ND de THINES en Ardèche

L’ancien prieuré Notre-Dame de Thines est située au sud de l’Ardèche entre Loubaresse et Les Vans (Commune de Malarce sur la Thines) Le minuscule village de Thines, perché au-dessus d'un torrent, avec ses ruelles étroites, ses maisons aux toits de lauzes accrochées aux rochers possède cette splendide église romane. La route actuelle qui monte au village date de 1870! Les bénédictins de Saint-Chaffre du Monastier, abbaye fondée vers 680 reçurent d’Etienne vicomte du Gévaudan à la fin du Xe siècle des domaines dont probablement Felgère ou Faugères qui pourrait être un hameau au nord de Thines mais ni Montselgues ni Thines ne sont mentionnés. La construction de l'abbatiale actuelle de Monastier , dédiée à Saint Théofrède, ainsi que des bâtiments monastiques est due à Guillaume III qui en fut l’ abbé de 1074 à 1086 mais les travaux seront menés à terme part son successeur. L’abbaye prospéra et comptait plus de 230 églises en 1155 puis commença le déclin. Le petit prieuré de Thines dépendait de Saint Gervais de Langogne puis de Montselgues, annexe du monastère de Monastier et ce jusqu’à la révolution, bien qu’il fut délaissé vers 1700. L’église communiquait avec le château de Thines puisqu’il subsiste la porte murée dans l’édifice. Thines était probablement une étape du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle à partir du Puy et est devenu plus tard un lieu de pèlerinage à la vierge noire les 8 septembre . L’église prieurale est bâtie en pierre de taille de granit provenant de la vallée de la Thines ainsi que de pierres de grès rouge et gris provenant d’une dizaine de km! La nef comprend deux travées, le chœur est plus bas et se termine en une abside en cul de four. Le tout voûté en plein cintre couvert de lauzes. La corniche à l’extérieur, les frises des ouvertures et les frises intérieures sont sculptées de motifs dont certains représentent des outils utilisés par les bâtisseurs.

Il s’agit d’un « retournement », c’est à dire une conversion intérieure que le sculpteur présente ici par un personnage dédoublé: une main au sol sur ses cheveux et l’autre déjà au ciel ou qui le souhaite par cette main de l’autre partie de lui-même qui chante les louanges du Très-haut. _ les mains sont les actions de cet homme_ l’une attachée aux biens terrestres (cheveux) et l’autre déjà au ciel ( ailes d’ange et barbe des vieillards) . Les sculpteurs représentent souvent le même personnage sous différents aspects ; ici l’acrobate et le personnage ailé qui s’accompagne d’un instrument de musique non profane, ne font qu’un et ce personnage est presque prêt pour aller au ciel, il est en conversion intérieure, en train d’accomplir le vœux de la règle. Ce stratagème permet au sculpteur de mieux expliciter son message qui pourrait être celui-ci: « Si tu choisis de te détacher des biens terrestres , et te tournes vers Dieu, tu iras au ciel pour chanter avec les anges et les vieillards de l’apocalypse les louanges du Très-haut… » Des corps d’aigles _l’oiseau qui s’élève au plus haut dans le ciel et qui a la vue perçante_ symbole de l’élévation spirituelle. Les oreilles percées sont aussi un signe, peut-être le symbole de celui qui a écouté l’appel de Dieu, en effet les ailes naissent aux oreilles ? Le sculpteur présente le résultat de la conversion intérieure: la possibilité pour ce moine d’aller au ciel !

Quatre est le symbole du terrestre et la sphère le symbole de la perfection et du monde céleste… Les boules naissent dans le quatre …. C’est l’appel à la perfection pour ces moines…

D’autres représentent des appels ciblés à la protection divine: La corniche probablement en majeure partie d’origine est peuplée de motifs qui ne semblent pas avoir un caractère religieux, certains sont facilement identifiables tels que des outils de tailleurs de pierre qui ne seraient guère symboliques: Un élément de colonne tourné (dernier progrès technologique?), un maillet de sculpteur de pierre, un niveau (qui n’est pas à angle droit), une balance ?, un poids de fil à plomb , un rouleau pour déplacer les pierres, des cupules pour broyer des pigments?… D’autres motifs ont peut-être un caractère symbolique puisqu’on y retrouve la boule, quatre, des ailes… D’autres représentent des appels ciblés à la protection divine: Bétail, âne, main, châtaigne…

Les sculptures du portail Les statues d’apôtres étaient conservées dans l’église et ont été placées avec des crampons de part et d’autre du portail , bien que mutilées. Le trumeau en bois a également été remplacé par un neuf en pierres. Les apôtres sont probablement Jacques, Pierre à gauche et Jean à droite. Une quatrième statue, plus petite représente le Christ bénissant et provient probablement de l’ancien tympan. Ces statues datent de la seconde moitié du XII e, dues à un certain Brunus ou a ses élèves car dans le même style que celles de l’église de saint Gilles, Romans ou Valence. Un curieux ornement formé de trois trous disposés en triangle est visible sur ces statues. L’imposte finement sculptée et décorée de rinceaux est contemporaine des statues. On y lit « (I) NGREDIENTE DOM (INO HIEROSOLIM OU SANCT) AM CIVITATEM: DVM CENAT XPHS JVDAS SIBI PREPA (RA) TVS : ORE DATIS SIGNIS REX TRADITVR E (……) NIS A gauche Il s’agit de l’entrée à Jérusalem avec ânon et ânesse, un personnage étend un tapis devant Jésus et trois personnages en jupes courtes tiennent des palmes, trois autres devant également. Ensuite vient le temple de Jérusalem mais sans la traditionnelle représentation des marchands que Jésus chassa. Puis au centre c’est la cène, les apôtres sont debout et leurs mains très visible touchent plats ou nourriture ou bien la table. Le personnage à genoux est probablement Judas. Ensuite c’est l’arrestation dont il ne reste que cinq soldats, et la scène de la trahison a disparue.

Les sculptures de l’intérieur (mes excuses pour les photos de mauvaise qualité) Un bandeau sculpté orne l’abside et la troisième travée. Il reprend les éléments de la frise extérieure sans les outils mais avec plus d’éléments en bétail domestique, des feuillages et de masques. Le chapiteau nord présente un groupe d’apôtres: l’un barbu et mutilé; un second barbu aussi tient un livre fermé et a l’autre main tendue, le pouce et l’index levé, les autres doigts fermés sur la paume; le troisième, aux cheveux bouclés, tient un parchemin déplié jusqu’au bas de sa robe; le quatrième imberbe, a un visage très fin et les deux mains à plat sur les feuillets du livre ouvert; le cinquième, aussi imberbe, tient un livre fermé de la main gauche appuyé sur la poitrine et semble soutenir de la droite les plis de ses vêtements, à moins qu’il ne tienne une clé; le dernier enfin barbu, très beau, a contre lui un livre fermé. Le chapiteau sud est du même genre mais n’a pu être photographié correctement. Ces deux chapiteaux représentent les apôtres, leurs noms sont gravés en latin. Aigles aux ailes déployées invitant à l’élévation …montrant le chemin pour aller au ciel …

La boule symbole de perfection leitmotiv à THINES « La recherche de la perfection doit guider les piliers de l’église » (les moines et clercs)

Photos & interprétations : Alain Deliquet (http://chapiteaux.free.fr/