Bases anatomo-fonctionnelles de la cognition Thierry Voisin Service de Neurologie CHU Montpellier Service de Gériatrie CHU Toulouse
Localisation et organisation anatomo-fonctionnelle Les travaux sur les localisations cérébrales prennent une ampleur considérable à la fin du 19° siècle. Pour élaborer leurs théories, les auteurs se réfèrent beaucoup à des études de cas uniques ou de petits groupes de patients: corrélations anatomo-cliniques. L’organisation anatomo-fonctionnelle: neuropsychologie cognitive, neuropsychologie fonctionnelle, …
Les différentes fonctions cognitives Langage Praxie Gnosie Fonctions exécutives Mémoire Attention …
Mémoire
Modèle d’Atkinson et Shiffrin Informations Modèle d’Atkinson et Shiffrin Analyse corticale sensorielle (visuelle, auditive, tactile, kinesthésique) nécessite l’intégrité des aires cérébrales spécifiques Mémoire immédiate ou à court terme ou primaire sert de mémoire de travail (importance du lobe frontal) Le système nécessite et permet: - le codage - le stockage, la consolidation - le rappel - la reconnaissance (rôle essentiel des circuits de Papez sauf pour rappel et reconnaissance des souvenirs les plus consolidés) Mémoire à long terme -secondaire -tertiaire
Mémoire à court-terme Le modèle de la mémoire de travail de Baddeley est actuellement le plus utilisé. La mémoire de travail est conçue comme un ensemble de sous-composantes en interaction.
La mémoire de travail Un administrateur central (ou système central exécutif) contrôlerait des systèmes satellites. Ces systèmes satellites sont chargés du maintien en mémoire des informations. Ils sont spécialisés en fonction de la nature de l’information à traiter: boucle phonologique calepin visuospatial
Mémoire à court terme Par exemple en IRMf, on constate une augmentation de l’activation dans le cortex préfrontal pendant que le sujet garde en mémoire l’image d’un visage
Calepin visuo-spatial La mémoire de travail Selon Baddeley, l’administrateur central permettrait de coordonner les opérations des systèmes satellites, de gérer le passage des informations vers la mémoire à long terme mais également de sélectionner les stratégies d’action les plus efficaces. Administrateur central Calepin visuo-spatial Boucle phonologique
La boucle phonologique Elle serait responsable du stockage de l’information verbale quelque soit son mode de présentation. Caractéristique: capacité limitée et dégradation rapide de l’information en l’absence de récapitulation articulatoire. Deux sous-composantes: le système de stockage phonologique la procédure de récapitulation articulatoire
Le calepin visuospatial Responsable du maintien des informations visuospatiales. Jouerait un rôle dans la manipulation des images mentales
Localisations La boucle phonologique active certaines aires de l’hémisphère gauche que l’on associe à la production de langage comme l’aire de Wernicke et l’aire de Broca. La mémoire visuospatiale serait quant à elle associée à une région du cortex occipital généralement associé au traitement visuel. D’autre part, certaines sous-régions du cortex préfrontal (dorso-latéral) ne sont activées que si l’exercice de mémorisation comporte une certaine difficulté pour le sujet, confirmant ainsi le rôle de coordonateur du processeur central
Différentes régions du cerveau changent successivement leur niveau d’activité durant une tâche qui consiste à retenir l’image d’un visage. Quand des images brouillées sont présentées au sujet, ce sont surtout les régions visuelles de sont cerveau qui s’activent (1). Quand les visages sont présentés, ce sont les régions associatives et les régions frontales qui deviennent plus actives (4,5,6). Quand le sujet retient un visage dans sa mémoire de travail, les régions frontales sont les plus actives alors que les régions visuelles sont à peines stimulées.
Mémoire à long terme Opposition de la mémoire déclarative et non déclarative (modèle de Squire et Knowlton).
