L’anticipation comme facteur du bien vieillir Le temps s’écoule, passe, fuit d’une façon irrémédiable, Mais aussi il avance, progresse, il s’en va vers un avenir indéfini et insaisissable. Eugène Minkowski Pierre-Yves Malo Psychologue clinicien Service de médecine gériatrique CHU de Rennes
L’anticipation Jean Sutter, L’anticipation, PUF, 1983 Notion plus particulièrement étudiée par deux auteurs, psychiatres : Jean Sutter, L’anticipation, PUF, 1983 Mario Berta, L’épreuve d’anticipation, Eres, 1999 Elle peut se définir comme une transposition en psychopathologie clinique de la phénoménologie : « Anticiper, c’est créer son propre avenir, c’est le vivre déjà maintenant, c’est pratiquer une greffe d’avenir sur le présent. L’anticipation, c’est la vie avant la vie. »
Anticipation et vieillissement Le sujet âgé n’anticipe pas de la même manière que l’enfant ou l’adulte : Fléchissement des possibilités physiques Tendance parfois à se replier sur le passé Modification du statut social Démotivation Situation de dépendance à autrui Mais surtout…
L’angoisse de mort Anticiper, dans l’âge avancé, c’est aussi envisager la mort : Illusion de l’ajourner en la tenant à l’écart Frein puissant à toute anticipation positive Le risque est alors : Le glissement vers une passivité résignée La ritualisation, la répétition immobile Le suicide Pourtant, la créativité peut aussi rester intacte dans le vieillissement, l’anticipation positive possible
Quelques paroles d’âgés Une certaine ouverture : « Cela ne m’empêche pas de penser beaucoup à ce qui se passe dans le monde, surtout dans ma commune. » « J’aimais les changements de vie, les passages, l’amélioration, on appréciait l’amélioration. » « S’il y a du progrès faut suivre, celui qui ne suit pas reste derrière. »
Quelques paroles (2) L’activité, la créativité, l’utilité : « Mais je ne m’ennuie jamais moi. Si j’ai quelque chose qui va moins bien je me dis que ça ira mieux demain, il faut souhaiter ça. » « Au foyer logement, j’aurais l’impression de ne plus servir à rien, d’être vraiment inutile, inutile. Ici, regardez, je cultive des petits légumes au jardin, j’en donne à mes enfants, je leur sers à quelque chose. » « Je n’ai jamais été bricoleuse mais c’est moi qui ai tout fait dans la maison. Donc, j’aimerai encore rendre service mais on ne veut plus… » « Mais j’ai tout le temps travaillé, je ne peux pas rester à rien faire. Et je crois que c’est le meilleur docteur qu’il y a. »
Quelques paroles (3) Le rapport à la mort : « Si c’est mon heure je m’en vais, si elle n’est pas arrivée demain matin je serais encore là. Ça ne me fait rien, ma valise est faite depuis tellement longtemps… » « On apprécie de vivre parce qu’on sait qu’on va mourir. » « L’être humain c’est pareil qu’une plante, il faut mourir pour renaître… » « On ne va pas écouter les médecins, hein, moins on les voit mieux on se porte. »
L’anticipation positive Une anticipation positive est possible lorsque : La mort est acceptée et peut être regardée, voire même au-delà… Il existe un certain sentiment de sécurité existentiel L’avenir est perçu comme porteur de changement, d’adaptation, d’initiative et donc d’autonomie Elle se bâtit avec les autres et non contre eux
Conclusion Il peut être intéressant et utile d’observer la façon dont l’âgé anticipe son avenir, et ne pas se cantonner dans l’entretien à son passé ou à son présent Il peut être thérapeutique de l’aider à se remettre en tension vers l’avenir