Développement humain Entre réalités et perceptions de la population Mohamed TAAMOUTI Haut-commissariat au Plan Janvier 2010
Plan Importance des données qualitatives. Expériences du HCP en matière de collecte des données sur les perceptions. Niveau de convergence des perceptions et des données quantitatives. Déterminants des perceptions. Correspondance entre les choix et les résultats des politiques publiques et les perceptions de la population
Introduction L’objectif ultime des politiques de développement est l’individu, l’amélioration de sa situation et de ses conditions de vie. Toute mesure d’impact ou de progrès, devrait, au delà des indicateurs quantitatifs, tenir compte des préférences, priorités, attentes et perceptions de la population. Cette prise en compte nécessite une collecte de données sur les perceptions de la population.
Les données sur les perceptions Complètent les indicateurs quantitatifs sur des aspects difficilement quantifiables. Permettent de saisir les priorités et les attentes de la population, pour mieux y répondre. Peuvent être utilisés dans la construction d’indices composites avec des pondérations déterminées objectivement. L’importance de ces données a été mise au devant de la scène statistique dernièrement par la Commission Stiglitz et par le projet global de l’OCDE.
L’expérience du HCP en matière de collecte de données sur les perceptions Insertion systématique de modules sur la perception des ménages dans les enquêtes permanentes (enquête nationale sur l’emploi, les enquêtes sur la consommation et les dépenses des ménages, les enquêtes sur les niveaux de vie des ménages, etc.). Depuis 2007, une enquête trimestrielle permanente sur la conjoncture auprès des ménages pour le suivi de l’évolution de la situation économique et des niveaux de vie telle que perçue par ces derniers. Plusieurs enquêtes qualitatives ponctuelles (enquête d’évaluation de l’INDH, enquête sur les perceptions des ménages de leur niveau de vie, enquête sur les attentes des MRE).
L’expérience du HCP en matière de collecte de données sur les perceptions (suite) Plusieurs autres enquêtes à caractère totalement ou partiellement qualitatif sont en cours ou prévues pour 2010 ( l’enquête auprès des ISBL, l’enquête sur le budget temps, etc.). Dans le futur, s’inscrivant dans le cadre de ces nouveaux développements en matière statistique, le HCP compte renforcer ce dispositif notamment par : l’élargissement de la couverture thématique des modules sur les perceptions ; la conversion de l’enquête budget temps en une enquête à périodicité quinquennale ; l’augmentation de la fréquence de réalisation des enquêtes ; la multiplication des enquêtes ponctuelles à caractère qualitatif.
Niveau de convergence entre perceptions et données quantitatives
Comparabilité des niveaux le taux de pauvreté des ménages mesuré objectivement est de 6,5% alors que 11,9% des ménages se considèrent très pauvres et 30,5% se considèrent relativement pauvres. 25% des ménages pauvres se considèrent moyens ou relativement riches et à l’inverse, 10,4% des non pauvres se considèrent très pauvres. Alors que l’approche objective se base sur une définition unique appliquée à tous les individus, la perception de chaque ménage est basée sur sa propre référence (influencée par son entourage et son environnement immédiat). Identification objective Auto identificationPauvreNon pauvreTotal Très riche0,00,2 Relativement riche0,13,13,2 Moyen1,652,654,2 Relativement pauvre2,727,830,5 Très pauvre2,29,711,9 Total6,593,5100,0
Niveau de convergence des évolutions Evolution du niveau de vie Perception de l’évolution du niveau de vie Perceptions : L’amélioration était beaucoup plus perceptible en 2007 qu’en 2001 (69% contre 52%). En 2007, l’amélioration est plus perceptible dans le milieu rural que dans les villes. Réalités : Entre 1991 et 2001, la dépense par personne en termes réel a baissé de 2% ; entre 2001 et 2007 elle a augmenté de 2,3% annuellement. Entre 2001 et 2007, l’amélioration dans les campagnes était plus importante que dans les villes : 3,7% contre 1,7% en terme réel UrbainRuralNationalUrbainRuralNational Amélioration ou même niveau 52% 67%73%69% Régression 48% 33%27%31%
Niveau de convergence des évolutions Sources d’i nquiétudes vis-à-vis de l’avenir Principales inquiétudes vis-à-vis de l’avenir Le chômage et la cherté de la vie sont des préoccupations majeures des ménages, mais le degré de préoccupation est en baisse entre 2001 et 2009 : Pour le chômage des jeunes (25-34 ans), ceci converge avec la baisse observée (18,9% en 2001 à 13,5% en 2008). Pour la cherté de la vie : l’inflation annuelle était de 1,3% pour et de 2,7% en Les perceptions reflètent surtout l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages : avant 2001, le revenu disponible par habitant avait connu plusieurs années de baisse, alors qu’entre 2001 et 2007, il a connu une hausse de 2,3% par an.
Niveau de convergence des évolutions Perception des dépenses Evolution du poids budgétaire et de la perception des ménages des postes qui leur posent problème (différence entre 2001 et 2007 entre points de %)
Déterminants de la perception des ménages
Déterminants de la perception des ménages Au-delà des facteurs matériels (revenu, niveau de dépenses), des facteurs d’ordre démographiques, sociaux, … influencent les perceptions des ménages. Approche : Nous considérons l’ensemble des facteurs sur lesquels des données ont été colletées en Nous utilisons des modèles de régression ordinaux pour déterminer ces facteurs et leurs poids. Nous considérons la perception de deux dimensions importantes : Perception de l’évolution du niveau de vie et Niveau social d’auto-identification.