Mémoire déclarative Recouvre l’ensemble des connaissances (mémoire sémantique) et des événements (mémoire épisodique) qui sont accessibles à la conscience et facilement verbalisable. Des lésions du diencéphale et de la région interne du lobe temporal (hippocampe, cortex entorhinal et périrhinal) peuvent être responsable de trouble de la mémoire épisodique. Des lésions des régions temporales antérieures et le complexe amygdalien, du gyrus temporal moyen et inférieur peuvent être responsable de trouble de la mémoire sémantique.
Mémoire non déclarative Regroupe un ensemble disparate de capacités mnésiques non conscientes et difficilement verbalisables: mémoire procédurale, effets d’amorçage, conditionnement classique. Des lésions sous-corticales, principalement striatales (noyau caudé, putamen), ont été associées aux troubles de la mémoire procédurales. Les effets d’amorçage relèvent du néocortex; le cervelet et l’amygdale interviennent dans le conditionnement.
déclarative (implicite) Mémoire déclarative (explicite) Mémoire non déclarative (implicite) Conditionnement Mémoire épisodique (événementielle) cervelet, amygdale diencéphale région interne du lobe temporal Amorçage visuel et perceptif Mémoire sémantique néocortex région temporale antérieure complexe amygdalien Mémoire procédurale noyau caudé putamen
Le cas de H.M.
L’hippocampe
L’hippocampe Le passage de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme s’effectue grâce à l’hippocampe. Toutes les informations décodées dans les différentes aires sensorielles du cortex convergent vers l’hippocampe qui les retourne ensuite d’où elles viennent. C’est un peu comme un centre de tri qui comparerait ces sensations nouvelles avec celles déjà enregistrées. L’hippocampe crée ainsi des liens entre les différentes caractéristiques d’une chose.
Mémoire à long terme L’hippocampe, les structures corticales qui l’entourent, ainsi que les voies nerveuses qui les relient à l’ensemble du cortex sont grandement impliquées dans la mémoire déclarative. L’hippocampe joue un rôle primordial dans la mémoire épisodique. C’est l’hippocampe qui semble nous permettre de « rejouer la scène » en réactivant différentes régions corticales.
Mémoire à long terme: au delà de l’hippocampe Mais au bout d’un certain temps, ces différentes régions corticales activées lors d’un événement deviendraient fortement liées entre elles et pourraient se passer du travail de l’hippocampe comme agent de liaison. Les souvenirs encodés depuis longtemps dans la mémoire à long terme peuvent se passer de l’hippocampe; c’est le cas des connaissances générales de la mémoire sémantique qui activent plutôt le cortex frontal et le cortex temporal (l’activité du lobe temporal correspondrait à l’activation du fait en question et celle du cortex frontal à son accession à la conscience). Contrairement aux faits et aux évènements, notre mémoire spatiale demeurerait, elle confinée à l’hippocampe. Et plus précisément à l’hippocampe droit. Celui ci aurait la capacité de recréer une carte mentale de l’espace.
Mémoire « émotive » et mémoire procédurale Certains souvenirs très intenses, mettant en jeu ce qu’on appelle parfois la mémoire émotive, impliqueraient en plus de l’hippocampe, l’amygdale. D’autres structures du système limbique contribuent à encoder nos souvenir de façon durable. La mémoire procédurale ne solliciterait pas du tout l’hippocampe. Elle serait associée à des modifications dans le cervelet, les ganglions de la base et le cortex moteur.
Organisation fonctionnelle L’hippocampe, les lobes temporaux, et les structures du système limbique qui leur sont reliées, sont essentiels à la consolidation de la mémoire à long terme. L’hippocampe faciliterait l’association entre différentes régions corticales. Cependant, ce couplage s’estomperait naturellement pour ne pas engorger la mémoire de souvenir inutiles. Un souvenir va être renforcé et va être consolidé dans la mémoire à long terme en fonction de facteurs « limbiques »: intérêt suscité par l’événement, charge émotive, contenu gratifiant.
