Maggy Schneider Université de Liège

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Transcription de la présentation:

Maggy Schneider Université de Liège Autour des limites de fonctions, des études de fonctions et des divers niveaux d’étude en analyse 1ère partie Maggy Schneider Université de Liège

Par où commencer ? Des applications des limites ? Lesquelles ? Des exemples simples de limites de fonctions ? Qu’est-ce qu’un exemple « simple » ? Des exemples de limites de suites contextualisées ou non? Lesquels ? Eviter, dans un premier temps, les cas où limites à droite et à gauche sont distinctes ? Faut-il des préambules : intervalles, points adhérents, « l’infini », opérations sur la droite achevée et cas d’indétermination … ? Où placer l’étude des asymptotes ?

Par où commencer ? Commencer par les « infiniment grands » ou par les « infiniment petits » ? Pour les « infiniment grands », on n’a plus la distance, d’où des difficultés de formulation. En outre, il faut « mobiliser tous les réels qui précèdent » Pour les infiniment petits, il faut faire sentir aux élèves la continuité numérique : « s’approcher d’un nombre d’aussi près que l’on veut sans l’atteindre » Qu’est ce qu’un « infiniment petit » ? Et un « infiniment grand » ? Et que veut dire « tendre vers » ?

Par où commencer ? Une variété de réponses a priori Limites contextualisées ou non, en particulier, celles qui définissent des grandeurs telles que vitesse, aire, … Etude de suites, voire de séries Etude de graphiques de fonctions en privilégiant asymptotes (lesquelles ?) ou graphiques « à trous » ou graphiques en plusieurs morceaux Insistance sur le regard local Exemple générique ou étude de cas particuliers précisés par des formules Définition discursive ou formalisée Connotations liées au temps ou au mouvement Aspect covariant ou contravariant

formulations covariante et contravariante du concept de limite L’énonciation naturelle est covariante : « plus x est proche de a, plus f(x) est proche de b ». Elle ne définit pas la limite car, en ce sens 1/x tend vers - 0,01 quand x tend vers l’infini positif. D’où l’ambiguïté d’un travail d’observation d’un tableau numérique L’énonciation française contravariante est : « f(x) est aussi proche de b que l’on veut pourvu que x soit suffisamment proche de a »

Un choc numérique : vers une formulation contravariante On plie une feuille de papier de 0,1 mm d’épaisseur en deux, puis en quatre, puis en huit, et ainsi de suite soixante fois. Serait-il possible d’atteindre ainsi une épaisseur qui dépasse 2 m, 20 m, 1 km, la distance Terre-Soleil ? (AHA) Première expérience d’une suite divergente Amorce d’une formulation contravariante Importance du jeu : « Je te donne un R, tu me donnes un N »

Un préalable non négociable Montrer que les savoirs mathématiques répondent à des questions ou projets préalables, en restant allusif le moins longtemps possible Faire apparaître les mathématiques comme économie de pensée et d’action : à l’encontre d’une perspective « monumentaliste » de l‘enseignement Cette « dynamique » est exprimée dans le concept de praxéologie mathématique (ou organisation mathématique : OM)

Le concept de praxéologie QUOI : Quelles sont les tâches (questions, projets) que l’on se propose d’effectuer ? COMMENT : quelles sont les techniques qui vont permettre de le faire d’une manière « conviviale » ? POURQUOI : discours technologique ou théorie qui justifie le choix des techniques et les rend intelligibles PRAXEOLOGIE : PRAXIS + LOGOS, (t, T, T ) (pratique + discours sur la pratique)

Le caractère fondamental des tâches Les tâches (questions, …) doivent avoir un caractère fondamental par rapport au savoir visé: ce dernier permet les meilleures techniques pour effectuer les tâches Elles peuvent faire l’objet d’un discours ou être déclinées en activités Les tâches peuvent avoir un éventuel caractère ludique, concret, utilitaire, … mais doivent favoriser l’intelligibilité du projet global pour les élèves Les exemples « simples » sont les exemples qui montrent la nécessité du projet et l’économie de pensée que les maths procurent pour le réaliser

