Le traitement antirétroviral Pascale Leclercq CHU Grenoble
Evolution des incidences des nouveaux cas de SIDA et de décès *Données corrigées du délai de déclaration 50 100 150 200 250 1994 1995- s1 s2 1996- 1997- 1998- 1999- 2000- s1* s2* 2001 Incidence pour 1000 Personnes-années SIDA DECES
Inhibiteurs de la transcriptase inverse Inhibiteurs de fusion Inhibiteurs de la transcriptase inverse Nucléosidiques Non nucléosidiques Nucléotidiques Inhibiteurs de la protéase Inhibiteurs de l ’intégrase
ARV disponibles Inhibiteurs de la transcriptase inverse Analogues nucléosidiques Rétrovir®, Epivir®, Videx®, Zerit®, Ziagen® Emtriva®, Analogues non nucléosidiques Viramune®, Sustiva® Analogue Nucléotidique Viread® Inhibiteurs de la protéase Norvir®, Crixivan®, Viracept®, Invirase® / Fortovase® Kaletra® Telzir ® Reyataz ® Aptivus® Inhibiteurs de fusion : Fuzéon Dans le pipeline : Darunavir, TMC125, anti-intégrases, antiCCR5
Indications du traitement antirétroviral Les patients symptomatiques Chez les patients asymptomatiques : - selon le chiffre de CD4 et la pente de décroissance - actuellement valeur retenue de 200 CD4 (%<15) - attention à partir de 350 CD4 (%<20) - plus de critère direct de charge virale les cas particuliers - la transmission mère / enfant - la primo-infection - la prophylaxie post-exposition
Indications du traitement antirétroviral Les patients symptomatiques : toute PV VIH présentant - une infection opportuniste - un syndrome de cachexie lié au VIH - une atteinte encéphalitique - un sarcome de Kaposi - des infections opportunistes mineures répétées
Quel traitement antirétroviral ? chez le naïf - le premier traitement est celui qui « marchera » le mieux et le plus longtemps Ne pas « gâcher » cette première ligne pour des raisons d’observance : les résistances acquises resteront toute la vie (archivage) Comprendre pourquoi le patient Prendra bien son traitement : qu’est-ce qu’il a compris, comment voit-il son avenir Ne prendra pas bien son traitement : comment voit-il son avenir, comment peut-il prendre son traitement
Quel traitement antirétroviral ? critères virologiques : Puissance acquisition de résistances critères pharmacologiques IP boostées durée de vie et donc nombre de prises par jour : le « once a day » est plus confortable mais l’oubli est plus grave critères de tolérance Tolérance immédiate tolérance au long cours la grossesse la co-infection virus hépatites
Quel traitement antirétroviral ? Les associations possibles - 2 INRT + 1 IP - 2 INRT + 1 INNRT - avec arguments : 3 INRT, 2 IP, 1 IP + 1 INNRT Les molécules - on évite d4T + ddI, ddI +TDF - on ne fait pas association d4T + AZT, 3TC + FTC, 2INNRT - on ne fait pas ddI + 3TC + TDF, ABC + 3TC + TDF En situation d’échec, analyse de l’échec avant d’agir
Quel traitement antirétroviral initier ? Recommandations françaises du groupe d’experts 2004 Options à préférer 2 IN ZDV ou TDF + 3TC/FTC ABC 1 INN EFV 1 IP/r Fos-APV/r ou LPV/r SQV/r + ou Alternatives 2 IN + NVP 2 IN + IDV/r ou ATV/r ZDV + 3TC+ABC Groupe d’experts « Prise en charge des personnes infectées par le VIH » sous la présidence du Pr Yeni - 2006
Quel traitement antirétroviral ? Ca dépend !!!!!!!!!!!!!!!!! - de la ligne : naïf, échappement de 1°, 2° ou X° ligne, toxicité « spécifique » (ex : abacavir) ou « croisée » (ex : neuropathie) - de la situation clinique (SIDA ou non) et viro-immunologique (CD4 < 200, Charge virale très haute) : attention à la puissance ! - des résistances virologiques acquises (histoire thérapeutique, génotypage) - de la tolérance et des difficultés d’observance présumées ex : colopathe, risque cardio-vasculaire, ATCD hépatiques, mode de vie
Quel traitement antirétroviral ? Les associations préférées chez le naïf - 2 INRT + 1 IP - 2 INRT + 1 INNRT Les molécules - on évite association d4T + ddI, ddI + TDF - on ne fait pas association d4T + AZT, 2INNRT En situation d’échec : - analyse de l’échec avant d’agir (résistances, toxicité, observance - association IP, nouvelle famille…