Le circuit de Papez L’influence des différentes structures limbiques qui s’exerce sur l’hippocampe et le lobe temporal se fait par l’entremise du circuit de Papez. L’information transite successivement de l’hippocampe aux corps mammilaires de l’hypothalamus, au noyau antérieur du thalamus, au cortex entorhinal pour revenir à l’hippocampe.
Organisation fonctionnelle Après avoir été « repassées » un certain nombre de fois dans le circuit de Papez, ces associations vont se consolider. Elles deviendront indépendantes de l’hippocampe. Avec ce désengagement du système limbique, les souvenirs ne transitent plus par le circuit de Papez. Ils se retrouvent encodés dans des zones spécifiques du cerveau correspondant aux régions où les informations sensorielles ont été reçues (cortex occipital pour les souvenirs visuels, temporal pour les souvenirs auditifs,…)
Langage
Aire de Broca et aire de Wernicke L’aire de Broca située au niveau du cortex frontal inférieur gauche habituellement associée à la production du langage. L’aire de Wernicke située dans la partie supérieure et postérieure du lobe temporal est associée au traitement des paroles entendues. L’aire de Broca et l’aire de Wernicke sont connectées par un important faisceau de fibres nerveuses appelé faisceau arqué.
Grandes variations ! Au fil des ans, et surtout depuis l’avènement de l’imagerie cérébrale les frontières anatomiques et fonctionnelles des aires du langage ont beaucoup varié. Il semble de plus en plus probable cependant, que ces variations reflètent l’existence de plusieurs sous-régions aux fonctions distinctes.
L’aire de Broca Aire de Broca: chevauchement des aires 44 et 45 de Brodmann. Chacune semble avoir une fonction particulière. La partie postérieure (aire 44) serait impliquée dans le traitement phonologique et la production du langage. La partie antérieure (aire 45) serait d’avantage impliquée dans les aspects sémantiques du langage (participe à la mémoire verbale, sélection et manipulation d’éléments sémantiques).
L’aire de Wernicke L’aire de Wernicke n’est plus perçue comme une région anatomique et fonctionnelle uniforme. Distinction de plusieurs sous-régions: une sous-région répondant à la parole (y compris celle du sujet), et aux autre sons; une autre qui répond uniquement à des paroles prononcées par quelqu’un d’autre en plus d’être activée par le rappel d’une liste de mots; et une autre qui serait davantage liée à la production de la parole qu’à la perception. Située entre le cortex auditif primaire (aire 41-42) et le lobe pariétal inférieur.
Troisième région indispensable: lobe pariétal inférieur Grâce à l’imagerie cérébrale, on a pu montré que le cortex pariétal inférieur était connecté à l’aire de Broca et à l’aire de Wernicke. L’information pourrait donc transiter entre ces deux régions soit par le faisceau arqué soit par le lobe pariétal inférieur.
Lobe pariétal inférieur Occupe un endroit clé dans le cerveau à l’intersection des cortex auditif, visuel et somatosensoriel avec qui il est massivement connecté. Les neurones de cette région sont « multimodaux » (capables de traiter simultanément des stimuli de différentes natures (auditif, visuel, …)). Il aiderait le cerveau à classifier et à étiqueter les choses.
Lobe pariétal inférieur Composé de deux régions distinctes: Le gyrus angulaire (aire 39); Le gyrus supramarginal (aire 40). Le gyrus supramarginal semble impliqué dans le traitement phonologique et articulatoire des mots. Le gyrus angulaire serait impliqué dans le traitement sémantique (le gyrus angulaire droit serait également actif, révélant ainsi une contribution sémantique de l’hémisphère droit dans le langage).
