LES INDICES DE LA SURPROTECTION APRAM 22 mars 2011 Jean-Jo Evrard Université de Liège.

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Transcription de la présentation:

LES INDICES DE LA SURPROTECTION APRAM 22 mars 2011 Jean-Jo Evrard Université de Liège

Rappel : La protection de la marque de renommée peut être invoquée dans deux hypothèses : Un tiers utilise une marque identique ou ressemblante à la marque de renommée pour des produits identiques ou différents, dans des circonstances qui portent préjudice au titulaire de la marque; Un revendeur de produits authentiques portant une marque de renommée commercialise les produits dans des conditions portant atteinte à la renommée (motif légitime qui soppose à lapplication du principe de lépuisement communautaire).

1.USAGE PAR UN TIERS DUNE MARQUE IDENTIQUE OU RESSEMBLANTE A UNE MARQUE DE RENOMMEE POUR DES PRODUITS SIMILAIRES OU DIFFERENTS Quatre indices de surprotection : notion de marque de renommée; étendue du territoire dans lequel la renommée doit être établie; lappréciation de la « dilution »; lappréciation du « profit indûment tiré » de la renommée de la marque.

1.1NOTION DE MARQUE DE RENOMMEE La notion de «renommée» suppose un certain degré de connaissance au sein du public pertinent (CJCE, PAGO International/Tirolmilch registrierte Genossenschaft, C-301/07, point 22). Le public pertinent est celui concerné par la marque, cest-à-dire, en fonction du produit ou du service commercialisé, soit le grand public, soit un public plus spécialisé, par exemple un milieu professionnel donné (point 23). La marque est renommée lorsquelle est connue dune partie significative du public concerné par les produits couverts par elle (point 27).

En nexigeant pas que la renommée sétende au-delà du public pertinent, la Cour de Justice met sur le même pied « la marque de renommée » et la « marque notoirement connue » au sens de larticle 6bis de la Convention de Paris. Ces deux notions recouvrent la même réalité économique. Quelle est la différence de traitement juridique ? La marque « notoirement connue » est protégée sans enregistrement dans le cadre de la règle de la spécialité tandis que la « marque de renommée » est une marque enregistrée à laquelle la règle de la spécialité nest pas opposable.

La marque « notoirement connue » est donc protégée sans enregistrement. Toutefois, son titulaire ne peut revendiquer la protection offerte aux marques bénéficiant d'une renommée. Il résulte du libellé de l'article 8, §5, du règlement n° 40/94, qui utilise les termes « pour lesquels la marque antérieure est enregistrée », que cette disposition ne s'applique aux marques antérieures au sens de l'article 8, §2, de ce règlement que dans la mesure où elles ont fait l'objet d'un enregistrement. Par conséquent, cet article ne protège que les marques notoirement connues au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris pour lesquelles une preuve d'enregistrement est produite (TUE, 22 juin 2010, Eugenia Montero Padilla / OHMI - José Maria Padilla Requena, T-255/08, point 47).

1.2ETENDUE DU TERRITOIRE DANS LEQUEL LA RENOMMEE DOIT ETRE ETABLIE S'il s'agit d'une marque nationale, la renommée doit être établie dans l'Etat membre où la marque est enregistrée, mais il n'est pas exigé que la renommée existe dans « tout » le territoire de cet Etat : il suffit qu'elle existe dans une partie substantielle de celui-ci (CJCE, 14 sept. 1999, General Motors/ Yplon, C-375/97, point 28).

S'il s'agit d'une marque communautaire, la condition relative à la renommée doit être considérée comme étant remplie lorsque la marque communautaire jouit d'une renommée dans une partie substantielle du territoire de la Communauté (CJCE, PAGO International/Tirolmilch registrierte Genossenschaft, C-301/07, point 27). Si la marque communautaire est renommée dans la totalité du territoire d'un Etat membre, il peut être considéré, eu égard aux circonstances de l'affaire, qu'il est satisfait à l'exigence territoriale qu'impose l'article 9, paragraphe 1, sous c), RMC (ibidem, point 29).

Paradoxe : Pour obtenir le droit à une marque communautaire en application de la règle de lacquisition du caractère distinctif par lusage, le titulaire doit prouver lexistence du caractère distinctif dans tout le territoire de lUnion, les tribunaux communautaires examinant la situation pays par pays, alors que pour bénéficier de la protection élargie de la marque de renommée, il peut se contenter de démontrer lexistence de la renommée dans une partie seulement de lUnion.

1.3LAPPRECIATION DE LA DILUTION (ATTEINTE AU POUVOIR DISTINCTIF DE LA MARQUE DE RENOMMEE) CJCE, 27 novembre 2008, Intel / CPM United Kingdom, C-252/07 Ce préjudice, également désigné sous les termes de « dilution », de « grignotage » ou de « brouillage », est constitué dès lors que se trouve affaiblie l'aptitude de cette marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque, l'usage de la marque postérieure entraînant une dispersion de l'identité de la marque antérieure et de son emprise sur l'esprit du public. Tel est notamment le cas lorsque la marque antérieure, qui suscitait une association immédiate avec les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, n'est plus en mesure de le faire (point 71).

La preuve que l'usage de la marque postérieure porte ou porterait préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure suppose que soient démontrés une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée consécutive à l'usage de la marque postérieure ou un risque sérieux qu'une telle modification se produise dans le futur (point 77).

