Vaccination et responsabilité médicale Exposé du 18 mars 2014 par M. Patrick mairÉ , magistrat, président des commissions de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux des régions aquitaine, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes et limousin
PRINCIPES GENERAUX Le régime de responsabilité est fondé d’une part sur les principes de la responsabilité des produits défectueux et d’autre part sur le principe de la responsabilité pour faute selon la nature du mis en cause: - Fournisseur ou producteur ( labo) : responsabilité sans faute du fait de la défectuosité du produit - Utilisateur ( médecin libéral) : responsabilité pour faute sauf si établissement public de santé
Régime sparticuliers engageant la responsabilité de l’Etat au travers de l’ONIAM - Vaccinations obligatoires (2013 : 12 demandes nouvelles, 41 dossiers examinés , 37 dossiers rejetés) - Vaccination contre la grippe H1N1 ( 2013: 12 dossiers examinés , 3 rejets. 9 offres d’indemnisations; 34 dossiers sont en cours d’instruction.
1. La responsabilité du producteur/fournisseur Directive du Conseil de L’Union Européenne du 25 juillet 1985 transposée dans les articles 1386-1 et suivants du code civil : Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime (article 1386-1). Un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre (article 1386-4 ),
Qu’est ce qu’un produit défectueux Produit n’offrant pas la sécurité à laquelle le « consommateur » peut légitimement s’attendre Il ne s’agit pas de simples effets indésirables du produit auquel le patient peut légitimement s’attendre et qui sont mentionnés dans la notice du médicament. La réalisation d’un dommage n’est pas suffisante pour conclure que le produit est défectueux ( jurisprudence), Il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ( art, 1386-4),
Qu’est ce qu’un produit défectueux ( suite) L’appréciation du caractère défectueux se fait par rapport à une victime déterminée et non au regard d’un rapport bénéfice/risque en terme de Santé Publique
Qu’est ce qu’un produit défectueux ( suite) Le produit peut être considéré comme défectueux même s’il a bénéficié d’une AMM La preuve scientifique d’un lien de causalité scientifique n’est pas exigée : l’imputabilité est fondée sur l’existence de présomptions graves, précises et concordantes du caractère défectueux des doses administrées Exemples ../..
Jurisprudence Produits défectueux Cour de Cassation 26 septembre 2012 (n° 11-17.738): Un patient reçoit trois doses d'un vaccin contre l'hépatite B en décembre 1998, janvier et juillet 1999, et présente les symptômes de la sclérose en plaques à partir d'août 1999. La Cour d'appel de Versailles, après avoir admis l'implication du vaccin dans l'apparition de la maladie, avait écarté la responsabilité du fabricant, au motif que le rapport bénéfice-risque au niveau de la population générale n'avait jamais été remis en question, excluant de ce fait un défaut de sécurité du produit La Cour de cassation casse l'arrêt au motif : « qu'en se déterminant ainsi, par une considération générale sur le rapport bénéfice-risque de la vaccination, après avoir admis, en raison de l'excellent état de santé antérieur de Jack X., de l'absence d'antécédents familiaux et du lien temporel entre la vaccination et l'apparition de la maladie, qu'il existait des présomptions graves, précises et concordantes permettant de dire que le lien causal entre la maladie et la prise du produit était suffisamment établi, sans examiner si les circonstances particulières qu'elle avait ainsi retenues ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir le caractère défectueux des trois doses administrées à l'intéressé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision
Jurisprudence Produits défectueux Cour de Cassation 10 juillet 2013 (décision 12-21,314) Mme X... a reçu, entre 1986 et 1993, plusieurs injections de vaccins, contre l’hépatite B, renouvelées du fait qu’elle ne développait pas d’anticorps, qu’à partir de la fin de l’année 1992, elle s’est plainte d’épisodes de paresthésie des mains puis, en 1995, d’un état de fatigue et de troubles sensitifs, qu’elle a dû cesser de travailler en juillet 1998, que le diagnostic de sclérose en plaques a été posé en décembre 1998 , « …en se déterminant (,,) par une considération générale sur le rapport bénéfice/risques de la vaccination, après avoir admis qu’il existait en l’espèce des présomptions graves, précises et concordantes tant au regard de la situation personnelle de Mme X... que des circonstances particulières résultant notamment du nombre des injections pratiquées, de l’imputabilité de la sclérose en plaques à ces injections, sans examiner si ces mêmes faits ne constituaient pas des présomptions graves précises et concordantes du caractère défectueux des doses qui lui avaient été administrées, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision
