Histoire de France d’Ancien régime Septième cours : D’Henri II à Louis XIII le sage (1547-1643) : la Réforme et les Guerres de religion
Septième cours : 1 – D’Henri II au massacre de Vassy (1549-1562) 2 – La réforme 3 – Les guerres de religion 4 – Le bon roi Henri IV (1594-1610) 5 – Le règne de Louis XIII le Sage (1610- 1643)
1 – D’Henri II au massacre de Vassy (1549-1562) À la mort de François 1er, son fils Henri, monte sur le trône. Malgré sa fin médiévale, Henri II est un roi typique de la Renaissance. Il s’emploie à faire le ménage à la tête de l’État dans le but de réduire les dépenses de la couronne. Cela étant, cette politique de rupture est loin d’être universelle et la construction de l’absolutisme royal est sa priorité. Il met en place un véritable système ministériel, sans pour autant se départir de son pouvoir. Mais les tâches de plus en plus nombreuses de l’État nécessitent une rationalisation des structures. Quatre secrétaires d’État sont chargés de faire appliquer les décisions royales sur tout le territoire.
Un poste de contrôleur général est aussi créé pour gérer les registres du trésor royal. L’essentiel de la tâche gouvernementale concerne la perception des impôts et des redevances. En 1555, un emprunt géant permettra de lever des sommes considérables pour les dettes royales. Ce ne sera pas suffisant et Henri devra convoquer les États généraux en 1558 pour obtenir d’eux une contribution financière supplémentaire. Les impôts et les charges augmentent et la tentative du roi d’uniformiser la perception de la gabelle va entraîner en 1548 une jacquerie importante dans le sud-ouest (où couve en outre la crise religieuse), durement réprimée. L’ensemble des réformes de l’impôt menées par Henri et son père fait en sorte que l’essentiel des revenus du royaume provient désormais des aides, c’est-à-dire des impôts indirects.
La politique extérieure est dominée par la poursuite de la rivalité avec les Habsbourg (contre Charles Quint, puis contre Philippe II), entre autres sur la question italienne. Les guerres précédentes n’ayant rien réglé, une dixième guerre d’Italie (1552-1556) éclate, consécutivement à l’annexion par Henri II des trois évêchés de Metz, Toul et Verdun. La ville de Sienne réclame l’appui de la France et les forces d’Henri II entrent dans la ville, qu’elles devront quitter cependant en 1555. La pression militaire française a raison de l’empereur, dont les tentatives de reprises des trois évêchés restent infructueuses. Las et épuisé, Charles V accepte par la trêve de Vaucelles de laisser à la France les trois évêchés, la Savoie, le Piémont et la Corse. Mais Henri décide de rompre la trêve et la guerre repris. Cette onzième guerre d’Italie (1557-1559) opposa Henri II à Philippe II d’Espagne, mais aussi à l’Angleterre, l’épouse de ce dernier étant Marie Tudor.
Après avoir capturé Saint-Quentin, les Espagnols hésitent, alors que la route de Paris est ouverte. Profitant de cette indécision, les Français s’emparent de Calais le 8 janvier 1558. Les problèmes intérieurs préoccupant les belligérants, c’est sur cette note que prendront fin les guerres d’Italie, par la signature de la paix de Cateau-Cambrésis avec l’Angleterre (2 avril 1559 – par lequel l’Angleterre abandonne Calais) et l’Espagne (3 avril 1559). Ce traité entérine la domination espagnole de l’Italie et la faillite de la politique française. Par contre, le traité permit à Paris de consolider son emprise sur la Picardie. Décidé lors de la signature du traité, le double mariage des couronnes françaises et espagnoles donne l’occasion d’organiser un tournoi au cours duquel le roi Henri II meurt après avoir eu le crâne transpercé par une lance. Son fils ainé François monte alors sur le trône.
Âgé de quinze ans, François confie la direction aux oncles de son épouse, le duc de Guise et le cardinal de Lorraine, ultras catholiques menant une politique répressive à l’endroit des protestants, ce qui provoquera la conjuration d’Amboise : un complot mené par le prince de Condé, protestant, qui tente de s’emparer du roi. Après à peine dix-sept mois de règne, François II meurt le 5 décembre 1560. La couronne passe à Charles et la régence est assumée par Catherine de Médicis, sa mère, qui comprend le danger de la politique répressive menée contre les huguenots. Michel de l’Hospital, nommé chancelier par la régente, est le représentant le plus important de cette politique de main tendue, qui n’apportera pas de résultats, les huguenots voyant dans cette politique d’apaisement un aveu de faiblesse et multipliant les audaces.
C’est sous ce règne que les guerres de religion exploseront, malgré (ou peut être à cause, disent ses détracteurs), l’Édit de Saint-Germain-en-Laye de 1562, dit Édit de Tolérance, qui permet aux huguenots de pratiquer leur culte à l’extérieur des villes. C’est cette autorisation qui entraînera le massacre de Vassy.
2 – La réforme 2.1 – Origines et contexte Pendant longtemps, l’historiographie a attribué à la décadence des institutions religieuses la contestation de Luther et Calvin. Même s’il s’agit d’une des causes, celles-ci sont beaucoup plus profondes qu’un simple rejet de l’Église et tiennent au contexte dans lequel la constatation prend place. Le Moyen-âge, avec ses guerres sans fin, ses épidémies et ses famines, fut assurément difficile et l’Église n’est pas parvenue à rassurer les fidèles et à jouer le rôle que l’on attendait d’elle. Au lieu d’être porteuse d’espoir, elle agite des menaces ; aux angoisses, elle répond par le châtiment, la damnation ou au mieux, le purgatoire.
