Infrastructure : la physique du Net Christophe Quentel … Pour les textes et le plan. Les illustrations non libres de droit utilisées dans ce document ne.

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Transcription de la présentation:

Infrastructure : la physique du Net Christophe Quentel … Pour les textes et le plan. Les illustrations non libres de droit utilisées dans ce document ne le sont qu'à titre d'illustration. (Version 1.1 : )

Le côté obscur de la gouvernance du Réseau A. Une affaire d’Etat B. Internet, ou la loi du plus gros C. Le retour de la revanche du régulateur Comment s'organise l'infrastructure internationale du réseau, l'interconnexion physique et logique des réseaux d'information locaux ? C'est l'aspect le plus méconnu, mais aussi le plus ancien et le plus stratégique de ce système qui permet à un bit d'information produit en Islande ou en Chine de parvenir jusqu'à un smartphone au Nigéria ou au Pérou - comme il permettait hier à un marchand turinois d'écrire à son client brugeois, à un télégramme britannique d'arriver à son destinataire prussien ou à l'opérateur radio d'un steamer danois de communiquer avec son armateur à Copenhague.

A. Une affaire d’Etat 1. L’Etat, la Nation et les réseaux 2. Les réseaux internationaux de télécommunication, modèles de l’ordre westphalien 3. Le piège des rentes de répartition

1. L’Etat, la Nation, les réseaux De tous les réseaux, ceux de télécommunication seront les seuls que l’Etat souhaitera gérer lui même.

Un monopole d’Etat… France : mars 1837 Belgique : 1850 Royaume-Uni : 1870 …Dont l'usage sera vite ouvert aux particuliers Grande-Bretagne, Belgique : 1846 France : 1851

Pourquoi un monopole d’Etat ? Souveraineté, sécurité, contrôle des frontières Egalité entre les territoires, neutralité du réseau : vers la notion de service public La crainte de l’opérateur dominant Indispensable interconnexion internationale

L’Etat, la Nation, les réseaux En Europe, l’Etat met en place les réseaux de télécommunication (poste, télégraphe)… …qui lui permettent de construire la Nation (un territoire, une langue, une autorité au delà des distances) …grâce au développement d’un service public dont l’existence viendra légitimer l’Etat. Les Etats-Unis, dans un autre contexte politique et géographique, ne font pas le choix du monopole… d’Etat.

2. Les réseaux internationaux de télécommunication, modèles de l’ordre westphalien Grand(s) jeu(x), gros enjeux

La nécessaire inter-connexion Les gains de productivité et les logiques de spécialisation géographique rendues possibles par la révolution industrielle provoquent une accélération de l’intégration économique européenne au milieu du XIXème siècle. La guerre de Crimée ( ) achève de convaincre les Etats occidentaux qu’ils devraient disposer de connexions télégraphiques internationales sûres et fiables.

Des problèmes très pratiques à régler L'alphabet (Morse, 1832) Les heures d’ouverture des bureaux de poste Le contrôle des contenus Le cryptage Et surtout, les tarifs, c’est-à-dire (s'agissant d'un monopole public) les taxes

Dans la fabrique des « unions » Les conventions télégraphiques bilatérales 1849 : Prusse-Autriche-Saxe 1851 : Etats allemands (+ Morse !), France-Belgique 1852 : France-Bade, France-Suisse, Autriche-Suisse (+ Morse !) 1853 : France-Sardaigne Les associations télégraphiques sous-régionales 1850 : L’Union télégraphique austro-allemande 1855 : L’Union télégraphique de l’Europe occidentale (France, Etat sarde, Belgique, Suisse, Espagne)

1865 : La conférence de Paris et la fondation d e l’Union télégraphique internationale

L’UTI : la première OIG Un Etat = une voix (presque par accident…) ; Tous Etats qui souhaitent participer à l’Union peuvent la rejoindre (en principe…) ; Un traité fondateur (sauf qu’il ne fonde pas l’UTI…) ; Les pays membres se retrouvent lors de conférences périodiques (la seconde se tiendra à Vienne en 1868) ; Ces conférences se déroulent toujours selon le même rituel (ouverture avec des diplomates, négociation du règlement, ateliers entre techniciens, déclaration finale sanctionnée par l’autorité politique…) Et c’est à Vienne qu’est créée une structure permanente, le « bureau international », qui entre en fonction en 1869 et survivra à la guerre de … Des caractéristiques qui préfigurent la SDN, l’ONU, etc.