Modèle d’organisation selon Geschwind Selon ce modèle, chaque module prendrait en charge les différentes caractéristiques du langage (perception, compréhension, production, …) et seraient reliés entre eux par une chaîne de connections bien précises. Le son entendu est d’abord traité dans le cortex auditif primaire. Celui-ci transmet ensuite l’information à l’aire de Wernicke, qui associe la structure sonore avec la représentation d’un mot conservé en mémoire. …
Broca, Wernicke, … Cette boucle est présente dans l’hémisphère gauche chez environ 90% des droitiers et 70% des gauchers. Le langage étant l’une des fonctions traitée de manière asymétrique par le cerveau. On la retrouve également au même endroit chez les sourds-muets qui utilisent le langage des signes. Cette boucle ne serait donc pas spécifique au langage oral ou parlé, mais serait plus largement associée à la modalité principale du langage d’un individu.
Modèles cérébraux du langage parlé et écrit Modèle de Geschwind -Wernicke. Lors d’un échange verbal les mots sont perçus au niveau du cortex auditif puis transmis à l’aire de Wernicke. La lecture d’un mot écrit diffère par la porte d’entrée sensorielle: le cortex visuel primaire où il est perçu comme un motif graphique ensuite transmis au gyrus angulaire. Elle est ensuite transmise à l’aire de Wernicke.
Plus complexe … Au moins deux systèmes neuronaux disctinctes impliqués dans le lecture: Le cerveau lirait principalement en traduisant les caractèrent éctits en ses éléments phonologiques correspondant dans le langage oral; Le cerveau ferait aussi le lien entre l’image complète du mot écrit et sa signification (un rappel qui pourrait « court-circuiter » la correspondance avec la signature phonologique du mot. Partie moyenne du gyrus temporal inférieur (aire 37) impliqué dans la lecture ou le fait de nommer un objet ou une lettre.
Remise en question Remise en question de ce modèle de Geschwind. Existerait des zones de convergence et d’une conception plus distribuées des aires du langage. Cette conception sous-tend un codage et un traitement en parallèle de l’information.
Modèle de Mesulam Modèle de Mesulam: modèle en réseaux hiérarchisés où le traitement de l’information procède par paliers de complexité. Exemple: Pour les traitements simples, comme dire les mois de l’année dans l’ordre, les aires motrices et prémotrices du langage sont directement activées. Dire un énoncé nécessitant une analyse sémantique et phonologique plus poussée fera intervenir d’autres aires en amont des aires motrices.
Études d’imagerie cérébrale montrent que certaines régions cérébrales sont davantages impliquées dans la réalisation d’une tâche.
L’accès au sens semble fonctionner selon des catégories qui sont localisées physiquement dans le cerveau: La catégories « personnes célèbres » est perdues quand le pôle temporal est touché; La catégorie « animaux » quand la lésion à lieu dans la partie intermédiaire et inférieur du lobe temporal. Il semble aussi que les réseaux qui participent à l’encodage des mots fassent appel à des aires faisant partie du système moteur et visuel: Nommer des outils active les aires prémotrices frontales; Nommer des animaux recrute des aires visuelles.
Hémisphère droit et langage La communication entre deux personnes ne passe pas seulement par le langage verbal. Éléments non-verbaux: apparence physique, habillement, maintien, attitude générale, gestes, mimiques, … transmettent une une coloration et une certaine charge émotionnelle au discours. La prosodie: la musique ou mélodie du langage: variations de tonalité, d’intonation et de rythme qui modifient le sens de nos paroles.
Hémisphère droit et langage Il est utile de distinguer entre le langage verbal (sens littéral des mots), et tout ce qui enrobe les mots et leur donne une connotation particulière. C’est l’hémisphère gauche qui permet de formuler et de comprendre le sens des mots et des phrases. C’est l’hémisphère droit qui s’occupe de la connotation émotionnelle des mots qui est transmise par la musique de la langue.
Hémisphère droit et langage: la prosodie La prosodie: fait référence à l’intonation et à l’accentuation des phonèmes. Ainsi, un patient à l’hémisphère droit cérébrolésé dont la prosodie est déficiente est incapable d’exprimer une émotion réellement ressentie de façon adéquate. Par conséquent elle se comporte et tient des propos semblant manquer d’affectivité.
