Michel Colombier CIRAD, IDDRI Jean-Michel Salles CNRS, UMR LAMETA

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Transcription de la présentation:

Michel Colombier CIRAD, IDDRI Jean-Michel Salles CNRS, UMR LAMETA Séminaire à Institut d’Études Politiques de Paris L’effectivité du Protocole de Kyoto sur les gaz à effet de serre : rôle des mécanismes de contrôle et de réaction au non-respect 29 septembre 2006 Engagements, contrôles, sanctions dans les négociations climatiques : quelle analyse économique ? Michel Colombier CIRAD, IDDRI Jean-Michel Salles CNRS, UMR LAMETA

Approche économique de la régulation incitative : quel est la question ? Analyse économique des dispositifs juridiques : deux questions liées Définir les dispositifs « optimaux »… … c’est-à-dire qui conduiront les agents à faire des choix individuels conformes à la plus grande efficacité sociale Améliorer les dispositifs existants… … dans le sens d’une plus grande efficacité sociale Pourquoi les économistes se posent-ils ces questions ? Parce que les institutions existantes, y compris les marchés, peuvent générer des signaux qui n’incitent pas les agents à se comporter dans un sens compatible avec l’efficacité sociale (notion d’externalités). Aux défaillance de marché font écho les défaillance de gouvernance Si on imagine un régulateur bienveillant et omniscient… … la réponse est alors très simple

Quels problèmes avec la « régulation climatique » La accords internationaux face au changement climatique ne correspondent certainement pas à ce cas simple Les conventions et protocoles internationaux remplissent certaines fonctions de régulation, mais avec des prérogatives très limitées L’issue de négociations internationales ne correspond sans doute pas aux décisions que prendrait un régulateur bienveillant et omniscient, et leur mise en œuvre ne se fait pas dans un contexte informationnel idéal : Les pays n’ont qu’une connaissance partielle de leur situation présente et, plus encore, à venir (information « incomplète ») Les pays ne sont qu’imparfaitement incités à être sincères sur leur situation ou leurs efforts (information « imparfaite ») La littérature à caractérisé deux types d’information imparfaite qui renvoient à deux approches pour en limiter les conséquences

Que signifient les engagements pris à Kyoto ? Les objectifs fixés à Kyoto portent sur des niveau d’émissions définis (pays annexe 1) à l’issue de négociations complexes + (mécanismes de flexibilité) + (caractère de supplémentarité) Les approches fiscales ayant été écartées dans la Convention Climat, le principe de responsabilité commune mais différenciée impliquait de fixer des objectifs par pays Ils ne reflètent pas de critère simple d’efficacité ou d’équité, mais une image instantanée de considérations multiples : émissions de référence (1990) perception des coûts d’abattement perspectives démo-économiques volonté d’apparaître leader, etc. De nombreux éléments, quand à la caractérisation des flux à prendre en compte ou à l’harmonisation de leur mesure ont été précisés par la suite… … ainsi que les procédures de contrôle et de réaction au non-respect

Les engagements de Kyoto (suite) Chaque pays n’a qu’une connaissance imparfaite des caractéristiques ("type de l’agent") des autres : Perspectives démographiques ou de développement économique Possibilités, coûts et acceptabilité des changements techniques ou des structures de consommation Vulnérabilité aux risques climatiques Problème (anti-sélection) : comment juger de la pertinence (efficacité, équité…) des objectifs fixés ? Une solution peut résider dans l’organisation d’enchères Des enchères centralisées étaient et restent irréalistes, mais diverses formes de décentralisation pourraient être envisagées : Compétition globale mais paiement national Segmentation sectorielle… Il faut ici souligner la diversité des acteurs impliqués Des sources nombreuses et diverses tant par secteur d’activité que par types d’acteurs (entreprises, structures publiques, ménages) Distinguer : grands secteurs émetteurs / secteur émergent des "solutions" (notamment pour le CDM)

