Responsabilité professionnelle XVIème Congrès National de la Fédération Française de Rhumatologie Paris, le samedi 14 janvier 2017 Responsabilité professionnelle pour les gestes interventionnels Docteur Patrick Daoud (Rhumatologue) Expert près la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence
Préambule Judiciarisation des actes médicaux : droit à la sécurité droit à la santé droit à la sécurité diffusion des connaissances médicales dans le grand public dégradation du climat de confiance extension de l’assurance des responsabilités efficacité thérapeutique structure de groupe manque d’information des patients La CNAMed (Commission Nationale des Accidents Médicaux) Liste nationale des Experts en accidents médicaux Formation des Experts en matière de responsabilité médicale Veille à une application homogène du dispositif par la CIC (Commission de Conciliation et d’Indemnisation) Evaluation de l’ensemble du dispositif dans un rapport annuel : gouvernement Parlement
Sommaire I - Conditions pour responsabilité d’acte médical : A - Faute caractérisée B - Juridictions administratives C - Aléa thérapeutique D - Réglementation II - Principes de responsabilité contractuelle III - La faute IV - Obligation de sécurité V - Devoir d’information VI - Imputabilité - Causalité VII - L’expertise en justice VIII - L’expertise en CCI IX - L’indemnisation X - Conclusion
I - Conditions pour responsabilité d’acte médical Cf. paragraphe II, article 1142-1 du code de la santé publique - Geste interventionnel - Accident médical - Relation de cause à effet - Fautif ou non fautif Ouverture du droit à la réparation des préjudices du patient Responsabilité du patient ou de l’établissement pris en charge par la solidarité nationale A - Faute caractérisée = ’’faute prouvée’’ Les juridictions de l’ordre judiciaire en conformité avec le droit civile.
B - Les juridictions administratives - Faute technique - Défaut d’information C - L’aléa thérapeutique : identification des responsabilités publiques et privées - Accident généré par un événement imprévu, indépendant de toute faute médicale (dommage au patient) - Existence connue mais exceptionnelle, imprévisible - Nécessité de l’acte - Risque de l’acte - Caractère de gravité du dommage (taux d’incapacité > 50%) - Arrêté Tourneur du 8.11.00 : la réparation de l’aléa thérapeutique n’est pas dans le champ des obligations dont le médecin est contractuellement tenu à l’égard de son patient - Loi Kouchner n° 2002-303 du 4.03.02 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé - L’article L 1142-1 du code de la SP : la responsabilité ne peut être recherchée que sur le fondement de la faute - L’arrêté Bianchi (Conseil d’Etat) : réparation de l’aléa thérapeutique
D - Réglementation Le Conseil d’Etat : arrêté du 10.04.92 « La responsabilité médicale peut être recherchée sur la faute sans qu’il soit besoin de la qualifier, dès lors qu’elle est de nature à engager la responsabilité du service hospitalier .» Le juge apprécie Si le comportement du médecin a été conforme aux données acquises de la science à l’instant T où se situe l’accident L’acte médical est réglementé : - Autorité administrative - HAS (Haute Autorité de Santé) - AFSPS (Agence Française de Sécurité des Produits de Santé) La responsabilité du médecin peut être fondée sur une atteinte aux droits reconnus : - droit aux soins - respect de la personne - dignité
risque disproportionné par rapport au bénéfice escompté. « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. » Les actes de prévention ou d’investigation ne doivent pas lui faire courir de risque disproportionné par rapport au bénéfice escompté. Loi du 10.07.00 Un comportement peut être fautif sans pour autant être condamnable au sens pénal. La faute pourra être évaluée par le juge civile ou pénal en toute autonomie. Arrêté du 18.12.12 : la FC (Faute Civile) peut être une FP (Faute Pénale) la FP est nécessairement une FC Les poursuites pénales : - rares - parcours difficile - faute d’une particulière gravité
II - Principes de responsabilité contractuelle Cf. : - Arrêté Mercier du 20.04.1936 - Code de déontologie 1995 - article 32 - Code de la SP - article R4127 - 32 Entre le médecin et son patient il existe un contrat de soin : - obligation de moyen - soins attentifs et consciencieux (réserve faite de circonstances exceptionnelles conformes aux données acquises de la science) - a un engagement personnel - peut faire appel à un tiers compétent - n’est pas tenu de garantir la guérison Dans le cas d’un établissement, le juge : recherche les moyens mis en œuvre : matériel, personnel, catégorie de l’établissement. Il juge la responsabilité du service publique et non celle du praticien hospitalier (sauf faute détachable au service)
III - La faute : caractéristiques Erreur de diagnostique : - pathologie exceptionnelle - complexité de la symptomatologie - signes cliniques trompeurs Faute diagnostique : - défaut d’investigation adaptée - retard de diagnostic - interne Cours de Cassation : la victime a la charge de montrer que le praticien a commis une faute (avis de l’expert). Faute présumée : la charge de la preuve est renversée. Il appartient au praticien d’établir que le dommage était inévitable. Le juge de l’ordre judiciaire : le praticien est tenu d’un devoir de précision. La maladresse est constitutive d’une faute.