Quel traitement antirétroviral ? On estime ces différents schémas globalement équivalents en terme d’efficacité Les nuances - on ne sélectionne pas les mêmes mutations - le « backbone » d’INRT prend plus d’importance dans un schéma comportant 1 INNRT (prévention mutation) La toxicité - toxicité « générale » : nuances d’intensité - toxicité spécifique de chaque molécule L’observance - contrainte de la nécessité d’un traitement - contraintes spécifiques à chaque molécule
Actualités thérapeutiques Ce qui est acquis………dans les pays riches On a des antirétroviraux puissants - effet viral - contrôle de la morbi-mortalité La durée d’exposition aux traitements sera responsable d’effets indésirables La durée d’efficacité dépend de l’acquisition de résistances qui sont le plus souvent croisées La durée d’efficacité dépend des possibilités d’observance au long cours des patients
Quand traiter ? - on recherche un bénéfice clinique - on ne sait pas éradiquer le VIH - on ne connaît pas les conséquences à long terme Comment traiter ? - intransigeant sur l’efficacité : indétectabilité - « patient » dans le choix de l’association - toujours penser aux lignes suivantes - éviter le « piège » de la simplification Quand arrêter ? - échec :…………..réfléchir !!! - intolérance - switcher : si échec attention aux résistances croisées et tout changer ; si intolérance, plus facile
Echec du traitement antirétroviral Echec clinique: - Infections opportunistes (majeures ou mineures) - Pathologie tumorale - Evènements indésirables sévères - question du syndrome de reconstitution immune Echec immunologique: - Pas de remontée des CD4 à 6 mois - ou CD4 restant < 200 /mm3 Echec virologique: - CV indétectable redevenant détectable - Absence d’indétectabilité après 6 mois d’un premier traitement
Echec du traitement antirétroviral En général, c’est l’échec virologique qui domine le tableau : - multiplication virale malgré le traitement - pas assez de produits dans l’organisme observance, absorption, pharmacologie, concentrations cellulaires - produits pas assez puissants la résistance du virus n’est pas un mécanisme OUI/NON compétition sur la cible ? Concept du couple pharmaco/viro tenant compte à la fois des concentrations mais aussi du profil de résistance de la souche virale majoritaire
Une des causes de l’échec du ttt = résistance du VIH aux antirétroviraux Liée à des mutations au niveau des gènes codant pour la transcriptase inverse (RT) et la protéase modifications de ces enzymes qui deviennent insensibles aux antirétroviraux concernés Ex: T215Y/F (R à l ’AZT) = codon 215 du gène de la RT Thréonine T (ACC) remplacée par Tyrosine Y (TAC) ou Phénylalanine F (TTC)
Résistance du VIH aux antirétroviraux Les mutations apparaissent au hasard surviennent en dehors de tout traitement antirétroviral sont dues aux erreurs qu’effectue la transcriptase inverse (RT) en transcrivant l’ARN en ADN Nombre de virus produits par cellule infectée : 10 2 Nombre de virus produits par jour : 10 9 Probabilité de mutation sur un codon donné /cycle : 0.3 x 10-5 Probabilité de double mutation : 10 -11
Résistance du VIH aux antirétroviraux Mauvaise Posologie Interactions Malabsorption observance insuffisante pharmaco- cinétiques Réplication en présence de drogue Sélection des variants mutés (104 - 105 /j) “Résistance”
Concentration d’ARV et sélection de souches résistantes Fenêtre de réplication Inhibition virale Toxicité Crésiduelle Concentration d’antirétroviral Inhibition Virale Concentration d’ARV et sélection de souches résistantes
Sélection des mutations de résistance soit une seule mutation nécessaire pour niveau Sélection rapide élevé de résistance (INN) Mutations de réplication virale résistance malgré le traitement soit plusieurs mutations Sélection + lente nécessaires (IN et IP)
Profil de résistance Evalué par des algorithmes : - corrélation entre profil de mutations avant mise sous traitement et effet de ce traitement exercice difficile, résultat non univoque l’effet du traitement « testé » dépend non seulement de la molécule, mais aussi de l’histoire thérapeutique, de la charge virale, des molécules associées, de l’exposition réelle aux produits, de la connaissance de la molécule. - c’est pour les INRT que c’est le plus difficile
