1- Des formes juridiques d'adhésion des salariés à la rupture Séminaire « Les ruptures du contrat de travail », Centre d'économie de la Sorbonne, MSE, 30 novembre 2010 Le nouveau droit des ruptures, à la recherche de l'accord du salarié Evelyne Serverin, IRERP, Université Paris Ouest Nanterre la Défense 1- Des formes juridiques d'adhésion des salariés à la rupture 2- Des conséquences des ruptures acceptées 3- Quel effet sur l'emploi des ruptures acceptées?
1- Diversité des formes juridiques d'adhésion du salarié à la rupture Hors démission, on relève cinq formes d'accords sur la rupture, par ordre décroissant d'adhésion du salarié à son principe: 1-1 Accord mutuel (ruptures d'un commun accord) , 1-2 Adhésion à une proposition de suppression d'emploi pour motif économique (plan de départ volontaire), 1-3 Adhésion aux modalités préalables au licenciement pour motif économique (congé de mobilité, congé de reclassement), 1-4 Adhésion aux modalités postérieures au licenciement pour motif économique (Convention de reclassement personnalisé, contrat de transition professionnelle), 1-5 Accord mutuel sur les conséquences du licenciement (transaction).
Article 1134 du Code civil« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. ». Article L6222-18 du code du travail: Le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage. Passé ce délai, la rupture du contrat ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer. (...); Article L1243-1 du code du travail:« Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure. ». 1-1 Accord mutuel sur la rupture 1-1-1 Une admission d'abord limitée...
1-1 Accord mutuel sur la rupture 1-1-2: 1-1 Accord mutuel sur la rupture 1-1-2: ...l'idée d'une rupture du CDI par consentement mutuel Soc 15 janvier 1997, Bull. 1997 V N° 22 p. 14 Vu les articles L. 122-14 et L. 122-14-7 du Code du travail ; Attendu que, si les parties à un contrat de travail peuvent y mettre fin par consentement mutuel, elles ne peuvent transiger sur les conséquences d'une mesure de licenciement prise par l'employeur qu'une fois ce licenciement intervenu et définitif ;(...)Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'accord du 24 janvier 1990 n'avait pas consacré une rupture d'un commun accord du contrat de travail, mais déterminé les conséquences d'un licenciement qui, à la date à laquelle la transaction a été signée, n'était pas intervenu, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Soc.2 déc. 2003, Bull. 2003 V N° 308 p. 309 Mais attendu que le contrat de travail peut prendre fin non seulement par un licenciement ou par une démission, mais encore du commun accord des parties ; que le salarié concerné par un projet de licenciement pour motif économique n'est pas privé de la faculté de proposer à son employeur une rupture amiable de son contrat de travail, s'il estime y avoir intérêt ; Rapport de Virville, pour un code du travail plus efficace: (2004)
1-1 Accord mutuel sur la rupture 1-1-3 1-1 Accord mutuel sur la rupture 1-1-3... la levée d'une restriction: la rupture conventionnelle 1-La troisième voie (créé par la loi n°2008-596 du 25 juin 2008) Article L1231-1 - art. 5 « Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre. Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d'essai. ». 2- Un régime spécifique Article L1237-11 L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
1-2 Adhésion à une proposition de suppression d'emploi pour motif économique (plan de départ volontaire) 1-Soc. 10 avr. 1991, Bull. civ. V, n°179 « Dès lors qu'une opération de diminution des effectifs envisagée par l'employeur tend à la suppression, pour motif économique, de nombreux emplois, au besoin par la voie du licenciement, les dispositions des articles L. 321-1 et suivants du Code du travail imposent la consultation du comité d'entreprise ou, s'il y a lieu, des délégués du personnel, peu important que les emplois n'aient été supprimés que par la voie de départs volontaires, dans le cadre d'un accord collectif d'entreprise. » 2- Art. L. 1233-3, al. 2 C. trav. (ancien art. L321-1)«Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa. ».
