Physiopathologie clinique de la douleur: De la physiopathologie au traitement Dr Virginie Piano Département d’évaluation et de traitement de la douleur- Médecine palliative Pôle des Neurosciences Cliniques
Plan Introduction Douleur nociceptive Conclusion
Introduction Douleur: Sensation désagréable et expérience émotionnelle en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle ou décrites en ces termes (IASP)
Introduction Trois types de douleur: Douleur par excès de nociception Douleur neuropathique: Douleur dysfonctionnelle: Migraine Fibromyalgie
Introduction La douleur est multidimensionnelle: Composante sensori-discriminative Composante affectivo-émotionnelle Composante cognitivo-comportementale Composante culturelle
Introduction Douleur aigue Douleur chronique C’est la douleur alarme Moyen de défense A traiter rapidement Douleur chronique Néfaste, au bout d’un certain délai: 3 mois? On traite le patient dans sa globalité
La douleur nociceptive Introduction Définition Récepteurs Bases anatomiques et physiologiques Mécanisme périphérique Mécanisme spinal Les voies ascendantes de la douleur Contrôles de la douleur
La douleur nociceptive Introduction: La somesthésie est la sensibilité corporelle. Elle a trois fonctions: Extéroceptive Proprioceptive Intéroceptive
La douleur nociceptive Définition: Le système sensoriel: ensemble de neurones capables d’analyser une stimulation qui correspond à une sensation. Un stimulus nociceptif: une énergie qui provoque une lésion tissulaire. Un stimulus nociceptif algogène : s’il induit en plus une douleur.
La douleur nociceptive Physiopathologie: Le mécanisme périphérique: Les récepteurs nociceptifs
RECEPTEURS SENSORIELS - GENERALITES structure cellulaire spécialisée association au premier neurone du système sensoriel interface entre l’énergie physique du stimulus et le système sensoriel Terminaisons libres Champ récepteur Premier neurone Stimulus (thermique, mécanique ou chimique)
RECEPTEURS SENSORIELS - GENERALITES Fonctionnement en deux phases successives: Conversion de l’énergie physique du stimulus en un potentiel générateur= potentiel récepteur au niveau du site transducteur du récepteur= la transduction sensorielle Conversion du potentiel récepteur (si suffisant) en une série de potentiels d’action au niveau du site générateur du récepteur sensoriel (encodage neuronal) Potentiel générateur Site transducteur : rcp biochimiques 1 2 Récepteur sensoriel + Site générateur: rcp biochimiques Potentiels d’action
RECEPTEURS SENSORIELS - GENERALITES Nature des potentiels d’action identique dans tout le SN et en particulier pour toutes les modalités sensorielles (spécificité déterminée par le type de récepteur, les voies nerveuses et leurs sites de projection dans le SNC) Codage neuronal habituellement fonction de l’intensité du stimulus spécifique Codage neuronal à l’échelle du neurone par l’encodage en modulation de fréquence (recrutement temporel) à l’échelle d’une population de neurones un stimulus activant plusieurs récepteurs (recrutement spatial)
Si induction d’une lésion tissulaire, stimuli qualifiés de nocifs STIMULI NOCICEPTIFS Diverses formes d’énergie (mécanique, calorifique, chimique, electromagnétique, electrique…) De forte intensité capable de représenter une menace pour l’intégrité du corps (nociception/ nocere: nuire) Si induction d’une lésion tissulaire, stimuli qualifiés de nocifs Si induction d’une perception de douleur, stimuli qualifiés d’algogènes Stimulus nociceptif ≠ s. nocif ≠ s. algogènes
