La nosémose chez l’abeille domestique M.-P. Chauzat – Anses Sophia-Antipolis
Réglementation En France est fait partie, pour N. apis, des MRC: Maladies Réputées Contagieuses Elle fait partie des maladies répertoriées par l’OIE En Australie elle est considérée comme la maladie la plus sérieuse en terme de pertes économiques
Un peu d’histoire Ier siècle après Jésus-Christ, Columelle dans De Rustica parle d’une maladie qui sévissait au printemps et qui faisait mourir de nombreuses abeilles dans le sud de l’Italie Début du XXème siècle: « Isle de Wight disease » en Angleterre qui sera attribuée en suite à Acarapis woodi Nosema bombycis parasite le ver à soie, est à l’origine de la pébrine maladie qui a ravagé l’industrie de la soie entre 1850 et 1860
1909: le docteur Enoch Zander décrit le germe pour la première fois (protozoaire) Nosema apis Désormais il est classé chez les champignons. « Le tueur silencieux » Une maladie oubliée?
Description de l’agent infectieux Nosema apis Zander Protozoaire actuellement classé chez les champignons Parasite intracellulaire obligatoire: son cycle se déroule dans la cellule de l’hôte Se présente sous deux formes: la spore et la forme végétative
La spore C’est l’agent infectieux : elle assure le passage d’un hôte à l’autre De forme ovoïde Longueur: ~ 6 µm Largeur: ~ 3 µm 1µm = 1 mm divisé par 1000 Spores Grain de pollen
La spore Enveloppe constituée de 3 couches: bonne protection contre les atteintes du milieu extérieur, dont la dessiccation. Grande résistance des spores. A l’intérieur: le cytoplasme le germe amiboïde le filament polaire de 400 à 600 µm de long
Germination de la spore Le filament polaire est enroulé dans la spore comme un ressort Illustration: Fries
Le système digestif d’A. mellifera Intestin moyen = ventricule Jabot Pro-ventricule = filtre Photos: La question sanitaire, J.-P. Faucon
Libération de nouvelles spores Les parois de la cellule se rompent sous l’effet de la pression des spores. Elle sont relâchées dans le ventricule et peuvent coloniser d’autres cellules Photos: Stech and Held
Infection associée à la nosémose: la dysenteries Diarrhées massives Nombre de spores produites par abeille 30 à 50 millions de spores par abeille Maximum de 200 millions de spores si l’abeille ne peut pas voler et que les spores s’accumulent dans le rectum ⇨ des milliards de spores par colonie Dose moyenne infectieuse: 20 à 90 spores par abeille
L’abeille Apis cerana L’abeille asiatique ou l’abeille indienne L’abeille la plus fréquente en Asie La seule abeille exploitée commercialement avec l’abeille domestique Apis mellifera Parasitée par N. ceranae Photo: Ross
Nosema ceranae Spores plus petites Nosema apis Photos: Fries 2010 Photos: Higes et al. 2010
Selon l’équipe de M. Higes, la symptomatologie est différente: Pas de diarrhées Une production saisonnière de spores plus régulière Des affaiblissements réguliers et insidieux
Colonie naturellement infectée par N. ceranae Mai 2005, asymptomatique Nosema ceranae Effet sur la colonie : pas de diarrhées. Effondrement au bout de 2 ans. Décembre 2006 Janvier 2007 Photos: Higes et al., 2010
Photos: Higes et al., 2008 Asymptomatique Rempla-cement Depopu-lation Fausse rémission Depopu-lation FB: foraging bees IB: interior bees Photos: Higes et al., 2008
Epidémiologie La nosémose à N. apis est répartie sur l’ensemble du globe terrestre, partout où Apis mellifera est élevée. La répartition saisonnière est caractérisée par un pic du taux d’infestation au printemps, une baisse pendant l’été et un autre pic moins important à l’automne
Les ouvrières Les abeilles naissantes ne sont pas porteuses de N. apis, même si elles sont issues de colonies malades Les cellules épithéliales du ventricule sont affectées Ventricule sain Ventricule malade Photos: Higes
Un ventricule gonflé N. apis entraîne une paralysie partielle des pattes et des ailes. L’abeille tourne sur elle-même sans arriver à s’envoler. L’intestin et le ventricule gonflé sont refoulés en avant de l’abdomen, vers le thorax. La capacité du jabot en est d’autant diminuée.
Butineuse revenant au rucher Abeille confinée Butineuse revenant au rucher Illustration : Dade
Les ouvrières Désordre dans la digestion entraînant un déséquilibre dans le métabolisme des protéines: baisse du taux de protéines dans l’hémolymphe, ainsi que des acides gras. Raccourcissement de la longévité jusqu’à 78%. Les abeilles âgées sont moins sensibles à l’infection des spores que les abeilles jeunes
Les organes affectés Les glandes hypopharyngiennes régressent, leur fonction est altérée. Elles fonctionnent partiellement dans un premier temps, sécrétant de la gelée royale. C’est à ce moment là que les ouvrières peuvent contaminer la reine en la nourrissant. Puis, les glandes cessent de fonctionner. Les abeilles montrent donc un vieillissement physiologique prématuré.
