RESPONSABILITÉ CIVILE DES ADMINISTRATEURS DE FONDATIONS Tom VANRAES Avocat associé (De Broeck Van Laere Van Camp Coopman) Séminaire Réseau belge des fondations - 14 décembre 2007 -
Responsabilité interne des administrateurs Contenu du séminaire Introduction Principes généraux Responsabilité interne des administrateurs Responsabilité externe des administrateurs Techniques pour limiter la responsabilité des administrateurs
Organes de la fondation I. INTRODUCTION Organes de la fondation Pas d’assemblée générale Conseil d’administration: obligatoire Organe de gestion journalière: facultatif Organe de représentation: facultatif Autres “organes” (conseils, contrôle,…)
contrat au nom et pour le compte de administrateur II. PRINCIPES GÉNÉRAUX Aucunes obligations personnelles relatives aux engagements et fautes en relation avec la fondation: théorie de l’organe (art. 36 Loi) contrat fondation faute tiers organe contrat au nom et pour le compte de administrateur
Cependant, responsabilité individuelle et personnelle à deux niveaux: II. PRINCIPES GENERAUX Cependant, responsabilité individuelle et personnelle à deux niveaux: - au regard de la fondation même (responsabilité contractuelle) = interne administrateur fondation - au regard des tiers (responsabilité extracontractuelle : faute) = externe administrateur tiers
II. RESPONSABILITÉ INTERNE II.1. Principes - contractuelle: au regard de la fondation (contrat de mandat) administrateur fondation - administrateur personnellement responsable des fautes qu’il commet dans l’exercice de son mandat - Fautes: 1) fautes de gestion 2) infraction à la loi + statuts - mission en ordre subsidiaire (employé): seulement responsable pour dol, fautes lourdes et de sa faut légère si celle-ci représente un caractère habituel (art. 18 L.C.T.)
II. RESPONSABILITÉ INTERNE Obligation de moyen Critère: bon père de famille (bonus pater familias), in abstracto vs. in concreto (mêmes circonstances) Contrôle marginal Pas de jugement a posteriori Administrateur rémunéré vs. administrateur non rémunéré moins fort?
II. RESPONSABILITÉ INTERNE Fautes de gestion: exemples tirés de la jurisprudence: - gestion négligente - attitude passive sur la diminution de l’actif - mener des compagnes publicitaires inutilement coûteuses (Comm. Huy 7 juin 1960, R.P.S. 1962, nr. 5060n p. 154) - ne pas atteindre le but statutaire - convenir d’engagements dont on sait ou devait savoir que la personne morale ne pouvait pas les exécuter (Comm. Liège 8 février 1989, T.R.V. 1989) - négliger de souscrire une assurance incendie - autoriser des crédits sans les garanties nécessaires - formes de crédit inutilement chers - ne prendre aucune mesure afin de limiter les conséquences désavantageuses du non respect d’un contrat (Comm. Bruxelles 27 avril 1978, R.P.S. 1978, nr. 6000, p. 276)
II. RESPONSABILITÉ INTERNE Infractions aux obligations légales : La tenue d’une comptabilité conformément à la loi sur la comptabilité (art. 37, §3) L’établissement (provisoire) des comptes annuels et du budget (art. 37, §1) Le dépôt (provisoire) des comptes annuels et du budget (art. 37, §6) Le respect de la procédure en matière de modification des statuts (art. 30) Le dépôt de certains actes dans le dossier de la fondation (art. 31) - …
II. RESPONSABILITÉ INTERNE Infractions aux dispositions statutaires : Laisser la fondation commercer hors du champs de son objet social Non respect des clauses statutaires en matière de conflits d’intérêts Attribution d’une rémunération aux administrateurs alors que les statuts l’excluent
II. RESPONSABILITÉ INTERNE II.2. Qui intente l’action? Actio mandati Fondation Décision du Conseil d’Administration Corporate governance Organe ad hoc Pas d’action minoritaire comme dans les sociétés
II. RESPONSABILITÉ INTERNE II.3. Contre qui l’action est introduite? Uniquement contre l’administrateur qui a commis une faute Pas de solidarité (pas prévu dans la loi) (contrairement aux sociétés) Mais jurisprudence: responsabilité solidaire tout de même: - si faute commune de plusieurs administrateurs (un faute que plusieurs administrateurs commettent ensemble en contribuant sciemment à produite un fait dommageable) (Cass. 15 février 1974, Arr. Cass. 677) - si fautes concurrentes (fautes lorsque sans la faute d’un des administrateurs, la faute de l’autre n’aurait pas suffit à causer le dommage) (Cass. 15 février 1974, Arr. Cass. 677)
II. RESPONSABILITÉ INTERNE II.4. Moyens de défense décharge valable (cfr. infra) démission (cfr. infra) prescription (cfr. infra) mauvaise défense: - “Ils avaient besoin de trois administrateurs” (mandat papier) - manque de connaissance ou d’expérience (celui qui n’est compétent doit refuser la mandat) (Gand 3 mars 1992, R.W. 1992-93, 1138)
III. RESPONSABILITÉ EXTERNE III.1. Principes fondation tiers administrateur Responsabilité extracontractuelle : faute (article 1382 C.Civ) - faute - dommage - lien causal
III. RESPONSABILITÉ EXTERNE Faute: Violation d’une disposition légale Violation de l’obligation générale de prudence Faute de gestion (violation de la convention entre l’administrateur et la fondation) n’est pas nécessairement une faute au sens de l’article 1382 C.Civ.
