COURS DE SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES Philippe Mamas – Lycée Fulbert – Classe de Seconde Dossier 14 COMMENT CONSOMMONS-NOUS ? (I) LES FACTEURS ÉCONOMIQUES c – L’influence des revenus et des prix sur la consommation : les notions de pouvoir d’achat et d’élasticité-prix
Qu’est-ce qui pousse les gens à consommer plus ou à consommer moins ? A consommer plus d’un produit et moins d’un autre ? Les réponses à ces questions sont très utiles pour l’économiste. Cela lui permet de conseiller les chefs d’entreprise, qui ont besoin de savoir comment les gens consomment. Et aussi de conseiller les dirigeants d’un pays, car la consommation des habitants est un élément important pour la bonne santé économique du pays. Bien entendu, la consommation va dépendre des produits qui sont proposés (leur qualité, par exemple), des besoins vitaux des consommateurs, de leurs désirs, de la mode de la publicité, de la pression sociale. Certains de ces facteurs seront abordés un peu plus tard dans le cours, dans les facteurs sociaux de la consommation. Mais pour une bonne part, ce qui pousse une personne à acheter plus ou à acheter moins, c’est le niveau de son revenu disponible et le niveau des prix. Nous allons dans cette section développer cette idée simple.
LES REVENUS ET LES PRIX ONT UNE INFLUENCE SUR NOTRE CONSOMMATION TOTALE : LA QUESTION DU POUVOIR D’ACHAT Le pouvoir d’achat est la quantité de produits qu’un ménage peut s’acheter avec son revenu disponible. Bien entendu, le revenu disponible dont disposent les consom- mateurs a une influence très forte sur ce pouvoir d’achat : si les salaires et les profits dans une économie augmentent beaucoup, alors les consommateurs pourront davantage consommer ; ils devront au contraire se restreindre dans leurs achats si leur revenu baisse. Mais en même temps, les consommateurs doivent aussi tenir compte des prix des produits. Lorsqu’en moyenne, dans un pays, les prix augmentent plus vite que les revenus, alors les consommateurs vont progressi- vement devoir consommer moins, car leur pouvoir d’achat se met à baisser. A l’inverse, si les prix augmentent moins que les revenus, alors les consommateurs vont pouvoir acheter davantage de produits, car leur pouvoir d’achat s’accroît.
Le niveau général des prix pratiqués par les vendeurs et le niveau général des revenus perçus par les travailleurs sont ainsi les deux grands facteurs du pouvoir d’achat des consommateurs. Les économistes sont-ils capables de calculer le pouvoir d’achat d’un ménage ? Et de tous les ménages d’un pays dans son ensemble ? Bien sûr ! En effet, d’une part, il n’est pas très difficile d’additionner tous les revenus disponibles de tous les ménages du pays (car les économistes peuvent avoir accès à des statistiques sur les déclarations de revenus des habitants). On obtient le « revenu disponible » global des ménages. D’autre part, l’I.N.S.E.E. mesure régulièrement le niveau de milliers de prix observés dans l’économie du pays, et calcule un moyenne pondérée des prix (pondérée en fonction de la quantité des différents produits qui sont consommés). Il obtient l’indice des prix, qui n’est pas mesuré en euros, mais en un nombre relativement à un point de départ égal à 100 une année donnée.
Il n’est ensuite pas difficile de calculer le pouvoir d’achat, en divisant le revenu disponible du pays par l’indice des prix et en multipliant par 100 : on obtient une valeur en euros qui permet de voir si les consommateurs du pays ont les moyens de consommer plus ou moins que les années antérieures : Revenu disponible Pouvoir d’achat = x 100 Indice des prix Par exemple, en France d’après les données I.N.S.E.E., pour les années on obtient les résultats suivants : Revenu disponible (milliards d'euros) 1285,41311,41318,31327,61342,3 Evolution en % ,00,50,71,1 Indice des prix (base 100 en 2004) 100,0101,8103,3104,1104,0 Evolution en % (= taux d’inflation) ,81,40,80,0 Pouvoir d'achat (milliards d'euros) 1285,41288,01276,81275,81290,3 Evolution en % ,2-0,9-0,11,1
Ce tableau qui donne des statistiques réelles sur l’économie française nous montre que l’inflation (la hausse des prix) n’est pas forcément un problème ! En 2011, par exemple, les prix ont augmenté assez rapidement (+1,8 %), mais cela n’a pas été gênant, en moyenne, pour le pouvoir d’achat des Français, car en même temps le revenu disponible avait augmenté de 2 %, et au final le pouvoir d’achat s’était accru de 0,2 %. En revanche, en 2012, l’inflation est un peu moins forte (hausse des prix de 1,4 % seulement), mais comme en même temps les revenus ont très peu augmenté (0,5 %), alors le pouvoir d’achat des Français a beaucoup diminué (- 0,9 %).
LES REVENUS ET LES PRIX ONT AUSSI UNE INFLUENCE SUR LE DETAIL DES PRODUITS QUE NOUS CONSOMMONS : (I) LA NOTION D’ELASTICITE-REVENU Quand les prix ne bougent pas, ou peu, le simple fait que le revenu augmente peut modifier non seulement la quantité totale de produits consommés, mais aussi le type de produits que l’on consomme. C’est une chose assez facile à comprendre. Imaginons une personne aux revenus modérés, qui ne peut se permettre de manger au petit déjeuner que des tartines de pain comme toute nourriture (elle ne peut se permettre de manger de la brioche, des croissants, ou alors très rarement). Si tout à coup les revenus de cette personne augmentent de façon importante, alors elle aura peut-être envie de manger tous les matins des croissants ou de la brioche : elle consommera moins de pain et plus de pâtisseries ! Et ce phénomène est valable aussi lorsque les revenus augmentent pour les habitants d’un pays tout entier sur plusieurs décennies : certaines consommations qui avaient beaucoup de place dans le budget des ménages il y a cinquante ans en viennent à devenir beaucoup moins importantes, parce qu’en moyenne les revenus des habitants ont augmenté ! On dit que notre consommation change avec le revenu, qu’elle est élastique au revenu (élastique signifie ici que notre consommation se déforme facilement).