RECEPTEURS NOCICEPTIFS ET NON NOCICEPTIFS Récepteurs non nociceptifs sur les fibres Ab bien différenciés corpuscules de Meissner (faibles pressions sur la peau) corpuscules de Ruffini (vibrations de basse fréquence 50Hz) disques de Merkel (indentations de la peau) récepteurs des follicules pileux (mouvements des follicules) corpuscules de Pacini (vibrations de haute fréquence) Récepteurs nociceptifs ou nocicepteurs sur les fibres Ad et C non différenciés (terminaisons libres des nerfs)
RECEPTEURS NOCICEPTIFS ET NON NOCOCEPTIFS
Récepteurs à haut seuil Classés selon : NOCICEPTEURS Récepteurs à haut seuil Classés selon : le type de fibre afférente (Ad ou C) les modalités de stimulation évoquant une réponse les caractéristiques de la réponse les récepteurs exprimés à la surface membranaire
NOCICEPTEURS – MODALITES DE STIMULATION Selon réponse aux différentes modalités de stimulation : mécanique thermique chimique Deux grand types de nocicepteurs : polymodaux (réponse à toutes les modalités) spécialisés (réponse à une modalité donnée) Distribution : polymodaux les plus nombreux surestimation des spécialisés A replacer dans la perspective moléculaire (récepteurs ++)
NOCICEPTEURS – TISSUS NON CUTANES Existence de nocicepteurs polymodaux Ad et C dans les tissus non cutanés muscles articulations viscères Caractère spécifiquement nociceptifs de ces nocicepteurs non démontré Cerveau « insensible » (nocicepteurs au niveau méningé et vasculaire)
NOCICEPTEURS – ACTIVATION Transduction énergie mécanique, thermique ou chimique en une énergie électrique (potentiel d’action) Substances algogènes et/ou sensibilisantes In fine modification de la perméabilité membranaire augmentation de la [Na+] intra-cellulaire déclenchement du PA propagation du PA
La douleur nociceptive Physiopathologie: Le mécanisme périphérique Fibres Aδ Fibres C Fibres Aβ
« DOUBLE DOULEUR » Ad C 1e douleur : piqûre bien localisée précoce (300ms revers main) Ad C 2e douleur : brûlure mal localisée, diffuse retardée (1 s revers main)
[m] ++ / Ǿ 6-20mm Vc moy. 30-120 m/s [m] ± / Ǿ 1-5mm Vc moy. 4-30 m/s RECEPTEURS NOCICEPTIFS - NOCICEPTEURS [m] ++ / Ǿ 6-20mm Vc moy. 30-120 m/s Non douloureux (tactile & proprioceptive) Ab [m] ± / Ǿ 1-5mm Vc moy. 4-30 m/s Ad Douloureux (thermique & algique) [m] 0 / Ǿ 0,3-1,5mm Vc moy.0,4-2m/s C
NOCICEPTEURS – SENSIBILISATION Nocicepteurs polymodaux = chémorécepteurs Lésion tissulaire stimulation nociceptive responsable de la douleur réaction inflammatoire responsable d’une prolongation de l’activation des nocicepteurs et leur sensibilisation
Sensibilisation (réponse du nocicepteur) SENSIBLISATION – TRADUCTION CLINIQUE Sensibilisation (réponse du nocicepteur) diminution du seuil d’activation (« efficacité » stimulus non nociceptif) augmentation de la réponse apparition d’une activation spontanée extension du champ récepteur Traduction clinique diminution du seuil douloureux (allodynie) augmentation de la perception douloureuse (hyperalgésie) apparition d’une douleur spontanée augmentation de la topographie douloureuse
INFLAMMATION – SENSIBILISATION PERIPHERIQUE Facteurs liés à la lésion tissulaire ions K+ et H+ ATP Facteurs liés aux processus inflammatoires bradykinine prostaglandine et leucotriènes (peu algogènes mais très sensibilisants) cytokines pro-inflammatoires facteurs de croissance (NGF) sérotonine et histamine (dégranulation mastocytaire) Facteurs libérés par les nocicepteurs eux-mêmes neuro-peptides (substance P, peptide associé au gène de la calcitonine CGRP, neurokinine A) réflexe d’axone
REFLEXE d’AXONE – INFLAMMATION NEUROGENE neuropeptides SP CGRP neurokinine A augmentation de la perméabilité vasculaire dégranulation mastocytaire