Hémisphère droit et langage: organisation du discours Atteinte des règles qui régissent la construction du discours. On note ainsi chez certains patients une moins grande capacité à distinguer les indices permettant d’établir un contexte communicationnel, les nuances apportées par certains mots, les intentions du locuteur, le langage corporel ou les conventions sociales.
Hémisphère droit et langage: compréhension du langage non-littéral On estime que la moitié des phrases que l’on prononce ne désigne pas littéralement ce qu’on veut dire, du moins pas totalement. C’est la cas de l’ironie, des métaphores (« ce professeur est un somnifère »)et des actes de langage indirects (« je ne sais pas qu’elle heure il est »), tous reliés aux intentions des locuteurs.
En résumé
Les aires du langage Les aires corticales: Aire de Broca: Classiquement aires 44 et 45 de Brodmann. En fait élargie Au cortex avoisinant (opercule rolandique, partie inférieure de la frontale ascendante), A la substance blanche sous-jacente à cette région, Et à l’insula dans sa partie antéro-postérieure.
Les aires du langage Les aires corticales: Aire de Wernicke: Classiquement aires 22 de Brodmann. Certains y ajoutent le lobule pariétal inférieur.
Les aires du langage Les aires corticales: Aire motrice supplémentaire: Face interne du lobe frontal gauche.
Les aires du langage Les aires corticales: Autres aires intervenant dans la production du langage: Le gyrus supramarginal. La seconde circonvolution temporale.
Les aires du langage Les aires sous-corticales: Le thalamus: Les principaux noyaux semblant impliqués dans les processus linguistiques sont le Pulvinar, les noyaux ventral latéral et ventral antérieur.
Les aires du langage Les aires sous-corticales: Le complexe lenticulo-caudé et les capsules.
Aspect anatomo-fonctionnel Une aire péri-sylvienne comprenant l’aire de Broca, l’aire de Wernicke, le gyrus supramarginal et les faisceaux de substance blanche les reliant. Une vaste aire marginale, située en périphérie de la première, comprenant les régions préfrontales et le carrefour temporo-pariéto-occipital dont le gyrus angulaire et les régions temporales inférieures. Les noyaux gris centraux (thalamus, noyau caudé, noyau lenticulaire).
Aire péri-sylvienne Cette vaste aire prendrait en charge les aspects phonétiques, phonémiques et syntaxiques du langage avec: Pour l’aire de Wernicke une fonction principale de décodage et d’encodage phonémique. Pour l’aire de Broca une fonction de programmation phonétique.
Aire marginale Cette vaste aire assure: Les aspects intentionnels du discours pour les régions préfrontales; Les aspects lexico-sémantiques pour le carrefour temporo-pariéto-occipital.
Et les autres … Les noyaux gris centraux auraient globalement une action activatrice sur les aires prémotrices et une action de contrôle de l’adéquation sémantique de l’ébauche du message. L’hémisphère droit présenterait une activité « mineure » dans le langage: Les aspects prosodiques du discours aussi bien en compréhension qu’en expression plus pour la prosodie émotionnelle que pour la prosodie linguistique. Certains aspects lexico-sémantiques mal définis, …
Sémiologie Aphasie non fluente Aphasie fluente Aphasie globale Aphasie de Broca Anarthrie pure Aphasie transcorticale motrice Aphasie transcorticale mixte Aphasies sous-corticale Aphasie fluente Aphasie de Wernicke Aphasie de conduction Surdité verbale Aphasie amnésique Aphasie transcorticale sensorielle Alexie-agraphie du pli courbe
Les praxies
L’apraxie L’apraxie est un trouble acquis du comportement gestuel intentionnel, consécutif à une déficience de la programmation de l’activité motrice volontaire. En l’absence d’atteinte motrice, sensitive, cérébelleuse ou intellectuelle (compréhension, gnosie, ....).