Profil de résistance R par augmentation de élimination de INRT (pyrophosphorolyse) - ex mutation 215 - induit des R large spectre - fitness non modifiée - modification thérapeutique difficile R par diminution de incorporation - ex mutation 184 - R unique - fitness diminuée - modification thérapeutique facile Compétition entre les Résistances - K65R sélectionnée par le ténofovir et T215Y se protègent mutuellement (les 2 chez moins de 1% des patients)
Zidovudine (AZT) Mutations Réduction de Sensibilité (génotype) (phénotype) 215 16 X 41 4 X 215 + 41 60 X 215 + 67+ 70 31 X 215 + 67+ 70 + 41 179 X 215 + 67+ 70 + 219 166 X
La tolérance précoce Les plus fréquents - digestifs : nausées et surtout selles liquides - neuropsychiques : impact de la prise d ’un traitement et effets propres de l ’efavirenz Les plus redoutés par les médecins - cutanés avec les INNTI et l ’abacavir - hépatiques avec les INNTI Conséquences - sur le vécu du traitement - et au pire sur l ’observance - les évoquer avant le début du traitement (relativiser les avantages et les inconvénients potentiels du traitement)
La tolérance à long terme La lipodystrophie - aspect : conséquences sur observance, sur qualité de vie - métaboliques : insulino-résistance hypertriglycéridémie stéatose Les troubles métaboliques - insulino-résistance - dyslipémie - stéatose - risque cardio-vasculaire (micro et macro angiopathie) La toxicité mitochondriale - toxicité d’organes - acidose lactique - NASH - lipoatrophie, fatigue…
Lipoatrophie du visage Obésité tronculaire Lipoatrophie des membres “Bosse de bison” Carr A & coll. NEJM 1998
La lipodystrophie Les INRT sont en grande partie responsables de la lipoatrophie d4T et AZT sont plus toxiques et d4T beaucoup plus que AZT L’association IP et INRT favorisent la lipo-atrophie et la lipo-hypertrophie In vitro, l’efavirenz induit aussi des anomalies du tissu adipeux La lipodystrophie existe chez l’homme, la femme et les enfants
La toxicité mitochondriale INRT inhibent la DNA polymérase virale… mais aussi la DNA polymérase mitochondriale… d’où une dysfonction mitochondriale Hiérarchie d’effets dépend de entrée dans la cellule, de phosphorylation, de « sortie » de la chaîne de polymérisation ddC > d4T, ddI > AZT > 3TC, FTC, Abacavir, Tenofovir
Signes cliniques d’atteinte mitochondriale *Association illégitime de symptômes *Neuropathie, syndrome de Guillain-Barré, myopathie, cardiomyopathie, pancréatite *Tableau d’acidose lactique (défaillance multi-viscérale) Troubles mineurs : digestifs, amaigrissement, cytolyse hépatique, fatigabilité musculaire, sexuelle *La lipo-atrophie, l’ostéonécrose ? *La stéatose hépatique *Le problème des nouveaux-nés exposés in utero
NASH et mitochondries Accumulation d’acides gras libres dans le foie stéatose - soit inhibition de la b-oxydation - soit afflux AGL Si augmentation des ROS dans le même temps stéato-hépatite - peroxydation lipidique = fibrose - apoptose - cytokines = nécrose Quand altération mitochondriale - inhibition de la b-oxydation - augmentation des ROS
Relations observance - effets indésirables Les critères classiques d’observance : - le jeune âge - la consommation d ’alcool - les difficultés sociales - la dépression L’impact du traitement : - les EI ressentis lors premières semaines le risque de non-observance à 4 mois (de 13 % par EI) - pour les patients observants au début, la lipodystrophie est le principal EI responsable de rupture d ’observance
dans la cohorte APROCO Bruno Spire L’observance dans la cohorte APROCO Bruno Spire les sujets sont classés en 3 catégories « hauts, moyens, bas » correspondant à 100%, 80-99,9%, <80% des cps pris/prescrits durant les 4 derniers Jours Les sujets « hauts » sont déclassés en « moyen » si : ils ont oubliés la prise du WE ou ils ont pris la prise en une seule fois ou interrompu ou suivi le traitement partiellement ou oubli ou décalage plusieurs fois
Observance et succès virologique M4 M20 M12 p=0.03 p<0.001 57 69 61 41 59 N=808 N=523
Mortalité et infection par le VIH Enquête Mortalité 2000 / 2005 : 185 services (60 000 patients suivis) Environ 1000 décès recensés Cause du décès : SIDA : 47 % / 37 % (place du LMNH) KC non classant SIDA : 11 % / 17 % Hépatites C et B : 10.5 % / 13 % Cardio-vasculaire : 7 % / 9 % Infections bactériennes : 6 % / 5 % Suicide : 4 % / 5 % Pour 18 % des décès liés au SIDA, le diagnostic de séropositivité remontait à moins de 6 mois (migrants)