Principaux déterminants Facteurs démographiques : âge et sexe du chef de ménage, taille du ménage. Facteurs sociaux : état matrimonial. Facteurs liés à l’éducation et à la santé : niveau scolaire du chef de ménage, couverture médicale, présence de maladies chroniques dans le ménage. Facteurs d’ordre économique : niveau de la dépense, profession et statut dans la profession du chef de ménage, nombre d'actifs occupés dans le ménage. Conditions de vie du ménage : milieu de résidence, accès à la propriété du logement, accès à l'électricité.
Influence des facteurs Les perceptions tendent à être positives (appréciation positive de l’évolution, identification à niveau social élevé) lorsque : Facteurs démographiques et sociaux le chef de ménage est de sexe masculin, le chef de ménage est marié, le ménage est de grande taille, Education et santé le chef de ménage a un niveau d’éducation élevé, le chef de ménage bénéficie d’une couverture maladie, Il y a absence de maladie chronique dans le ménage, Facteurs d’ordre économiques Le ménage a un niveau de dépense élevé, le nombre d’actifs occupés du ménage est élevé, le chef de ménage exerce une profession en tant que cadre ou responsable, le chef de ménage est a un statut professionnel d’indépendant, Conditions de vie Le ménage est propriétaire de son logement, Le ménage a accès à l’électricité.
Appréciation des politiques publiques à la lumière des priorités des ménages
Données sur les attentes et les priorités de la population La collecte des données sur les attentes et les priorités de la population permet d’analyser la correspondance entre ces dernières et le choix et les résultats des politiques suivies. Ces informations sont cruciales pour l’élaboration des politiques publiques et pour la conception d’indicateurs et d’instruments de mesure des progrès réalisés. Elles peuvent être utilisées pour cibler et adapter les politiques en fonction des spécificités régionales ou des différents groupes socio-économiques. Nous disposons de données sur les priorités des ménages en 1996 et en 2009, une période suffisamment longue pour apprécier les politiques publiques.
Priorités des ménages Evolution de quelques indicateurs Ménages propriétaires en milieu urbain61%66% Accès à l'électricité en milieu rural23%81% Accès à l'eau potable de réseau en milieu rural16%45% Taux de chômage des jeunes en milieu urbain22%14,7%
Priorités des ménages : Accès à l’électricité L’accès à l’électricité, première priorité des ménages ruraux en 1996, n’est plus cité comme telle que par moins de 2% des ménages : La politique d’électrification rurale répondait à un besoin prioritaire. Les progrès accomplis (le taux d’électrification est passé de 23,2% en 1999 à 80,5% en 2008) sont bien perçus par les ménages. NB : la baisse significative de la proportion des ménages qui déclarent l’accès à l’électricité comme besoin prioritaire se répercute mécaniquement à la hausse sur les autres proportions.
Priorités des ménages : Accès à l’eau Accès à l’eau potable en milieu urbain : son quasi généralisation en milieu urbain (95,5%) est bien perçu par ménages urbains (en 2009, 2,2% le déclare comme première priorité contre 6,4% en 1996). Accès à l’eau potable en milieu rural : La politique de généralisation de la desserte des populations rurales en eau potable ( PAGER) qui a permis de faire passer la proportion des ménages ayant accès à l’eau potable du réseau de 15,5% en 1999 à 44,5% en 2008, répondait bien aux besoins prioritaires des ménages (23,2% en 1996). Les attentes des ménages restent élevées (21,3% des ménages en 2009), cette politique doit être poursuivie voire, renforcée.
Priorités des ménages : L’emploi L’emploi était et demeure la première priorité des ménages urbains. Malgré les progrès (le taux est passé de 22% en 1999 à 14,7% en 2008), ces données montrent que les efforts fournis doivent continuer et que toute politique génératrice d’emploi répond aux priorités des ménages urbains. La préoccupation par l’emploi s’expliquerait également par les effets très néfastes du chômage au-delà, des effets matériels directs. Notons également que la différence dans les taux de chômage entre les deux milieux de résidence est bien perceptible : l’emploi ne constitue la priorité que pour 10% des ménages ruraux contre 22% des ménages urbains.
Priorités des ménages La construction des routes La construction des routes était la première priorité de 21% des ménages ruraux en 1996 et de 27,6% en Ceci montre que : Le politique de construction des routes rurales (PNRR) s’inscrivait bien dans les priorités des ménages. Le fait que les attentes restent encore élevées signifie que cette politique devrait être poursuivie voire même renforcée.
Priorités des ménages L’habitat en milieu urbain L’habitat économique constituait la priorité de 18,1% des ménages urbains en 1996 et de 14,5% en Ces chiffres montrent que : la politique de l’habitat social poursuivie ces dernières années répond bien aux priorités des ménages. Les progrès réalisés (la proportion des ménages propriétaires de leurs logements est passée de 60,9% en 1999 à 66% en 2008) sont bien perçus par les ménages. Ces progrès n’ont pas permis jusqu’à maintenant d’absorber le déficit et la politique de l’habitat social devrait continuer.
Conclusion/perspectives Globalement : Les niveaux des données quantitatives et des perceptions sont difficilement comparables. Il y a un niveau de convergence assez élevé entres les évolutions des perceptions et des données objectives. Les perceptions dépendent de plusieurs facteurs d’ordre économiques, sociaux, etc. Les données sur les priorités de la population peuvent être utilisées pour l’élaboration des politiques publiques et pour l’évaluation de leurs résultats. L’étude plus approfondie de la convergence et la compréhension des évolutions perçues ou observées nécessitent des données de panel.