Détermination de grandeurs ou d’objets géométriques A quel(s) type(s) de questions répond le calcul des limites ? Réponse donnée par J. Stewart dans le cadre d’un cours de « mathématiques générales » : Un aperçu du calcul différentiel et intégral Le problème de l’aire Le problème de la tangente La vitesse La limite d’une suite (paradoxe de Zénon) La somme d’une série Les limites et dérivées Les problèmes de tangente et de vitesse La limite d’une fonction

Détermination de grandeurs ou d’objets géométriques Emergence du concept de limite dans l’histoire : Aires et volumes « curvilignes » (intégrale) Tangentes (dérivée) Vitesses variables (dérivée) Optimisation (dérivée) Praxéologies « grandeurs » : l’analyse n’a pas pour seul but d’étudier les fonctions

Praxéologies « grandeurs » Tâches : déterminer des grandeurs (aires, vitesses, …) Techniques : calcul de limites (suites et taux d’accroissement), calcul de dérivées et de primitives (où les fonctions jouent un rôle majeur) Discours technologique : justifier que ces calculs donnent bien la valeur exacte de ce qui est cherché Théorie : peut-on présenter les concepts et techniques sans le formalisme classique associé aux limites ?

Praxéologie « modélisation fonctionnelle » ou « étude de graphiques » Tâches : étudier des fonctions ou des classes paramétrées de fonctions pour pouvoir modéliser des phénomènes; ce qui suppose de faire des liens, dans les deux sens, entre graphiques et expressions analytiques mais aussi de bien identifier, à chaque fois, dans quel sens on va Techniques : racines, signe, calcul de limites, de dérivées, … Discours technologique : à voir

Que sont des exemples simples de limites de fonctions ? Limite réelle en une valeur réelle de son domaine de définition ou de continuité ? Limite réelle en un réel n’appartenant pas au domaine mais à son adhérence ? Limite réelle aux infinis ? Limite infinie en un réel ? Limite infinie aux infinis ? Comment motiver chacun de ces exemples ?

Que sont des exemples simples de limites ? Extrait du programme de la FESeC Construction de suites arithmétiques et géométriques. Somme de termes, limites associées Limite aux infinis de fonctions, asymptotes horizontales Limite infinie en un point, asymptotes verticales, limite à gauche et à droite Limite infinie aux infinis, y compris les asymptotes obliques Limites en un point Limites de fonctions trigonométriques de base

Que sont des exemples simples de limites ? 4 périodes (FESeC) « La notion de limite sera interprétée à partir des graphiques et des suites. Les exemples de limites qui seront privilégiés sont ceux qui donnent lieu à une asymptote. Quelques exemples de fonctions discontinues en un point seront envisagés » Place des suites arithmétiques et géométriques dans le programme ?

Que sont des exemples simples de limites ? Extrait du programme de la CFWB BE Construction de suites arithmétiques et géométriques. Somme de termes, limites associées Limite en un point, finies et infinies Limites en plus ou moins l’infini Limite à gauche et limite à droite Asymptotes Limites de fonctions trigonométriques de base

Que sont des exemples significatifs de limites dans la praxéologie « étude de graphiques  »? Quels sont les cas de limites qui apportent le plus à l’étude graphique des fonctions ? Quelles sont les fonctions dont le comportement graphique nécessite vraiment le calcul des limites ? Ou celles pour lesquelles ce calcul suffit presque ? Hiérarchiser les cas de limites ? Les mettre là où apparaissent leurs « raisons d’être »

Que sont des exemples significatifs de limites dans la praxéologie « étude de graphiques  »? Les limites en une abscisse du domaine de continuité ont un caractère abscons pour les élèves; les graphiques en morceaux semblent « tordus » Les graphiques « à trous » ont leur intérêt mais semblent « bizarres » : pourquoi ne pas simplifier une fois pour toutes ? Les cas d’asymptotes semblent les plus significatifs, d’abord les AH dans la foulée des suites, puis les AV; les asymptotes sont de bons « guides » pour tracer des graphiques

Une drôle de mise en évidence qui a une vertu technologique … Et le discours technologique ? Prouver l’existence d’asymptotes horizontales : l’exemple des fractions rationnelles Une drôle de mise en évidence qui a une vertu technologique … L’utilisation de l’algèbre des limites Diversité des ordres de grandeur : 1/x2 est plus petit que 1/x au delà de 1 Un préalable indispensable : lim x1/x = 0 (équivaut à l’axiome d’Archimède)