Observations La définition de la défectuosité tirée du lien de causalité entre l’administration du vaccin et la survenue du dommage pourrait encore être discutée . La simplification médiatique peut se révéler néfaste en termes de santé publique : c’est bien souvent le processus vaccinal qui est en cause plus que le produit lui-même sans qu’il soit possible de faire la distinction. Les délais pour agir sont plus courts qu’en droit commun: délai de prescription = 3 ans à compter du dommage / délai de forclusion = 10 ans à compter de la mise en circulation du produit
2. La responsabilité du médecin libéral en matière de vaccination A la différence du laboratoire ( fournisseur ou fabricant) le médecin qui administre le vaccin est considéré comme un utilisateur, A ce titre il échappe au régime juridique de la directive de 1985 c’est-à-dire au régime d’une responsabilité sans faute, A priori sa responsabilité sans faute pourrait toutefois être retenue sur le fondement de l’article L,1142-1 du CSP qui soumet « les professionnels de santé » au régime de responsabilité sans faute du fait d’un défaut du produit de santé, Mais la jurisprudence en décide autrement. ../..
La responsabilité du médecin libéral Jurisprudence Cour de cassation : 12 juillet 2012 ( n°11-17-510) Une prothèse testiculaire explose lors d’une partie de tennis, La responsabilité du chirurgien qui avait posé cette prothèse est recherchée sur le manquement à son obligation de sécurité résultat ( jurisprudence alors en vigueur), La cour de cassation écarte cette responsabilité en retenant que la responsabilité des prestataires de soins « ne peut être recherchée que pour faute lorsqu’ils ont recours aux produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de leur art ou à l’accomplissement d’un acte médical »
La responsabilité du médecin libéral Jurisprudence Cour de cassation : 20 mars 2013, n° ?12-12,300 Une patiente met en cause le chirurgien-dentiste en se plaignant de douleurs persistantes en lien selon elle avec une mauvaise exécution de la mise en place de deux inlays et quatre couronnes inlay-cores, La cour de cassation rejette le pourvoi au motif suivant : « (..) attendu qu'ayant constaté que les prestations de M. Y..., qui comprenaient la conception et la délivrance d'un appareillage, étaient opportunes, adaptées et nécessaires eu égard à la pathologie de Mme X..., que les soins avaient été dispensés dans les règles de l'art en fonction de la difficulté particulière du cas de la patiente et que les résultats obtenus correspondaient au pronostic qu'il était raisonnable d'envisager, la cour d'appel a, par ces motifs, exclusifs d'une faute quelconque imputable à M. Y..., légalement justifié sa décision »,
Nature de la faute médicale et vaccination 1. Manquement à l’obligation d’information : préjudice autonome indemnisable dès lors qu’un dommage est survenu ( art. L 1111-2 CSP) 2. Maladresse, négligence, violation des règles de l’art 3. Infection ( le médecin n’est pas responsable de plein droit de l’infection contractée lors d’un acte de soins réalisé à son cabinet à la différence du régime applicable aux infections nosocomiales en établissements de santé) Délai pour agir : 10 ans à compter de la consolidation
3. Responsabilité de l’établissement public de santé Conseil d’Etat 25 juillet 2013 n° 339922 Défectuosité d’une prothèse totale de genou implantée dans un CHU. « le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise »
4. L’indemnisation par la solidarité nationale ( ONIAM) Loi du 04 mars 2002 Affection iatrogène Si : - pas de faute - pas de responsabilité de plein droit d’un établissement - pas de défectuosité du produit - conséquence anormale au regard de l’état antérieur. Exemple : pilule contraceptive et AVC