6 mai 2025 Liz Lacharpagne (Avocate- Coordonnatrice Programme Droits COCQ-SIDA) Riyas Fadel (Service de lutte contre les ITSS, MSSS) « Criminalisation de l’exposition au VIH : enjeux pour les personnes vivant avec le VIH et pour l’intervention »
1 Mises en situation 2 Criminalisation du VIH – Enjeux pour les personnes vivant avec le VIH 3 Enjeux de la criminalisation pour l’intervention
Mises en situation 1
Mise en situation 1 M. X vit avec le VIH depuis plusieurs années et a une charge virale indétectable. Il sort dans les bars pour rencontrer des partenaires féminines. Comme les risques de transmission sont très faibles, il vous dit qu’il n’utilise pas le condom et ne dit pas à ses partenaires qu’il est séropositif. Est-ce que Mr X devrait/pourrait être poursuivi?
Mise en situation 2 Vous intervenez auprès d’une personne séropositive qui ne prend pas de traitement. Depuis peu, elle fréquente une personne séronégative auprès de laquelle vous intervenez également. Le couple n’utilise pas le condom. La personne séropositive n’a pas divulgué son statut et malgré vos interventions, elle ne souhaite pas divulguer son statut sérologique. Est-ce que vous pourriez/devriez aviser le partenaire séronégatif ?
Mise en situation 3 Madame x vit avec l’hépatite C et le VIH. Elle est poursuivie et condamnée à 10 mois de prison ferme pour avoir craché sur des policiers. Est-ce qu’une personne vivant avec le VIH ou atteinte d’hépatite C qui crache sur un policer pourrait/devrait avoir une sentence plus sévère qu’une personne séronégative ?
2 Aperçu de la criminalisation: Enjeux pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH)
APERCU DE LA CRIMINALISATION DU VIH Qu'est ce que la criminalisation du VIH? Criminaliser un comportement est le fait de le rendre passible de poursuites et de sanctions criminelles La « criminalisation du VIH » peut viser : -Le fait de transmettre le VIH à une autre personne (avec ou sans intention) -Le fait d’exposer au risque de transmission du VIH (avec ou sans intention) La « criminalisation du VIH » est un phénomène international. L’ONUSIDA invite les gouvernements à limiter l’utilisation du droit criminel dans ce domaine aux cas de transmission intentionnelle du VIH
APERCU DE LA CRIMINALISATION DU VIH La position de l’ONUSIDA L’ONUSIDA recommande particulièrement de ne pas appliquer le droit criminel lorsque la personne : ignorait sa séropositivité; ne comprenait pas les risques de transmission; avait signalé sa séropositivité au tiers exposé; n’avait pas dévoilé sa séropositivité par peur d’actes de violences ou d’autres formes de représailles graves; avait pris les mesures pour réduire le risque de transmission; s’était préalablement entendu avec le tiers sur le degré de risque mutuellement acceptable.
APERCU DE LA CRIMINALISATION DU VIH La position de l’ONUSIDA L’ONUSIDA invite les États à limiter l’usage du droit criminel aux cas de transmission intentionnelle du VIH et à favoriser les mesures de santé publique. Lorsque le droit criminel est utilisé, l’ONUSIDA recommande aux États d’adopter des Directives à l’attention des procureurs et des services de police afin d’éviter une utilisation inappropriée du droit criminel.
APERCU DE LA CRIMINALISATION DU VIH L’obligation légale de divulgation au CANADA Au Canada, la « criminalisation du VIH » consiste à appliquer le droit criminel aux PVVIH qui n’ont pas divulgué leur statut à leur partenaire avant une relation sexuelle comportant « une possibilité réaliste de transmission du VIH » (Décision Cour Suprême Mabior et Dc 2012) Une décision qui suggère qu’il y a obligation de divulgation en cas de: Relation vaginale ou anale sans condom, quelle que soit la charge virale; Relation vaginale ou anale avec condom, si la charge virale n’est pas basse. Pas d’obligation de divulguer si: Port de condom ET charge virale basse (du moins dans les cas de relations vaginales).
