Le maître et ses esclaves Propositions bibliograhiques : ROUBINEAU, Jean-Manuel. Les cités grecques (VIe-IIe siècle av. J.-C.). Essai d'histoire sociale, PUF, 2015 • L’esclavage. GARLAN, Yvon, Les esclaves en Grèce ancienne, Paris, 1982. ANDREAU, Jean et DESCAT, Raymond, Esclave en Grèce et à Rome, Paris, 2006. GARNSEY, Peter, Conceptions de l'esclavage d'Aristote à Saint Augustin, Les Belles Lettres, 2004 ISMARD, Paulin, la démocratie contre les experts. Les esclaves publics en Grèce ancienne, Paris, 2015

I/ LE STATUT LEGAL DE L'ESCLAVE : UN OBJET ANIME Doc. n° 1 : Les esclaves à Chios (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 40) "Les esclaves étaient nombreux [à Chios] ; ils y avaient même atteint un nombre sans égal pour une seule cité, à l’exception de Lacédémone ; et, en même temps, à cause de ce nombre, on châtiait leurs fautes plus durement.  » Doc. n°2 : l'esclave marchandise (Théopompe, historien du IVe s., transmis par Athénée, Deipnosophistes, 6, 265 b-c) "Les gens de Chios furent les premiers, après les Thessaliens et les Lacédémoniens, à utiliser des esclaves, mais ils n’en firent pas l’acquisition de la même manière que ces derniers. En effet, Lacédémoniens et Thessaliens ont, comme on le verra, constitué leur groupe servile à partir des Grecs qui habitaient avant eux le pays qu’ils occupent maintenant, les premiers à partir des Achéens, les Thessaliens à partir des Perrhèbes et des Magnètes. Les uns ont nommé les peuples réduits en servitude Hilotes et les autres Pénestes. Quant aux gens de Chios, c’est des Barbares qu’ils ont fait leurs serviteurs, et ils l’ont fait en payant pour cela un prix. "

Luigi Mussini, L’Hilote ivre, 1869, Musée Ingres

II/ DU BON USAGE DE L'ESCLAVE PAR SON MAITRE Document 3 : Les rapports entre le maître et ses esclaves, selonPseudo-Aristote, Economique (milieu du IVe siècle av. J.-C.).   "1 Parmi les biens de propriété, le plus important et le plus nécessaire est aussi le meilleur et le plus profitable à l’économie domestique : ce bien, c’est l’homme. C’est pourquoi il faut acquérir des esclaves consciencieux. Il y a deux espèces d’esclaves, l’administrateur et l’ouvrier. Comme nous voyons que l’éducation modifie dans tel ou tel sens le caractère des jeunes gens, c’est une nécessité, quand on les a acquis, de former par éducation ceux auxquels seront assignées les tâches dignes des hommes libres. 2 Tels doivent être les rapports avec les esclaves qu’on ne leur permette pas de se livrer à aucun excès et qu’on ne les laisse pas non plus se relâcher ; à ceux qui se conduisent en hommes libres, il convient de témoigner de la considération et de fournir aux ouvriers de la nourriture en abondance. Puisque l’usage du vin porte aux excès même les hommes libres, et que dans beaucoup de nations même eux s’en abstiennent, comme les Carthaginois en campagne, il est clair qu’il ne faut pas en donner du tout aux esclaves, ou du moins exceptionnellement. (…) Il faut donner du travail et de la nourriture en conséquence, car on ne peut pas se faire obéir de gens à qui l’on refuse le salaire, et le salaire de l’esclave, c’est sa nourriture. Il en est des serviteurs comme des hommes : quand les meilleurs ne voient pas s’améliorer leur sort, et que ni la vertu ni le vice n’est l’objet d’une sanction, ils deviennent plus mauvais. 4 Aussi faut-il exercer une stricte surveillance pour distribuer récompenses et sanctions et accorder le repos suivant le mérite : nourriture, vêtement, détente, châtiment, en parole et en acte, en prenant exemple sur la conduite des médecins pour l’administration des remèdes, tout en tenant compte du fait que la nourriture ne doit pas être considérée comme un remède puisqu’elle est d’un usage continuel. 5 Les esclaves les meilleurs sont ceux qui ne manifestent ni trop de laisser-aller ni trop d’ardeur : ces deux catégories en effet présentent des inconvénients : ceux qui sont trop mous ne supportent rien, ceux qui ont trop de caractère sont difficiles à commander. 6 Il faut qu’un terme soit fixé à tous : il est conforme à la justice et à l’intérêt de leur proposer, comme prix de leur travail, la liberté, car ils se donnent volontiers de la peine quand une récompense est en jeu et que le temps leur est fixé. Il faut aussi s’assurer de leur fidélité en leur permettant d’avoir des enfants et, tout comme dans les villes, on évitera d’en avoir un grand nombre qui soient de la même nation.