Tout comme les princes, l’Église recourt à la violence et à la menace, dont la Sainte inquisition est l’exemple le plus remarquable. Plus grave, elle instrumentalise à des fins économiques ces angoisses, vendant des indulgences, permettant à l’âme pécheresse d’épargner de longues années de purgatoire. Les causes politiques concernent la mise en place des États modernes, qui voient dans l’Église une concurrente à leur puissance. Les réformes grégoriennes ont joué un rôle important, mais avec le recul du monde féodal et l’accroissement de la puissance du roi, celui-ci ne tolère plus de partager son autorité avec le pape. Cet empiètement sur l’autorité royale par le Vatican a aussi des conséquences économiques, car le pape peut lever des impôts réguliers ou exceptionnels en Europe et concurrencer l’impôt de l’État. Pour ce dernier, il s’agit donc d’une fuite de capitaux intolérables.
Dans ce contexte ou les États commencent à occuper des fonctions, qui nécessitent d’importants moyens financiers, les richesses de l’Église attisent les convoitises. Certains ordres religieux et certaines abbayes sont riches et dans les États germaniques, ils occupent près de 30 % des terres. Sans l’imprimerie, la réforme n’aurait pas eu lieu, ou elle aurait été limitée à un mouvement hérétique et aurait été stoppée par les actions des pouvoirs religieux. L’imprimerie a agi en deux temps sur la réforme : d’abord dans son origine, la diffusion des textes sacrés favorisant une lecture personnelle de ceux-ci. Puis à partir du moment où Luther publie ses thèses, l’existence de l’imprimerie va en favoriser la diffusion. D’autres hérésies auraient pu connaître un développement semblable, mais l’absence de communication fit en sorte qu’elles demeurèrent localisées et ne purent se transformer en mouvement.
2.2 – Luther et Calvin Martin Luther (1483-1546), simple fils d'artisan, était un moine allemand de l'ordre des augustins. Indigné par la dérive commerciale de l'Église, il apposa, la veille de la Toussaint, en 1517, sur la porte de l'église du château de Wittenberg, 95 thèses à discuter. Outre la condamnation des indulgences, Luther souhaitait discuter de questions théologiques, dont celle du salut de l'âme. Pour lui, ce salut est un don de Dieu, obtenu par la foi du fidèle envers le Christ : L’accent est mis sur la foi, et non sur « la foi et les œuvres », comme dans l’Église officielle. L’autre grand questionnement de Luther concerne la valeur des textes sacrés. Pour Luther, Dieu, par la Bible, s'adresse à chaque homme directement. Il s’agit d’un rejet de l'autorité de l'Église, laquelle se définissait comme l'unique interprète de la foi divine.
Martin Luther
D'après Luther, chaque croyant est son propre prêtre ; la papauté et l'Église sont des créations humaines. C’est l’individu qui est responsable du salut de son âme. Luther devint l'auteur le plus lu de son époque. Ses adversaires brûlaient ses livres; il fit de même en brûlant la bulle du pape qui le condamnait et il fut excommunié par Léon X le 3 janvier 1521. En 1521, Charles V convoqua une assemblée de princes où Luther se présenta et maintint ses positions. Malgré la condamnation officielle, une partie de la noblesse se montra sensible à ses arguments, voyant une occasion de se saisir des biens de certains évêques. La noblesse sympathique à Luther protesta de la condamnation auprès de l’empereur et ses idées se répandirent parmi les principautés allemandes, divisant l'empire de Charles Quint.
En France et en Espagne, certains membres du clergé entreprirent de réformer l'Église, s’inscrivant ainsi dans la lutte contre les dogmes catholiques initiée par Luther et furent persécutés, parfois condamnés au bûcher. Fuyant ces persécutions, des protestants français quittèrent le pays, la majorité émigrant en Suisse. Parmi eux se trouvait Jean Calvin (1509-1564). Dès 1536, le conseil de la ville de Genève ratifia son adhésion au nouveau culte et Calvin s'y installa en 1541, Dans son Institution de la religion chrétienne, Calvin aboutissait à une conclusion plus radicale que celle de Luther : les âmes sont prédestinées par Dieu au salut ou à la damnation éternelle. « Nous existons pour Dieu et non pour nous-mêmes. C'est pourquoi nous devons avant tout travailler pour l'honneur de Dieu ». Pour Calvin, l’œuvre et la foi, rendent possible le salut de l’âme. Ce n’est pas à l’Église de décider ce qu’il convient de faire pour sauver son âme, mais au croyant.
Jean Calvin
Ces idées furent reprises par le conseil de la ville de Genève et les théories de Calvin se répandirent grâce aux missionnaires genevois, remportant un succès considérable en Suisse et en France où il se répandit à Lyon, dans le Sud et dans l'Ouest, de même qu’en Écosse, aux Pays-Bas, en Bohème et en Hongrie.
2.3 - Contre-réforme Pour répondre à l'expansion du protestantisme, l'Église lança sa Réforme, que l’on appela Contre-réforme, afin de marquer une opposition claire à Luther et Calvin. L'évènement central de la contre-attaque fut le Concile de Trente, qui se tint entre 1545 et 1563. Cette réforme permit à terme de regagner des positions perdues en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas, ainsi qu'en France. À l'issue du concile, le visage de l'Église fut bouleversé. Le premier acte du concile fut de condamner toutes les doctrines protestantes. Conséquemment, les dogmes, c'est-à-dire les vérités essentielles de la foi catholique, furent précisés et résumés dans le Credo. Considérant que l’une des causes de la protestation réside dans la décadence de ses institutions, l'Église prit certaines mesures contre les excès de ses prélats.