APERCU DE LA CRIMINALISATION DU VIH L’obligation légale de divulgation au CANADA Une personne peut être poursuivie et condamnée peu importe qu’il y ait eu INTENTION ou non de transmettre le VIH et peu importe qu’il y ait eu TRANSMISSION: on parle de criminalisation de l’exposition au VIH. Les accusés sont en grande majorité poursuivis pour « agression sexuelle » - Les peines de prison sont importantes. Peut on être poursuivis criminellement pour exposition/transmission d’autres maladies transmissibles sexuellement (en l’absence de divulgation) ?
APERCU DE LA CRIMINALISATION DU VIH Comment réduire les risques de poursuites? Pas de moyen infaillible mais, il peut être conseillé de: Divulguer son statut sérologique de façon claire. Utiliser des condoms pour toute relation sexuelle avec pénétration (active ou passive). Conserver des preuves de sa charge virale (carnet). Essayer d’obtenir et de conserver des preuves de son dévoilement : – Avoir un ou des témoins (conseiller - médecin) – Sauvegarder les courriels ou les conversations Internet – Faire signer un document, tout en étant prudent…
APERCU DE LA CRIMINALISATION DU VIH Peut on être poursuivi dans d’autres domaines que les relations sexuelles? Poursuites et condamnation pour « crachat » à l’encontre de personnes vivant avec l’hépatite C et le VIH Exemple de Madame J. Poursuites à l’encontre de personnes utilisatrices de drogues par injection? -Pas de poursuites connues entre personnes utilisatrices de drogues injectables pour exposition-transmission au/du VIH et/ou exposition- transmission au/du VHC -Poursuites pour transmission intentionnelle du VHC
APERCU DE LA CRIMINALISATION DU VIH La criminalisation du VIH impose t’elle une obligation légale de divulgation aux intervenants? L’obligation de divulgation du statut sérologique ne pèse que sur la personne concernée – Pas sur les intervenants Le droit criminel n’impose pas d’obligation aux intervenants de rapporter le comportement à risque d’un usager séropositif Les intervenants ont l’obligation de respecter la confidentialité du statut sérologique (respect du droit à la vie privée) sauf exception (circonstances dans lesquelles le droit à la vie privée peut être « limité »): -les perquisitions et assignations à comparaître, -le motif d’éviter un préjudice à autrui.
APERCU DE LA CRIMINALISATION DU VIH La criminalisation du VIH impose t’elle une obligation légale de divulgation aux intervenants? L’exception à l’obligation de respecter la confidentialité du statut sérologique au motif d’éviter un préjudice à autrui Un intervenant est exempté de son obligation de confidentialité si et seulement si: – une personne ou un groupe de personnes identifiables sont clairement exposées à un danger, – ces personnes risquent d’être tuées ou gravement blessées, et – le danger est imminent. (Arrêt Smith c. Jones, Cour Suprême) Même si les 3 conditions sont présentes, l’intervenant n’est pas tenu de divulguer: il n’en n’a pas l’obligation légale
APERCU DE LA CRIMINALISATION DU VIH Que retenir de la criminalisation? Ce qui est criminalisé, c’est le fait d’exposer quelqu’un à « une possibilité réaliste de transmission » du VIH: on peut être reconnu coupable même sans intention de transmettre et même sans transmission - Pour les tribunaux, il n’y a pas de distinction entre le silence et le mensonge Il y a une obligation légale de divulgation en cas de relation sexuelle vaginale ou anale non protégée ou si votre charge virale est supérieure à faible – Obligation pour le sexe oral? L’obligation de divulgation du statut sérologique pèse sur les PVVIH – Les intervenants doivent respecter la confidentialité du statut sérologique
APERCU DE LA CRIMINALISATION DU VIH Questions?