La douleur nociceptive Physiopathologie: Le mécanisme périphérique Hyperalgésie primaire
La douleur nociceptive Hyperalgésie secondaire ou inflammation neurogène Physiopathologie: Le mécanisme périphérique
La douleur nociceptive Physiopathologie: Le mécanisme périphérique AINS
La douleur nociceptive Physiopathologie: Le mécanisme périphérique C’est le phénomène de double-douleur: HYPERALGESIE PRIMAIRE Fibres Aδ Ions H+ et K+ La douleur immédiate de la piqûre HYPERALGESIE SECONDAIRE Fibres C Inflammation neurogène La douleur secondaire plus étendue et intense autour de la piqûre
La douleur nociceptive Le mécanisme spinal: Les récepteurs Fibres Aδ Fibres C Fibres Aβ
NEURONES NOCICEPTIFS SPINAUX Neurones nociceptifs spinaux spécifiques Neurones nociceptifs spinaux non spécifiques
NEURONES NOCICEPTIFS SPINAUX SPECIFIQUES Essentiellement en couches superficielles I et II Activés exclusivement par des stimuli nociceptifs Afférences Ad et C Codage possible mais peu important Champ récepteur réduit
NEURONES NOCICEPTIFS SPINAUX NON SPECIFIQUES Neurones à convergence – WDR neurons Essentiellement en couche V Activés par les stimuli nociceptifs et non nociceptifs Afférences Ad, C et Ab Codage important Champ récepteur large 36
NEURONES NOCICEPTIFS SPINAUX NS S
Convergence viscéro-somatique / douleur projetée 38
La douleur nociceptive Physiopathologie: Le mécanisme spinal: Fibres Aδ Fibres C Fibres Aβ
La douleur nociceptive Physiopathologie: Le mécanisme spinal
Deux types de fibres C: NOCICEPTEURS PEPTIDERGIQUES ET NON PEPTIDERGIQUES Nocicepteurs peptidergiques expression de neuropeptides (SP et CGRP) et sensibilité au NGF (récepteur TrkA) projection vers la couche I et la couche II rôle dans l’inflammation neurogène Nocicepteurs non peptidergiques absence d’expression peptidergique, sensibilité au GDNF (récepteur RET) et à l’ATP (récepteurs P2X3) projection vers la couche II (interneurones protéine-kinase C g)
Mécanismes spinaux Effet pronociceptif pré-synaptique : ATP (r. P2X) Sérotonine (r. 5-HT3) Prostaglandines (r .EP) 43
Mécanismes spinaux Effet antinocicpetif pré-synaptique : GABA (r. GABAB) Sérotonine (r. 5-HT1A HT1B) Opioïdes (m >> d > k) 44
La douleur nociceptive Physiopathologie: Le mécanisme spinal Sensibilisation centrale: C’est la facilitation synaptique: GLUTAMATE Induisant une persistance du signal Une perte d’inhibition du système de contrôle de la douleur (microglie) par un recablage différent Interneurone Fibre Aβ Axe neuronal Recablage
La douleur nociceptive Physiopathologie: Le mécanisme encéphalique Fibres Aδ Fibres C Fibres Aβ
La douleur nociceptive Physiopathologie: Les voies ascendantes de la douleur Amygdale Substance grise périaqueducale Formation réticulée bulbaire Thalamus médian Thalamus latéral Cortex limbique Cortex somesthesique primaire = Penfield Hypothalamus Faisceau ascendant spino-thalamique Fibres Aβ
La douleur nociceptive Physiopathologie: Les voies ascendantes de la douleur: Le faisceau spino- thalamique Cortex somesthesique primaire Homonculus de Penfield
Douleur nociceptive Physiopathologie: Les voies ascendantes de la douleur: Amygdale Substance grise périaqueducale Formation réticulée bulbaire Thalamus médian Thalamus latéral Cortex limbique Cortex somesthesique primaire Hypothalamus Faisceau spino-réticulo-thalamique Fibres Aδ et fibres C
Douleur nociceptive Physiopathologie: Les voies ascendantes de la douleur: Amygdale Substance grise périaqueducale Formation réticulée bulbaire Thalamus médian Thalamus latéral Cortex limbique Cortex somesthesique primaire Hypothalamus Faisceau spino-ponto-mésencéphalique Fibres Aδ et fibres C