De l’UTI à l’UIT 1903 : la voix de son maître et le frère de l’Empereur d’Allemagne : la conférence radiotélégraphique de Berlin 1932 : l’Union télégraphique internationale (UTI) devient l’Union internationale des télécommunications (UIT) 1947 : l’UIT devient une agence des Nations unies.

Dès les années 70, la confusion des genres au sein de l’UIT AT&T, un monopole de fait Le mouvement de dérèglementation, dès 1972 Des opérateurs privés qui se piquent de service public, des opérateurs publics qui se prennent pour des entreprises privées Le budget de l’UIT

3. Le piège des rentes de répartition L’un des principaux problèmes abordés par les Unions : les taxes ; Sur le mode de calcul, un consensus sera trouvé au bout d’une dizaine d’années : les messages seront facturés en fonction de leur longueur d’une part, et du nombre de zones tarifaires qu’ils traversent d’autre part (d’où la nécessité d’une union internationale pour simplifier les calculs, d’ailleurs…) ; Mais comment répartir les taxes entre les opérateurs d’émission, de réception et de transit ?

Les taxes de répartition : le principe AB ( )/2 = 45 45

Le piège des taxes de répartition Condition du développement des réseaux, nécessaire solidarité, prime à l’incompétence, puis indispensable compensation des effets des ajustements structurels La stratégie des opérateurs américains dès la fin des années 80 : profiter de l’accès aux marchés financiers pour investir en bande passante et R&D devenir le hub téléphonique mondial grâce au reroutage et au call back ; provoquer ainsi une chute spectaculaire des coûts grâce aux rendements croissants ; rendre leurs concurrents, privés de ce trafic, totalement dépendants des taxes de répartition qu'ils collectent désormais en leur nom ; et enfin dénoncer unilatéralement, le 1er janvier 1998, le dispositif des rendements croissants, au motif que les compagnies américaines payaient alors 6 milliards de dollars par an aux opérateurs étrangers. La conséquence (outre le début de la 1ère bulle...) : l’effondrement brutal de presque tous les opérateurs historiques des pays en développement, juste avant la révolution numérique.

-Philippe Quéau (Le Monde diplomatique, février 1999) « Et le reste du monde assiste, en spectateur impuissant, à la prise de contrôle des réseaux globaux. »

Infrastructure : la physique du Net A. Une affaire d’Etat B. Internet, la loi du plus gros C. Le retour de la revanche du régulateur

B. Internet, ou la loi du plus gros 1. La genèse : nationalisation des pertes, privatisation des bénéfices 2. Opérateurs : big is beautiful 3. Le dernier arrivé paie l’addition

1. Nationalisation des pertes… Internet : un objet purement public… ArpaNet (1969) : DARPA - DOD (Robert Taylor, Ivan Sutherland, Charles Hertzfeld, Vint Cerf…) Cyclades (1971) : IRIA, MENRT (Louis Pouzin) …Mais un objet public qui est le fruit du marché Des fabricants d’ordinateurs et de terminaux privés et en concurrence, dont l’objectif est de vendre, très cher, leur propre solution intégrée + Des universités dont la gestion n’est pas unifiée et la politique d’achat non planifiée = la nécessité de pouvoir se connecter avec un terminal d’une marque à un ordinateur d’une autre marque, à distance. Un réseau pour les chercheurs… Exposés aux aléas du (néo)libéralisme.

…Et privatisation des bénéfices L'objectif : ne pas acheter plus de (super-)ordinateurs, puisque Reagan a coupé les fonds de la recherche Les premiers backbones (NSFNet via MCI dès 1985, connexion vers Sophia Antipolis via France Telecom en 1988, RIPE en 1988, Renater en 1993) Réalisation par le privé, financement par le monde universitaire, amortissement quasi-immédiat des liens loués (100 MUSD pour NFSNet), privatisation complète à partir de 1992.

