Commission NHBD du Centre de transplantation de l’UCL NHBD: Quelques questions éthiques Jacquemin Dominique Centre d’éthique médicale – Faculté libre de.

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Transcription de la présentation:

Commission NHBD du Centre de transplantation de l’UCL NHBD: Quelques questions éthiques Jacquemin Dominique Centre d’éthique médicale – Faculté libre de Médecine Université Catholique de Lille Cliniques Universitaires UCL de Mont-Godinne

Des questions éthiques existent…

Le prélèvement sur donneur à cœur arrêté diffère-t-il de celui sur sujet en mort encéphalique? « Contrairement à la mort encéphalique, l’interruption des manœuvres de ressuscitation pendant cinq minutes pour valider le constat de la mort constitue une véritable rupture dans la continuité du traitement de la personne devenue cadavre. » « Contrairement à la mort encéphalique, l’interruption des manœuvres de ressuscitation pendant cinq minutes pour valider le constat de la mort constitue une véritable rupture dans la continuité du traitement de la personne devenue cadavre. » J.-M. Boles, dans Marie-Jo Thiel, Donner, recevoir un organe, Presses Universitaires de Strasbourg, 2009, p

Un risque de 4 ruptures: De temps: un arrêt de réanimation-pause-reprise. De temps: un arrêt de réanimation-pause-reprise. De lieu: le lieu des urgences ou des SI pour la vie devient un lieu « pour la mort » De lieu: le lieu des urgences ou des SI pour la vie devient un lieu « pour la mort » De type de traitement: de la prise en charge active vers la vie à une prise en charge active vers la mort. De type de traitement: de la prise en charge active vers la vie à une prise en charge active vers la mort. D’équipe: l’équipe change de statut au cours de la procédure D’équipe: l’équipe change de statut au cours de la procédure Des aspects « imaginaires » pour les professionnels qui méritent d’être réfléchis!

Pas si simple la mort… Qu’est-ce que « la mort » et mourir pour un humain, pour nous et à l’hôpital? Pour nous et pour une famille? (quelles temporalités?) Qu’est-ce que « la mort » et mourir pour un humain, pour nous et à l’hôpital? Pour nous et pour une famille? (quelles temporalités?) L’instrumentalisation potentiellement généralisée du cadavre ne modifie-t-il pas le rapport du médecin à la mort? L’instrumentalisation potentiellement généralisée du cadavre ne modifie-t-il pas le rapport du médecin à la mort? Une inversion possible: ne plus traiter le malade pour son propre bénéfice avec son consentement mais comme un « objet » dont il attend « utilité » après la mort? Une inversion possible: ne plus traiter le malade pour son propre bénéfice avec son consentement mais comme un « objet » dont il attend « utilité » après la mort?

Pas si simple la mort… Une intervention intrusive sur un cadavre sans l’autorisation préalable de la personne? Une intervention intrusive sur un cadavre sans l’autorisation préalable de la personne? Si une procédure de NHBD se généralisait, se « banalisait », quelles conséquences pour une représentation médicale et sociale de la mort? Si une procédure de NHBD se généralisait, se « banalisait », quelles conséquences pour une représentation médicale et sociale de la mort? Comment tenir un discours paradoxal à une famille: « on a tout fait pour le sauver et pour ‘qu’il/elle en sauve’ un autre »? Comment tenir un discours paradoxal à une famille: « on a tout fait pour le sauver et pour ‘qu’il/elle en sauve’ un autre »?

Pas si simple la mort… « Une question de fond majeure à nos yeux est ainsi soulevée: l’introduction de cette technique marque-t-elle l’engagement inavoué dans une ‘nationalisation’ des corps, chacun devenant un ‘réservoir de pièces détachées’ à la disposition de la médecine? » « Une question de fond majeure à nos yeux est ainsi soulevée: l’introduction de cette technique marque-t-elle l’engagement inavoué dans une ‘nationalisation’ des corps, chacun devenant un ‘réservoir de pièces détachées’ à la disposition de la médecine? » Un risque pour un système de santé de devenir « totalitaire » (urgence et obtention du consentement) Un risque pour un système de santé de devenir « totalitaire » (urgence et obtention du consentement) (J.-M. Boles, op. cit., p 302ss)

Pas si simple la mort… Du fait que l’événement du mourir advienne par la médiation de la technique, après un échec de réanimation ou un légitime processus décisionnel, en quoi en faisons- nous un lieu de notre responsabilité? Du fait que l’événement du mourir advienne par la médiation de la technique, après un échec de réanimation ou un légitime processus décisionnel, en quoi en faisons- nous un lieu de notre responsabilité? Mourir au cœur de la technique n’est pas nécessairement « mettre à mort » mais « laisser la mort humaine advenir ». Mourir au cœur de la technique n’est pas nécessairement « mettre à mort » mais « laisser la mort humaine advenir ».

En d’autres mots… Tous ces quelques premiers propos pour dire que la technique du NHBD renvoie à des catégories anthropologiques, professionnelles et sociales profondes, importantes. Nous avons essayé d’y être attentifs. Tous ces quelques premiers propos pour dire que la technique du NHBD renvoie à des catégories anthropologiques, professionnelles et sociales profondes, importantes. Nous avons essayé d’y être attentifs. Les enjeux de la technique dépassent largement le cadre de la seule technique; il ne faut pas l’oublier (le social, le sanitaire, « la greffe ») Les enjeux de la technique dépassent largement le cadre de la seule technique; il ne faut pas l’oublier (le social, le sanitaire, « la greffe ») Ne faisons donc pas simplement comme s’il était seulement question d’organiser… Ne faisons donc pas simplement comme s’il était seulement question d’organiser…

NHBD de type 3:

Est-ce que l’arrêt de la ventilation suivi d’un prélèvement n’est pas une forme d’euthanasie « utilitaire »?