Et le discours technologique Et le discours technologique ? Prouver l’existence d’asymptotes verticales « C’est là où le dénominateur s’annule ». Oui, mais … la fonction ne s’écrit pas forcément sous forme de fraction (exemple du logarithme). Supposons que ce soit le cas, cette condition n’est quand même pas suffisante pour assurer l’existence d’une asymptote verticale Qu’imposer alors de plus pour que f/g ou 1/f ait une AV d’équation x = a ? Dispositif heuristique basé sur l’analyse de contre-exemples

Du calcul infinitésimal à l’analyse De l’examen de contre-exemples à l’émergence du concept de continuité : on ne peut rendre, p.ex., 1/f(x) aussi grand que l’on veut sans rendre f(x) aussi proche de f(a) que l’on veut, pour des valeurs de x suffisamment proches de a : si f(x) > 1/1000, 1/f(x) < 1000

Du calcul infinitésimal à l’analyse Ce n’est pas encore suffisant : il faut exiger que f ait un signe constant dans un voisinage de a ou sur un intervalle d’extrémité a

Et le discours technologique Et le discours technologique ? Prouver l’existence d’asymptotes verticales Nécessité de considérer des graphiques « à trous » : les cas de limites « tordus » a priori aux yeux des élèves ont donc un intérêt théorique Possibilité de faire travailler numériquement les définitions formalisées Intérêt dune preuve car il n’existe plus de technique d’écriture « parlante ». D’où la nécessité de considérer au minimum une hypothèse de continuité sur la fonction du dénominateur (év. à dr ou à gch) et donc des limites en un réel appartenant au domaine de continuité Que deviennent donc l’énoncé et la démonstration d’un théorème qui assure l’existence d’une AV pour la fonction 1/f en x = a (dans le cas où les limites à dr et à gch valent l’infini positif) ?

Et le discours technologique Et le discours technologique ? Prouver l’existence d’asymptotes verticales

Et le discours technologique ? Prouver l’existence d’asymptotes obliques Ecriture des fonctions sous une « bonne forme », avant les formules canoniques : (ax2 + bx + c) / (x + d) = mx + p + k / (x + d) [25 t2 - 8t + 1]1/2 = [(5t - 4/5)2 + 9/25]1/2

Praxéologie « analyse formalisée » : couler le calcul infinitésimal dans un moule euclidien Définir mathématiquement les objets initiaux (vitesses, aires, …) par les techniques qui permettaient de les déterminer au stade précédent, ce qui suppose que soient réglées les questions relatives à l’efficacité et l’intelligibilité des techniques Agencer les pièces du modèle en une organisation déductive où le mode de validation est exempt de toute considération liée aux contextes d’origine

Praxéologie « analyse formalisée » : couler le calcul infinitésimal dans un moule euclidien Du calcul infinitésimal à l’analyse : Euler, le concept de fonction et le renversement de l’ordre d’exposition de la théorie : les questions d’ordre géométrique ou physique deviennent des applications Lagrange et la reformulation de l’analyse en termes de fonctions dérivées et de fonctions primitives Cauchy et la volonté d’une refonte déductive basée sur le concept « mère » de limite, respectant la « rigueur des géomètres grecs de l’Antiquité » Bolzano et le projet métaphysique d’épurer le discours de toute connotation géométrique ou cinématique et de définir la continuité numérique

Praxéologie « analyse formalisée » : couler le calcul infinitésimal dans un moule euclidien Ce 2ème niveau d’étude se distingue du 1er par des tâches et techniques d’un autre ordre : conjecturer un ordre d’agencement de théorèmes, démontrer l’un d’eux au moyen des règles d’inférence du calcul propositionnel, établir un lot d’axiomes, réfuter une conjecture fausse .par la technique de la recherche du lemme coupable (théorème faux de Cauchy sur les séries de fonctions continues sur un intervalle et concept de convergence uniforme) ou .par la mise en évidence d’hypothèses sans lesquelles on n’a pas telle ou telle propriété : ex de la continuité et du théorème des valeurs intermédiaires