3 Enjeux de la criminalisation pour l’intervention
« Nul n’est censé ignorer la loi » Une « majorité » de personnes vivant avec le VIH connaissent l’existence d’une obligation légale concernant le dévoilement Informées lors du diagnostic ou durant le suivi Connaissances parfois incomplètes La relation entre l’obligation légale et les comportements des PVVIH n’est pas claire La majorité des PVVIH: Voudraient dévoiler Adoptent des pratiques sécuritaires (peu importe dévoilement ou non) « S’il a le VIH, il me le dira »
Le dévoilement pour une PVVIH Processus continu, plusieurs enjeux: Discrimination / stigmatisation Accès à / perte de soutien (entourage, organismes, services) Pertes / fin de relation de couple / violence Rejet de la part de partenaires sexuels Processus personnel et évolutif Source de stress, d’anxiété: peut être répétitif et difficile à vivre Plusieurs stratégies possibles selon la personne, son contexte, son expérience, etc.
Divergence entre l’obligation légale et les messages de prévention JurisprudencePrévention Risque réaliste de transmissionRisque négligeable, faible, haut Condom et charge virale faible Condom, charge virale (sous certaines condition), autres stratégies de prévention DévoilerPrévenir la transmission Responsabilité de la PVVIHResponsabilité partagée Contrôle / réprimande / protectionSoutien / accompagnement / protection
Enjeux pour les interventions Connaissance de l’obligation légale Capacité de transmettre cette information Rôle de l’intervenant / pair aidant / professionnel de la santé / bénévole, etc. Position envers une PVVIH qui veut porter plainte
Messages clés: S’approprier l’information sur l’obligation légale en lien avec le dévoilement, maintenir ces informations à jour Informer les PVVIH de l’obligation légale à dévoiler leur statut sérologique Dans les contextes de la vie courante (emploi, logement, médecins) Dans le contexte des relations sexuelles et possiblement dans le cas de partage de matériel de consommation Ne jamais donner de conseil juridique
Messages clés Soutenir la PVVIH, selon une approche globale, dans son processus de dévoilement: Identifier les avantages et les inconvénient Choisir des stratégies selon les contextes Évaluer périodiquement les stratégies Soutenir la PVVIH à mettre en place des stratégies de prévention qui conviennent pour elle Discuter des enjeux de confidentialité, de tenue de dossier, etc. dans l’organisme Idéalement, identifier des procédures claires et uniforme pour l’ensemble des intervenants Informer les PVVIH des procédures en place
Ressources en lien avec les droits et responsabilités des PVVIH: Programme Droits de la personne et VIH/Sida de la COCQ-SIDA – Poste 32 VIH info-droits de la COCQ-SIDA Région de Montréal : poste 34 Extérieur de Montréal (sans frais): poste 34 Information juridique personnalisée Explication des protections offertes par la loi Outils pour faire des choix éclairés Accompagnement des personnes vivant avec le VIH/sida et des intervenants dans leurs démarches auprès des acteurs concernés (instances gouvernementales et judiciaires, employeurs, professionnels de la santé, etc.) Référence à des ressources externes, si nécessaire.
Ressources en lien avec les droits et responsabilités des PVVIH: Réseau juridique canadien VIH/sida (Recherche, documentation, transfert de connaissances, plaidoyer) Spécifiquement : La divulgation du VIH et le droit : Une trousse de ressources pour les fournisseurs de services providers/?lang=fr#Counselling
Ressources sur les risques de transmission, l’intervention auprès des PVVIH: Estimation du risque associé aux activités sexuelles - Intervention préventive relative aux ITSS Outil pour évaluer les risques de transmission des ITSS selon les activités sexuelles 80d/48ba712817d d11005e1999?OpenDocument Consensus d’experts : charge virale et risque de transmission du VIH Rapport complet avec revue de littérature et explication des niveaux de risque Série de CATIE sur la communication sur le risque Ma vie sexuelle : renseignements à l'intention des jeunes vivant avec le VIH (brochure) Positif et en santé: le guide de santé sexuelle de l’homme gai séropositif au Canada (brochure)
QUESTIONS ? MERCI !