TUE, 28 octobre 2010, Allergan / Farmeco, T-131/09 Premier arrêt qui retient le risque de dilution. Le conflit opposait le titulaire de la marque « BOTOX » renommée pour des produits relevant de la classe 5 au demandeur de la marque « BOTUMAX » pour des produits relevant des classes 3 et 16.

Argumentation succincte : En lespèce, lélément verbal « botox » na aucune signification propre, mais constitue un terme fantaisiste auquel le public ne sera confronté quen relation avec les produits visés par la marque antérieure renommée. Par conséquent, lutilisation de cet élément verbal ou dun élément verbal similaire par une autre marque enregistrée pour des produits susceptibles de concerner le grand public conduira incontestablement à la dilution du caractère distinctif de la marque antérieure renommée (point 99).

Cette argumentation nest pas à labri de toute critique. Tout dabord, le tribunal nexamine pas, comme la Cour de justice le requiert dans larrêt Intel, si le comportement économique du public pertinent est susceptible dêtre modifié. Ensuite, le tribunal nexplique pas, en détail, la raison pour laquelle lexistence de la marque « BOTUMAX » affaiblit l'aptitude de la marque « BOTOX » à identifier les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque.

Lexistence de la dilution ne requiert-elle pas que les marques en cause soient identiques ou quasi-identiques ? On peut sérieusement douter du fait que lexistence de la marque « BOTUMAX » ne permettra plus au public pertinent de faire une association immédiate entre la marque « BOTOX » et les produits pour lesquels celle-ci est renommée.

1.4LAPPRECIATION DU PROFIT INDUMENT TIRE CJCE, 18 juin 2009, LOréal / Bellure, C-487/07 Lorsqu'un tiers tente par l'usage d'un signe similaire à une marque renommée de se placer dans le sillage de celle-ci afin de bénéficier de son pouvoir d'attraction, de sa réputation et de son prestige, ainsi que d'exploiter, sans aucune compensation financière et sans devoir déployer des efforts propres à cet égard, l'effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l'image de cette marque, le profit résultant dudit usage doit être considéré comme indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque (point 49). Cest la consécration, par la Cour de justice, de la notion de « concurrence parasitaire ».

Mais cette notion est loin de faire lunanimité en Europe, la meilleure preuve en étant larrêt de la Court of Appeal (England and Wales) du 21 mai 2010 qui a été « contrainte » dappliquer larrêt de la Cour (elle avait posé les questions préjudicielles à la Cour de justice), mais en critiquant en termes durs la position de la CJUE et arrivant à la conclusion suivante : « My final general comment is this. I believe the consequence of the ECJ decision is that the EU has a more "protective" approach to trade mark law than other major trading areas or blocs. I have not of course studied in detail the laws of other countries, but my general understanding is, for instance, that countries with a healthy attitude to competition law, such as the US, would not keep a perfectly lawful product off the market by the use of trade mark law to suppress truthful advertising » (point 20).

2.REVENTE DE PRODUITS AUTHENTIQUES PORTANT UNE MARQUE DE RENOMMEE CJCE, 4 novembre 1997, Parfums Christian Dior / Evora, C-337/95 Le titulaire d'une marque ne peut s'opposer, au titre de l'article 7, paragraphe 2, de la directive 89/104, à ce qu'un revendeur, qui commercialise habituellement des articles de même nature, mais pas nécessairement de même qualité, que les produits revêtus de la marque, emploie, conformément aux modes qui sont usuels dans son secteur d'activité, la marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure de ces produits, à moins qu'il ne soit établi que, compte tenu des circonstances propres à chaque espèce, l'utilisation de la marque à cette fin porte une atteinte sérieuse à la renommée de ladite marque.

CJCE, 23 avril 2009, Chrisian Dior Couture/Copad, C-59/08 Lorsque la mise dans le commerce de produits de prestige par le licencié en violation dune clause du contrat de licence doit néanmoins être considérée comme faite avec le consentement du titulaire de la marque, ce dernier ne peut invoquer une telle clause pour sopposer à une revente de ces produits sur le fondement de larticle 7, paragraphe 2, de la directive 89/104, telle que modifiée par laccord sur lEspace économique européen, que dans le cas où il est établi, compte tenu des circonstances propres à lespèce, quune telle revente porte une atteinte à la renommée de la marque.

CJUE, 8 juillet 2010, Portakabin / Primakabin, C-558/08 La juridiction nationale, à laquelle il appartient dapprécier sil existe ou non un tel motif légitime dans laffaire dont elle est saisie : est tenue de considérer quil ne peut être interdit à un revendeur spécialisé dans la vente de produits doccasion dune marque dautrui de faire usage de cette marque en vue dannoncer au public des activités de revente qui incluent, outre la vente de produits doccasion de ladite marque, la vente dautres produits doccasion, à moins que la revente de ces autres produits ne risque, eu égard à son volume, à sa présentation ou à sa mauvaise qualité, damoindrir gravement limage que le titulaire a réussi à créer autour de sa marque.

EN GUISE DE CONCLUSION Nul ne nie la nécessité daccorder aux marques renommées une protection plus étendue que celle accordée aux autres marques. Mais il faut raison garder : les marques de renommée ne peuvent bénéficier dune protection trop large à peine dentraver à la fois les possibilités de choisir une nouvelle marque et la liberté du commerce. Au niveau communautaire, la balance penche nettement en faveur des marques de renommée.