La présomption de faute cède devant la preuve de circonstance rendant l’accident inévitable En jurisprudence administrative : en présence d’un risque intéressant une technique, il n’y a pas de maladresse fautive. C’est la faute qui est de nature à engager la responsabilité du service, qui est recherchée Cf. : Article L3211-1 du code de SP : responsabilité sans faute Ex : sortie à l’essai dans le cas d’un patient psychiatrique
IV - Obligation de sécurité Arrêté du 09.11.99 : le médecin est tenu d’une obligation de sécurité-résultat en ce qui concerne le matériel utilisé pour l’exécution d’un acte médical (investigation ou soin) – Encore faut-il que le patient démontre qu’il est à l’origine du dommage ! Loi du 04.03.02 : concernant les infections nosocomiales et contaminations ou VHC, les juridictions administratives posent une véritable obligation de sécurité à l’égard des matériels et produits. responsabilité sans faute du service le service a une possibilité de recours en garantie contre le fabriquant (Jurisprudence Loi Marzouk du 09.07.03). étendu aux produits du corps humains (organes contaminés)
V - Devoir d’information Cours de Cassation 1998 : le médecin est tenu de donner une information complète, loyale, claire et appropriée sur les risques graves liés aux gestes pratiqués. Hormis : - en cas d’urgence - refus du patient d’être informé - impossibilité Le fait que le risque soit exceptionnel ne dispense pas le praticien. Loi du 04.03.02 : lorsque postérieurement à l’exécution d’un geste, les risques nouveaux sont identifiés, le patient doit en être informé. Elle doit être adaptée au patient. Conseil d’Etat 2007 (Arrêté Telle) : recueil d’un consentement libre et éclairé (formulaire). Il n’est pas dispensé d’une information à l’orale. Cas particulier : chirurgie, médecine esthétique
VI - Imputabilité - Causalité Rôle de l’expert : - évolution naturelle prévisible en dehors de l’acte médical - estimation de la probabilité de survenue de l’accident Il y a toujours un état antérieur (accidents médicaux) du DC (Droit Commun) - doit expliquer, dans un climat de neutralité et d’indépendance : comment l’accident est survenu analyser les causes en particulier (l’état antérieur : déclenchant, indépendant, aggravant, connu ou latent) analyser les conséquences L’expert n’est pas juriste : - il reste dans le domaine du médical en expliquant les mécanismes. - il ne doit pas qualifier d’éventuelle faute ou de régime de responsabilité.
VII - L’expertise en Justice Quand ? : - doute sur la faute - critères de gravité fixant la compétence de la CRCI (Commission Régionale de Conciliation et d’Indemnisation) non réunis - proposition d’une indemnité contestée - avertir la CRCI et Tribunal - Le Tribunal peut saisir l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des accidents médicaux) dans son action subrogatoire. Dualité des procédures : - administrative (secteur public) : raisonnement autour de la faute de soins ou de service - civile (secteur privé) : selon le code civil, on se réfère aux obligations contractuelles L’indemnité : est calquée sur ces procédures. Inégalité des justiciables pour un accident de même type.
VIII - Expertise en CCI Avis rendu dans les 6 mois à partir de la date de départ de la saisine Les experts doivent rendre leur rapport dans les 3 mois (court!) : le pré rapport et les dires ne sont pas de règle Seuil de gravité >24% d’AIPP (atteinte à l’intégrité physique et psychique) = CCI compétente Gravité pour le demandeur Rapide Le demandeur peut être assisté par un médecin ou une personne de son choix (pas obligatoire) Aspects techniques à respecter La conciliation doit être au cœur de ce dispositif L’expert peut être mis en cause (5 ans) : assurance professionnelle Respect du contradictoire Communication du rapport aux parties et aux membres de la commission
IX - L’indemnisation La loi du 04.03.02 : Assurance RCP (Responsabilité Civile et Professionnelle) obligatoire pour les professionnels de santé Limitation des responsabilités à la faute Création d’un fond d’indemnisation de l’aléa thérapeutique Article L1142-2 code de la SP : possibilité pour les assureurs de plafonner la gravité dans la limite fixée par le décret en Conseil d’Etat Cf. : décret du 28.03.03 : 3M d’€ / sinistre - 10M d’€ / assuré L’ ONIAM peut être tenu de compléter l’indemnisation si le plafond de garanti est atteint Le point de départ de la prescription est la date de consolidation sur 10 ans Cf. : Clause de réclamation : Loi du 30.12.02 : l’assureur garantit les sinistres pendant la durée de validation du contrat : - après expiration de la résiliation : pas > 5 ans - si décès ou cessation d’activité : 10 ans Tout le préjudice, mais que le préjudice.
Le Tribunal peut : - contester une offre jugée insuffisante - condamner l’assureur à verser la totalité des sommes au demandeur : +15% de pénalité d’indemnisation allouée à l’ONIAM En cas d’aléa : l’ ONIAM intervient Absence de faute : l’assureur n’agit pas En cas de non atteinte des seuils (rapport d’expertise) : procédure amiable pour indemnisation En cas de faute : - l’assureur a 4 mois pour présenter une offre d’indemnisation - si non consolidation : offre prévisionnelle - si consolidation : offre définitive sur la base de la nomenclature Dintilhac, dans les 2 mois après la consolidation - l’offre se fait poste par poste - l’acceptation de l’offre par la victime a valeur de transaction - Le paiement : délais 1 mois à compter de la réception de l’acception - si la victime refuse l’offre : juridictions : - civile - administrative
X - Conclusion Contrat Médecin-Patient Information loyale, complète, claire et adaptée Obligation de moyen Obligation de sécurité concernant le matériel Expertise médicale au cœur de la procédure
Merci à tous de votre attention Docteur Patrick Daoud Responsabilité professionnelle pour les gestes interventionnels