L’observance et la réaction au non-respect En instaurant des mécanismes de contrôle et de réaction au non respect contraignants, le protocole de Kyoto et l’accord de Marrakech semblent avoir marqué une rupture du point de vue du droit international de l’environnement L’observance apparaît comme un mécanisme « dur » qui implique pour les pays de reporter annuellement leurs émissions et leurs actions sous une forme permettant le contrôle « multilatéral » par des experts (choisis par le secrétariat de la Convention parmi les experts proposés par les parties) Le non-respect est sanctionné par une compensation, majorée de 30%, sur la période suivante Dans un marché de permis « classique » ce serait un simple mécanisme de borrowing (à 5,4 %/an ?) : Si le pays a mal anticipé ou si le « marché » des permis lui paraît dans une conjoncture défavorable, il remplace le transfert synchronique avec d’autre pays, par un transfert diachronique avec lui-même D’autres formes de sanction (financière, commerciales) étaient a priori possible, mais ne sont peut être pas implementable

Pourquoi des mécanismes « durs » ? Cette double exigence est parfois présentée comme la contre-partie des mécanismes de flexibilité qui doivent permettre aux pays de respecter leurs engagements quelle que soit leur conjoncture Ces mécanismes permettent en effet de transformer une contrainte technique ou structurelle en simple coût financier (au moins à court terme, dans des étapes futures la contrainte globale pourrait devenir plus réelle) Ne serait-ce pas l’inverse ? Le respect des engagements est en fait la priorité que se sont fixé les négociateurs, face à la gravité des risques et l’importance d’une bonne coordination internationale. Les mécanismes de flexibilité devenaient dès lors nécessaires pour permettre aux pays de prendre des engagements ambitieux sans risquer d’avoir à choisir entre non respect et programme d’abattement surdimensionné et excessivement coûteux La critique « morale » de la compliance par achat de permis n’apparaît plus si fondée si la flexibilité est la contre-partie de l’ambition d’une meilleure « intégrité environnementale »

Le problème avec des engagements multi-périodiques Le protocole de Kyoto ne constitue qu’une étape dans le processus de régulation internationale des risques climatique Le report sur les quotas de la période suivante conduit cependant à souligner que les quotas futurs ne sont pas encore définis : un pays sanctionné pour non-respect intégrera sans doute cette « donnée » dans la négociation de ses engagements futurs Les efforts entrepris par un pays pour respecter ses engagements ne peuvent, en effet, être connu qu’imparfaitement par les autres pays : Investissements spécifiques dans des changements techniques Contraintes sur les consommations Les résultats obtenus peuvent être la conséquence d’actions volonta-ristes coûteuses ou avoir bénéficié d’une conjoncture ou d’évolutions localement favorables « non-observables » (« risque moral ») Le mécanisme apparaît donc (partiellement) manipulable et donc, a priori, économiquement inefficace (sous-optimal) Mais les échanges de permis introduisent un élément d’objectivation

Contrôles, sanctions : quels objectifs à Kyoto et Marrakech ? Les objectifs d’une étape sont a priori contingents à l’objectif final, ici : stabiliser les climats à un niveau non (ou peu) dommageable Les étapes doivent créer les conditions d’un progrès continu : Valider ce qui est déjà faisable Créer une incitation à innover de façon orientée Accroître les possibilités futures de choix Les contraintes flexibles fixées à Kyoto peuvent contribuer à ces trois conditions liées et d’autant plus que la « crédibilité » du protocole est assurée (d’où les refus ou réticences à la ratification…) Le protocole de Kyoto est avant tout un accord politique entre nations souveraines ; ce qui implique de ne pas assimiler sans précaution les mécanismes définis à des instruments économiques Les mécanismes définis à Kyoto ne sont pas de même « nature » que ceux régissant le marché européen du carbone (ETS) qui, du fait de l’existence d’une autorité régulatrice, est plus clairement un instrument « économique » de politique publique…

Pour conclure Les mécanismes de contrôle et de sanction associés aux engagements de Kyoto apparaissent très exigeants dans les formes Mais, les sanctions ne sont pas réellement contraignantes et l’analyse montre qu’elles pourraient aisément être contournés ou manipulés Leur efficacité relève de mécanismes dits de « sunshine regulation » (imaginés fin XIXe s. aux USA par un régulateur sans pouvoir sur l’oligopole des chemins de fer) et cette incitation politique est sans doute plus forte que les mécanismes de réaction au non-respect Du fait des mécanismes de flexibilité, seuls des États ne souhaitant pas respecter leurs engagements seront a priori « mis à l’index » Les mécanismes de flexibilité ont en outre une fonction informationnelle qui renforce et crédibilise les engagements Cette logique pourrait coordonner la mobilisation des grands acteurs publics et privés nécessaire à la mutation de nos systèmes économiques