B. Internet, ou la loi du plus gros 1. La genèse : nationalisation des pertes, privatisation des bénéfices 2. Opérateurs : big is beautiful 3. Le dernier arrivé paie l’addition

2. Opérateurs : une typologie Grossistes en bande passante (MCI, Alcatel, Huawei…) Opérateurs télécoms (AT&T, British Telecom, Orange...) Fournisseurs d'accès (Free, Numericable, Verizon...) Fournisseurs de contenus (Content Providers : Facebook, Google...) Réseaux de livraison de contenus (Content Delivery Networks : Akamai… Ou OVH !) Traders en bande passante (Afripat...) Bien sûr, ces catégories ne sont pas étanches !

Un langage commun Le Border Gateway Protocol, v4 (BGP-4), ou inter-AS (Autonomous Systems) routing, défini par l’IETF

Une hiérarchie Règle n°1 : il n'y a pas de règle Règle n°2 : on ne parle pas des règles Une hiérarchie, fruit d'un rapport de forces contractuel (et donc aussi nuancée qu'évolutive) : « Tier 1 » : « Full peering agreements » ou « Settlement-free interconnection » - le Graal, réservé aux incontournables. « Tier 2 » : Modèle mixte – parce que tout est nuances « Tier 3 » : « Settlement-based Interconnection » - le traitement infligé aux petits opérateurs.

Big is beautiful En somme, plus un opérateur compte de clients… …moins ses coûts sont élevés : rendements croissants accords de peering …plus ses revenus sont imposants : ses clients paient les réseaux plus petits que lui aussi Ergo : plus un opérateur est gros, plus il grossit…

B. Internet, ou la loi du plus gros 1. La genèse : nationalisation des pertes, privatisation des bénéfices 2. Opérateurs : big is beautiful 3. Le dernier arrivé paie l’addition

Quand les nouveaux arrivants veulent se connecter, ils doivent payer Quand un internaute d’un pays fraichement arrivé sur le réseau se connecte à un site américain, c’est lui qui paie Mais quand un internaute américain se connecte à un serveur installé dans un pays fraichement arrivé sur le réseau, c’est toujours le noob qui paie ! Quand un internaute d'un pays fraichement arrivé sur le Réseau veut se connecter à un site américain, c'est lui qui paie. Il en découle que le monde entier subventionne la connexion internationale des internautes US…

Une exception : l’interconnexion NSFNet - RIPE C’est en 1988 qu’apparaît le RIPE (Réseau IP européen), alors club informel des responsables informatiques des principaux réseaux scientifiques européens (formalisation en 1992) Il y avait depuis 1985 des « liens » tirés entre l’Europe et NSFNet (p. ex. depuis la France, en 1988). Mais en 1989, première interconnexion négociée entre le RIPE et le NSFNet L’accord : un full peering agreement (complexe, mais c’est bien cela)

Remerciez chaque matin les chercheurs européens C’est parce que les chercheurs européens sont excellents que leurs collègues américains ont accepté que le vieux continent se connecte sans frais à leur réseau scientifique… Et que l’Internet a été pendant vingt ans (et encore aujourd’hui) moins cher en Europe que dans presque toutes les autres régions du monde.

Infrastructure : la physique du Net A. Une affaire d’Etat B. Internet, la loi du plus gros C. Le retour de la revanche du régulateur

Au tournant du siècle, la « fracture numérique » commence à préoccuper les observateurs et les politiques En 2000, l’Afrique compte moins de 16 millions de lignes téléphoniques, i.e. « moins que Manhattan » (ce qui n’est pas certain, mais elle en compte en tous cas moins que Tokyo). 60 % des Américains, des Suisses et des Allemands utilisent régulièrement Internet, contre un africain sur 118. En 2003, 91% des internautes habitent dans des régions du monde qui n’accueillent qu’un cinquième de la population mondiale. La réponse se concentre sur la création de contenus : initiative Leland, infoDev, UVF, FFI, UVA (mais ADEN, l’exception).