Le cumul des fonctions fut supprimé et les évêques étaient désormais tenus de rester dans leur évêché. Il fut décidé d’améliorer la formation et les connaissances théologiques du clergé et des séminaires furent créés. Le concile publia un certain nombre d'ouvrages pour les fidèles, comme le catéchisme et le missel. De nouveaux ordres religieux virent le jour afin de combattre les doctrines protestantes : l’ordre des Frères mineurs capucins, issus des Franciscains et la Compagnie de Jésus, mieux connu sous le nom d’ordre des Jésuites créé en 1534, et qui se caractérise par une obéissance stricte au pape et un grand zèle apostolique. Avant même le début des travaux, un bras armé fut créé en 1542, remplaçant dans ses attributions la Sainte Inquisition, avec pour mandat de lutter contre les hérésies protestantes, l’Inquisition romaine.
2.4 - Pénétration du protestantisme en France La position de la royauté face au protestantisme est ambigüe et le restera en fait jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes. Si l’affaiblissement des pouvoirs religieux et de l’influence du pape est une constante de la politique royale, le statut du roi de France, mi-politique, mi- religieux, rend la reconnaissance du protestantisme périlleuse : critiquer les institutions religieuses, c’est critiquer le roi, dont le pouvoir vient en partie de l’Église. Cette dichotomie est la source des politiques incohérentes mises en place par les rois de France, et donc des guerres de religion. Ainsi, le protestantisme qui se déploie en France ne se limite pas à sa dimension religieuse et donnera lieu à une contestation du pouvoir royal.
À partir d’un certain point, cette contestation concernera les catholiques radicaux, qui reprocheront aux rois une certaine politique de compromission. C’est François 1er qui préside aux destinées du royaume au moment où s’enclenche la contestation religieuse. En 1519, des brochures protestantes font leur apparition et suscitent une grande curiosité et même une certaine approbation. Jusqu’à la sœur du roi, qui voit dans ce courant les outils nécessaires à la construction d’un pouvoir politique encore plus fort. Mais la réaction de l’Église française sera à la mesure de la menace. Dès 1523 commencent les persécutions à l’endroit des protestants, alors que Vallières est brûlé à Paris, suivi en 1529 par plusieurs autres, dont un traducteur et éditeur des thèses de Luther. L’affaire des placards va lancer la politique répressive : en 1534, des affiches promouvant le protestantisme sont placardées sur la porte de la chambre du roi.
En 1539, un Édit royal est publié, visant à « extirper du royaume les mauvaises erreurs », ce qui donnera lieu à un accroissement des persécutions. Une étape est franchie en 1545, alors que 3 000 Vaudois sont massacrés avec l’approbation du roi. Ces persécutions suscitent un accroissement des sympathisants aux thèses protestantes, surtout calvinistes, dans le sud de la France, si sensible aux grandes hérésies et où le discours d’opposition à une royauté absolue ne peut laisser les grands seigneurs indifférents. Ce sont surtout les élites qui sont sensibles aux discours contestataires. De grandes familles se convertissent, dont les Condés et les Bourbons, très proches de la lignée dynastique capétienne. Plusieurs édits sous Henri II accroissent la pression contre les huguenots (du mot eidgenossen, qui signifie confédérés).
Mais les édits de Paris (1547), de Châteaubriant (1551) et de Compiègne (1557) ne parviennent pas à freiner l’érosion de l’Église officielle et le développement de l’Église réformée. En 1560, malgré les persécutions dont elle est victime, la communauté protestante compte environ 2 millions d’adhérents (sur une population de 18 à 20 millions de personnes) et 1 200 églises réformées sont en activité. Au début des années 60, les huguenots se sentent assez forts pour s’opposer aux persécutions dont ils sont victimes et le 1er mars 1562, alors qu’ils se réunissent à Vassy pour célébrer le culte, des protestants sont lynchés par des catholiques fanatiques. Ce premier massacre, qui fait 75 morts parmi les protestants, est considéré comme le premier acte des guerres de religion qui vont à présent se déchaîner.
3 – Les guerres de religion 3.1 – Sous Charles IX (1562-1574) Cet ensemble de huit guerres qui (1562-1598), a pour toile de fond le conflit religieux, mais elles mettent en cause d’autres choses : répartition des pouvoirs entre le centre et les régions, conflits entre grandes familles pour la prééminence à la tête de l’État, relations de la France avec les États voisins. La figure dominante est alors la régente, Catherine de Médicis. Florentine d’origine, elle va tenter de limiter l’incendie en utilisant la persuasion et la diplomatie, mais aussi la contrainte et la violence : elle est responsable de l’Édit de tolérance de Saint-Germain-en- Laye mais aussi, partiellement, de la nuit de la Saint- Barthélemy.
