Distinguer l’anthropologie Pascale Moity-Maïzi Anthropologue Supagro Montpellier/Irc 2011 UMR Innovation
Ethnographie, ethnologie, anthropologie Des concepts liés à l’histoire de nos sociétés (des conquêtes coloniales aux Indépendances) …et à l’histoire de nos courants de pensée (pour penser l’homme dans les sociétés et la nature).
Ethnographie, ethnologie, anthropologie Débats de méthodes bien plus que d’écoles, ces termes renvoient à un moment de l’histoire de ce champ disciplinaire obsédé par le besoin de se définir un cadre scientifique qui viendrait lui fournir une légitimité et une autonomie face aux sciences de la nature, face à la sociologie et à la psychologie dont l’anthropologie a toujours eu du mal à se différencier (cf. Guillet-Escuret, 1994).
Ethnologie Le terme est ancien : XVIIIème C’est d’abord la science qui s’intéresse au classement des peuples et des races…(Montesquieu par exemple) Désigne peu à peu l’étude des sociétés sans écriture ou sans industrie, sociétés que l’on disait « primitives ».
Primitif Terme et définition associés aux auteurs du XIX ème siècle distinguant : sociétés proches de l’état de nature (sauvages, barbares..), par opposition à sociétés civilisées … Le terme disparaît suite à la multitude d’études qui ont dévoilé la complexité, la richesse culturelle et les dynamiques des sociétés humaines (Voir C. Lévi Strauss, in Race et histoire).
Ethnologie Quand s’efface la notion de primitif reste l’Ethnologie : En France, ce terme est conservé pour se distinguer de la sociologie, avec une vocation affirmée et officielle dès 1926 (création du premier Institut d’ethnologie en France) : l’ethnologie fournit aux Anthropologues des « monographies comparées».
On enseignait l’ethnologie (et non l’anthropologie) à partir de 1927 au sein de l’Institut d’Ethnologie du musée de l’Homme à Paris. Cet enseignement comprenait à la fois de l’anthropologie physique, de la technologie, de la préhistoire, de la linguistique et de l’ethnologie proprement dite …
Pour Lévi Strauss L’ethnologie est définie comme une étape d’explication des coutumes, des institutions observées, une étape de synthèse analytique aussi, souvent réalisée par méthode comparative Une science utilisant une méthode (ethnographie) privilégiant l’oralité, l’observation, l’entretien, la biographie
Ethnographie (concept créé par L.S.) C. Lévi Strauss créateur de la distinction : ethnographie, ethnologie, anthropologie Ethnographie (concept créé par L.S.) de ethnos : peuple ; graphein : décrire C’est la partie descriptive de l’Ethnologie Avec Levi-Strauss, l’ethnographie est une démarche : description fine, inventaires, classifications…
Anthropologie Du XIX à la première moitié du Xxème siècle : L’anthropologie était une branche de l’histoire naturelle (anthropologie physique), à vocation biologique.. Avec Lévi Strauss, l’anthropologie se définit comme la science de tous phénomènes humains présents ET passés. Sa vocation est universelle ; elle propose des Lois générales d’organisation de l’homme en société.
Grande Bretagne et USA Le terme Ethnology : peu employé ; en général associé à l’étude historique des civilisations. C’est la même chose aux Etats-Unis.. On privilégie le terme Anthropology pour décrire l’homme : c’est La science de l’homme dans sa diversité (biologique, sociale, psychologique..).
Grande Bretagne et USA Le terme Anthropology recouvre donc toutes les disciplines qui explorent le passé et le présent de l’évolution de l’homme : sciences naturelles, archéologie, linguistique, ethnologie... On établit toutefois une différence entre Anthropologie sociale et Anthropologie culturelle : la seconde est déterminante dans l’histoire de la discipline en Occident (étude des Indiens au Xxème siècle).
L’anthropologie sociale Etude des sociétés en tant qu’entités, où l’on aborde à la fois l’écologie, l’économie, les institutions politiques et juridiques, les structures familiales, les systèmes de parenté, les religions, les techniques, les arts, etc...comme parties intégrantes de systèmes sociaux (Evans Pritchard, Anthropologie sociale) où l’on considère que tous ces aspects de la vie humaine sont étroitement interdépendants,
L’anthropologie culturelle C’est l’étude des cultures C’est à dire les oeuvres de l’homme, ses systèmes de communication symbolique, ses techniques, ses arts, mais aussi ses organisations sociales, le fonctionnement de ses institutions comme cadres ou « structures » de production de ces œuvres..
Lévi Strauss qui dans les années 50 va reprendre le terme Anthropologie y adjoindra très vite le terme « structurale » pour bien marquer l’orientation théorique qui est la sienne (par rapport aux anglo-saxons)... Peu à peu, les auteurs anglo-saxons font converger ces deux domaines (social/culturel) partageant en fait une même vocation : produire des études comparées de l’homme en société dans sa dynamique historique.
Convergences actuelles : L’anthropologie n’est limitée ni par le temps ni par les lieux, son investigation s’étend au monde entier. Elle étudie donc l’homme à travers son physique, ses sociétés, sa production, ses modes de communication, ses langues et ses cultures. Sa démarche est spécifique….
Anthropologie et sociologie : La démarche de recherche différencie les deux disciplines : L’anthropologie implique la compréhension d’une culture étrangère.. Cela nécessité de vivre les sociétés de l’intérieur, d’en connaître la langue, comprendre les comportements, les institutions, les valeurs, auxquels il faut donner un sens, une signification…
L’enquête de terrain, sur longue durée, est désormais la caractéristique essentielle de l’anthropologie : celle-ci constitue selon Copans (1996) « l’approche la plus totalisante et la plus engagée personnellement, de production des connaissances ». L’histoire de l’anthropologie montre avant tout l’histoire d’une démarche, d’une relation et d’une méthode : l’observation participante symbolise la nature même de la discipline. C’est un aller-retour permanent entre deux mondes (Copans, 1996).
Finalité de l’anthropologie L’anthropologie c’est le regard porté sur l’autre, le désir de connaître les différents peuples .. C’est permettre de modifier par un acte de compréhension, le regard que l’on porte sur l’autre, regard qui est souvent façonné par des préjugés anciens .. comprendre l’autre c’est en donner le point de vue et non l’évaluer
« Participant du changement même des sociétés et des cultures, l’ethnologie et l’anthropologie témoignent, prouvent et traduisent. La différence s’élabore dans le texte que rédige le chercheur dans sa propre langue » (Copans, 1996).
Si la tendance n’est plus à la recherche de lois naturelles immuables qui caractériseraient ces sociétés dites traditionnelles et perçues comme stables, l’anthropologie s’est désormais et logiquement orientée vers l’étude du changement, des dynamismes sociaux, des conflits Cette discipline a toujours fait appel à d’autres sciences jusqu’à parfois former des écoles de pensée inspirées de modèles scientifiques non anthropologiques
cette ouverture aux sciences voisines doit être aussi considérée comme un facteur favorable à la pluridisciplinarité, dans un monde scientifique de plus en plus cloisonné par ses différentes spécialisations
Conclusion L’histoire des disciplines centrées sur l’homme met aujourd’hui en évidence : Un champ disciplinaire avant tout défini par une démarche spécifique pour étudier les rapports entre différents aspects de la vie humaine. Mais comment donner du sens à ces faits et rapports observés dans d’autres cultures, façonnés par d’autres systèmes de pensée que le nôtre ?