MODE DE RESOLUTION DES CONFLITS DANS LE CADRE EUROPEEN Anne Tallec Relations Professionnelles Master RH 2, session 14
INTRODUCTION La résolution des conflits sociaux en Europe recoupe plusieurs notions: -les clauses de paix sociales: les mesures préventives au conflit; -la négociation entre les partenaires sociaux; -la médiation: une tierce personne intervient pour que les négociations aboutissent à un accord; -l’arbitrage: une tierce personne intervient pour trancher sur le conflit. Sa sentence est obligatoirement accomplie; -le jugement: le conflit est tranché par la justice. Dans l’intérêt des parties, les interventions de la justice semblent à éviter; néanmoins, nous allons voir que cette dernière option est plus ou moins utilisée selon les pays en Europe. Nous nous attacherons d’abord à l’exposé des pays qui font intervenir le plus la justice dans les relations professionnelles. Puis nous verrons ceux qui favorisent le plus la conciliation.
PAYS A « FORTE JUDICIARISATION » DES CONFLITS
EN ALLEMAGNE Le devoir de paix sociale est une OBLIGATION pendant toute la durée des accords collectifs; Après l’échéance d’un accord, il y a une obligation d’épuiser TOUTES LES POSSIBILITES DE NEGOCIATION avant de recourir à la grève. Si la procédure de médiation obligatoire n’apporte pas de solution, le tribunal arbitre le conflit: la jurisprudence fixe les normes des relations de travail.
AUX PAYS-BAS Les accords collectifs ont souvent une clause de paix sociale: ils doivent donc être respectés pendant toute leur durée et il n’est pas possible d’entamer une action collective sur les matières réglées par l’accord: en cas d’infraction, les syndicats sont condamnés par le juge à verser des astreintes. C’est le législateur qui décide: la jurisprudence apprécie si la grève est intervenu en dernier recours, elle juge son opportunité et donc la licité de la grève. Donc c’est le législateur qui statue en cas de conflit.
AU DANEMARK Aussi longtemps qu’un accord collectif est en vigueur, la grève et le lock-out à propos d’un sujet couvert par l’accord est interdit. Le conflit est soumis au Tribunal du travail: il est présidé par un juge et composé de plusieurs juges issus des partenaires sociaux; Arbitrage si le conflit est dommageable à la société. De plus, le juge peut imposer des amendes si la grève a lieu pendant la durée d’un accord collectif.
EN ESPAGNE La loi prévoit explicitement que les accords collectifs PUISSENT contenir des clauses relatives à la paix sociale. Obligation de médiation avant toute action collective. Toutes les possibilités de résolution extra-judiciaires du conflit doivent être épuisées avant la grève (organe d’arbitrage: le SIMA: service intersyndical de médiation et d’arbitrage). Mais recours quasi-systématique aux tribunaux pour régler les conflits: forte judiciarisation des relations de travail, malgré la volonté des pouvoirs publics de sortir de ce système grâce au SIMA (amélioration).
EN GRANDE-BRETAGNE La plupart des accords collectifs ont des clauses de paix sociale, mais de la même façon que les accords, elles n’ont pas de force obligatoire. Les conditions qui les rendent contraignantes sont leur expression écrite sur un accord + l’accord prévoit que cette clause soit intégrée au contrat de travail + ces clauses doivent être connues par les salariés (« pub sur le lieu de travail ») + l’accord doit être signé par des syndicats indépendants et reconnus par l’employeur En règle générale,les tribunaux du travail règlent les conflits; le droit de grève est extrêmement encadré. Forte judiciarisation:Il existe un service de conciliation et d’arbitrage financé par les fonds publics est proposé aux parties de façon facultative, pour sortir un maximum de la judiciarisation des conflits.
PAYS A FORTE MEDIATION
EN AUTRICHE Beaucoup de ressemblance avec le système allemand: il y a un organe d’arbitrage; Les accords d’entreprise ont une clause d’arbitrage forcé; en cas d’arbitrage, la décision a valeur d’accord d’entreprise (« remplacement judiciaire du consentement manquant »).
AU PORTUGAL Le Ministère de la Sécurité Sociale et du Travail participe à la procédure de conciliation; Si la conciliation échoue au bout de 2 mois, une procédure d’arbitrage est lancée: résolution imposée du conflit.
EN GRECE Une juridiction spéciale pour les conventions collectives; En cas d’échec au bout de 20 jours de cette juridiction, un conciliateur du Ministère du Travail intervient; S’il n’y a toujours pas de résolution, un arbitreur du même ministère est nommé au bout de 10 jours pour trancher.