Même après la régence, elle restera très influente, Charles étant un homme timoré. Attachée a une politique de compromis, elle est critiquée et conspuée par les deux camps. Le massacre de Vassy est à l’origine de la 1ère guerre de religion (1562-1563), dans laquelle François de Guise joue le premier rôle : c’est lui qui ordonne à ses troupes de charger la foule. Ce massacre donne le signal à d’autres, à Sens et à Tour, notamment. Les Parisiens sont à l’avant-garde de cette croisade et la guerre commence parce que, jusque-là, les protestants avaient supporté les persécutions et qu’ils n’en peuvent plus. Les protestants se rallient autour du prince Louis de Condé, qui s’empare d’Orléans, puis de nombreuses autres villes, dont Lyon et Rouen. Eux aussi se rendent coupables de nombreuses exactions.
L’implication de puissances étrangères commence et Condé obtient un appui de l’Angleterre. Mais dispersés, les protestants ont de la difficulté à s’imposer devant l’armée. Condé est fait prisonnier en décembre 1562. La reine mère appuie les catholiques mais s’oppose au radicalisme des Guises et la mort de François de Guise en 1563 lui permet d’imposer des négociations qui conduisent à l’Édit d’Amboise, autre texte de compromis et de tolérance : les protestants obtiennent le droit de célébrer dans certains lieux. Le texte affirme que nul ne devrait être inquiété pour ses opinions religieuses. Mais les tensions demeurent : la guerre a été très violente et les dommages sont importants. De nombreux procès contre les protestants suivront en 1563. En 1564, la reine mère et son fils entament une tournée en France et le roi est accueilli avec enthousiasme par les catholiques et par les protestants : l’idée nationale demeure plus importante que les divisions internes.
Mais l’unité ne peut être rétablie sur les bases de l’Édit d’Amboise, qui en pratique ne permet qu’à une partie de la population de pratiquer le culte protestant. D’autant que Condé, admis au gouvernement à la suite du conflit, quitte la cour en 1567, à cause d’un conflit personnel avec le duc d’Anjou, le futur Henri III. Et la France est happée par la tourmente internationale : Philippe II s’emploie à réduire par la force la « révolte des gueux » aux Pays-Bas et les protestants français viennent en aide aux insurgés. Le 28 septembre 1567, Condé tente de s’emparer de la famille royale. Le complot échoue et, craignant les représailles, les protestants s’emparent des villes où ils dominent. La reine mère congédie Michel de l’Hospital et ordonne de répliquer : les armées protestantes et royales s’affrontent dans cette 2e guerre (1567-1568) impliquant le Piémont et des princes allemands.
Cette deuxième guerre se limite à quelques affrontements, car les deux parties manquent de moyens financiers, ce qui les pousse à négocier à Longjumeau en mars 1568 une trêve sur la base de l’Édit d’Amboise. Mais cette trêve ne règle rien. La méfiance grandit entre les deux camps, Condé n’étant plus considéré comme un interlocuteur fiable. Surtout, protestants et catholiques s’entredéchirent partout en Europe. De sorte qu’une 3e guerre (1568-1570) était inévitable. L’étincelle provient de la tentative du camp catholique de s’emparer des chefs protestants, qui se réfugient à La Rochelle. Le pape Pie V en appelle à une croisade contre les hérétiques. La majeure partie des engagements se déroule au sud- ouest, dans les zones protestantes. Les belligérants enregistrent victoires et défaites, sans parvenir à éliminer l’adversaire.
En mars 1569, Condé est tué et Coligny prend la tête des armées protestantes, même si officiellement c’est Henri de Navarre qui est à la tête de ces forces. Après l’échec des négociations de 1569, un coup de main audacieux de Coligny qui, après sa victoire surprise d’Arnay-le-Duc (27 juin 1570), parvient à fermer le passage de la Loire aux catholiques, contraint ceux-ci à négocier, avec pour résultat la paix de Saint-Germain. Celle-ci consacre partiellement la victoire des huguenots, qui obtiennent un peu plus de liberté (le droit de culte dans les faubourgs de 24 villes du pays) et surtout plus de sécurité, avec l’octroi de quatre « places de sureté » pour deux ans, créant une sorte d’État dans l’État pour les protestants. La liberté de conscience est réaffirmée, mais le culte réformé demeure proscrit à Paris.
Afin de sceller la réconciliation, la paix de Saint-Germain prévoit en outre un mariage, celui de Marguerite, la sœur du roi, et d’Henri de Navarre. En outre, la paix garantit aux protestants une participation au gouvernement du royaume. L’amiral Coligny, entre autres, se joint au gouvernement. Le mariage sera célébré sur le parvis de Notre-Dame le 18 août 1572, mais le climat demeure tendu dans la capitale, alors que pour la célébration, de nombreux protestants sont venus de la province. C’est dans ce contexte que surviendra le massacre de la nuit de la Saint-Barthélemy. Le rôle de la reine mère dans ce massacre continue à faire aujourd’hui débat : si l’accusation d’avoir planifié le piège du mariage ne tient pas debout, il est pratiquement établi que l’élément déclencheur du massacre, la tentative d’assassinat contre l’amiral Coligny est bien de son fait.
Depuis la paix de Saint-Germain, Coligny, très présent auprès du roi, tente de lui vendre l’idée d’une coalition anti espagnole. Les Guises sont très indisposées par cette proximité et parviennent à convaincre la reine mère de la nécessité d’éliminer Coligny. Incapable de convaincre son fils, elle aurait ordonné son assassinat et le 22 août 1575, l’amiral est victime d’un attentat. Mais il ne meurt pas. La crainte des catholiques est que cette tentative infructueuse provoque l’insurrection des protestants. Pour éviter cela, les Guises et peut-être aussi la reine mère, parviennent à convaincre le roi d’achever l’amiral et de décapiter le parti protestant. Le 23 août 1572, les hommes du duc de Guise, se rendent chez Coligny pour l’achever, avant de massacrer les chefs protestants. Certains parvinrent à s’enfuir, mais le bruit et le remue-ménage éveillent la population qui, est prise d’une fièvre meurtrière et se met à massacrer la population protestante de la ville.