III. RESPONSABILITÉ EXTERNE Violation d’une disposition légale ex. administrateurs d’une radio libre sans SABAM (Anvers 16 octobre 1995, A.M. 1998,32); ex. administrateurs d’un manège organisent un évènement sans SABAM (Cass. 25 mai 1972, Arr. Cass. 1972, 899); = violation loi sur les droits d’auteur
III. RESPONSABILTÉ EXTERNE Violation du devoir d’exactitude - faute d’un administrateur rendant difficile le respect des engagements contractuels de la personne morale - l’administrateur maintient manifestement et de manière déraisonnable une activité à perte (comp. Gand 31 octobre 1996, T.R.V. 1997,33 / Gand 27 octobre 1995, R.W. 1997-1997, 1373) - administrateur qui prend des engagements dont il sait ou doit savoir que l’asbl ne pourra jamais les respecter (Liège, 3 mars 1992, R.P.S. 1992, 127; Cass. 22 septembre 1988, Arr. Cass. 1988-89, 91) - négligence de verser le précompte professionnel (Turnhout, 14 juin 2002, T.R.V. 2002, 461) - négligence de payer les salaires des employés (Trav. Anvers, 1 octobre 1998, Soc. Kron. 1999, 31)
III. RESPONSABILTÉ EXTERNE III.2. Quid précompte professionnel et TVA? Avant Loi progr. 20/07/2006 Jurisprudence divergente Art. 1382 C.Civ./art. 86 AR CIR 1992 Depuis Loi progr. 20/07/2006 Pour les personnes morales et “grandes” asbl - dispositions légales Art. 442quater CIR 1992 et art. 93undecies C Code TVA Responsabilité solidaire des administrateurs (journaliers) en cas de: Non –paiement répété 2 x en 1 an (si redevable trimestrielle) 3 x en 1 an (si redevable mensuelle) à condition d’un délai de régularisation d’un mois après la notification du receveur (mesures conservatoires autorisées)
III. RESPONSABILITÉ EXTERNE Pas de responsabilité si une procédure de concordat judicaire, de faillite ou de dissolution judicaire a été entamée (pour les asbl seulement la dissolution judicaire – législation sur les concordats judicaires et faillites n’est pas d’application) Nouvelle règlementation applicable aux fondations?