1-Plan de départ volontaire -comment détruire des emplois sans reclasser (suite) « Envisageant de réduire ses effectifs en raison d'une évolution défavorable du marché automobile, la société Renault a établi un "programme d'ajustement des effectifs fondé sur le volontariat", qu'elle a soumis en septembre et octobre 2008 au comité central d'entreprise et aux comités d'établissement concernés ; que ce document, qui prévoyait la suppression de 4 000 emplois, dont 1 000 dans l'établissement de Sandouville, ouvrait au personnel de l'entreprise une possibilité de départ volontaire, jusqu'au 30 avril 2009 (...) Mais attendu que si l'employeur qui, pour des raisons économiques, entend supprimer des emplois en concluant avec les salariés intéressés des accords de rupture amiable est tenu d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi lorsque les conditions prévues par l'article L. 1233-61 du code du travail sont remplies, un plan de reclassement, qui ne s'adresse qu'aux salariés dont le licenciement ne peut être évité, n'est pas nécessaire dès lors que le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppressions d'emplois ;Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la société Renault s'était engagée, dans la mise en oeuvre de son plan d'ajustement des effectifs basé sur le volontariat, à ne prononcer aucun licenciement, en a exactement déduit que cet employeur n'était pas tenu d'établir un plan de reclassement ». « Cour de cassation , Chambre sociale, 26 octobre 2010, n° 09-15187 arrêt Renault Publié au bulletin, Semaine sociale Lamy, 2 septembre 2010, n°1465
1-3 Adhésion aux modalités préalables au licenciement pour motif économique 1-3-1 congé de mobilité Code du travail Sous-section 4 : Congé de mobilité (Créé par Loi n°2006-1770 du 30 décembre 2006) Article L1233-77 Dans les entreprises mentionnées au premier alinéa de l'article L. 1233-71[ entreprises ou les établissements de mille salariés et plus], ainsi que dans les entreprises mentionnées à l'article L. 2331-1 [groupe formé par une entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle], et celles mentionnées à l'article L. 2341-4 [entreprises ou groupes d'entreprises de dimension communautaire], dès lors qu'elles emploient au total au moins mille salariés, un congé de mobilité peut être proposé au salarié par l'employeur qui a conclu un accord collectif relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Le congé de mobilité a pour objet de favoriser le retour à un emploi stable par des mesures d'accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail. Article L1233-80 L'acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte rupture du contrat de travail d'un commun accord des parties à l'issue du congé.
1-3 Adhésion aux modalités préalables au licenciement pour motif économique 1-3-2 Congé de reclassement Code du travail Article L1233-71 (créé par la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 - art. 119 ) Dans les entreprises ou les établissements de mille salariés et plus, ainsi que dans les entreprises mentionnées à l'article L. 2331-1 et celles mentionnées à l'article L. 2341-4, dès lors qu'elles emploient au total au moins mille salariés, l'employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique un congé de reclassement qui a pour objet de permettre au salarié de bénéficier d'actions de formation et des prestations d'une cellule d'accompagnement des démarches de recherche d'emploi. La durée du congé de reclassement ne peut excéder neuf mois. (…). Article L1233-72 Le congé de reclassement est pris pendant le préavis, que le salarié est dispensé d'exécuter. Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement. Article R1233-21 Le salarié dispose d'un délai de huit jours à compter de la date de notification de la lettre de licenciement pour informer l'employeur qu'il accepte le bénéfice du congé de reclassement. L'absence de réponse dans ce délai est assimilée à un refus.
1-3 Adhésion aux modalités préalables au licenciement pour motif économique: 1-3-3 accord pour un reclassement avec déclassement Code du travail Article L1233-4-1 Créé par LOI n°2010-499 du 18 mai 2010 - art. unique. Lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur.L'absence de réponse vaut refus. Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n'est adressée est informé de l'absence d'offres correspondant à celles qu'il a accepté de recevoir.
1-4 Adhésion aux modalités postérieures au licenciement pour motif économique 1-4-1Convention de reclassement personnalisée Article L1233-65 (Créé par Loi n°2002-73 du 17 janvier 2002) « Dans les entreprises non soumises à l'obligation de proposer le congé de reclassement prévu à l'article L. 1233-71, l'employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique une convention de reclassement personnalisé. Cette convention lui permet de bénéficier, après la rupture de son contrat de travail, d'actions de soutien psychologique, d'orientation, d'accompagnement, d'évaluation des compétences professionnelles et de formation destinées à favoriser son reclassement. »
1-4 Adhésion aux modalités postérieures au licenciement pour motif économique 1-4-2 Contrat de transition professionnelle Ordonnance n°2006-433 du 13 avril 2006 relative à l'expérimentation du contrat de transition professionnelle. Dans certains bassins d’emplois précisément délimités, le contrat de transition professionnelle (CTP) s’adresse aux salariés dont le licenciement économique est envisagé dans une entreprise non soumise à l’obligation de proposer un congé de reclassement. Dans les entreprises concernées, l’obligation faite à l’employeur de proposer un contrat de transition professionnelle se substitue à l’obligation de proposer une convention de reclassement personnalisé. Le contrat de transition professionnelle, d’une durée maximale de 12 mois, a pour objet le suivi d’un parcours de transition professionnelle pouvant comprendre des mesures d’accompagnement, des périodes de formation et des périodes de travail au sein d’entreprises ou d’organismes publics. Pendant la durée de ce contrat, et en dehors des périodes durant lesquelles il exerce une activité rémunérée, le titulaire du CTP perçoit une « allocation de transition professionnelle » égale à 80 % du salaire brut moyen perçu au cours des 12 mois précédant la conclusion du CTP.