Les centres praxiques Sont essentiellement situés dans le lobe pariétal de l’hémisphère dominant. Localisés dans le pli courbe et le gyrus supra-marginalis (+ région centrale gauche avec la pariétale ascendante et la frontale ascendante, et le pied des première et deuxième circonvolutions frontales) Sont en étroites liaison avec l’hémisphère droit par l’intermédiaire du corps calleux
Liaison avec hémisphère droit par l’intermédiaire du corps calleux. Ces fibres associatives transmettent la commande en provenance des centres gauches vers l’hémisphère mineur et permettent ainsi l’action synergique des deux hémisphères. Les voies d’exécutions sont croisées, au même titre que les voies motrices qui en constituent le support.
Formes cliniques Toute activité motrice volontaire implique la réalisation de gestes élémentaires. S’il s’agit d’un acte complexe, l’individu doit d’abord le concevoir dans son ensemble, coordonnant ainsi les différents gestes élémentaires qui le constituent et qui sont nécessaire à l’obtention du but poursuivi. Tout geste doit ainsi être programmé avant d’être réalisé et différents types d’apraxie peuvent se rencontrer en fonction de la complexité gestuel.
Formes cliniques Le trouble peut affecter la réalisation du geste élémentaire, c’est l’apraxie idéomotrice. Il peut porter sur la conception du schéma nécessaire à la réalisation d’un acte complexe, alors que les gestes élémentaires pris isolément sont correctement exécutés, c’est l’apraxie idéatoire. Le trouble peut n’apparaître que si l’activité réalisée par le sujet implique une construction dans le domaine visuospatial, c’est l’apraxie constructive.
Autres types d’apraxie Il est classique de décrire certaines formes spécialisées d’apraxie: l’apraxie de l’habillage, l’apraxie de la marche, l’apraxie bucco-faciale. L’apraxie mélokinétique se situerait à mi-chemin entre une parésie et une apraxie proprement dite.
En fait d’autres conceptions possibles A côté de cette vision classique, Hécaen suggère de dissocier les patients en fonction du type de geste déficitaire, notamment avec ou sans objet.
Autres conceptualisations: l’apraxie idéomotrice L’apraxie idéomotrice correspondant alors par des difficultés dans la réalisation sur ordre verbal ou sur imitation visuelle de gestes porteurs ou non d’une signification et ceci sans objet. Différents types d’apraxie idéomotrice pour geste : sans signification, avec signification de type expressif ou de pantomime (geste réflexif ou non réflexif).
Autres conceptualisations: l’apraxie idéatoire L’apraxie idéatoire : perturbations de gestes impliquant des manipulations d’objets réels qui doivent bien entendu être parfaitement identifiés.
Les différentes formes d’Apraxie L’apraxie est souvent définie comme une pathologie du geste chez des sujets ne présentant pas de déficits sensori-moteurs, pas de trouble de la compréhension ni de détérioration mentale importante. Différentes formes d’apraxies: apraxie idéatoire, apraxie idéomotrice, apraxie motrice, mais également apraxie constructive, de l’habillage, ...
Le geste selon Liepmann Le geste volontaire résulte d’une projet idéatoire appliqué à des formules kinétiques segmentaires. Il existe un seul mécanisme pour l’apraxie dont les différentes formes correspondent à des atteintes sélectives des différents niveaux psychologiques de l’acte volontaire.
Modèle classique L’apraxie idéatoire L’apraxie idéomotrice L’apraxie motrice
L’apraxie idéatoire Elle touche la conception d’ensemble du geste. Elle consiste en une difficulté ou une incapacité à réaliser une suite d’actions destinées à un but (allumer une bougie avec une boîte d’allumette). C’est une atteinte de la représentation d’une action, un déficit du projet idéatoire. Elle est attribuée à une lésion hémisphérique gauche de la jonction pariéto-occipitale (gyrus angulaire et supramarginalis).