EN SUEDE Un médiateur est désigné d’office et le consentement des parties n’est pas nécessaire à son intervention; ce médiateur est désigné par le Service National de Médiation. Il peut ordonner de différer l’action collective et il est illégal de violer cette injonction. Enfin, le Parlement peut mettre fin aux conflits par vote de loi.
EN BELGIQUE Les conventions collectives prévoient des procédures d’arbitrage obligatoire: il n’y pas de clause de paix sociale explicite. Comme ce système est assez inefficace, des commissions paritaires ont mis en place des associations paritaires auxquelles les entreprises versent des cotisations. Elles sont reversées à un fonds intersyndical qui les redistribue aux salariés sous forme de « primes syndicales » ou qui finance les formations des délégués syndicaux. Lorsqu’un conflit survient à la suite de l’échec des procédures d’arbitrage, les contributions sont suspendues.
EN FINLANDE Les conventions collectives prévoient aussi des procédures d’arbitrage: l’arbitrage règle la plupart des conflits. Si le conflit concerne la convention collective, il sera traité par le Tribunal du Travail.
EN NORVEGE Recours obligatoire à l’arbitrage via le Médiateur National. Le législateur peut se saisir du conflit s’il le juge dommageable pour la société.
AU LUXEMBOURG Les conventions collectives prévoit une négociation entre les partenaires sociaux; En cas d’échec, la conciliation est réglée par la Commission de l’office National de Conciliation –présidée par le Ministre du Travail et composée de 3 représentants du patronat et 3 représentants syndicaux.
EN POLOGNE La médiation est obligatoire; Le médiateur est également désigné par les 2 parties; il est choisi sur une liste fournie par le Ministère du Travail et de la Politique Sociale. Les 2 parties peuvent aussi choisir un médiateur réputé digne de confiance et impartiale. Si dans les 5 jours, les parties ne se mettent pas d’accord sur le choix du médiateur, le ministère en désigne un à la demande des 2 parties. D’un commun accord, les 2 parties peuvent s’entendre sur le choix d’un arbitre, sur les règles de procédures et aussi sur le caractère contraignant de la sentence arbitrale.
EN HONGRIE Le Service de Médiation et d’Arbitrage du Travail fournit une liste de médiateurs à la demande conjointe des parties en présence dans le conflit. Des arbitres peuvent être nommés de la même façon. Le système est très efficace.
EN SLOVAQUIE La médiation et l’arbitrage sont prévus par la loi. Le législateur impose donc une résolution extra-judiciaire des conflits sauf à la toute fin des procédures de conciliation (ce qui arrive très peu). Après l’échec des négociations collectives (au bout de 60 jours), la médiation peut être demandée de façon conjointe. Le médiateur doit être inscrit sur une liste. Le médiateur est désigné par le Ministère du Travail, des Affaires Sociales et de la Famille dans le cas où les parties ne se mettent pas d’accord. Le médiateur doit fournir une proposition écrite de la résolution du conflit dans les 15 jours. En cas d’échec, la nomination d’un arbitre a lieu de la même façon; il a aussi 15 jours pour donner sa sentence. Pour invalider la sentence arbitrale, les parties ont 15 jours pour faire appel devant les tribunaux. Cette sentence est contraignante si elle n’est pas invalidée.
EN SLOVENIE Ce sont les conventions collectives qui réglementent la conciliation et l’arbitrage. En général, il y a 3 commissions: - une commission pour l’interprétation de la convention collective - une commission de conciliation; - une commission d’arbitrage. Lors d’un conflit, la première commission est suivie et en cas d’échec, on passe à l’autre: du coup, très peu de litiges parviennent jusqu’aux tribunaux.
PAYS « INTERMEDIAIRES »
EN ITALIE Un accord tripartite du 23 juillet 1993 SUGGERE aux partenaires sociaux de présenter les programmes de négociation 3 mois avant l’expiration d’un accord collectif: pendant ces 3mois + le mois qui suit, aucune forme de conflit social n’est admise (« période d’apaisement »). Une Commission a une mission de prévention des conflits; elle est présidée par le président de la République; en cas de conflit, les parties peuvent la saisir conjointement: elle rend alors un jugement arbitral sur l’interprétation des accords concernant le service minimum défini par les conventions; cette Commission ne règle donc pas les conflits mais assure juste les modalités de service minimum: elle ne tranche pas sur les termes mêmes du conflit.
EN IRLANDE La Commission des Relations de Travail est saisie en premier; En cas d’échec, les conflits sont transmis au Tribunal du Travail
CONCLUSION A travers la résolution des conflits dans le cadre européen, nous voyons que des différences tangibles apparaissent dans les politiques sociales, malgré l’effet « communauté européenne »: l’harmonisation voulue par le Conseil de l’Europe est donc un réel défi.