Massif des Ifoguas, Teraghart PPS RATZEL PATRICIA CLIQUEZ POUR CONTINUER
Massif des Ifoguas, Teraghart Photo J.Dupuis
Le terrain : l'Adrar des Ifoghas L'épicentre des combats se situe dans la vallée d'Ametettai, zone du massif des Ifoghas, à la frontière avec l'Algérie. Le tout s'étire sur un territoire d'à peine 25 km sur 25 km, soit 625 km². Moins grand que Berlin. L'un des objectifs est d'empêcher les jihadistes de s'exfiltrer de ce périmètre, qui "certes se réduit" peu à peu, "mais représente quand même une superficie relativement importante", selon le ministère de la Défense. La base arrière de l'armée est fixée à une cinquantaine de kilomètres au sud, à Tessalit, dont l'aéroport est contrôlé par l'armée française.
Roches, sable et grottes rendent la traque des islamistes particulièrement ardue. "Seuls les sanctuaires du nord-est malien comme l'Adrar des Ifoghas présentent pour les terroristes un théâtre favorable, expliquait Slate.fr en janvier. Il l’est toutefois moins que celui des montagnes afghanes (isolement, faibles ressources en eau, chaleur, tempêtes de sable, difficultés de ravitaillement), même s’ils sont accoutumés à ces conditions."
Les troupes : des militaires français et tchadiens La progression des troupes françaises et tchadiennes est appuyée par des avions, des hélicoptères de combat, des mortiers et des canons d'artillerie de 155 mm Caesar. Les 1 200 Français sur le terrain appartiennent aux forces spéciales, aux unités parachutistes et à la Légion. Ils coordonnent leur action avec 800 Tchadiens, qui "se battent avec des méthodes assez comparables à celles employées par les paramilitaires des groupes jihadistes", selon Pascal Le Pautremat, spécialiste des questions de défense. "
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Signe que les choses sont bien plus compliquées qu'anticipé, la brigade Serval est en train de recevoir des renforts en matériel, écrivait le blog spécialisé Le Mamouth vendredi. Deux pièces Caesar vont rejoindre le même volume déjà envoyé dans l'Adrar. Deux hélicoptères Tigre doivent rejoindre les cinq engins déjà mis en œuvre sur place."
L'ennemi : des combattants "fanatisés" Combien de jihadistes se sont-ils repliés dans ce massif ? Difficile à dire avec précision, mais plus d'une centaine d'entre eux ont déjà été tués par les troupes françaises et tchadiennes depuis dix jours. "Nous avons face à nous un adversaire fanatisé qui défend fermement des positions sur lesquelles nous sommes obligés de donner l'assaut pour les fouiller et les réduire, a expliqué un porte-parole de l'armée, dimanche. Il faut fouiller méthodiquement la zone."
Interrogé sur ce que l'armée ferait des jihadistes, François Hollande a répondu, fin janvier : "Les détruire. (...) Ces terroristes, s'ils veulent ne plus terroriser, ils peuvent abandonner leurs armes et quitter le territoire malien. (…) Pour le reste, si nous pouvons, nous ferons des prisonniers, (...), ça pourra être utile." Pour l'heure, les informations qui filtrent sur cette opération ne font pas mention de capture mais de "neutralisation", euphémisme pour signifier que l'un des jihadistes a été abattu.