Vieillissement comportemental Leur comportement est modifié: elles deviennent des butineuses plus tôt. A ce stade, elles ne peuvent plus contaminer les reines ⇨ adaptation des abeilles pour réduire le taux de transmission à l’intérieur de la colonie? elles deviennent gardiennes plus tôt également les danses et le premier vol apparaissent plus tôt chez les abeilles infectées que chez les abeilles saines
Pathogénie N. apis ne devient nuisible que lorsque les conditions extérieures lui sont favorables Conditions climatiques: Les hivers longs et humides Les périodes pluvieuses Les changements brusques de température (alternance de beau et de mauvais temps) Les apports alimentaires influencés par le temps N. apis sensibilise les abeilles aux pesticides Des abeilles infectées artificiellement sont plus sensibles aux pesticides que des abeilles saines. Confinement dans la ruche
Mode de propagation Abeilles en contact avec les déjections infectées lors du nettoyage de la ruche Lors de la trophallaxie: échange de nourriture et d’informations Certains auteurs pensent que des spores peuvent s’accumuler dans les glandes hypopharyngiennes et être données à des congénères par ce biais Photo: M Faucon
Mode de propagation Matériel apicole souillé Abeilles pillardes, la dérive Par les insectes parasites comme Galleria melonella Photo: JP Faucon
Symptômes sur la colonie Diminution de la production de miel Affaiblissement Diarrhées jaunes à brunes Photos: M et JP Faucon
Symptômes à la colonie Les abeilles se regroupent pour mourir, composant une forme de soleil: tête à tête, échangeant ou non de la nourriture. Augmentation du nombre de butineuses: la colonie meure avec de fortes provisions de miel et de pollen La grappe diminue jusqu’à deux cadres Depuis quelques années on voit des nosémoses sèches
Symptômes sur les abeilles Mortes devant la ruche. Attention: ne pas sous-estimer la mortalité au champs! Traînantes qui ne peuvent pas s’envoler Abdomen gonflé Photos: M et JP Faucon
Symptomatologie en général Ils sont comparables à ceux engendrés par d’autres maladies (ex: viroses) ce qui rend le diagnostic de terrain difficile Le diagnostic microscopique est nécessaire
Prévenir l’apparition de la maladie Prophylaxie Prévenir l’apparition de la maladie Eviter le passage de la nosémose chronique à la nosémose aiguë = surveiller ses colonies et appliquer les mesures prophylactiques défensives sévères = annuler les facteurs favorisants = éviter les perturbations des colonies
L’hivernage Il doit avoir lieu tôt Activer dès le début de l’automne la production de couvain = population d’abeilles jeunes pour hiverner avec un corps gras bien développé Eviter les diarrhées et toutes les causes qui peuvent les produire Eviter l’écrasement des abeilles lors des manipulations apicoles
Bonnes pratiques apicoles Assurer aux colonies des provisions suffisantes et de qualité, dépourvues de miel de miellat Le lieu de l’hivernage doit être sec et ensoleillé Entretenir les ruchers
Elles sont applicables pour lutter contre la plupart des maladies Conditions générales Elles sont applicables pour lutter contre la plupart des maladies Ne pas surexploiter les colonies Limiter la dérive et le pillage Eviter les nourrissements trop tardifs Veiller aux provisions de pollen Manipulations apicoles: prudence au printemps! Pas de visites trop longues Eviter la pause inadéquate de hausses Erreurs dans la fabrication d’essaims
Bonnes pratiques apicoles Eliminer les colonies faibles Posséder de jeunes reines vigoureuses et des colonies fortes Renouveler périodiquement les rayons Photo: JP Faucon
Désinfecter régulièrement le matériel Eviter que le point d’eau soit souillé par des déjections Eviter que les abeilles se noient dans les nourrisseurs Eviter la dysenterie Surveiller attentivement essaims et colonies achetées
Quels traitements? Fumidil? Actuellement interdit en Europe
Fumidil: réglementation Fumidil n’a pas de LMR (Limite Maximale de Résidus). La tolérance de résidus dans le miel de cet antibiotique est donc de zéro A la demande des organisations sanitaires apicoles, le Fumidil BND fait l’objet d’études sur le plan européen en vue de légaliser son utilisation
Fumidil: son action La fumagiline provient du champignon Aspergillus fumigatus Il agit sur les formes de multiplication de N. apis, pas sur les spores. L’évolution de la maladie est stoppée, mais elle n’est pas éradiquée. Il a une action dynamisante sur les colonies – due au renouvellement des abeilles?
Merci de votre attention marie-pierre.chauzat@anses.fr