Vers la théorie de Wegener: débats houleux et résistances. Claude Marois © 2014 Source: Pierre Thomas Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS Lyon Olivier Dequince http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/derive-continents-wegener.xml
Les continents tels des radeaux. Taylor (1860-1938) soutient que les continents ne se sont pas enfoncés mais déplacés horizontalement vers les positions actuelles; Sa théorie se base sur l’étude de certaines chaines de montagnes – il suggère que deux protocontinents, situés aux pôles se fracturent et que de grandes masses de terre ont convergé vers l’équateur avant d’entrer en collision et de former des chaines de montagne du Tertaire; Pour lui, le moteur de ces déplacements est dû à la Lune! Claude Marois @ 2013
La Face de la Terre d'Eduard Suess Grâce à son ouvrage La Face de la Terre publié entre 1883 et 1909, Eduard Suess développe une vision globale de la tectonique de surface. Suess s'appuie sur une grande quantité d'observations et cherche à faire ressortir les traits fondamentaux de la planète, prise dans son ensemble. L'étude des chaînes de montagnes lui permet d'affirmer l'existence de mouvements verticaux mais aussi de mouvements horizontaux importants. Le refroidissement de la Terre aurait entraîné une diminution de son volume et aurait donc été mise sous compression, ce qui aurait été à l'origine et des chaînes de montagnes, et des vastes dépressions que constituaient les océans. Le modèle contractionniste expliquerait les analogies de faunes et de flores et les ressemblances géologiques entre des continents aujourd'hui séparés par des océans par l'effondrement de ponts continentaux.
D'après : Livre de Géologie de classe de 4ème, V D'après : Livre de Géologie de classe de 4ème, V. BOULET, 1925, modifié, dans "La Lune rétrécit-elle... ?"
Le modèle permanentiste et la notion d’équilibre isostatique: Aux États-Unis, les géologues privilégient le modèle permanentiste, développé à partir de 1846: ils considèrent que les océans et les continents constituent des figures permanentes de la surface du globe depuis son origine et insistent sur les différences de nature entre les deux structures. Au début du XXe siècle, les études sur l'équilibre isostatique des continents montrent que ceux- ci peuvent être considérés comme des blocs légers d'un composé nommé alors sial (silicium et d'aluminium) en équilibre sur une couche plus dense d'un composé nommé alors sima (roches silicium et de magnésium) qui affleure au niveau des océans.
La dérive des continents de Wegener Alfred Wegener présente son idée de la dérive des continents en janvier 1912, puis il la développe progressivement jusqu'à sa mort: «La genèse des continents et des océans» . Il n'est pas le premier à supposer une translation continentale; Owen (1857), Snider-Pellegrini (1858), Fisher (1882), Pickering (1907), Baker (1912) et surtout Taylor (1910) ont émis avant lui des idées mobilistes… Mais le titre de « père de la dérive » revient à Wegener: le premier à documenter son hypothèse par un nombre considérable de « preuves » émanant de sources très diverses pour en faire une théorie scientifique cohérente.
Il affirme que les chaînes de montagnes intracontinentales (chaîne alpine ou himalayenne) naissent de la collision entre deux socles continentaux et, d'autre part, il expose que la dérive des continents à travers le sima forme par compression des chaînes de montagne (les Rocheuses ou la Cordillère des Andes) et laisse derrière eux des fragments à l'origine des guirlandes d'îles (Antilles, archipels japonais, Ouest-Pacifique...); La démonstration de Wegener est donc pas directe, ce qui est impossible à l'époque, mais résulte d'une accumulation d'indices provenant d'observations diverses.
Reconstitution de la dérive des continents de Wegener: Droits réservés - © 1912 Alfred WegenerSource : fig. 4 de A. Wegener, op. cit., p.18
La correspondance entre les formes des continents. Il ne s'agit pas uniquement de l'emboîtement géométrique des pièces d'un même puzzle car d'un continent à l'autre, ce sont également les formations géologiques qui se poursuivent de manière très satisfaisante. Wegener s'appuie, entre autre, sur les recherches géologiques d' Alexandre Du Toit (1878- 1948), qui met en évidence les correspondances, aussi bien stratigraphiques que lithologiques, paléontologiques, tectoniques, volcaniques et climatologiques entre l'Afrique du Sud, d'où il est originaire et l'Amérique du Sud. La synthèse présentée par Wegener est impressionnante balaie toutes les branches des sciences de la Terre pour établir sa théorie aux points de rencontre de la géophysique, de la géologie, de la paléontologie et de la paléoclimatologie.
La question de la dérive: La théorie de la dérive est importante car l’argument naturaliste est solide mais l’explication du point de vue de la physique l'est moins: l’identification des facteurs causales est le point faible de la théorie. Alors, le problème est double: la première difficulté provient de la sismologie, qui a démontré au début du XXe siècle que le globe est entièrement solide jusqu'à une profondeur de 2900 km : Comment les continents pourraient-ils se déplacer au sein d'un milieu solide ? Quelles sont les forces qui déplacent les continents ?
Comme les tremblements de terre ou les marées, la Terre se comporte comme un corps élastique solide; Soumise à des efforts prolongés (aplatissement terrestre, réajustements isostatiques), la Terre se déforme, s'écoule et s'adapte comme un fluide visqueux: les glaciers sont un parfaite exemple - bien que solides, ils peuvent s'écouler le long des pentes à l'échelle de l'année ou de la dizaine d'années; Il n'y a pas d'incompatibilité entre les comportements élastique et visqueux car les deux comportements surviennent pour des constantes de temps différentes et font appel à des propriétés distinctes du matériau : compressibilité et rigidité pour les déformations élastiques et viscosité pour les déformations visqueuses.
Malgré la solidité de la Terre l'hypothèse de la dérive serait donc envisageable grâce au comportement visqueux de la Terre mais encore faut-il disposer de forces capables de provoquer des déplacements latéraux; Wegener envisage plusieurs forces susceptibles de jouer un rôle moteur: les marées, la rotation etc. Théorie rencontre plusieurs résistances: un grand enthousiasme chez les pro-Wegener et une grande virulence chez les anti-Wegener; Chaque spécialiste plus concerné par l'approfondissement de son domaine d'étude que par le développement d'une vue générale de la Terre;