III. RESPONSABILITÉ EXTERNE III.3. Quid ONSS? obligation de communication (L. prog. 20/07/2006) Art.40ter loi ONSS (pour les “grandes” asbl) A.p.d. 2 dettes ONSS quadrimestrielles en 1 an Obligation de communiquer les créances ouvertes de la fondation aux clients et tiers Si pas ou pas juste: responsabilité solidaire de l’administrateur
III. RESPONSABILITÉ EXTERNE III.4. Qui introduit l’action extracontractuelle ? les tiers (créanciers, fisc, les personnes lésées, les victimes, …) est-ce que la fondation peut introduire une action extra contractuelle contre l’administrateur? - la relation fondation - administrateur est contractuelle - action en responsabilité extracontractuelle uniquement autorisée : - si la faute est en même temps une faute au niveau de l’obligation générale de prudence, et pas uniquement une violation du contrat de mandat entre la fondation et l’administrateur; - et si le dommage est autre que celui qui est dû à une mauvais exécution du contrat = théorie du concours
III. RESPONSABILITÉ EXTERNE III.5. Contre qui l’action peut-elle être introduite? Fondation (la fondation est responsable pour les fautes commises par ses administrateurs dans l’exercice de leurs fonctions (art. 36) Administrateur individuel et fondation ensemble (responsabilité in solidum, avec possibilité de action reconventionnelle de la fondation contre la personne physique) Administrateur individuel MAIS: quasi-immunité de l’agent exécuteur
III.4. Quasi-immunité de l’agent exécuteur Agent exécuteur = personne à qui la personne morale fait appel pour l’exécution de ses obligations contractuelles ex. moniteur de camps de vacances pour enfants (Cass. 26 oktober 1990, R.C.J.B. 1992, 497) fondation contrat parents moniteur Cour de Cassation: l’agent exécuteur est uniquement appelable par la partie contractuelle de son donneur d’ordre à condition du concours (la faute est un défaut au devoir général d’exactitude et pas seulement une faute contractuelle et le dommage est autre que le dommage dû à une mauvais exécution du contrat). Cour de Cassation: vaut également pour les organes des personnes morales Vaut uniquement si les tiers sont des partenaires contractuels de la fondation
IV. Techniques pour limiter les risques de responsabilité démission (et publication) décharge prescription assurance clause d’exonération pacte de garantie
IV. Techniques pour limiter les risques de responsabilité IV.1. Démission La démission est un acte juridique unilatéral: l’accord de la fondation n’est pas requis La démission doit avoir lieu à temps (pas d’influence sur la responsabilité concernant les fautes commises avant la démission: pas d’effet exonératoire!) Aucune exigence de forme (peut donc être orale) - Responsabilité interne: à partir de la notification de la démission - Responsabilité externe: démission opposable juste après la publication aux annexe du Moniteur belge (!) (art. 26novies, §3): si nécessaire forcer la fondation judiciairement ou même prendre l’initiative
IV. Techniques pour limiter les risques de responsabilité IV.2. Décharge Décharge = abandon de l’action en responsabilité par la personne morale Vaut uniquement en interne (à l’égard de la fondation), pas à l’égard des tiers! Uniquement valable si l’organe compétent (C.A./organe ad hoc) a pu juger de la véritable situation de la fondation: ex. pas si omission ou erreur commise dans les comptes annuels Peut être implicite ou explicite
IV. Techniques pour limiter les risques de responsabilité IV.3. Prescription Action en responsabilité de la fondation contre les administrateurs est prescrite en principe après 10 ans Action en responsabilité des tiers (extracontractuelle) est prescrite après 5 ans à dater du jour où le tiers prend connaissance du dommage et de l’identité de la personne responsable, et dans tous les cas après 20 ans à dater du jour de la faute Exception: si faute est aussi un délit: l’action civile ne peut être prescrite avant l’action pénale
IV. Techniques pour limiter les risques de responsabilité IV.4. Assurances Police d’assurance civile pour les mandataires Assurance souscrite par la fondation (qui paie également les primes), pas par l’administrateur Tous les administrateurs doivent être assurés (éviter que seuls les administrateurs assurés soient poursuivis) Couverture d’assurance uniquement pour les faits commis dans le cadre de l’exercice de leur mandat d’administrateur (ex. accident de voiture) Intérêt? - interne (chance d’encaissement) - externe: fondation sans intérêt? Attirer des administrateurs capables qui peuvent gérer sans être inquiétés par leur risque de responsabilité
IV. Techniques pour limiter les risques de responsabilité IV.5. Clause d’exonération Clause par laquelle la responsabilité est limitée Valable? Oui, si pas contraire à l’ordre public ou droit impératif, et si la clause n’a pas pour conséquence que l’engagement pris soit dénué de tout sens ou toute signification Discussion - contraire au droit exclusif C.A./organe ad hoc pour donner ou refuser la décharge - toujours possible de conclure une transaction par après Avantage pratique: - uniquement à l’égard des fondations, pas à l’égard des tiers - fautes légères: pas de responsabilité (contrôle marginal), fautes lourdes: exonération possible, mais ne dénue-t’elle pas le sens de la mission de l’administrateur?
IV. Techniques pour limiter les risques de responsabilité IV.6. Pacte de garantie Contrat par lequel l’administrateur est garanti contre les conséquences financières d’une responsabilité engagée Une clause de garantie ne peut pas empêcher que la fondation puisse par la suite se retourner contre l’administrateur pour se voir indemniser du dommage que la fondation elle-même a subi (pas l’indemnisation qui a été payée au tiers)
V. Conclusion Les administrateurs d’une fondation peuvent voir leur responsabilité engagée tant au niveau interne qu’externe Point de comparaison: principe du bonus pater familias Avoir au maximum recours aux techniques qui peuvent limiter le risque de responsabilité
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