51
52
53
54
55
Douleur nociceptive Physiopathologie: Contrôles inhibiteurs: transfert spinal Intégration des messages nociceptifs par les neurones de la corne postérieure Orientation dans deux directions transfert cérébral (voies ascendantes / structures supra-spinales) transfert spinal Transfert spinal vers des motoneurones (corne antérieure) vers des neurones pré-ganglionnaires (corne intermédio-latérale)
Douleur nociceptive transfert spinal transfert cérébral m o t n e u r g l i a réflexe végétatif activation des neurones pré-ganglionnaires activation des neurones post-ganglionnaires libération NE amplification nociceptive « cercle vicieux Livingston » réflexe somatique activation des motoneurones voie polysynaptique complexe agonistes-antagonistes réflexe de retrait (protection) champ récepteur cutané nociceptif
Douleur nociceptive Physiopathologie: Contrôles inhibiteurs: Communs à tous les systèmes sensoriels Fonctionnent dans les deux sens: Amplificateur « algogène » Filtre « antalgique » Trois types: Segmentaires Supra-spinaux Contrôles inhibiteurs diffus
COMPLEXITE DU CHAMP RECEPTEUR DES NEURONES A CONVERGENCE CI Stimuli non nociceptifs rapide –répétitifs CE stimuli nociceptifs stimuli nocicpetifs et non nociceptifs influences excitatrices – influences inhibitrices (Noordenbos)
Douleur nociceptive Physiopathologie: Contrôles inhibiteurs segmentaires: La théorie du portillon ou gate control
Douleur nociceptive Physiopathologie: Contrôles inhibiteurs: La théorie du portillon ou gate control: Effet antalgique du frottement pour diminuer la douleur liée à la piqûre Efficacité du neurostimulateur transcutané chez les lombalgiques chroniques Effet des cordons postérieurs de la moelle avec l’effet antidromique Système GABAergique
Douleur nociceptive Physiopathologie: Contrôles inhibiteurs: Les contrôles supra-spinaux: Substance grise périaqueducale et raphus magnus Phénomène de tolérance Contrôle cortex: Focalise son attention, moins de douleur
Douleur nociceptive Contrôles supra-spinaux: SGPA – Noyau Raphé Magnus – Corne dorsale mœlle, système à médiation sérotoninergique et opioïdergique. Locus cœruleus – corne dorsale Système noradrénergique. Implications cliniques Effet des antidépresseurs (blocage recapture monoamines) Influence structures supra-mésencéphaliques Moindre efficacité dans certaines douleur (douleur neuropathique périphérique)
Douleur nociceptive Physiopathologie: Contrôles inhibiteurs: Les contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs (CIDN) après stimulation nociceptive et ce quelque soit le métamère => inhibition puissante de tous les segments médullaires (et trigéminaux) non concernés par le stimulus initial Sub Reticularis Dorsal = faisceaux postéro-latéraux
Contrôles inhibiteurs diffus
Contrôles inhibiteurs diffus
Contrôles inhibiteurs diffus Amélioration du rapport signal/bruit activité somesthesique basale important pour le schéma corporel bruit de fond vis-à-vis de la douleur Interactions entre douleurs fréquente utilisation en « médecine » vétérinaire (tord-nez ou pinces nasales) « contre-irritation » ou « contre-stimulation » Implications cliniques ?
Conclusion Le mécanisme de la douleur est un phénomène physiologique qui peut devenir pathologique sous certaines conditions. Actuellement, nous avons des traitements ciblés sur certaines voies mais leur effet est limité puisque les voies mises en jeu sont en général complexes. Il est donc important de prendre en charge le patient douloureux dans sa globalité.