Praxéologie « analyse formalisée » Portée du concept formalisé de limite : donner prise à un nouveau système de preuves en termes de quantificateurs et d’inégalités Ne sert pas à prouver telle ou telle limite particulière (sauf pour des raisons didactiques) Sert à prouver les théorèmes relatifs à l’algèbre des limites, théorèmes grâce auxquels on peut se passer de ces écritures formalisées L’algèbre des limites repose sur un axiome : lim x1/x = 0 qui découle de l’axiome d’Archimède

Praxéologie « analyse formalisée » C’est plus « l’esprit » de ces preuves qui compte que l’écriture des quantificateurs lesquels peuvent être remplacés par des formes langagières :

Cauchy, le père de l’analyse moderne n’utilise pas de quantificateurs

Limite d’une variable versus limite d’une fonction Peut-on définir la limite d’une variable ? En français ? Avec des formules quantifiées ? Que signifie:   0 :  x - a  <  ou   0  x ( a) tq  x - a  <  ?

Limite d’une variable versus limite d’une fonction Ces écritures signifient que x = a ou qu’on peut trouver un réel x aussi proche que l’on veut de a. Elles supposent sans doute une référence implicite à une suite de nombres, c’est-à-dire à une fonction L’expression   0 :  x - a  <  caractérise ce qu’on appelle, en ANS, des nombres infiniment proches c-à-d dont la différence est un infiniment petit Un infiniment petit est un « nombre », non-standard, non nul qui, en valeur absolue, est inférieur à tout réel positif. (permet d’exprimer le concept de limite : pour tout hyperréel, réel ou non standard, x tel que x - a est un infiniment petit, f(x) est infiniment proche de b)

Connotations parasites Dans la formulation de limite d’une variable, il y a aussi une référence implicite au temps : « successives », « s’approchent indéfiniment », « finit par devenir et rester … » Le langage reste fort géométrique ou cinématique : se « rapprocher de » ou ambigu : « proche de l’infini » Dans la théorie standard, la notion d’« infini » est évitée : il n’existe que la limite d’une fonction

Connotations parasites Projet de Bolzano formulé en 1817 à propos du théorème des valeurs intermédiaires : « Il n’y a absolument rien à objecter ni contre la justesse ni contre l’évidence de ce théorème géométrique. Mais il est tout aussi manifeste qu’il y a là une faute intolérable contre la bonne méthode qui consiste à vouloir déduire les vérités des mathématiques pures (ou générales, c-à-d de l’arithmétique, de l’algèbre ou de l’analyse) de considérations qui appartiennent à une partie appliquée (ou spéciale) seule, à savoir la géométrie. […] Il faut rejeter de même la démonstration que certains ont établie à partir du concept de continuité d’une fonction en y faisant intervenir les concepts de temps et de mouvement »

Que conclure sur le formalisme ? Le formalisme et la rigueur associée ont une fonctionnalité : rien n’est gratuit en math. On peut travailler le concept de limite à partir d’expressions langagières (formulation contravariante, …) qu’il faudra préciser au fur et à mesure Si on s’offre le formalisme, c’est pour en faire quelque chose de pertinent par rapport à la théorie, pas pour faire « bien »

Inversion didactique Histoire Enseignement Intégrales (aires, volumes) Dérivées (tangentes, vitesses, optimisation) Réorganisation autour des concepts de fonction et de limite Continuité Réels Enseignement Réels Continuité Théorie des limites Dérivées et intégrales Applications géométriques, cinématiques ou pratiques

Inversion didactique Cet enseignement est propre à l’université ou, au niveau du secondaire, est typique de la réforme des « math modernes » Il continue à inspirer l’enseignement de l’analyse dans le secondaire : on prend de l’enseignement universitaire quelques éléments emblématiques (quantificateurs, …) mais on l’édulcore d’aspects plus délicats (en particulier, sur les réels)

Deux projets mathématiques majeurs Praxéologie « modélisation » Modéliser pour résoudre des problèmes : Aspect « outil » des mathématiques Questionnement et justification des modèles Praxéologie « déduction » Etudier les propriétés des modèles dans une organisation déductive Aspect « objet » des mathématiques

Deux projets mathématiques majeurs Les praxéologies « grandeurs » et « modélisation fonctionnelle » sont des praxéologies de modélisation La praxéologie « analyse formalisée » est une praxéologie de déduction Savoir situer chaque élément (par exemple, la continuité) au bon niveau et dans un projet plus global