Evaluation des Accords Volontaires : Méthodes et Résultats Matthieu Glachant CERNA, Ecole des mines de Paris, Namur, 15 janvier 2004.
Les AV et le changement climatique Un outil majeur dans les secteurs fortement consommateurs d'énergie Un instrument inventé par des praticiens, pas par des analystes théoriciens comme pour les taxes et les permis d'émission négociables
La diversité des AV Selon le degré d'implication des entreprises –Programmes volontaires : les engagements sont définis par les autorités publiques puis proposés pour adoption volontaire aux entreprises Ex: bcp de programmes américains, (le dispositif européen EcoAudit) –Accords négociés : les engagements sont définis par négociation entre les autorités publiques et les entreprises Ex: les Climate Change Levy Agreements anglais –Engagements unilatéraux = autoréglementation : les engagements sont formulés sans implication d'une autorité publique Ex : les accords français sur le CO2 (AERES), le dispositif allemand sur l'efficacité énergétique dans l'industrie => ATTENTION AUX CONCLUSIONS TROP GENERALES SUR LES AV
Plan 1.Efficacité environnementale : les AV ont-ils un effet sur l'environnement –Les engagements sont ils respectés ? –Les objectifs environnementaux sont-ils ambitieux ? 2.Efficacité économique (ou efficacité coût) –Les AV permettent-ils de diminuer les coûts de réduction des émission, à objectif donné ? 3.Les coûts administratifs de gestion des AV
L'efficacité environnementale La suspicion est très fréquente, sauf chez les entreprises Pourquoi ?Un raisonnement économique : –Question 1 : pourquoi les entreprises accepteraient-elles des engagements coûteux pour elles ? 1.Car il existe une menace de politique coercitive plus coûteuse 2.Car les engagements sont économiquement rentables ("actions sans regret") 3.Car les engagements founissent des arguments commerciaux auprès des clients à la fibre écologiste –Seul 1. s'applique aux entreprises fortement consommatrices d'énergie
(suite) –Question 2 : pourquoi l'Etat ne met-il pas en œuvre unilatéralement la politique qu'il jugerait la plus efficace ? Il pourrait la choisir sans nécessité d'obtenir l'accord des entreprises –Réponse : parce qu'il n'en a pas (totalement) les moyens –Conclusion : les AV peuvent être efficaces à partir du moment où l'on n'idéalise pas les capacités des autorités publiques
Revue des expériences La plus récente dans OCDE (2003) "Voluntary Approaches for Environmental Policy : Effectiveness, Efficiency and Usage in Policy Mixes" Les objectifs sont-ils atteints ? Les objectifs sont-ils suffisamment ambitieux ?
Les objectifs sont-ils atteints? Dans OCDE (2003), sur 12 programmes volontaires et accords négociés passés en revue : –10 succès –2 échecs (très relatifs) : Un AV néerlandais de 1992 avec l'industrie des métaux de base, le programme "Accerelated Reduction/Elimination of Toxics" de l'entreprise sidérurgique Dofasco au Canada Conclusion : les objs sont le plus souvent atteints Dispositifs de contrôle et de suivi : –la plupart du temps, autocontrôle et pas de sanctions formelles
Les objectifs sont-ils ambitieux ? Aspects méthodologiques Difficulté 1 : que se serait-il passé sans accord ? Le scénario "au fil de l'eau" temps Emission Signature AV Fin AV Evolution tendantielle
(Suite) Difficulté 2 : Les AV sont souvent inclus dans une combinaison d'instruments : –Climate Change Levy Agreements anglais associés à une taxe et un marché de permis –AV danois sur l'efficacité énergétique associés à une taxe –LTA néerlandais associés à des subventions Question : quelle est la contribution de l'AV à l'impact global de la combinaison ?