Les servantes esclaves de la maîtresse de maison( despoina) Stèle funéraire de Mnésarété. Une jeune fille (gauche) se tient devant la morte. Inscriptions : ΜΝΗΣΑΡΕΤΗ ΣΩΚΡΑΤΟΣ (« Mnésarété [la fille] de Socrate »). Attique, v. 380 av. J.-C.

Doc 3 : un maître et son esclave Doc 3 : un maître et son esclave. Face A d’un cratère en calice à figures rouges de Sicile, v. 350–340 av. J.-C. Louvre CA 7249  

Doc 4 : LA PLACE DES ESCLAVES ET DES METEQUES DANS LA CITE D'ATHENES VERS 430 av. J.-C. (Pseudo-Xénophon, Constitution des Athéniens, I, 10-12   " Quant aux esclaves et aux métèques, nulle part leur insolence ne va si loin qu’à Athènes. Dans cette ville, on n’a pas le droit de les frapper, et l’esclave ne se rangera pas sur votre passage. La raison de cet usage local, la voici : s’il y avait une loi qui permît à l’homme libre de frapper l’esclave, le métèque ou l’affranchi, souvent il aurait pris un Athénien pour un esclave et l’aurait frappé. Car les hommes du peuple à Athènes ne se distinguent des esclaves et des métèques ni par des habits ni par un extérieur plus riches. A ceux qui trouveraient étonnante une autre habitude, celle de laisser les esclaves se livrer au luxe dans Athènes, quelques-uns même y vivre au milieu de la magnificence, on peut démontrer que cette indulgence aussi est, chez les Athéniens, un calcul. Dans un pays dont la marine fait la puissance, l’intérêt de notre fortune nous oblige à être au service de notre cheptel humain (andrapoda).

Doc. 5/ Les esclaves à Athènes Doc. 5/ Les esclaves à Athènes. Extrait de l'inscription de la confiscation opérée sur les biens des hermocopides (destructeurs d'Hermès) en 414 av. J.-C. P. Brun, Impérialisme et démocratie, n°154.   (L’inscription se présente en trois colonnes : le premier chiffre à gauche représente celui de la taxe perçue sur la vente, le second est le montant de la vente elle-même et le troisième est la description de l’article). Biens appartenant à Polystratos fils de Diodoros du dème d’Ankylè : 2 dr. 1 ob. 202 dr. Pistos 1 dr. 42 dr. Récolte à Ankylè Total avec les taxes : 247 dr. 1 ob. Biens de Képhisodoros, métèque domicilié au Pirée : 2 dr. 165 dr. Une Thrace 1 dr. 3 ob. 135 dr. Une Thrace 2 dr. 170 dr. Un Thrace 2 dr. 3 ob. 240 dr. Un Syrien 1 dr. 3 ob. 105 dr. Un Carien 2 dr. 161 dr. Un Illyrien 2 dr. 3 ob. 220 dr. Une Thrace 1 dr. 3 ob. 115 dr. Un Thrace 1 dr. 3 ob. 144 dr. Un Scythe 1 dr. 3 ob. 121 dr. Un Illyrien 2 dr. 153 dr. Un Colchidien 2 dr. 174 dr. Un esclave (pais) carien 1 dr. 72 dr. Un petit esclave (paidion) carien 3 dr. 1 ob. 301 dr. Un Syrien 2 dr. 151 dr. Un(e) Méliténien(ne) 1 dr. 85-87 dr. Une Lydienne

Vases plastiques athéniens du quartier du Céramique (Athènes, Ve siècle av. J.-C.)/ la mode de l’esclave éthiopien