Planifiée comme une opération limitée, les choses dégénèrent à cause de la tension qui sévit alors. Pour sa part, le roi de Navarre, contraint de se convertir au catholicisme, n’a d’autres choix que de s’exécuter. Dans les jours et les semaines qui suivent, des massacres surviennent dans plusieurs villes de province. On dénombre au moins 3 000 morts à Paris et de 5 000 à 10 000 autres victimes ailleurs au pays. Certaines sources font cependant état d’au moins 30 000 morts. Le roi décide d’endosser la responsabilité d’un massacre dont il ne voulait pas, arguant que les actions entreprises avaient été rendues nécessaires pour prévenir une conspiration menée par Coligny. Le culte protestant est alors interdit sur tout le territoire. Il va de soi que ces événements déclenchent une 4e guerre (1572-1573), par laquelle le fossé entre les deux camps s’élargit, d’autant que les protestants ne peuvent alors plus faire confiance au roi.
L’unité de la France est remise en question L’unité de la France est remise en question. Autour de leurs places fortes, les protestants s’organisent et mettent en place l’Union des protestants du Midi. Au début de 1574, la situation est gelée. Le conflit sera relancé en 1574, dans la foulée du complot des Malcontents, un groupe de catholiques modérés, favorables à une politique de conciliation, éloignés de la cour dominée par les ultras. Le groupe est mené par François d’Alençon, le frère du roi, et regroupe tous les opposants à l’absolutisme monarchique (dont les monarchomaques, partisans de l’élection du roi). En février 1574, craignant pour leur vie, ils tentent de s’enfuir en compagnie du roi de Navarre, retenu prisonnier à la cour depuis 1572, mais sans succès. Une autre tentative ratée aura lieu en avril, qui déchainera la répression contre le groupe.
Guerres de religion
3.2 - Sous Henri III (1574-1589) Le 30 mai 1574, Charles IX s’éteint et son frère Henri, roi de Pologne, hérite de la couronne. Il quitte la Pologne et en attendant son retour, Catherine de Médicis poursuit la répression contre les Malcontents et reprend les hostilités contre le sud dans une 5e guerre (1574-1576). Les opérations ne sont pas favorables à la couronne et la fuite de François d’Alençon, d’Henri de Navarre et la menace que les troupes protestantes font peser sur Paris contraignent la couronne à négocier la paix, négociations qui aboutissent à la proclamation de l’Édit de Beaulieu (nommé aussi Paix de Loches). Ce texte est favorable aux revendications protestantes : ceux-ci obtiennent de nombreuses places de sureté, la réhabilitation des victimes de la Saint-Barthélemy, l’indemnisation des familles et la restitution des biens saisis.
Les parlements régionaux des villes protestantes seront composés pour moitié de catholiques et de protestants. Diverses concessions sont aussi faites aux chefs des Malcontents. Le culte réformé reçoit diverses garanties et la reconnaissance par l’État des mariages célébrés par les prêtres défroqués. Le culte réformé demeure interdit à Paris. En échange, les protestants acceptent de rétablir le culte catholique dans les villes qu’ils contrôlent. Cette paix trop favorable aux protestants ne pouvait être une garantie : les radicaux catholiques s’éloignent alors du roi et forment des Ligues, dont certaines sont très puissantes, comme en Bretagne. Le roi convoque des États généraux en 1577, qui donnent la mesure de la division du royaume entre protestants et catholiques, mais aussi entre catholiques modérés et ligueurs. Aucun compromis ne pouvant être atteint, une 6e guerre éclate (1577).
De courte durée, elle voit une partie des Malcontents réintégrer l’armée royale. Les quelques batailles ne permettent guère aux belligérants de s’imposer, la paix de Bergerac est signée en septembre et se concrétise par l’Édit de Poitiers, qui restreint les conditions du culte protestant aux faubourgs de certaines villes. Catherine de Médicis entreprend une nouvelle tournée d’un territoire dangereusement éclaté. Elle parvient à signer une paix à Nérac, octroyant aux protestants quinze places fortes pour six mois. Mais à l’expiration de ce délai, les protestants refusent de rétrocéder les territoires, déclenchant de ce fait une 7e guerre (1579-1580). Nouvelles batailles, nouveaux échanges de territoires et nouvelle impasse. Une nouvelle paix est conclue à Fleix le 26 novembre 1580, qui réaffirme les dispositions de la paix de Nérac. Le 10 juin 1584, François d’Alençon, frère d’Henri III et successeur au trône de France, meurt.
Henri III n’a pas d’enfant alors à sa mort le trône doit revenir à un lointain descendant de l’un des frères de Louis IX, Henri de Bourbon, roi de Navarre et chef des protestants de France… Cette situation est intolérable pour les catholiques, qui concluent alors une entente avec l’Espagne, qui s’engage à défendre le Cardinal de Bourbon (autre Bourbon, mais catholique), à la mort d’Henri III. Ayant assurée ses arrières, la Sainte Ligue reprend les hostilités et déclenche la 8e guerre (1585-1598). Le roi tente d’en prendre le contrôle, déchoit de ses droits Henri de Navarre et interdit le culte protestant par l’Édit de Nemours du 18 juillet 1585. C’est peine perdue, le roi ayant été dépassé par les événements et ce sont les chefs ligueurs qui s’imposent à la tête des catholiques. Après la journée des barricades, il doit quitter Paris, dont le peuple s’insurge et se range derrière les ultras.