Méthodes d'évaluation Evaluation avant l'accord : il faut prédire les évolutions spontanées, par exemple par des extrapolations glissantes ou sur la base d'opinions d'experts Après l'accord : –Qualitatif : opinions d'experts –Quantitatif : Analyse économétrique sur bases de données Comparaison statistique des perfs environnementales avant et après l'accord (ex: Bjorner et al., 2002 sur les AV danois sur l'efficacité énergétique) Comparaison statistique des entreprises sous AV avec celles qui ne le sont pas (Ex: Khanna, 2001 pour le programme 33/50 aux Etats Unis)
Les résultats Dans OCDE, 2003: –6 études ont des conclusions positives –7 études affirment que les AV n'ont pas eu d'impact additionnel –4 études sont incertaines Exemples de succès : –Programme 33/50 aux Etats Unis : 28% des réductions de toxiques observées dues au programme –30-50% des réductions des Long Term Agreements néerlandais (énergie) dues à la combinaison AV+subvention
Commentaires Résultats très contrastés Méthodologie souvent rudimentaire, manque d'évaluations économétriques Le scénario "au fil de l'eau" est un point de référence très modeste Dans la cadre du Protocole de Kyoto fixant des objs nationaux, le véritable scénario de référence: –Que se serait-il passer si l'on avait utilisé une autre politique pour atteindre ces objs ? Conclusion personnelle : je reste suspicieux
Comment améliorer l'efficacité environnementale des AV ? Les recommandations classiques : –Contrôle et suivi, sanctions, implication des tiers, élaboration d'un scénario de référence, menace crédible, etc. –Combiner les AV avec d'autres instruments Mon point de vue : –A ce stade, la priorité est d'assurer l'ambition des objectifs, plus que leur respect –Les autorités publiques doivent se comporter stratégiquement pour construire un rapport de forces favorable dans la négociation. Cela nécessite en particulier un bon "timing" des décisions
Contre-exemple : la politique française sur les émissions industrielles de GES 1991 : projet de taxe carbone-énergie de la Commission Européenne => Abandonné 1996 – 1997 : 7 accords volontaires avec industrie représentant à peu près 40% de l'énergie consommée par l'industrie 2000 : Adoption d'un plan national (PNLCC) incluant une taxe carbone sur toutes les consommations pour contribuer à 42% des objs Kyoto => devient une TGAP énergie sur l'industrie et le tertiaire => Puis censuré par le Conseil d'Etat et abandonné par le gouvernement Jospin 2003 : 24 engagements signés entre autres par Usinor, Atofina, Lafarge, EDF, GDF, ArjoWiggins, Shell, BP, Total, St Gobain dans le cadre de l'Association des Entreprises pour la Réduction de l'Effet de Serre (AERES) 2005 : Lancement du marché européen des permis
Efficacité économique des AV Des arguments théoriques Résultat économique traditionnel: –Minimiser les coûts d'abattement pour atteindre un objectif donné Egalisation des coûts marginaux d'abattement Cela exige une différenciation des efforts de réduction des entreprises : –Celles qui ont des coûts faibles doivent plus réduire leurs émissions que celles ayant des coûts élevés
Application du raisonnement aux AV Les accords négociés –Le plus souvent, ils sont collectifs (= ils incluent un objectif commun à un secteur industriel sans répartition explicite des efforts entre entreprises ) –Donc la répartition ("burden sharing") se fait lors de la mise en œuvre par consensus entre entreprises A priori, pas de différenciation => non efficace –En revanche, au niveau de l'entreprise, grande flexibilité pour choisir les solutions de réduction => efficace Les programmes volontaires (avec participation volontaire d'entreprises individuelles) –Autosélection de certaines entreprises, qui ont donc a priori des coûts plus faibles => efficace
Les coûts administratifs Accords danois sur l'efficacité énergétique : –Une politique ambitieuse supposée réaliser 15% de l'obj national danois –Des AV combinés à une taxe CO2 –L'entreprise participante bénéficie d'une réduction de taux de taxe (variable selon les secteurs de –25 à – 88%) –En échange, elle fait réaliser un audit énergétique et met en œuvre les actions d'amélioration dont le temps de retour < 4 or 6 ans Coûts administratifs : kEuros par entreprise kEuros pour l'Etat pour 200 accords Les coûts administratifs ont conduit à une réforme du système en 2000
Les coûts administratifs - suite Accords français de l'AERES –Déclaration unilatérale de firmes –Auto suivi et auto contrôle –Les engagements consistent à atteindre des objs quantifiés Coûts administratifs très faibles Conclusion : –Coûts extrêmement variables –Il existe a priori une corrélation positive entre efficacité environnementale et coûts administratifs
Conclusion La question de l'efficacité des AV reste ouverte La faiblesse de l'approche : l'ambition des objectifs environnementaux (ce qui implique paradoxalement que les objs sont atteints) Efficacité économique : instruments économiques > AV > normes réglementaires Priorité : un comportement stratégique des autorités publiques pour construire un rapport de forces plus favorable dans la négociation