Cette élasticité de notre consommation par rapport au revenu s’appelle l’élasticité-revenu, et se calcule ainsi : Taux de variation de la consommation Elasticité-revenu e R = x 100 Taux de variation du revenu Il existe plusieurs types de biens aux élasticités-revenu différentes : - Tout d’abord les biens inférieurs : leur élasticité-revenu est négative car lorsque le revenu augmente, on en consomme moins (cas du pain que l’on remplace par des croissants, ou des baguettes basiques de supermarché qu’on remplace par de bonnes baguettes de boulangerie). - Ensuite, les biens supérieurs : leur élasticité-revenu est supérieure à 1, car lorsque le revenu augmente, on en consomme beaucoup plus qu’auparavant, avec une augmentation plus rapide que les revenus (les croissants par exemple, car ils vont remplacer une partie du pain). - Enfin les biens normaux : ils ont une élasticité-revenu comprise entre 0 et 1, car lorsque le revenu augmente, on en consomme plus qu’auparavant, mais de façon modérée, car il ne remplacent pas un autre bien (exemple : les vêtements).
(II) LA NOTION D’ELASTICITE-PRIX La consommation de tel ou tel produit est également élastique au prix. C’est encore plus évident que pour le revenu : quand le prix d’un certain produit augmente, le consommateur est souvent tenté, de se passer du produit, soit parce qu’il renonce à l’utilité que pourrait avoir le produit pour lui, soit parce qu’il cherche un produit de substitution pour le remplacer. Ainsi, un amateur de gâteaux, qui a pris l’habitude d’acheter un mille-feuilles à la pâtisserie, et qui voit son prix augmenter, pourra soit décider de se passer de gâteau, soit décider d’acheter un autre type de gâteau. Ainsi, sa consommation de mille-feuilles diminuera parce que le prix a augmenté. Peut-on mesurer l’élasticité de la consommation d’un produit par rapport au prix, l’élasticité-prix ? Oui, avec le même type de formule que précédemment : Taux de variation de la consommation Elasticité-prix e P = x 100 Taux de variation du prix
L’élasticité-prix est le plus souvent négative : car lorsque le prix d’un produit augmente (taux de variation positif), alors la quantité demandée du produit en question diminue (taux de variation négatif). - Certains biens ont une élasticité-prix dite élastique, car leur demande diminue beaucoup lorsque le prix augmente (élasticité inférieur à -1) - D’autres biens ont une élasticité-prix dite inélastique, car leur demande diminue peu lorsque le prix augmente (élasticité négative mais supérieure à -1). Enfin, il existe certains biens « bizarres » dont la demande peut augmenter ou ne pas diminuer lorsque leur prix augmente : ce sont les biens Giffen et les bien de luxe. L’élasticité-prix sera alors nulle ou positive. Les biens Giffen sont des biens de première nécessité, comme le pain ou les céréales, dans des situations de grande pauvreté. Quand leur prix augmente, il peut se produire un phénomène étrange : les habitants en achètent plus. Le prix du pain ou des céréales augmente tellement qu’ils ne peuvent plus s’acheter autre chose à côté (viande, légume) en quantité utile, et le peu d’argent supplémentaire qui leur reste est consacré à acheter plus de pain ou de céréales, plus nourrissants.
Les biens de luxe sont des biens qu’on achète pour le prestige et l’apparat : pour certains acheteurs, le prix ne compte pas. L’augmentation du prix ne changera rien à leur comportement. Dans certains cas, acheter plus cher sera pour eux un gage de qualité ou de prestige.
Que faut-il retenir principalement de cette introduction au Dossier 10 ? Le revenu et les prix sont des facteurs essentiels de notre consommation. Consommation totale, d’abord. Ce sont eux en effet qui déterminent notre pouvoir d’achat (quantité de produits que l’on peut acheter avec le revenu disponible). Le pouvoir d’achat se calcule en effet grâce à la formule suivante : (Revenu disponible / Indice des prix) x 100. En étudiant le pouvoir d’achat, on s’aperçoit que la hausse des prix n’est un problème que si le revenu disponible augmente moins que les prix. Détail de notre consommation ensuite. En calculant l’élasticité-revenu, qui mesure la façon dont la consommation d’un produit varie avec son revenu, grâce à la formule e R = taux de variation de la consommation / taux de variation du revenu, on peut distinguer les biens inférieurs (e R 1) et les biens normaux. De la même façon, le prix d’un produit a une influence sur notre consommation. On peut calculer l’élasticité-prix e P = taux de variation de la consommation / taux de variation du prix concerné. La plupart du temps, l’élasticité-prix est négative, soit élastique (e P < - 1) lorsque la consommation diminue beaucoup si le prix augmente, soit inélastique (e P < -1) lorsque la consommation diminue peu si le prix augmente. Dans certains cas rares, l’élasticité-prix peut être nulle ou positive (cas des biens Giffen – biens de première nécessité – ou des biens de luxe)