Limoges, Jeudi 11 avril ° Journée de Cancérologie – Chénieux

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Transcription de la présentation:

Limoges, Jeudi 11 avril 2013 19° Journée de Cancérologie – Chénieux PSYCHISME & CANCER CRENOTHERAPIE & CANCER Limoges, Jeudi 11 avril 2013 Pierre SALTEL - Psychiatre

Cancérologie et maîtrise du temps: Du temps « prescrit » au temps perçu…? 19° Journée de Cancérologie – Chénieux Jeudi 11 avril 2013 Pierre SALTEL - Psychiatre

Quand le temps se manifeste - t’ il Quand le temps se manifeste - t’ il ? « si personne ne me le demande… » St Augustin Le temps ex- iste et insiste dès qu’ il y a perte « d’harmonie » entre d’une part notre « manière d’être » en  présence  de la réalité du moment et d’autre part des contraintes « internes » ou externes… Alors le temps nous apparait comme « extérieur » à nous même, subi, du fait de changements , besoins,demandes,  crises  ( le poisson rouge, hors du bocal, « prend conscience » …)…

Le cancer constitue un de ces « événements »… Il vient s’inscrire dans une « histoire de vie », dont il va constituer désormais à la fois un « épisode » et une « origine » reconfigurant tant le passé « raconté » que le futur envisagé. Au présent, c’est une durée qui affecte et peut sidérer… Ainsi nos malades perçoivent le temps comme une entité nouvelle qui n’est pas seulement différent de celui des soignants mais surtout n’est plus, le « leur » !

Les différents temps Le temps vécu ( temps décompté) est comme la douleur une perception élaborée non à partir d’un seul organe « des sens » ( nous n’avons pas une horloge interne) mais par plusieurs « structures neurologiques » et selon plusieurs dimensions ! Comme pour la douleur, sa perception est très influencée par les processus « attentionnels » eux-mêmes très dépendants des « émotions » qui en constituent donc un « modulateur » puissant . On différencie le temps « explicite » qui est la durée estimée de la réalisation telle ou telle action et le temps « implicite », celui de l’attente d’un évènement à venir auquel peu ou prou on se prépare … 

Diverses structures cérébrales impliquées Temps implicite et temps explicite ne sont pas « traités » par les mêmes zones cérébrales: le temps implicite plutôt par le cervelet (coordination et intention de mouvement), Le temps explicite par des zones corticales motrices et visuelles ainsi que de mémorisation…. Des neuromédiateurs modulent l’attention (dopamine) et l’émotion (ex de la peur qui augmente ++ le temps explicite, perçu) L’interaction relationnelle contribue à ces « modulations » : temps social (mimétisme)

Un temps né dans l’affect ? « Le cours du temps n’est que la distinction du VOULU et du POSSEDE… il s’origine de cet intervalle entre le besoin et la satisfaction, entre la coupe et les lèvres ! » L. Guyau , cité dans le Dictionnaire de Philosophie de Lalande (1962)

Le « timing », présence /absence « …Une compétence très précoce du nourrisson : percevoir si quelque chose « tombe » dans le temps ou hors du temps ! …Savoir si quelque chose est synchronisé avec autre chose ou pas … » Ce timing dans la relation avec, pas tant les choses, que les personnes deviendra un jeu très excitant pour le bébé, par la création/perception de « petits écarts ». « ils s’accrochent au temps » au risque d’expériences d’attente / exclusion D. Stern dans Clinique de la Sensorialité ( 2002)

Le temps comme « objet » projeté ? « …si le temps est pris , non pas en soi, mais comme une représentation qui se crée et que chacun doit recréer, on est amené à rattacher l’origine du temps à un ensemble de conditions dynamiques, internes aussi bien qu’externes, inséparables de la relation à l’autre. Le temps apparait alors comme lié à un processus de projection… » Sami-Ali ( Corps Réel, Corps Imaginaire -1991)

Enjeux du processus de Projection La distinction du Dds/Dh s’acquiert progressivement et la perception de la réalité restera toujours « infiltrée » d’éléments perceptifs et affectifs dits « projectifs ». ( Principe de réalité) Ils sont d’autant plus prévalent que la personne est mobilisée par des émotions ou des pensées qui la bouleversent et alors la perception est vécue avec un forte « sensorialité » et conviction…( ex de la régression narcissique induite par la colère, la pensée se fait corps!)

L’intemporalité de « l’inconscient » ? Il est habituel de souligner que les désirs inconscients ne se laissent pas modifier par l’écoulement du temps et en effet par exemple dans les rêves peuvent cohabiter des personnages de générations différentes dont certains avaient disparu avant telle ou telle naissance…sans « étonner » le rêveur !

Le Temps n’appartient pas aux horloges! L’aiguille en tournant régulièrement autour de son axe, « donne » l’heure mais dissimule, la durée . Celle-ci est constituée « d’instants » que le Temps « tire » du futur et transforme en présence pour aussitôt les renvoyer dans le passé… Le Temps fait donc de ces instants successifs une durée mais celle-ci reste insaisissable ( sinon par ex. par l’ennui: « c’est long …» ) car ils ne sont jamais présents « ensemble » pour faire un « bloc de durée ». ( à la différence d’une longueur qui est un morceau d’espace).