1-5 Accord mutuel sur le règlement de la rupture: la transaction 1- Code civil, Article 2044 La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit ». 2- Application au licenciement prononcé: Cass. Soc., 1 juillet 2009, Bulletin 2009, V, n° 171 « (…) la transaction, ayant pour objet de prévenir ou terminer une contestation, ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement prévue à l'article L. 1232-6 du code du travail ».
2-Des effets des ruptures acceptées 2-1 Un large usage des ruptures conventionnelles Source : Dares (données et estimations). Salariés non protégés.
2- Des effets des ruptures acceptées 2-2 Le recours croissant aux CRP et les CTP Source: Dares, Analyse, juillet 2010, n° 050, Bilan de l'année 2009
2-Des effets des ruptures acceptées 2-3 De faibles taux de recours en matière de licenciement pour motif économique Connaissance de l'emploi, n°72, déc. 2009 (Meda D.,Gomel B.,Serverin E.)
3- Quels effets des ruptures acceptées sur l'emploi 3- Quels effets des ruptures acceptées sur l'emploi? 3-1- L'hypothèse d'un effet bénéfique sur l'emploi de la baisse des recours « Using a data set of individual labor disputes brought to court over the years 1990 to 2003 in France, we examine the impact of the enforcement of Employment Protection Legislation on labor market outcomes. First, we present a simple theoretical model showing that judicial case outcomes cannot be directly interpreted in terms of EPL. A large fraction of cases that go to trials may well be a sign of low firing costs when firms face low litigation costs and are therefore willing to go to court or a sign of high firing costs when workers face low litigation costs and are therefore willing to sue the firm. Second, we exploit our model as well as the French institutional setting to generate instruments for these endogenous outcomes. Using these instruments, we show that labor courts decisions have a causal effect on labor flows. More dropped cases and more trials cause more job destructions: more trials indeed are a sign of lower separation costs. More settlements, higher filing rates, a larger fraction of workers represented at trial, large lawyer density dampen job destruction. A larger judge density causes less job creation, in particular on the extensive margin. Labor Court Inputs, Judicial Cases Outcomes and Labor Flows: Identifying Real EPL” Henri Fraisse, Banque de France1 Francis Kramarz, CREST-INSEE, CEPR, and IZA Corinne Prost, CREST-INSEE Version: 14/10/2009
3- Quels effets des ruptures acceptées sur l'emploi 3- Quels effets des ruptures acceptées sur l'emploi? 3-2 De l'acceptation à la résignation Vouloir agir ? Il ne suffit pas qu’une contestation soit juridiquement possible pour que des recours soient introduits. Encore faut-il que l’action présente un intérêt suffisant pour le salarié. (...)Et l’on voit mal des salariés remettre en cause une convention assortie d’avantages fiscaux, sociaux et assurantiels immédiatement disponibles, au profit des résultats incertains d’une requalification judiciaire. Évelyne Serverin, « Quels droits pour quel risque contentieux ? », in Controverse, Quel contentieux pour la rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée ? RDT 2009, n° 4, p. 208-210. Pouvoir agir? Le syndicat décide d’intervenir dans la cause au nom des intérêts de la profession. Le service juridique confédéral appuie cette démarche et l’intègre dans le dispositif de la CNAS 4. Le 16 avril 2009, le salarié dépose une demande au Conseil des prud’hommes des Sables d’Olonne contre son ancien employeur, la SARL Tessier. À ce stade, on retiendra que c’est à l’attention vigilante d’un conseiller du salarié qui, à l’occasion d’une partie de tarot, a su sélectionner les faits, que l’on doit l’initiative de cette action judiciaire. Jusqu’alors, M. R.G. n’était pas syn diqué : il se syndique. Il a repris sa carte en 2010. Tiennot Grumbach, Evelyne Serverin « De l’abus dans le recours à la rupture Conventionnelle . Le CPH des Sables d’Olonne ouvre la voie, SSL, 21 juin 2010 • N° 1451.