Le continent américain : entre tensions et intégrations régionales

L’Amérique est un continent traversé par de profondes fractures socio-économiques et culturelles opposant le Nord et l’Amérique latine. Deux processus majeurs d’intégration régionale recomposent les équilibres géopolitiques : au Nord l’ALENA, autour des Etats-Unis, qui a comme perspective de devenir la Zone de libre-échange des Amériques, tandis que le Sud du continent s’affirme progressivement, avec le Mercosur dominé par le Brésil. Les initiatives d’intégrations régionales reflètent-elles ou résorbent-elles les tensions qui affectent le continent américain ? I. Un continent aux multiples contrastes II. Un continent sous tensions III. Les intégrations régionales : deux modèles divergents

I. Un continent aux multiples contrastes De profonds écarts de développement 1.Une opposition socio-économique A l’échelle du continent => EUA et Canada très développés. Amérique latine plus contrastée, marquée cependant par la pauvreté, mais en régression (cf. croissance des PIB). A l’échelle des pays =>Contrastes entre les espaces intégrés à la mondialisation (littoraux, métropoles), et délaissés (intérieur du continent, montagnes, espaces ruraux…). Ces contrastes sont particulièrement forts en Amérique latine, région la plus inégalitaire du monde, caractérisée par des sociétés duales (cf. favelas de Rio, photo 4 p. 227).

2.Migrations et interdépendances profonds écarts de DVP entraînent des mouvements migratoires Sud-Nord. Surtout du Bassin caraïbe et du Mexique (pays d’émigration mais aussi de transit pour les migrants d’Amérique centrale), et secondairement d’Amérique du Sud. Devant l’importance des flux clandestins, les Etats-Unis ont mis en place une politique de fermeture (murs, surveillances, quotas…). C’est un des thèmes essentiels des rapports entre les Etats-Unis et l’Amérique latine.

Caricature de 1904 (Th. Roosevelt – 1901-1909)

B.Des Etats-Unis hégémoniques ? 1.Une domination ancienne et contestée C’est au début du XIX (1823), que le Président James Monroe énonce sa fameuse doctrine qui fait des Etats-Unis la puissance protectrice des Etats d’Amérique latine (« l’Amérique aux Américains »). Cette position hégémonique a alimenté un sentiment d’anti-américanisme dans tous l’Amérique latine.

2.Une influence multiforme Economique : dollarisation des économies, investissements, flux divers… Politique : interventions militaires directes et indirectes. Lutte contre le trafic de drogue ; pression sur les pays andins producteurs… 3.Une dépendance inégale Plus on s’éloigne des Etats-Unis, plus leur influence faiblit. Ainsi, ils exercent une forte influence sur leurs voisins immédiats (Canada, Mexique), et l’ensemble du Bassin caraïbe, tandis qu’au sud du continent, le Brésil et les pays du cône sud (4 Etats formant une Amérique latin blanche peu métissée : Argentine, Chili, Uruguay et Paraguay) affirment une plus grande autonomie.

C.Amérique anglo-saxonne vs Amérique latine ? 1.Une césure culturelle à nuancer Les termes mêmes opposent 2 Amérique : Amérique du Nord anglo-saxonne Amérique latine, du Mexique à la Terre de feu, définie au XIX par sa culture, celle d’un ensemble catholique, majoritairement issue de la colonisation espagnole, mai aussi plus métissée. Aujourd’hui, américanisation des modes de vie. 2.Une influence latino-américaine en progression En lien avec les migrations, les Etats-Unis se latinisent… Les Hispaniques sont désormais la première minorité, en hausse constante, en particulier en Floride et en Californie où on compte de plus en plus de villes bilingues.

2.Migrations et interdépendances profonds écarts de DVP entraînent des mouvements migratoires Sud-Nord. Surtout du Bassin caraïbe et du Mexique (pays d’émigration mais aussi de transit pour les migrants d’Amérique centrale), et secondairement d’Amérique du Sud. Devant l’importance des flux clandestins, les Etats-Unis ont mis en place une politique de fermeture (murs, surveillances, quotas…). C’est un des thèmes essentiels des rapports entre les Etats-Unis et l’Amérique latine.

