La médecine entre science et technique penser les conséquences éthiques du progrès médical H. G. Gadamer ( ) Et H. Jonas ( )
Le statut de la médecine entre science et art / technique Soit on entend faire de la médecine une science. Médecine qui érigerait les « sciences du corps humain en référence absolue pour se donner comme objets les maladies, au risque d’oublier la détresse de l’individu souffrant dont elle tient sa raison d’être ». Soit au contraire la médecine assume son statut de technique, ou d’art, un « art au carrefour de plusieurs sciences ». On met alors « l’accent sur la clinique, sur l’intuition et le tact dans l’approche des patients, envisagés comme des personnes toujours singulières ». D. Lecourt, « de l’infaillibilité médicale », dans C. Sureau, D. Lecourt, G. David, L’erreur médicale, Paris, Puf, 2006, p. 15.
Comment penser le progrès en médecine ? La réflexion de H. G. Gadamer sur la médecine comme « savoir pratique ». L’herméneutique. Philosophie de la santé, Grasset / Mollat, 1998 (1993). Avant propos, p. 8 : « On ne sera pas étonné, en ce siècle hautement scientifique et technique, de voir qu’un philosophe, sans être médecin ni patient, s’intéresse cependant aux problèmes relatifs à la santé. En médecine, plus que ds n’importe quel autre domaine, les progrès de la recherche actuelle subissent les répercussions des tensions politiques et sociales que traversent notre époque (…). ».
Statut de l’art médical et problème du critère Le problème du critère en médecine : comment évaluer le progrès médical ? La médecine comme « forme particulière de science pratique ». Le statut particulier de « l ’art médical »: « ce qui est fabriqué n’est pas une œuvre … c’est le rétablissement du malade dont il est impossible de dire s’il faut l’attribuer à un succès de la science ou au savoir-faire du médecin. Un homme en bonne santé n’est pas un homme à qui on aurait fabriqué une santé ». Gadamer, « apologie de l’art médical », dans Philosophie de la santé, Paris, Grasset, 1998, p. 43 et suivantes.
L’herméneutique : donner un sens au concept de « science pratique » ch. I, p. 14 : « … il existe une contradiction irréductible entre la science et la pratique. La science est inachevée par essence, quant à la pratique, elle exige des prises de décision instantanées ». Les prises de décision impliquent et imposent de considérer le savoir dont on dispose comme achevé, même si l’on n’est pas sûr qu’il soit certain. Voir l’exemple du diagnostic : le diagnostic implique certes un « savoir médical » à la fois « général et spécialisé ». Mais il suppose surtout d’être capable de rapporter un cas donné particulier à une forme générale de maladie. Il suppose donc des compétences pratiques, reconnaître dans un cas particulier la présence d’une forme générale qui appartient à un savoir théorique. Le « diagnostic erroné » n’est donc pas tant imputable à la science, qu’à « l’art » et au « jugement » du médecin.
De la médecine comme art à l’usage de techniques : art médical et responsabilité humaine H. Jonas, Le principe responsabilité, Paris, Cerf, 1990 (1970). L’art médical et la responsabilité humaine, Paris, Cerf, Statut des techniques médicales par rapport à la technique en général ? Une technique bénéfique ?
Donner à la nature une « valeur » « La présence de l’homme dans le monde était une donnée première, ne posant pas de question… Désormais elle est devenue elle-même un objet d’obligation ». Le principe responsabilité, p. 38. « En faisant de la nature un matériau éthiquement neutre, la pensée jette les bases de son exploitation sans limite. En outre, elle ôte au sujet, désormais seul réceptacle de la valeur, toute possibilité de se référer à un ordre normatif objectif (…). L’homme n’a plus de valeur en soi. Il devient un produit aussi manipulable en droit que n’importe quel être de la nature. Ouvert à la reconfiguration, le sujet devient l’objet de la manipulation technique, commandée soit par des objectifs sociaux, soit par des souhaits individuels privés ». C. Larrère et E. Pommier, L’éthique de la vie chez Hans Jonas, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, p. 5-6.
Art médical responsabilité limitée et élargie du médecin -Limitée parce que le médecin n’a pas à se prononcer sur la valeur de la personne qu’il soigne -Elargie car il doit s’interroger sur les conséquences à long terme des progrès médicaux, pour la société, l’humanité