En décembre 1588, lors des États généraux qu’il a convoqués à Blois, le roi organise l’assassinat des chefs ligueurs, entraînant une rupture des contacts avec la Ligue, qui déclare le roi tyran. Le duc de Mayenne, le frère des deux hommes assassinés, prend le contrôle de Paris, où les docteurs de la Sorbonne déclarent les sujets d’Henri III déliés de leur serment de fidélité face au roi-traître. Isolé, Henri III se rapproche des protestants et se réconcilie avec Henri de Navarre, avec qui il s’emploie à reprendre Paris. Henri III est assassiné à Saint-Cloud le 1er août 1589 par un fanatique et la couronne passe à Henri de Navarre. Certains catholiques s’éloignent de la Ligue et accordent leur soutien au roi, qui pour sa part affirme vouloir se reconvertir au catholicisme… Conséquemment, des protestants radicaux refusent de le reconnaître…
L’Europe divisée
4 – Le bon roi Henri IV (1594-1610) 4.1 – Un symbole d’unité Henri IV a peu d’alliés. Son exploit aura été de faire taire les dissensions et d’être parvenu en cinq ans, par la force et la diplomatie, à s’imposer à la tête d’un royaume divisé par plus de 30 années de guerres. Dès 1589, le roi tente sans succès de reconquérir Paris, aux mains des ligueurs, alors que les catholiques modérés demeurent suspicieux à l’endroit de ce prétendant au trône si versatile sur le plan religieux. Il est contraint d’abandonner le siège, mais quelques opérations militaires couronnées de succès améliorent son image auprès des grands du royaume.
Henri IV (1589-1610)
Peu à peu, certains des plus grands noms de France se joignent à lui et son attitude de grande tolérance à l’endroit des catholiques après la prise des villes, où il punit les actes de pillage et de brigandage contre les lieux de cultes, favorise le ralliement des populations épuisées et excédées par les guerres. Les protestants lui reprochent de ne pas rétablir la liberté du culte dans un premier temps, mais en 1591, par l’Édit de Mantes, il rétablit l’édit de Poitiers de 1577, ce qui, sans satisfaire entièrement les revendications protestantes, leur donne un gage de bonne foi, tout en évitant de braquer les catholiques les plus radicaux. Après avoir court-circuité les États généraux convoqués par Charles de Lorraine en 1593 afin de procéder à l’élection d’un nouveau roi, Henri se laisse convaincre d’abandonner le protestantisme et de se convertir au catholicisme, ce qui est chose faite le 25 juillet 1593.
Le 27 février 1594, Henri est sacré roi à la cathédrale de Chartres, ce qui accroit son autorité, sans bien sûr mettre fin aux conflits. Le 22 mars 1594, il entre à Paris et l’absolution qui lui est accordée le 17 septembre 1595 lui permet de rallier peu à peu l’ensemble de la population modérée, isolant les radicaux. Ces derniers demeurent liés aux États voisins ayant été impliqués dans les conflits internes, dont l’Espagne, qui continue de soutenir les ligueurs et l’idée de croisade Ayant donné des gages aux catholiques, il devient nécessaire d’en donner aux protestants, d’autant que plusieurs d’entre eux se sentent abandonnés par la conversion d’Henri. Le roi doit donc établir clairement son rejet de l’intransigeance catholique dont l’Espagne est la plus importante représentante. C’est pourquoi il déclare la guerre à l’Espagne en 1595. Les combats ne permettant pas de départager des adversaires qui s’épuisent, la paix est signée en 1598.
4.2 – L’Édit de Nantes de 1598 et la reconstruction du royaume La signature de cette paix a été rendue possible par l’adoption le 13 avril 1598 de l’acte le plus célèbre du règne d’Henri IV, l’Édit de Nantes, même si en fait il s’agit d’un ensemble de texte dont l’élaboration fut assez lente, entre le 3 et le 30 avril 1598. L’Édit de Pacification est le fruit d’un compromis visant à mettre fin à l’état de guerre civile. Comme tout compromis, il est source de déceptions et de colère pour tout le monde et dans un premier temps fut plutôt mal accueilli : trop peu pour les protestants, mais déjà trop pour les catholiques. Rien ne laissait présager que cet édit connaîtrait un sort plus heureux que les autres textes adoptés précédemment et qu’il fonderait pour un siècle une paix sociale basée sur la liberté et la tolérance religieuse.
L’édit accorde aux protestants des droits civils au même titre qu’aux catholiques, leur permettant d’obtenir des charges et il consacre l’égalité civile entre les croyants des deux confessions. Cependant, sur le plan strictement religieux, il consacre l’inégalité de ceux-ci. Car s’il permet la pratique du catholicisme partout, il encadre la pratique du culte protestant, qui ne sera pas permis, par exemple, à Paris. Accordant aux protestants une sorte de statut de minorité religieuse, des refuges (dans 150 villes du territoire, dotées d’un statut particulier) sont prévus pour eux et surtout, 51 places de sureté leur sont octroyées, avec le droit de maintenir un total de 30 000 soldats. Ainsi, sur ces territoires, le roi renonce à son monopole de la violence légitime.