L’apraxie idéomotrice Elle touche la relation entre le projet idéatoire et la formule kinétique. C’est une perturbation des actes simples intentionnels contrastant avec une préservation de l’exécution automatique de ces mêmes actions. Les troubles sont observés dans les tâches exécutées sur ordre et sur imitation. Elle est attribuée à une lésion du lobule pariétal inférieur et du gyrus supramarginalis.
L’apraxie motrice L’apraxie motrice (ou mélokinétique) correspond à une perte des souvenirs cinétiques propres à un membre.
Spécificité hémisphérique Ces représentations abstraites sont situées dans les deux hémisphères, mais leur mise en jeu s’effectue avec certaines différences: L’utilisation des objets en situation naturelle active des régions pariétales gauches et droites; L’exécution d’un geste symbolique, la manipulation d’objets en dehors de la situation naturelle (en réponse à une consigne orale) dépend seulement des aires pariétales gauches. Globalement, les gestes pour lesquels le cortex pariétal joue un rôle, ont en commun d’être dirigés vers un objet perçu visuellement, de posséder un caractère motivant pour le sujet et d’être situés dans l’espace de préhension.
Les gnosies
Gnosies visuelles Les connaissances issues de la perception visuelle constituent les gnosies visuelles. Elles ont trait: À la nature des différents éléments qui constitue le monde visuel; À leur organisation dans l’espace. Deux types d’information seraient traités par des structures anatomiques distinctes: Connaissance des objets (agnosie d’objet); Connaissance de l’espace (agnosie spatiale).
Les voies visuelles Se projettent sur le cortex visuel. Mais aussi sur d’autres structures cérébrales: le noyau suprachiasmatique de l’hypothalamus (participant à la génèse des rythmes circadiens); Les noyaux prétectaux (contrôlant la fixation du regard et déclenchant le réflexe photomoteur); Les tubercules quadrijumeaux supérieurs (orientant le regard en fonction de stimulations extérieures); Les noyaux oculo-moteurs du tronc cérébral (gouvernant les mouvements des yeux vers une cible).
Aires corticales Les neurones constituant les voies optiques se terminent au niveau du cortex visuel primaire, dans l’aire V1, ou striée (ou 17 de Brodmann). L’information est ensuite transmise à une trentaine d’aires visuelles avoisinantes, non seulement occipitales, mais aussi temporales et pariétales.
Deux grands courants: P et M Ces aires ce répartissent en fonction de deux grands courants P et M. Un courant ventral traite les données issues de l’aire P. Il comprend l’aire V4 indispensable à la perception des couleurs. Ce courant ventral, occipito-temporal, permet l’analyse de la forme de l’objet (courant du « quoi »), et permet de lui assigner une signification. Le courant dorsal, occipito-pariétal, comprend l’aire V5 qui perçoit les mouvements. Son rôle dans la localisation spatiale est crucial (courant du « où »).
La voie ventrale Aurait pour mission fondamentale de permettre la perception, la reconnaissance et l’identification des objets en traitant leurs propriétés: Forme; couleur; poids; etc. Dans les aires corticales contribuant au système ventral, des représentations de plus en plus complexes et spécialisées du monde extérieur s’élaborent.
La voie dorsale Aurait pour mission fondamentale d’assurer le contrôle visuo-moteur sur les objets en traitant leurs : Propriétés « extrinsèques » (celles qui sont critiques pour leur saisie); Position spatiale; Orientation; Taille.
Fonctions visuelles élaborées Leur étude correspond à l’examen des agnosies. Les formes sont perçues par les régions occipitales des deux hémisphères: L’hémisphère gauche scrute détail par détail; L’hémisphère droit perçoit mieux la globalité de la forme.
