Si les drogues sont dépénalisées, leur usage deviendra-t-il normal? Dr Vincent Laprévote Psychiatre Centre de Soins, d’accompagnement et de Prévention en Addictologie CHU de Nancy
Normalité
Banalisation
Stupéfiants
Cocaïne Héroïne Cannabis Nouvelles drogues de synthèse LSD Psylocibes Ecstasy et amphétamines Méthadone
La loi de 1970 Volet pénal : – Pénalisation de la détention et de l’usage de stupéfiants – Actuellement : 1 an de prison et 3750 € d’amende Volet sanitaire : – Affirmation de la dimension sanitaire – Création de CSST
L’addictologie Les soins ne sont aucunement conditionnés au caractère légal ou illégal du produit Corpus de connaissances sans référence au caractère illicite du produit
1. Le cas des salles de consommation à moindre risques
Salles de consommation à moindres risques L’héroïne – Agoniste opiacé – Dépendance importante – Dommages sanitaires – Dommages sociaux – Usage intraveineux ou nasal
La réduction des risques
Une philosophie de la réduction des risques Le mieux pour vous est de ne pas consommer mais si vous ne pouvez pas arrêter, alors ne vous mettez pas en danger.
Salles de consommation : objectifs Améliorer l’accès aux soins (traitements de la dépendance ou autres traitements) et aux services sociaux Réduire la morbidité et la mortalité associées aux overdoses/surdoses Réduire les risques pour la santé spécifiques de l’injection Atteindre des populations marginalisées d’injecteurs IV Eviter les effets secondaires indésirables tels que l’augmentation du nombre d’injecteurs, de la fréquence d’injection ou la diminution des entrées en traitement.
Effets bénéfiques Public utilisant la salle : plus jeune, potentiellement injecteur en lieu public, usage quotidien, logement instable CMAJ 2006 En 2 ans réduction de 35% du nombre d’overdoses dans le quartier de la salle d’injection Lancet 2011 Diminution du partage de seringues Lancet 2007 Augmentation du recours au soins de sevrage et de substitution Addiction 2007 Modélisation des bénéfices : prévention de 36 contaminations VIH et de 3 overdoses par an, soit une économie estimée à 6 millions $ CMAJ 2008
Effets négatifs Promotion de l’usage de drogue? Pas d’augmentation des rechutes chez les anciens injecteurs (17 VS 20%). Pas de diminution de l’abandon de l’injection (17 Vs 15%). BMJ 2006 Sur 1065 usagers interrogés, 1 seul a débuté ses injections sur le site. Am J of Public Health 2007 Pas d’augmentation des crimes dans le voisinage Substance Abuse Treatment, Prevention, and Policy, 2006
Salles de consommation Le dispositif ne se veut pas une banalisation de l’héroïne Un dispositif de réduction des risques, complémentaire des dispositifs de traitement de la dépendance Une exception à la loi
2. La question de la dépénalisation de l’usage du cannabis
Cannabis Source : drogues, chiffres clés. OFDT
Risques sanitaires Physiques : – Pulmonaires, – Cancers – Maladies cardio-vasculaires – Accidents de la voie publique Psychiatriques – Lors de la prise aiguë – Augmentation du risque de schizophrénie – Perte de motivation – Effets neuro-cognitifs à long terme
123 HEROINE COCAINE ALCOOL PSYCHOSTIMULANTS HALLUCINOGENES TABAC BENZODIAZEPINES CANNABIS Rapport Roques 1998 Nutt et al. Lancet 2010
Dépénalisation : quelques arguments Dangerosité plus faible que d’autres substances (y compris de substances licites) Efficacité très contestée Valeur de la loi Criminalité induite
Mais que faire des mineurs? Source : OFDT 2013
Stupéfiant
Si la loi ne dit plus rien, qui va interdire le cannabis?
Cannabis Un produit interdit par la loi mais banalisé
3. Alcoolisation massive chez les jeunes
Source : OFDT 2013
Alcoolisations massives chez les jeunes Le pourcentage de jeunes de 17 ans ayant été ivres au moins trois fois dans l’année a augmenté de 2008 à 2011 (de 25,6 à 27,8%) Ivresses régulières (plus de 10 fois dans l’année) : 8,5% en 2008, 10,5% en 2011
Risques Risques comportementaux Risques de coma éthylique Risque d’atteintes neuro-cognitives à long terme? (par exemple McQueeny et al. 2009) Mortalité liée à l’alcool en France : estimée à décès par an (Guérin et al. 2013)
Alcoolisation massive chez les jeunes Un produit légal Un comportement banalisé
Banalisation des substances psychoactives
Enquête EROPP (OFDT 2013) La proportion des ans considérant une substance dangereuse dès l’expérimentation Héroïne : 90 % Cannabis : 54 % Tabac : 41% Alcool : 11 % Nutt et al. Lancet 2010
Vecteurs de la banalisation d’un produit La loi Le bruit médiatique Le discours des parents Le discours des pairs
Normalité Ce qui est conforme au plus grand nombre La déviance Le risque de stigmatisation En addictologie : La normalité serait protectrice pour le plus grand nombre Mais la « déviance » peut être recherchée