Massif des Ifoguas, Teraghart Photo J.Dupuis
Commentaire /Ariane Nicolas Selon l'état-major, près d'une quinzaine d'ateliers et de caches d'armes ont été découverts depuis le début de l'opération Panthère 4, qui a permis de récupérer quatre mortiers de 82 mm, environ 70 roquettes de 122 mm, neuf sacs de 50 kg de produit explosif et trois bonbonnes d'explosif artisanal. Une dizaine de sites logistiques auraient été détruits, de même qu'une quinzaine de pick-up et un blindé BRDM-2 qui avait été volé à l'armée malienne. Commentaire /Ariane Nicolas dans la fournaise des Ifoghas, la traque d’un ennemi invisible
Ceux qui ont eu l'occasion de s'y rendre s'accordent sur un point : l'Adrar de Tigharghâr semble avoir été spécialement créé par le dieu des rébellions pour abriter des combattants en guerre contre des forces conventionnelles. Dans le massif rocheux, il coule une eau abondante, qui fait pousser une végétation épaisse, des avantages déjà précieux dans cette région de soif et d'aridité où boire et se cacher sont une affaire de vie ou de mort. De plus, des rochers y ont judicieusement été creusés par la nature pour fournir de nombreux abris. Historiquement, l'Adrar de Tigharghâr a été un lieu de refuge pour les rébellions touareg combattant l'armée malienne ou la puissance coloniale, la France. Aujourd'hui, c'est dans ce massif que se livre une phase cruciale de l'opération militaire française en cours contre les rebelles islamistes alliés d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). RÉORGANISATION PARTIELLE DES REBELLES La première partie de l'intervention française au Mali avait été un défi de logistique et de vitesse, une opération de mouvement de plusieurs semaines pour bousculer les alliés d'AQMI à travers le pays, jusqu'au fleuve Niger et aux villes principales qui se trouvent sur ses berges, de Tombouctou à Gao. Les combats dans cette période ont été marginaux. Les rebelles évitaient l'affrontement, abandonnant les villes après avoir subi des frappes aériennes. Une partie des hommes du Mujao (Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest), d'Ansar Eddine (mouvement qui a éclaté depuis) et de certains de leurs alliés d'AQMI se sont donc dispersés dans plusieurs zones du nord Mali, passant pour certains dans les pays voisins, tout en s'efforçant d'échapper à la surveillance aérienne.
Massif des Ifoguas, Teraghart Photo J.Dupuis
ÉCHAPPER AUX DÉTECTIONS THERMIQUES Comment combattre efficacement des groupuscules en mouvement presque permanent, camouflés dans le paysage, évitant de communiquer autrement que par messagers, de se regrouper pour servir de cible ou de faire chauffer trop de moteurs à la fois pour échapper aux détections thermiques ? Ces tactiques pesaient jusqu'à présent sur le futur de l'opération française Serval, menacée de dilution à l'échelle d'un territoire plus vaste que l'Hexagone. Mais l'Adrar de Tigharghâr a peut-être servi de capitale informelle à cette armée des ombres islamistes. C'est là que se joue la seconde phase, cruciale, de la guerre au Mali, menée par des troupes françaises et tchadiennes, avec l'aide de certains Touareg.
Massif des Ifoguas, Teraghart Photo J.Dupuis
Pour Bilal ag Cherif, le chef de la rébellion touareg du MNLA, (Mouvement national de libération de l'Azawad), associée discrètement à l'alliance franco-tchadienne qui mène les combats dans le massif : "Il y a de nombreuses zones où se trouve AQMI, jusqu'à l'ouest de Tombouctou, mais Tigharghâr, c'est leur point d'ancrage. C'est là que se trouve le gros de leurs forces, humaines comme matérielles. Le combat en cours y est d'une importance capitale."
PLATEFORME POUR DES OPÉRATIONS KAMIKAZES Des combattants semblent avoir trouvé refuge dans le massif, où avaient été constitués des stocks de munitions, de vivres et de carburant en prévision d'une longue période de guerre de harcèlement. La zone, considérée comme inexpugnable, aurait pu constituer une parfaite plateforme de lancement pour des opérations kamikazes ou des attaques éclairs dans le nord du pays. Les forces françaises y sont désormais en opération avec des moyens terrestres et aériens au sujet desquels il n'existe pratiquement aucune information. Pour faire nombre et bloquer les issues du massif, les alliés tchadiens sont là en renfort. Aucun soldat malien n'a été associé à l'opération.