L’hémisphère droit Il attribue une signification pragmatique, manière dont on utilise les objets. Il associe l’objet à des objets de fonction proche (processus connotatif) et effectue une catégorisation superordonnée (un animal, un aliment, une personne familière, …). La spécialisation hémisphérique s’exprime encore dans la capacité largement supérieure de l’hémisphère droit à traiter les visages. Cortex occipito-temporal droit impliqué dans la reconnaissance des « entités uniques », dont les visages sont l’exemple le plus représentatif.
L’hémisphère gauche Il sélectionne une sémantique richement verbale, plus « encyclopédique », plus précise (processus dénotatif). Il accède à la sémantique pragmatique d’emploi. Il dénomme la chose vue. Cortex occipito-temporal gauche joue un rôle prépondérant pour la reconnaissance des objets, l’identifications des couleurs et la lecture.
L’Agnosie L’agnosie est la perte, liée à une atteinte cérébrale, de la capacité à identifier les stimuli de l’environnement à travers une modalité perceptive donnée, en l’absence de trouble sensoriel ou de déterioration intellectuelle notable.
Agnosie visuelle: agnosie aperceptive/agnosie associative L’agnosie aperceptive relèverait d’un déficit des processus perceptifs, empêchant de construire une représentation interne d’un objet (surviendrait lors d’une lésion pariétale droite). Dans l’agnosie associative, les processus perceptifs seraient préservés, mais la représentation de l’objet « correctement construite n’est pas associée aux propriétés fonctionnelles et sémantiques de l’objet », d’où l’échec à comprendre sa signification (le plus souvent liées à des lésions des régions occipito-temporales inférieures gauches).
Différents types d’agnosie Agnosie visuelle des objets (cortex occipito-temporal inférieur et moyen). Agnosie des visages: prosopagnosie (cortex occipito-temporales inférieures souvent bilatérales, mais parfois unilatérales droites). Agnosie des couleurs, …
Lobes frontaux, syndrome frontaux et fonctions exécutives
Lobe frontal Trois zones: Aire motrice primaire (commande de la motricité élémentaire); Aire prémotrice (organisation et contrôle des mouvements fins et séquentiels, initiation du mouvement, langage…); Aire préfrontale (aspects élaborés du comportement).
Cortex préfrontal Contrairement aux autres lobes, il est dépourvu de connexions directes avec les voies sensorielles ou motrices. Il présente des connexions importantes avec les autres structures corticales et sous-corticales comme le thalamus. Un jeu complexe de boucles activatrices et inhibitrices reliant notamment les noyaux du thalamus et diverses régions du cortex préfrontal régule ainsi les fonctions intégratrices dévolues à ces dernières.
Syndrome frontal Le terme de syndrome « frontal » désigne en fait les troubles liés à des lésions ou à des dysfonctionnements du cortex préfrontal. Trois régions sont différenciées au sein du cortex préfrontal: La région dorsolatérale située sur la face convexe des hémisphères; La région fronto-médiane située sur la face interne; La région orbito-frontale ou ventrale.
Troubles consécutifs à des lésions préfrontales 1. Troubles de la personnalité et de l’humeur (pseudo-dépressif: lésions dorsolatérales; moriatique: lésions orbito-frontales). 2. Troubles de la perception: inattention aux stimulations extérieures distractibilité (cortex dorso-latéral). 3. Troubles du comportement moteur: persévération, programmation, utilisation, imitation. 4. Troubles des conduites verbales: logorrhée (cortex orbito-frontal), réduction du discours (cortex dorso-latéral). 5. Troubles de la mémoire: récupération d’informations sémantiques et encodage en mémoire épisodique (cortex préfrontal gauche), récupération d’informations épisodiques (cortex préfrontal droit). 6. Troubles des fonctions exécutives.
Pour conclure Ces bases anatomo-fonctionnelles nous aident à comprendre au moins partiellement la complexité des processus cognitifs. D’autres fonctions cognitives n’ont pas été abordés (amusie, calcul et traitement des nombres, attention, …) et d’autres structures sont impliquées dans les processus cognitifs (cervelet, noyaux gris centraux, …).