont objectifs visés ? Eliminer un certain temps et au plus tôt après leur arrestation les jeunes fauteurs de troubles - via pourquoi pas ? le procureur – pour qu’ils ne rentrent pas chez eux avec un sentiment d’impunité Eduquer, mais peut-on apprendre la vie dans un monde clos ?

Mon analyse Il faut oser dire que la prison doit avoir une place, mais résiduelle pour Sûrement Punir Éliminer Eventuellement Rééquilibrer Certainement pas pour éduquer

REPRESSION ET EDUCATION La fausse opposition : Tout éducation est une contrainte; toute répression se veut éducative L’une et l’autre peuvent être utile Mais il ne faut pas mélanger les styles La prison punit L’éducation suppose la liberté même encadrée et la responsabilité, et la durée

Conclusion …. La prison n’est pas une fin en soi, mais il faut déjà achever la rénovation des centres pour mineurs Des structures éducatives s’imposent : encore faut- il faut en réunir les moyens en lien avec la famille trouver les hommes - et les garder - qui vivent 24 h sur 24 avec ces jeunes La voie de la réparation pour punir doit être encore mieux utilisée

Mais reste la vraie question Par-delà la récidive, il faut s’attacher à prévenir la primo-délinquance Les deux questions doivent être gérer de pair : répondre à la délinquance d’aujourd’hui et prévenir la délinquance de demain On fait l’économie de comprendre la modernité de la délinquance des jeunes et de leur violence

Les termes de cette prévention de la délinquance La reprise économique et une plus grande justice sociale sont indispensables Mais insuffisantes : il faut spécialement Une politique familiale, Une politique sociale Une politique d’intégration Une politique citoyenne

La tendance lourde à plus de répression Vers une nouvelle branche au dispositif de réaction sociale à la délinquance des mineurs: une administration pénitentiaire pour mineurs Les limites de l’exercice « Tolérance 0 » ou « Impunité 0 » Sur le plan technique : ce qui est proposé n’est pas à la hauteur de l’ampleur du problème Les engagements internationaux de la France La tradition française Un relatif optimisme …..