Pour lever toute confusion: le donneur NHBD de type III Ce donneur se trouve en situation d’impasse thérapeutique dont l’issue certaine, bien que ne représentant pas les critères classiques de mort cérébrale, est la mort. Ce donneur se trouve en situation d’impasse thérapeutique dont l’issue certaine, bien que ne représentant pas les critères classiques de mort cérébrale, est la mort. On se trouve bien dans le contexte premier de cessation de thérapeutiques devenues inutiles, et donc délétères pour le patient en sa dignité. On se trouve bien dans le contexte premier de cessation de thérapeutiques devenues inutiles, et donc délétères pour le patient en sa dignité.

Pour lever toute confusion: la règle de la proportionnalité des traitements Règle de la proportionnalité: « Il s’agit de mettre en rapport le genre de thérapeutique à utiliser, son degré de risques, son coût et donc les possibilités de son emploi avec les résultats que l’on peut attendre compte tenu de l’état du malade et de ses ressources » Règle de la proportionnalité: « Il s’agit de mettre en rapport le genre de thérapeutique à utiliser, son degré de risques, son coût et donc les possibilités de son emploi avec les résultats que l’on peut attendre compte tenu de l’état du malade et de ses ressources » Cette règle est le premier point d’appui décisionnel, même s’il conduit ultérieurement à un prélèvement. Cette règle est le premier point d’appui décisionnel, même s’il conduit ultérieurement à un prélèvement. Importance que l’anesthésiste en soit informé dès le début, non qu’il en prenne ou en porte la décision, mais qu’il puisse acquérir la conviction morale que c’est bien de cela dont il s’agit. Importance que l’anesthésiste en soit informé dès le début, non qu’il en prenne ou en porte la décision, mais qu’il puisse acquérir la conviction morale que c’est bien de cela dont il s’agit.

Pour lever toute confusion: la notion d’euthanasie La loi du 28 mai 2002: « acte pratique par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci. » La loi du 28 mai 2002: « acte pratique par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci. » Mettre fin à des techniques devenues inutiles n’a pas le sens ni l’objectif de tuer mais de respecter le patient. Mettre fin à des techniques devenues inutiles n’a pas le sens ni l’objectif de tuer mais de respecter le patient. « utilitaire »? Si la technique du NHBD peut renvoyer à une dimension d’utilité, il n’existe cependant pas en ce cas d’instrumentalisation du patient: l’arrêt vise le respect du patient. « utilitaire »? Si la technique du NHBD peut renvoyer à une dimension d’utilité, il n’existe cependant pas en ce cas d’instrumentalisation du patient: l’arrêt vise le respect du patient.

Accompagner la fin de vie Si l’arrêt cardiaque n’est pas immédiat et compatible avec une juste temporalité du prélèvement d’organe (qualité), le temps du trépas sera accompagné humainement et médicalement, comme lors de tout arrêt thérapeutique en USI. Si l’arrêt cardiaque n’est pas immédiat et compatible avec une juste temporalité du prélèvement d’organe (qualité), le temps du trépas sera accompagné humainement et médicalement, comme lors de tout arrêt thérapeutique en USI. Accompagner n’est pas hâter Accompagner n’est pas hâter Si cela peut être vécu comme un « excès de responsabilité par les professionnels », le patient était déjà porteur de sa propre mort (une décision d’arrêt de traitement devenu inutile). Si cela peut être vécu comme un « excès de responsabilité par les professionnels », le patient était déjà porteur de sa propre mort (une décision d’arrêt de traitement devenu inutile). Une réinsistance sur la chaîne décisionnelle et une toujours possible place à l’objection de conscience. Une réinsistance sur la chaîne décisionnelle et une toujours possible place à l’objection de conscience.

En conclusion

Il ne s’agit aucunement d’une euthanasie Si de l’arrêt de la ventilation, suivi de l’arrêt cardiaque, justement accompagnés humainement et médicalement résulte la mort du patient, il ne s’agit en aucun cas d’une euthanasie. Si de l’arrêt de la ventilation, suivi de l’arrêt cardiaque, justement accompagnés humainement et médicalement résulte la mort du patient, il ne s’agit en aucun cas d’une euthanasie. Le recours au donneur NHBD type III reste la résultante d’une décision d’arrêt de traitement devenu inutile, allant à l’encontre de la dignité du patient. La distinction des lieux et temps décisionnels empêchera tout lien causal volontaire entre la décision d’arrêt de traitement en unité de soins intensifs et l’arrêt la ventilation en salle d’opération. Une information transversale de tous les acteurs en ce qui concerne les finalités recherchées permettra à l’ensemble de ces derniers d’assumer leurs propres responsabilités éthiques. Le recours au donneur NHBD type III reste la résultante d’une décision d’arrêt de traitement devenu inutile, allant à l’encontre de la dignité du patient. La distinction des lieux et temps décisionnels empêchera tout lien causal volontaire entre la décision d’arrêt de traitement en unité de soins intensifs et l’arrêt la ventilation en salle d’opération. Une information transversale de tous les acteurs en ce qui concerne les finalités recherchées permettra à l’ensemble de ces derniers d’assumer leurs propres responsabilités éthiques.