LES PHILOSOPHES FACE A L’ESCLAVAGE Doc.6 : PLATON, Lois, 778a PLATON (428-348) un citoyen athénien, issu d'une des grandes familles de la cité devient philosophe vers 405 399 : procès de Socrate, le maître de Platon   Platon, plutôt que de faire carrière politique, entreprend de créer un courant de militantisme : la "philosophie" c'est la principale figure de la vie intellectuelle athénienne du début du IV s 387 : fonde son école philosophique à l'Académie (un espace hors les murs, près d'un gymnase) des savants et philosophes y sont formés (Aristote)   deux voyages auprès des tyrans de Sicile, qu'il veut convaincre : échec chassé de Sicile, pris par des pirates , vendu comme esclave, racheté et libéré par un Athénien LES PHILOSOPHES FACE A L’ESCLAVAGE Doc.6 : PLATON, Lois, 778a A propos des bien que doit posséder une famille : ainsi donc, puisque chaque citoyen est pourvu, autant que possible, d'un nombre suffisant d'esclaves aptes à l'aider matériellement, le discours doit maintenant décrire les habitations".

ARISTOTE DE STAGIRE (384-322) métèque (étranger domicilié à Athènes) Buste d’Aristote d’après Lysippe (vers 330). Musée du Louvre Doc.7 : ARISTOTE, Politique, I, 1254 a 30-32 "Dans tout ensemble composé de plusieurs parties [...] se manifestent toujours gouvernant et gouverné. Et l'on retrouve cela chez les êtres animés et vertu de l'ordre de toute la nature"   "Parmi les instruments, les uns sont animés, les autres inanimés (...) Et, du point de vue de l'usage, il n'y a guère de différence entre les esclaves et les animaux. C'est donc dans l'ordre de la nature qu'il y ait une différence entre les corps d'esclaves et ceux des hommes libres." Politique, 1,2,

Epictète (50-125 de notre ère) Doc. 8: EPICTETE, Entretiens, IV, 1, 33-37 (fin Ier- début II siècle après JC) "C'est le vœu de l'esclave d'être vite libéré. Pourquoi ? Pensez- vous que c'est par désir de donner de l'argent aux percepteurs du vingtième ? Non, mais c'est qu'il s'imagine que jusqu'à maintenant, faute d'avoir obtenu sa liberté, il vivait entravé et misérable : "Si je suis libéré, dit-il, aussitôt tout est bonheur"; [...] Le voilà affranchi; bien vite, ne sachant où aller manger, il cherche qui il pourra bien flatter, chez qui il pourra dîner. [...] le voilà tombé dans un esclavage bien plus dur que le premier." fils Probablement fils d’esclave, il devient est né esclave et a été vendu à Epaphrodite, un affranchi de Néron. Par la suite, il est affranchi et se consacre à la philosophie stoïïcienne.

L'AFFRANCHISSEMENT Doc. 9 : L'affranchissement par la communauté la loi athénienne prévoit d'affranchir l'esclave qui dénonce un crime. La cité paie au maître le prix de son esclave la cité récompense "les dénonciateurs par l'argent quand ils sont libres, par la liberté quand ils sont esclaves." (Antiphon, Sur le meurtre d'Hérode, 34)   Doc. 10: L'affranchissement par un particulier (Platon, Lois, IX, 914e) "Un patron pourra aussi bien reprendre son affranchi, si celui-ci ne s'est acquitté d'aucun de ses devoirs ou pas acquitté de tous ses devoirs envers ceux qui l'ont affranchi. Voici ces devoirs : l'affranchi se présentera trois fois par mois au domicile de son patron pour lui offrir tous justes services qui sont en son pouvoir, et ne conclura rien, en matière de mariage, sans l'assentiment de son ancien maître. Il n'aura pas le droit de devenir plus riche que celui qui l'aura affranchi; le surplus reviendra au patron ..."

Doc . 11: un acte d'affranchissement d'Olympie, Ve siècle "Aghélaïdas a affranchi les enfants qu'il a eus de Sphina, et les a consacrés à Zeus Olympien." Doc . 12: Acte d'affranchissement d'Orchomène en Béotie "Apollonidas étant archonte, Antigénès, fils de Socratès, étant prêtre, Agisinicos, fils de Socrate et Sosibios, fils de Pouthillis, étant hiérarques, Thion, fils de Damatrichos, consacre son esclave Acrisios à Sarapis et Isis. Il ne sera pas permis à personne de saisir Acrisios ni de le réduire en esclavage. Si quelqu'un le saisit, le prêtre, les hiérarques et les synèdes auront le droit de le reprendre et de mettre le délinquant à l'amende.