C. Le retour de la revanche du régulateur 1. SMSI et FGI : de Genève à Athènes, en passant par Tunis 2. Neutralité du réseau : la revanche du dernier kilomètre 3. Les boucles régionales et sous-régionales : une priorité stratégique

2001 : les Etats méridionaux veulent lutter contre la « fracture numérique » et l’UIT veut reprendre la main… Le Sud en développement veut un débat sur les taxes de répartition Le Sud en général veut un débat sur le financement de l’accès aux backbones La technostructure de l’UIT veut avoir son mot à dire sur les nouvelles problématiques La solution : un sommet mondial, comme le veut la mode de cette décennie (habitat, climat, développement social, éducation…)

…Mais personne d’autre ne veut d’un SMSI Ni certains des Etats qui tirent leur puissance du système tel qu’il existe Ni les entreprises qui profitent de la situation (et pourront parfois influencer leur Etat d’origine) Ni les premiers porte-paroles des Internautes, qui se méfient à la fois : des interventions étatiques sur le réseau ; et des « marchands », à leur sens représentés par l’UIT, qu’ils financent.

Vers Tunis, en passant par Genève Le choix de Tunis, casus belli pour la « société civile » Une soigneuse préparation par les adversaires de la régulation, face à des Etats bien peu réactifs (AGNU 1999…) Dès Genève, on s’entend pour ne surtout pas réguler l’économie du « lien »

L’Agenda de Tunis Une déclaration en deux parties : Les mécanismes de financement « 18. Nous rappelons que les forces de marché ne peuvent à elles seules assurer la pleine participation des pays en développement sur le marché mondial des services rendus possibles par les technologies de l’information. Nous encourageons donc le renforcement de la coopération et de la solidarité internationale (…) » La gouvernance de l’Internet (et pas du reste…) « 29. (…) l’Internet est devenu une ressource publique mondiale (…). La gestion internationale de l’Internet devrait s’opérer de façon multilatérale, transparente et démocratique, avec la pleine participation des Etats, du secteur privé, de la société civile et des organisations internationales. Elle devrait assurer une répartition équitable des ressources, faciliter l’accès de tous et garantir le fonctionnement stable et sécurisé de l’Internet, dans le respect du multilinguisme.»

Le Forum de la gouvernance de l’Internet (FGI) Le principal (le seul ?) résultat du SMSI : la « gouvernance multi-acteurs » devrait faire consensus… Tant qu’elle n’est formalisée par aucun instrument international et que ses organes ne peuvent prendre aucune décision. Le FGI, un organe où l’on parle de tout, avec tout le monde… Mais qui ne gouverne rien.

Résultat : dix ans après le SMSI, la fracture numérique est toujours bien là…

…Alors même que l’accès à l’Internet est (presque) reconnu comme un droit de l’homme : Le Conseil des droits de l’homme (…) affirme que les droits dont les personnes jouissent hors ligne doivent également e ̂ tre protégés en ligne, en particulier le droit de toute personne à la liberté d’expression qui est applicable sans considérations de frontières et par le moyen de son choix (…) ; reconnai ̂ t que le caractère global et ouvert de l’Internet en fait un moteur du développement sous ses diverses formes ; engage tous les États à promouvoir et faciliter l’accès à l’Internet et la coopération internationale aux fins du développement des médias et des moyens d’information et de communication dans tous les pays. Résolution sur la promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur l’Internet, 20ème session, 29 juin 2012

C. Le retour de la revanche du régulateur 1. SMSI et FGI : de Genève à Athènes, en passant par Tunis 2. Neutralité du réseau : la revanche du dernier kilomètre 3. Les boucles régionales et sous-régionales : une priorité stratégique

2. La neutralité du réseau, ou la revanche du dernier kilomètre La régulation du « lien » ne redeviendra un sujet politique que vers 2010, lorsque les fournisseurs d’accès souhaiteront limiter les usages de leurs clients gourmands en bande passante… Et surtout lorsque ces opérateurs de troisième catégorie (tier 3) prétendront être rémunérés pour assurer le trafic des C(D)N de premier rang (tier 1).

La bande passante, ressource sous tension et source de tensions Source : IDATE Bande passante consommée par les utilisateurs français du haut débit (en Go)

Fournisseurs d’accès (FAI) vs. diffuseurs de contenus (CDN) La bande passante, une ressource rare consommée à 60 % par la vidéo (oui, bon : ADSL compris, hein…) La tentation du contrôle de certaines IP (passe encore) ou de certains contenus (c’est beaucoup plus sensible : NARAL vs. Verizon en 2007) L’Internet pourrait-il ne plus être universel ?