Quelle stratégie ? Ne pas traiter trop tôt les patients Choix du traitement initial… peu de patients : facteurs de risque du patient ce que le patient pense du traitement En cas d’intolérance sous traitement - switch dans la même famille - switch vers autres familles - ne jamais sacrifier efficacité - ne pas croire au schéma idéal - penser aux « lignes » suivantes
Interruptions thérapeutiques programmées A la phase chronique de l’infection : - pas de bénéfice immunologique !! - risque de transmission - risque de syndrome viral aigu - avantage sur qualité de vie ? - avantage sur tolérance à long terme ? - avantage économique Quelle stratégie ? - séquentiels : non - traitement guidé par les CD4 - sûrement pas en routine - attention à la pharmaco des produits
Résistances et Interruptions Thérapeutiques Programmées Arrêt total du traitement antirétroviral ---> disparition progressive des mutations de résistance <--> réémergence de la souche sauvage plus « fit ». Archivage de ces mutations que l’on peut retrouver avec techniques plus sensibles Attention danger : les antirétroviraux doivent disparaître en même temps de l’organisme… sinon apparition de nouvelles résistances
SMART : Interruptions de traitement guidées par les CD4 Patients avec CD4 > 350/mm3 n = 3 000 n = 3 000 Virologic Suppression (VS) Utilisation des ARV pour maintenir la CV le plus bas possible en permanence Drug Conservation (DC) Arrêt des ARV jusqu'à CD4 < 250/mm3 ; puis reprise des ARV jusqu'à CD4 > 350/mm3 Durée prévue de suivi : 7-8 ans Critère de jugement principal : progression clinique ou décès Analyse en ITT El-Sadr W., CROI 2006, Abs. 106
Time to Disease Progression or Death Confirmed events through 10 December 2005
SMART: Opportunistic disease or death by latest CD4+ cell count *p<0.05 (DC/VS) * * # of events: 31 7 31 6 29 7 29 27 # of PY’s: 305 64 838 201 1225 821 1227 2592
THERAPEUTIQUE Particularités chez les co-infectés? Tolérance moins bonne Neuro-psychique Fatigue et amaigrissement Anémie et leucopénie Efficacité moins bonne Surtout sur les « mauvais génotypes » (1-4) Traiter fort ! En accompagnant ++ le patient Si obligé de faire de front les 2 traitements Éviter d4T ou ddI + ribavirine
Influence de HAART sur la mortalité hépatique Qurishi N, et al. Lancet 2003 Mortalité globale Suivi [jours] 2000 Patients en vie (%) 1,1 ,9 ,7 ,5 ,3 P<0.0001 HAART ART non traités 6000 5000 4000 3000 1000 Mortalité hépatique P<0.018 Suivi (jours)
THERAPEUTIQUE VHC-VIH Nécessité d’une démarche diagnostique clinique, sérologique, et virologique pour tout patient Documentation histologique (PBH, test biologique) souhaitable - mesures associées (alcool) Importance du « timing » thérapeutique anti VIH VHC immunodéprimé sévère ==> ttt antirétroviral +++ (attention aux médicaments hépatotoxiques) non immunodéprimé ==> ttt anti-VHC +++ déjà traité antirétroviral ==> arrêt ttt antirétroviral + ? ttt concomittant? Anti-VHC = bithérapie IFN PEG + ribavirine 1 an VPN de la réponse virologique à 12 semaines
Patients infectés par le VHC et ou non par le VIH
Co-infection VIH-VHB 3TC/FTC et ténofovir sont actifs à la fois sur le VIH et sur le VHB Si indication ttt anti-VHB et pas anti-VIH : ne pas utiliser ces molécules ; choisir entécavir, adéfovir … Si indication à la fois pour VIH et VHB : mettre 3TC/FTC et ténofovir
La transmission mère-enfant Une mère séropositive transmet le virus à son bébé dans 30 % des cas ! Transmission au moment de l’accouchement Transmission par le lait maternel En France, on traite la mère pendant le dernier trimestre, le bébé pendant 1.5 mois, on fait une césarienne et on interdit l’allaitement : Moins de 1% des enfants sont infectés En Afrique… 15 millions de femmes peuvent infecter leurs bébés
La transmission mère-enfant Objectif : charge virale indétectable lors accouchement Si mère déjà traitée :poursuivre traitement (sauf si efavirenz) Dépister !!!! Expliquer Pour les couples séro-différents homme +, femme - : PMA après lavage de sperme homme -, femme + : auto-insémination