Le temps, dimension de la relation soignante…(1) Le temps de « L’écoute… » Si la disponibilité et l’ouverture d’un « autre » et en particulier d’un soignant constitue une condition essentielle à ce que la personne malade puisse exprimer les plaintes légitimes à propos de ce qu’entraine pour elle une situation aussi cruelle , il est tout aussi essentiel que cette expression « s’organise » selon un certain rythme (limites et cadre), au risque sinon de « s’entretenir » car comme le notait bien avant la psychanalyse, Mr de La Rochefoucauld : « Je ne puis accepter la pensée d’être libéré par autre que moi-même… » ( cité par Lacan, Ecrits, page 107)

de la relation soignante…(2) Le temps, dimension de la relation soignante…(2) L’impromptu de la « compréhension » : Le « sujet » se donne comme « pouvant » être compris…mais ce sera le plus souvent , au détour d’une phrase, dans la surprise d’une attitude inattendue ou d’ un oubli que se révèle quelque « vérité » et à l’étonnement des deux protagonistes ! Une intention a pu être perçue mais c’est bien à « contre-temps », au moment où l’on s’y attendait le moins…et qui restera souvent fugace, vite oubliée à nouveau, redevenue quasi insaisissable. C’est de cette discontinuité des manifestations de ce que l’on appelle « l’Inconscient » que le cadre dit « psychothérapique » cherche à profiter, circonvenant ainsi les résistances habituelles à son « dévoilement »!

Un temps, pour le « mot »… qui fera date et signe ! P. Ricœur écrit : «… le mot nomme, quand la phrase dit… alors le mot, sort du dictionnaire ! ». Il est l’échangeur entre le système (langage) et l’acte (parole). Ainsi , le mot selon son expression, « survit » à la phrase, à cette phrase « explicative » qui fait « évènement » mais qui en est de ce fait, transitoire , passagère, s’évanouit…lui fera « date », il attestera ! 16

Le temps aux « mains » du soignant : un temps prescrit …  Les « étapes » d’une « trajectoire » : Annonce : le temps comme remède à la perte… L’Espoir, la temporalité « anticipatoire » en sera une dimension essentielle ! Les URGENCES! Le consentement « éclairé: Les « objectifs » des TTT argumentés, des « explications » qui créent une temporalité Un temps « linéaire »: irréversibilité ou « restauration » ( ex. Curatif / Palliatif ) Des alternances /alternatives ( dedans / dehors)

"It takes two to tango" …!

Le temps comme « objet partiel » …au risque de l’exclusion ? La psychanalyse enseigne qu’au cours du développement psychologique du nourrisson ( infans) la distinction entre « soi »et « l’autre » se fait en quittant un premier état dit « fusionnel » par la perte d’objets « archaïques », détachables, en fait jamais possédés car indistincts dans leur appartenance, de nature hallucinatoire et qu’ainsi le sujet humain en restera facilement à ressentir comme venant d’un dehors ce qui est originairement d’un dedans … Objet, constitutif de cette « tension » pulsion /objet et « point de mire » d’un désir de possession : le temps pourrait alors être possédé, disputé, revendiqué…

Le temps aux « mains » du soignant : un temps partagé … Un temps « limité » mais qui ne « délimite » pas, ceci en manifestant la curiosité de ce que le patient « fait avec le temps » Une temporalité qui s’étaye sur un récit , une « fiction » qui configure et « conjugue » avec pertinence , le subjonctif et le futur antérieur… qui ne s’enferme donc pas dans le déterminisme et l’irréversible, un temps qui « arrive » plus qu’il ne passe… Une sollicitude qui soit « sollicitante » et attesterait que « tout commence avec l’avenir … » ( Heidegger)

Un patient qui doit « orchestrer » cette diversité des temps . Le temps est lié aux actions, il en est tout autant la condition que l’effet ! De manière plus ou moins délibérée ou volontaire , la personne « orchestre » la diversité des ses temps ( ex du temps libre ) et des rythmes sous jacents à son cheminement vers un temps propre , personnel où coexistent , se succèdent ,des rythmes multiples……ainsi il n’y a plus de temps « morts » !

Restaurer du temps à vivre et non à compter…?! Un temps qui excède le décompte et qui pour ne pas risquer de s’épuiser, renoncerait à s’accumuler…Il ne s’agit pas tant de « gagner ou de gérer du temps » que d’ inventer des temps… Des temps prenat en compte sa fonction éminemment « sociale » mais où les « lièvres » n’auraient pas de compte à rendre aux tortues… ( dimension « surmoïque » du temps) Certes les préoccupations actuelles sur l’organisation du temps hospitalier sont légitimes, mais risquent de faire considérer que un seul temps « existe »…il peut donc se perdre ?

J. Giono, auteur de « REGAIN ». Le perdre,….l’oublier plutôt !     « Les jours commencent et finissent dans une heure trouble de la nuit. Ils n’ont pas la forme longue, de celle des choses qui vont vers des buts : la flèche, la route, la course de l’homme. Ils ont la forme ronde, cette forme des choses éternelles et statiques : le soleil, le monde, Dieu. ... Avons- nous oublié que notre seul but, c’est vivre et … qu’à toutes les heures de la journée nous atteignons notre but véritable si nous vivons ? ». J. Giono, auteur de « REGAIN ».

Salvador DALI

Le « temps » de l’Inconscient, une dimension ontologique ?... « …ce qui est proprement de l’ordre de l’inconscient, c’est que ce n’est ni être, ni non-être, c’est du « non réalisé »… » Lacan, débattant avec JP Sartre (Existentialisme)

Le temps de l’évènement ? Pourquoi pas un avènement ! Gilles Deleuze

Temps et mémoire… La temporalité vécue participe à la cohérence d’une image de soi et s’inscrit selon le « récit » qui organise la labilité de l’éphéméride des souvenirs. La mémoire n’est pas un enregistrement , elle est reconstruction sans cesse renouvelée sous le mode d’une « fiction » qui sera le fil conducteur de l’identité de chacun . (Identité narrative, selon P. Ricœur)