LES ORIGAMIS SUITE

Les enfants étaient repartis, et Yong rangeait les papiers épars, rassemblant précieusement les œuvres en cours. Voilà près de deux ans qu’ils venaient chez lui… Certains étaient partis, d’autres étaient arrivés. Mais Yong se réjouissait que Yasouki soit encore là !

Non, il ne regrettait rien, et ces séances faisaient sa joie. Mais ce soir, tout s’était mal passé. Les enfants étaient surexcités. Bolan, le chef de la bande de la cité rivale de la leur, était en hôpital après un accident stupide.

Yong avait dû se fâcher devant leur joie exubérante de savoir leur ennemi hors d’état de nuire pour un moment. Pire ! ils lui souhaitaient tous les maux ! C’est vrai que la situation n’était pas facile. Avant, les deux bandes se rassemblaient pour faire des bêtises… ou se battaient entre elles !

Mais maintenant Chiko et sa bande ne traînaient plus dans les rues, faisant les quatre cents coups. Dès qu’ils avaient une minute, ils accouraient chez Yong, soit seuls, soit en groupe. Et Botan ne supportait pas cela…

Yong contemplait avec tendresse l’ange que lui avait offert Yasouki. Il se souvenait que tout avait commencé avec son Ange de la Compassion. Lentement, une idée germait dans son esprit… L’Ange de la Compassion ne pourrait-il pas faire un deuxième miracle ? Ramener la paix dans la cité ? Mais comment faire ? Et comment faire accepter une démarche de ce genre aux enfants ???

Il termina distraitement le cheval que Dai avait laissé, ne sachant plus comment s’y prendre, et le rangea. Comment, mais comment s’y prendre ? Il y était arrivé avec ceux-ci, et sans le préméditer, encore ! Il devait bien y avoir un moyen pour y arriver aussi avec Botan et sa bande !

Quand les enfants revinrent, Yong demanda des nouvelles de Botan. Et, tout en admirant la girafe de Cane, il leur rappela : « vous vous souvenez, la première fois que vous êtes entrés ici ? Il faut bien dire que vous n’aviez pas toujours été très gentils avec moi ! » C’était la première fois que Yong parlait de cela, et les enfants se sentirent gênés. « Et pourtant, - continua Yong - maintenant nous nous entendons si bien ! Et vous êtes si adorables ! Est-ce que l’on ne pourrait pas trouver un moyen pour faire la même chose avec Botan et sa bande ? »

Il y eut un murmure d’incrédulité, des ricanements même ! Mais Tuyen et Yasouki s’emblaient réfléchir… « Et comment voulez-vous faire ? » demanda Dai d’un air moqueur. Yong lui montra le cheval qu’il avait terminé : « Et si chacun de vous lui fabriquait son plus bel origami ? »

Ah ! ça, c’était une bonne idée ! Ils allaient lui montrer de quoi ils étaient capables ! « Je lui ferai ma sorcière ! » dit Yoshi. « Et moi mon ange ! » dit Yasouki. « Mais, dit Minh, qui lui portera ? » Ils s’entre-regardèrent. Personne ne se souciait d’affronter Botan, même malade ! « Eh bien, dit Yong, nous pourrions y aller tous ensemble… »

Les enfants le regardèrent avec incrédulité. Ils ne l’avaient jamais vu sortir de chez lui. Et de fait, avec son infirmité, cela lui demandait un gros, un très gros effort. Mais peut-être que cela valait la peine ? Chacun se mit donc au travail avec ardeur. Et l’expédition fut décidée pour le prochain jour de congé.

Et, le jour venu, ils se mirent en route, les origamis précieusement rangés dans un panier. Mais Yong ne savait vraiment pas ce qu’il dirait lorsqu’ils seraient là-bas… Et la présence d’un adulte serait-elle suffisante pour endiguer la surprise et la mauvaise humeur de Botan ?

Et là, Yong eut honte de lui, car il se surprit à penser : « heureusement qu’il est malade, cela diminuera son énergie… » Lorsqu’ils arrivèrent près de Botan, de fait, celui-ci fut bien trop surpris pour faire une remarque ! Et quand les enfants, enhardis, sortirent les origamis du panier pour les lui offrir, il resta sans voix.

« Ils les ont faits pour toi, pour qu’ils te tiennent compagnie, dit Yong, et ils y ont mis tout leur cœur ! Tu vois, ils commencent à bien se débrouiller. » Botan ne prit pas très bien la remarque.

« Oui, oui, peut-être, répondit-il. Mais c’est une drôle d’occupation ! Et je suis sûr qu’il n’y en a pas un qui connaisse la ville comme je la connais ! » La ville ! Yong saisit la chance au vol. Tu connais bien la ville ? Tu pourrais aller y faire des achats pour nous ? »

« Des achats ? dit Botan en reposant le chien qu’il admirait. Comment ça ? » « Eh bien, je te confierai l’argent, et tu nous achèterais ce dont on a besoin, les cartons, les papiers... Il faut savoir choisir sa boutique, puis sa marchandise, c’est une mission de confiance, et, puisque tu connais la ville… »

La grenouille parut en sauter d’elle-même par terre ! Jun la ramassa, pendant que Botan s’étonnait : « Vous me confieriez l’argent ? Vous me feriez confiance ? » « Mais bien sûr ! dit Yong avec un sourire. Tu m’as l’air d’un garçon tout à fait décidé et raisonnable, et moi, tu vois, je ne me déplace pas facilement… »

Botan le caïd, Botan le dur, restait interdit, ne sachant que répondre. « Cela me rendrait grand service, mais, bien sûr, c’est toi qui décides… » continua Yong. « Et… et… je pourrai apprendre, moi aussi, à faire… » « Bien entendu ! Il y a de la place pour tout le monde ! »

Et c’est ainsi que la paix revint dans la cité, grâce à d’innocents - et magnifiques ! - origamis !

Musique : China Folk – Gong Yan Shi Chun (désolée, je n’avais pas de musique japonaise…) Diaporama de Jacky Questel, ambassadrice de la Paix Jacky.questel@gmail.com http://jackydubearn.over-blog.com/ http://www.jackydubearn.fr/