Malgré ses limites et ses imperfections, l’Édit constitue une tentative originale de dissocier l’appartenance religieuse de l’appartenance nationale. Le principe de « Cujus regio, ejus religio » est abandonné au profit d’une conception laïque de l’État qui montrera le chemin au républicanisme français. Une fois cette question réglée, Henri IV pourra s’adonner à la reconstruction de la France. Toujours sans héritier, il obtient l’annulation de son mariage avec Marguerite pour pouvoir épouser Marie de Médicis le 17 décembre 1600. Il gouverne en s’appuyant sur des représentants des deux confessions, parvenant à unifier le pays par son gouvernement, comprenant entre autres le duc de Sully, calviniste, et Nicolas de Villeroy, catholique. Cela est d’autant plus nécessaire que les finances de l’État et l’économie du royaume sont dans une situation particulièrement difficile.
Mais la pression fiscale exercée sur la paysannerie et la population provoque de nombreux soulèvements. La lassitude de la population face aux conflits permet à l’édit de Nantes de faire son œuvre et de favoriser le retour au calme, lequel à son tour permet, par exemple, à la production agricole de revenir en 1610 à son niveau d’avant les guerres. Certains refusent encore le modus vivendi imposé par le roi, particulièrement chez les catholiques fanatiques et le 14 mai 1610, l’un deux, François Ravaillac, parvient à tuer le roi. La douleur et la consternation générale et quasi unanime du royaume à l’annonce de sa mort donnent la mesure de sa popularité, lui qui au début de son règne était contesté par pratiquement toute la France.
5 – Le règne de Louis XIII le Sage (1610-1643) 3.1 – La régence À la mort d’Henri IV, son fils Louis n’ayant que neuf ans, sa mère Marie de Médicis assure la régence. Elle prend son rôle très au sérieux, mais n’a pas nécessairement les capacités pour diriger un État. D’autant qu’elle est arrivée d’Italie avec des collaborateurs qui vont occuper une place très importante dans la gestion de l’État et qu’eux non plus ne sont pas particulièrement doués : il s’agit de la coiffeuse de Marie, Leonara Galigaï, et de l’amant de cette dernière, Concino Concini.
L’ascension de cet intrigant commence du vivant d’Henri IV, mais c’est surtout après sa mort qu’il devient important, évinçant le brillant conseiller d’État aux finances du défunt roi, le duc de Sully. Puis il s’achète une charge de juge et en 1613, bien que ne connaissant rien à la guerre, il est nommé maréchal de France. Marie et ses proches mènent une politique qui vise à se rapprocher de l’Espagne, ce qui indispose les princes protestants, qui se plaignent d’être écartés du pouvoir. Pour se concilier leurs bonnes grâces, Concini réunit les États généraux en 1614, lesquels n’auront rien de remarquable, sinon que s’illustrera à l’occasion un certain Armand Duplessis de Richelieu (1585-1642), issu d’une pauvre famille de la vieille noblesse du Poitou. Il sera nommé conseiller d’État en 1616, puis secrétaire d’État aux Affaires étrangères et à la Guerre.
S’employant à écarter de la direction de l’État les princes de sang, Concini finit par provoquer un complot auquel le roi se rallie et il est assassiné le 24 avril 1617. Sa concubine Léonora Galigaï sera pour sa part décapitée pour sorcellerie en juillet 1617. L’élimination de Concini laisse le pouvoir au roi légitime qui a alors 16 ans, mais un obstacle imprévu se dressera sur sa route : sa mère. Les premiers gestes du roi consistent à détruire la clique d’intrigants ayant assuré la régence : Richelieu est chassé du Conseil et Marie de Médicis exilée à Blois. Les conseillers du bon roi Henri rentrent en grâce. La disgrâce de Richelieu sera de courte durée, et après la réconciliation du fils et de la mère, il est admis au conseil royal en 1624, d’où son influence commencera à se déployer.
3.2 – Le gouvernement de Richelieu À partir de ce moment, Louis XIII est bien en selle, mais paradoxalement et malgré les conflits qui l’ont opposé à Richelieu, c’est lui qui prend la tête de l’État, le roi demeurant effacé. Ainsi, si le règne de Louis XIII est important, c’est par la présence de Richelieu, puis de Mazarin, beaucoup plus que par le roi lui-même. Revenu au conseil en avril 1624, Richelieu s’imposera à la tête du gouvernement. La politique qu’il suivra aura un double objectif : restaurer l’autorité royale mise à mal par les trois décennies de guerres et réaffirmer la force de l’État français sur le territoire et en Europe. L’Édit de Nantes est désormais vu comme un obstacle à ce rétablissement, les dispositions militaires du document posant problème, car elles permettent le maintien d’une force armée légale en dehors du cadre étatique, ce qu’aucun gouvernement ne peut tolérer.
Louis XIII et Richelieu
La « capitale » des huguenots, La Rochelle, constitue un danger potentiel car s’agissant d’un port, la ville pourrait servir de tête de pont pour Londres, d’autant que le roi d’Angleterre se prétend toujours le légitime roi de France. La sécurité nationale réclame donc, selon Richelieu, la destruction de cette menace. Le 10 septembre 1627, les armées royales assiègent la « capitale » huguenote. Afin d’écarter la menace d’une aide anglaise, Richelieu fait fortifier les îles de Ré et d’Oléron et ordonne la construction d’une digue autour de la ville, qui se retrouve isolée par terre comme par mer. Des canons sont aussi installés. Les vivres venant à manquer, malgré l’évacuation des femmes, des enfants et des vieillards, la ville doit finalement se rendre le 3 octobre 1628. Des 28 000 habitants de la ville, il n’en reste que 5 000, qui sont graciés par le roi.
