CONTENTION ET SOINS PALLIATIFS Dr Laure SERRESSE UMASP Pitié-Salpêtrière
ETAT DES LIEUX Peu de données en France Gériatrie, psychiatrie Peu ou pas enseignée Courante voire banalisée? Dilemme plan clinique et éthique Recommandation de l’ ANAES 2000 Contrairement aux pays nord américains Mais l’analyse des pratiques cliniques montre que son usage est fréquent Très peu en SP et en fin de vie Difficile car soulève bcp de questions au plan éthique et déontologique Reco de l’ANAES: objectifs: améliorer la sécurité de cette pratique et en réduire le recours c’ad que considère que cette pratique est souvent évitable ( cf programmes étrangers visant à réduire l’usage de cette pratique) et quand pas évitable: y avoir recours le mieux possible et le moins longtemps possible.
DEFINITION POSTURALE ou ACTIVE PASSIVE: utilisation de tous moyens qui empêchent ou limitent les capacités de mobilisation volontaire de tout ou d’une partie du corps dans le seul but d’obtenir de la sécurité pour une personne âgée qui présente un comportement estimé dangereux ou mal adapté. Ex: sangles, ceintures, attaches poignets et chevilles, barrières de lit, draps… CONTENTION CHIMIQUE: psychotropes, curares Posturale: participe au maintien d’une attitude corrigée dans un but de rééducation ex: attelle, corset… Active: faite par le kiné pour préparer à la verticalisation après alitement prolongé
« INDICATIONS » Plutôt motifs… Sécurité du patient le plus souvent (plus rarement de l’entourage) Face à un risque réel ou supposé Risque de chute, auto/hétéroagressivité, déambulation, fugue… MAIS pas de preuves de l’efficacité! (Etudes contradictoires : moins de chutes sans gravité?) Chutes graves plus fréquentes Fracture, hématome, décès, troubles de la conscience, alitement de plus de 2j Peur du risque médico-légal!!!
Sécurité du patient Agitation/Confusion Déambulation/Fugue Nécessité d’une immobilisation temporaire (fracture, phlébite…) Risque de chute Préserver matériel de soins (sonde, perfusion, trachéo…)
Sécurité de l’entourage Agressivité (proches, patients, soignants) Déambulation dans les autres chambres Cris ou gémissements intempestifs Responsabilité judiciaire en cas de chute, de blessure, de fugue… Peur du risque médico-légal!
PREVALENCE 7 à 17% services hospitaliers « court séjour » 3 fois plus chez les sujets âgés que chez les jeunes 19 à 85% long séjour ou ehpad « habitude de service » Perdure souvent une fois posée
MORBIDITE Immobilisation forcée Trophiques (macération , plaie, escarre, érythème de contact) Locomotrices ( ankylose, déconditionnement musculaire, ostéoporose d’immobilisation, sarcopénie, flessum…) Pulmonaires (encombrement, fausses routes, inhalation) Nerveuses (compression, paresthésies) Cognitives (altération des fonctions supérieures, désorientation, confusion) Troubles du sommeil, de l’hydratation, de la continence, de l’alimentation -10% de force musculaire au bout de 7j d’alitement
Mais aussi… Diminution de l’autonomie et de la liberté de mouvement Impossibilité de disposer de son corps pour satisfaire le moindre besoin (se gratter, boire, uriner…) Troubles du comportement (cris, refus de communiquer, repli, passivité) Sentiment d’impuissance, d’insécurité, de solitude, d’isolement, incompréhension, peur, anxiété, révolte Chutes graves plus fréquentes Chutes graves: responsables de fracture, blessure nécessitant recours à un médecin ou repos au lit de plus de 2j
MORTALITE Liées à la morbidité de la contention (cf.supra) Très difficile à évaluer Complications brutales: Strangulation, asphyxie, chutes mortelles… Manque de données épidémiologiques précises, récentes et françaises) 1/1000 en Ehpad USA 1992 Centaines d’articles sur pubmed Bcp de case report ou séries de cas Des reviews qui concluent à la nécessité d’études épidémiologiques prospectives
Données de la littérature Majore le risque d’infections nosocomiales (RR=1,8) et d’apparition d’escarres (RR=1,4). Lofgren et al, 1989 Majore le risque de chutes graves: 17vs5 Tinetti et al 1991, 25vs10 Schleenbaker et al 1994, Capuzeti et al 1996, Engberg et al 2008 Aggrave la confusion/agitation. Werner et al 1989 Augmente durée de séjour (20vs8j) et la mortalité (24%vs3%). Robins et al 1987; Kwok et al 2012