II. Un continent sous tensions A. Les dynamiques territoriales, sources de tensions  1.Urbanisation et métropolisation Le continent américain est un continent urbain, avec des métropoles en fortes croissances. En Amérique latine, la métropolisation accroît les déséquilibres régionaux (opposition métropoles dynamiques et espaces ruraux en déprise) et l’étalement urbain ; les contrastes sociaux se creusent et aboutissent à une fragmentation des espaces urbains). Nombreux quartiers résidentiels fermés.

2.De puissantes interfaces régionales en développement Région frontalière de la façade atlantique Canada/Etats-Unis Mexamérique Brésil et ses voisins, Uruguay et Argentine. 3.Des revendications régionalistes Ces dynamiques peuvent aboutir à des risques de fractures des territoires nationaux : Sud-Est de la Bolovie, cœur de l’Amazonie…

B. Des enjeux géopolitiques majeurs 1. L’opposition idéologique aux Etats-Unis Si la démocratie est de plus en plus majoritaire sur le continent, l’opposition idéologique demeure entre les Etats socialistes (Cuba, dans une moindre mesure le Venezuela) et les Etats libéraux (Mexique, Colombie). Bolivarisme du président venezuelien Hugo Chavez, rejoint par la Bolivie. Attitude plus souple du Président Obama qui a gelé le projet de ZLEA en 2009.

2.Guerillas et conflits internes Exemple de la Colombie Guérilla des FARC : rébellion paysanne marxiste Production de drogue > conflits et trafics impliquant les voisins proches Conflits également entre les Etats et les ethnies revendiquant la reconnaissance de leurs droits ancestraux menacés par les fronts pionniers de développement : peuples d’Amzonie, de Patagonie, du Grand Nord canadien…

III. Les intégrations régionales : deux modèles divergents A. Le Nord : l’extension du libre-échange par l’ouverture des frontières 1.L’ALENA Accord de libre-échange nord-américain créée en 1994 entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique. Libre circulation des capitaux et des marchandises, mais pas des personnes. L’ALENA a favorisé l’augmentation des échanges entre les trois Etats et la croissance de leurs économies. 2.Une association dominée par les Etats-Unis Le Canada et le Mexique sont dominés, et dépendent de leurs échanges avec les Etats-Unis, lesquels ont bien davantage de partenaires commerciaux, et notamment les autres pôles de la Triade et la Chine. Canada et Mexique garantissent aux Etats-Unis leurs approvisionnements énergétiques.

3.Une intégration continentale ? Le projet d’extension à tout le continent, la fameuse Zone de libre-échange des Amériques, a été rejeté en 2005 par les pays du Sud et Obama a donc gelé le projet. Cependant, les Etats-Unis ont de nombreux accords de libre-échange avec les pays d’Amérique centrale et Caraïbe et ont signé des accords bilatéraux avec quelques pays d’Amérique du Sud.

B. L’Amérique latine : la recherche du développement du bloc régional 1.Le Mercosur Marché commun du Sud, créé en 1991 à l’initiative du Brésil. Aujourd’hui, il regroupe 5 pays : Venezuela, Brésil, Uruguay, Paraguay et Argentine. espace de libre-échange qui peine à s’approfondir, en raison de nombreux différentiels. Obstacles ? « différentiel dans les échanges … entre petits pays et deux grands »/ « pas d’harmonsation des politiques monétaires, économiques et sociales. »

2.Des obstacles à l’intégration régionale Manque d’infrastructures de transport et réseaux de communication mal connectés. Projet de couloirs bi-océaniques, infrastructures de transport transcontinental reliant les deux façades, Atlantique et Pacifique. Nouvelle logistique portuaire et fluviale : Amazone. Mais… poids des distances et des contraintes naturelles Des associations régionales trop nombreuses ALBA (alliance bolivarienne pour les peuples d’Amériques), ne fonctionnant qu’entre Venezuela et Cuba (assistance médicale cubaine contre pétrole venezuelien). UNASUR, lancée en 2008, Union des nations d’Amérique du Sud.

Conclusion Les contrastes du continent américain sont donc encore très présents, et notamment économiques. Ils opposent toujours la première puissance économique mondiale, pôle de la Triade, et une Amérique latine en développement, le bassin Caraïbe apparaissant comme l’interface maritime de ces deux mondes. En revanche, le continent sud-américain est parvenu à échapper au contrôle hégémonique des Etats-Unis, notamment autour du Brésil, pays émergent qui s’affirme de plus en plus comme un contre-poids et une puissance régionale.