Cette victoire militaire est consacrée par l’Édit de grâce de Nîmes, adopté le 28 juin 1629 qui, sans remettre en question la liberté de culte des protestants, oblige la destruction de leurs places fortes. Les villes protestantes où le culte catholique était de facto interdit se voient obligées de l’autoriser à nouveau. Une sorte de reconquête religieuse suivra dans les zones protestantes, dans laquelle les jésuites auront un rôle important à jouer. Mais la situation internationale continue de peser sur le destin national, à cause de l’implication des puissances étrangères. Toujours active, la mère du roi, chef de file du parti des dévots, tente de le convaincre de former une alliance solide avec l’Espagne, ce que Richelieu combat avec détermination, une telle alliance risquant de rallumer la guerre civile, en plus de menacer l’intégrité territoriale.
Le 10 novembre 1630, après une grave maladie, le roi se laisse apparemment convaincre par sa mère de se départir de Richelieu, mais change finalement d’avis : c’est ce que l’on a nommé « la journée des dupes », signal d’une purge mené par le cardinal contre ses anciens alliés. Jusqu’à la reine mère qui est exilée loin de la capitale et ne reverra jamais son fils. Cette purge suivant et précédant quelques autres, affectant les Grands de France (dont la purge de 1626, consécutivement à la découverte d’un complot visant à assassiner le roi), permettra à nouveau la consolidation du pouvoir du roi. Et celle du duc. Une fois l’opposition à sa politique étrangère écartée, Richelieu convaincra le roi de s’impliquer à partir de 1631 dans la guerre de 30 ans qui déchire l’Europe En soutenant les princes allemands protestants en guerre contre les Habsbourg, l’objectif de Richelieu est de briser l’encerclement du territoire national.
À partir de 1631, la politique de Richelieu consiste à courtiser les ennemis de l’Espagne, ce qui accroit les tensions avec les Habsbourg, sans cependant se changer en guerre ouverte. Mais en 1635, le conflit éclate et la France déclare la guerre à l’Espagne. L’année suivante, Ferdinand III vient à la rescousse de l’Espagne et déclare la guerre à la France. Encore une fois, le pragmatisme l’emporte sur les considérations idéologiques, la France se retrouvant en guerre contre des puissances catholiques, alors qu’elle est appuyée par les Provinces-Unies et la Suède, deux États protestants. La guerre, qui voit d’abord les Espagnols menacer le territoire français avant que les troupes royales ne renversent la situation à partir de 1641, ne prendra fin que sous la régence du fils de Louis XIII, Louis XIV.
Le point d’orgue de ce conflit sera du côté français la victoire de Rocroi contre les Espagnols le 19 mai 1643, déjà après la mort de Richelieu et de Louis XIII, même si la guerre se poursuivra jusqu’en 1659. La guerre peu populaire nécessite des moyens financiers importants, ce qui se traduit par une pression fiscale croissante sur la population, laquelle réagit en s’insurgeant. La « révolte des croquants » est la plus importante de ces rébellions populaires du règne de Louis XIII. Au printemps 1637, ce sont 30 000 paysans du Quercy et du Périgord qui prennent les armes. Ils seront suivis par 20 000 Normands à l’automne 1639. Dans les deux cas, la répression sera conduite par des mercenaires étrangers pour plus d’efficacité, mais aussi parce que les forces régulières sont occupées dans les conflits internationaux qui font rage aux frontières.
Richelieu s’intéresse aussi aux développements artistiques de l’époque et comble les lacunes de son roi en ce domaine, agissant à titre de mécène grâce à sa colossale fortune, acquise de façon plus ou moins honnête. C’est par ailleurs à lui que l’on doit la fondation de l’Académie française. L’origine de cette institution remonte aux travaux du poète François Malherbes (1555-1628), qui a consacré une partie de sa vie à épurer la langue française de la débauche de mots apparus depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts. À la mort de Malherbes, des érudits reprendront ses travaux et susciteront l’intérêt de Richelieu, qui leur propose de former un corps officiel pour poursuivre la tâche. Des statuts sont rédigés en 1635, qui deviennent officiels en 1637.
L’article 24 stipule que « La principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue, et à la rendre pure, éloquente, et capable de traiter les arts et les sciences. » Pour ce faire, l’Académie élaborera un dictionnaire, dont la première version sera publiée en 1694. Parmi les autres priorités politiques de Richelieu, on compte son intérêt pour le développement des colonies françaises d’Amérique du Nord et c’est à lui que Samuel de Champlain doit le soutien politique et économique dont il dispose (par le biais entre autres de la compagnie des Cent Associés, fondée à l’initiative du duc) et qui lui permettra de développer le territoire. Profondément détesté par la population qui voit en lui la cause de ses malheurs, Richelieu provoquera une explosion de joie par sa mort, qui survient le 4 décembre 1642.
Sans devenir premier ministre, c’est alors l’un des principaux collaborateurs de Richelieu qui s’impose à la tête de l’État, le cardinal Mazarin. Mais puisque Louis XIII ne survivra que peu de temps à la mort de son conseiller (il meurt le 14 mai 1643), c’est pendant la régence qui suit que Mazarin pourra chausser les bottes de son puissant prédécesseur.