-Laura DeNardis « The central question of network neutrality adresses whether a network operator should be legally prohibited from prioritizing or blocking the delivery of certain types of traffic on its network. »

2008 : FCC vs. Comcast En 2007, Comcast, 2ème FAI, mais 1er cablo- opérateur des Etats-Unis, commence à bloquer le trafic P2P de ses clients - sans doute à la fois pour économiser de la bande passante et pour garantir ses droits de diffusion sur les programmes TV les plus populaires. Un problème pas tout à fait accessoire : Comcast ne pouvait guère censurer ces protocoles particuliers qu’en se livrant à des deep packet inspections (DPI) du flux de ses clients ! La Federal Communications Commission fait les gros yeux, sanctionne en 2008… Et se fait débouter devant les tribunaux, puisque sa décision n’avait aucune base légale.

2013 : Free vs. Google En 2013, Free bloque unilatéralement, à deux reprises, certaines publicités web diffusées via la Freebox Revolution

2014 : Netflix, certes moins puissant que Google, paie (Comcast d’abord, Orange ensuite) Mais, in fine, rassurez-vous : c’est quand même vous, l’utilisateur, qui payez…

Les autorités morales à la rescousse

Le début du commencement d’une tentative de régulation… Rares sont les pays qui ont transposé le principe de la neutralité du réseau dans leur droit positif : Chili : 2010 Pérou : 2011 Pays-Bas : 2011 Slovénie : 2013 N.B. : au Japon, pas de loi, mais personne ne se risque à contrarier un régulateur sourcilleux, qui fait de la neutralité des réseaux un principe depuis Plusieurs autres Etats asiatiques auraient suivi son exemple. Plusieurs projets sur le feu : Un projet de Règlement européen du marché unique des télécommunications a été adopté par le parlement européen en avril Il est finalement moins ouvert que prévu, mais le Conseil ne l’a pas encore adopté. Brésil (2014, Chambre basse), Mexique (2014, AO en attente), Italie (2012) La question ne se pose bien sûr pas en Chine ou en Russie (où les FAI sont autorisés à moduler leur bande passante en fonction du contenu depuis 2007), p. ex.

…Qui n'est passée que de justesse aux Etats- Unis « Déclaration » de la Federal Communications Commission en 2004 Tentative de régulation (« order ») en 2010, en réaction à sa déroute contre Comcast Mais nouvelle défaite en rase-campagne contre Verizon devant la cour d’appel de Washington D.C. le 14 janvier 2014 Avril 2014 : proposition de règlement, contre l’avis du POTUS, autorisant les opérateurs à construire des « special lanes » pour les CDN qui les subventionneraient 10 septembre 2014 : « Internet Slowdown »

Et ce n'est bien sûr que par pure philanthropie que Google et Facebook investissent massivement pour l'accès à l'internet au Sud... Loon (Google + CNES) Drones (Facebook) L'objectif : passer de CDN à Carrier de tier 1 : incontournables, donc non facturables.

C. Le retour de la revanche du régulateur 1. SMSI et FGI : de Genève à Athènes, en passant par Tunis 2. Neutralité du réseau : la revanche du dernier kilomètre 3. Les boucles régionales et sous-régionales : une priorité stratégique

3. Les boucles régionales et sous-régionales, une priorité stratégique

De l’intérêt des backbones locaux

Des initiatives régionales et sous-régionales 2007 : Central Africa Backbone, dans le cadre de la CEMAC (BAD) et Programme régional d’infrastructures de communication (BM et BAD) 2011 : Programme régional d’infrastructures de communication de l’Afrique de l’Ouest (BM) 2011 : Lancement du ASEAN ICT Masterplan 2015 (BM et autres) 2013 : Amérique du Sud, Red de Conectividad Suramericana para la Integracion » (BID), après l’affaire Snowden…

De l’intérêt des Internet Exchange Points (IXP) L’ISOC estime qu’un IXP diminue les coûts de 20 % et augmente la vitesse des accès locaux par dix

Environ 400 IXP dans le monde

…Mais les IXP sont encore trop rares Source : Laura DeNardis, The Global War for Internet Governance, Yale University Press, Chap. 5 Distribution des IXP sur le continent africain en 2012