Un notable d'Aguelhok, de passage à Kidal, témoigne de l'importance des opérations en cours : "Il y a les troupes françaises et tchadiennes au sol, mais aussi beaucoup de frappes de Tigre ". Il explique que les forces tchadiennes sont entrées par deux axes différents dans le massif, pour prendre en tenaille les groupes rebelles. La taille de la zone où ces derniers opèrent aurait ainsi été diminuée par deux au cours des deux dernières semaines. "Les opérations, maintenant, c'est à peu près dans une zone de trente kilomètres sur trente", assure un responsable au sein des organes de sécurité du MNLA, très impliqué dans ce dossier. Selon le notable d'Aguelhoc, deux camps d'entraînement du Mujao ont été touchés par des frappes aériennes récemment. Plusieurs dizaines de recrues des environs de Gao y ont été tuées.
Dans les combats des derniers jours, les forces tchadiennes ont été au premier rang. Eux qui aiment tant les charges héroïques pied au plancher en milieu découvert, qu'ils appellent "la guerre au Sahara", menée à bord de leurs pick-up chargés jusqu'à la gueule de guerriers, de fûts d'essence et de munitions, tirant au RPG à bout portant sur l'ennemi, les voici dans un milieu qui s'est transformé en piège le 22 février. Sidi Mohammed ag Saghid, dit "Trois Trois", chef de la sécurité du MNLA, explique : "Les Tchadiens avançaient avec une grosse colonne de 200 véhicules environ. Ils sont tombés dans une embuscade et la colonne a été coupée en deux. Mais ensuite, ils ont lancé leur propre attaque et ils ont durement frappé les islamistes
Massif des Ifoguas, Teraghart Photo J.Dupuis
Dans l'Adrar de Tighargâr, le renseignement joue un rôle clef Dans l'Adrar de Tighargâr, le renseignement joue un rôle clef. Les frappes aériennes françaises visent des dépôts, des abris ou des camps grâce à des informations précises recueillies au sol. Il y a quelques jours, un jeune garçon d'Aguelhok, la ville la plus proche, qui posait des dispositifs de pointage pour les frappes aériennes françaises, a été surpris par les rebelles islamistes et exécuté, selon le responsable de l'administration locale qui dit sa crainte en entendant les détonations sourdes dans le massif voisin, tout en reconnaissant que les tirs "s'éloignent". Tigharghâr est-il en train de constituer une nasse rocheuse, finalement, où serait enfermé le plus gros des forces rebelles islamistes ? Aucun témoin extérieur n'a pu approcher de la zone pour s'en rendre compte. Cette bataille cruciale se livre loin des regards.
Massif des Ifoguas, Teraghart Photo J.Dupuis
Jean-Philippe Rémy - Kidal (Mali) Envoyé spécial EXFLITRATION On ne peut donc qu'ébaucher l'hypothèse qu'un tri est en train de s'effectuer entre les mieux organisés des combattants, capables de se faufiler vers l'extérieur, et les recrues moins affûtées. Une source locale bien informée, qui vient de passer quelques jours en brousse dans les abords de l'Adrar, témoigne : "La nuit, on entend des petits groupes de trois à cinq pick-up qui avancent, tous feux éteints, pour sortir des rochers et prendre la direction de l'Algérie ou de Taoudenni". Il existe des zones rebelles près de Gao, près d'Ansongo. Mais pour les forces qui quittent Tighargâr, c'est vers les zones arides du nord, où la chaleur qui monte de jour en jour rendra bientôt la vie et les opérations militaires particulièrement difficiles, qu'il est possible à des combattants isolés de s'exfiltrer. Cela revient pour eux à gagner des zones encore plus lointaines pour survivre. Cela ne règle pas le cas d'autres poches rebelles au Mali, mais cela pourrait casser une partie de l'architecture de la guérilla au nord Mali. Jean-Philippe Rémy - Kidal (Mali) Envoyé spécial
Pour la plupart des photos crédit ECPAD Sirpa Air Sirpa Terre REUTERS FIN COMMENTAIRES DU NET Commentaire /Ariane Nicolas AFP / Kenzo Tribouillard