VECU DES PROCHES Peut être positif: réassurance et diminution de la culpabilité face aux risques Peut être négatif: colère, incompréhension, mise à distance et espacement des visites, perte de confiance voire conflit avec l’équipe soignante
VECU DES SOIGNANTS Culpabilité, frustration, anxiété… Conflits d’équipe Perte de l’idéal soignant Modification de la relation au patient (qui persiste après la levée de contention) Ambivalence Modification de la surveillance (« fausse sécurité ») Banalisation
Considérations éthiques Respect autonomie? Non malfaisance? (morbi-mortalité) Bienfaisance? (évite répétition de gestes thérapeutiques nécessaires) « Maltraitance institutionnelle »
RECOMMANDATIONS Connaitre les risques de la contention et de l’immobilisation Savoir évaluer les besoins et les risques Disposer d’un programme de mise en place et de surveillance adapté (et propre au service) Prescription médicale motivée Information du patient et des proches Paradoxe du consentement Surveillance et réévaluation (efficacité, tolérance, indication)
DECISION Pas d’indications absolues Pas de contre-indications absolues En cas d’échec des alternatives mises en place Décision médicale éclairée par l’équipe soignante Après évaluation des risques et la recherche de causes « contrôlables » et évaluation du rapport bénéfices/risques Iatrogénie (diurétiques, antiHTA, médicaments sédatifs) HTO deficit sensoriel chaussage indapté Facteurs de vulnérabilité (c’ad qui augmente les risques liés à la contention et le risque de grabatisation) Age sup à 75 ans Antécédents de chute Troubles cognitifs Dénutrition Faiblesse musculaire
MODALITES PRATIQUES Inscription dans le dossier médical des motivations, moyens, durée prévisible, du programme de surveillance et de prévention des risques liés à la contention Information du patient et de ses proches Implication des proches s’ils le souhaitent Information avant la mise en place des contentions!!! Information aussi si on décide de ne pas mettre de contention alors que la famille y est favorable Retrait des contentions quand les proches sont présents
PRESCRIPTION Médicale mais processus de décision pluridisciplinaire Écrite, datée, signées, motifs, durée prévisible, matériel utilisé, risques à prévenir, programmation, surveillance Réévaluation toutes les 24h Même pour les barrières de lit Contentions souvent à l’initiative des IDE, parfois sans prescriptions médicales Eviter bricolage (draps, vetements…)
SURVEILLANCE Paramètres physiques: Paramètres psychologiques: Fonction respiratoire État cutané Hydratation Continence Paramètres psychologiques: Perception et vécu de la contention Maintien d’un contact relationnel Etat cutané aux points d’attaches et aux points d’appui
REFERENTIEL PRATIQUE Cf 10 critères à respecter ANAES 2000
POUR INFO Nombreux programmes nord-américains pour réduire usage des contentions physiques Efficaces Dès la période d’information (avant phase interventionnelle) Pas d’augmentation des chutes ni des incidents (voire baisse dans certains programmes)
ALTERNATIVES? Approche médicale et infirmière Adapter l’environnement Approche occupationnelle Lit bas et matelas au pied du lit Repères temporels et effets personnels à proximité Eclairage Sécurité des lieux Matériel: chaussures adaptés, barres d’appui Aide aux transferts Contact relationnels (dire son nom et sa fonction) Repérer les habitudes du patient Limiter stimuli ou visites
VIGNETTE CLINIQUE Monsieur D. 64 ans est atteint d’un glioblastome. Il est grabataire et a des troubles cognitifs. Il fait un épisode de RAU pour lequel il est sondé. Il a tendance à tirer sur sa sonde qui le gêne et l’a même arrachée une fois. Une aide soignante vous demande si une contention mécanique est indiquée. Qu’en pensez vous?
Vignette clinique Madame F, 72 ans est hospitalisée pour altération de l’état général dans un contexte de cancer du sein métastatique. Elle est veuve, sans enfant. Peu d’entourage. Elle crie et gémit à longueur de journée et même la nuit. Les patients des chambres d’à coté s’en plaignent. Qu’en pensez vous et que proposez vous?