IFSI ère année Dr J. MORANT Réanimation polyvalente

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Transcription de la présentation:

IFSI 2017 1ère année Dr J. MORANT Réanimation polyvalente LES POLYTRAUMATISMES IFSI 2017 1ère année Dr J. MORANT Réanimation polyvalente

PLAN Introduction Définitions Epidémiologie Evaluation du traumatisé grave Principales lésions engageant le pronostic vital Critères de gravité Prise en charge Rôle de l’IDE Complications Conclusion

INTRODUCTION

Un polytraumatisé est un blessé présentant au moins 2 lésions dont une au moins menace le pronostic vital (définition a posteriori) On préfère le terme de traumatisé grave Le traumatisme grave est source de décès précoce et de handicap lourd Un certain nombre de décès à la phase initiale est considéré comme évitable La prise en charge est multidisciplinaire et doit donc être organisée et optimisée pour diminuer la morbi-mortalité

DEFINITIONS

Polytraumatisé (définition plus adaptée) « Un blessé victime d’un traumatisme violent, quelles que soient les lésions apparentes, est susceptible d’être un polytraumatisé ou un traumatisé grave » Polyblessé « Blessé présentant plusieurs lésions dont aucune ne menace le pronostic vital » Polyfracturé « Blessé présentant plusieurs fractures dont aucune ne menace le pronostic vital » Choc hémorragique post-traumatique « Insuffisance circulatoire aiguë liée à la perte massive et brutale de sang secondaire à des lésions d’organes » A l’origine d’une hypoperfusion tissulaire responsable de lésions secondaires Risque élevé de coagulopathie associée entretenant l’hémorragie

EPIDEMIOLOGIE

Généralités Sujet jeune Prédominance masculine qui diminue avec l’âge Accident de la voie publique dans 3/4 des cas Augmentation des accidents de la vie courante Prise en charge longue et coûteuse (des milliards d’euros…)

Aspects lésionnels 5 territoires Tête et cou Thorax Abdomen Colonne vertébrale Bassin et membres Environ 80% des traumatisés graves ont une lésion orthopédique (1/4 de lésions rachidiennes) Environ 2/3 des traumatisés graves ont un traumatisme crânien Associations 70% : 2 territoires 20% : 3 territoires dont crâne 7% : 4 territoires 1% : 5 territoires

Aspects lésionnels Regel. J Trauma. 1995 Enquête épidémiologique allemande sur 19 ans (1972 à 1991) 3406 patients Mortalité globale : 37% sur la 1ère décade, 22% sur la 2ème décade Traumatisme des membres : 86% Traumatisme crânien : 69% Traumatisme thoracique : 62% Traumatisme abdominal : 36% Traumatisme pelvien : 28% Traumatisme rachidien : 14%

Mortalité 5 millions de décès dans le monde en 2000, plus de 8 millions prévus en 2020 (OMS) 1ère cause de mortalité chez l’homme de moins de 40 ans 1ère cause d’années de vie perdue 4ème cause de mortalité tous âges confondus Source de handicap notamment chez les sujets jeunes Répartition des décès Décès immédiats (0 à 1h) : 50% Décès précoces (1 à 24h) : 30% Décès tardifs (> 24h) : 20% 30 à 50% des décès précoces par hémorragie non contrôlée Atteintes du SNC, lésions hémorragiques Défaillance multi-viscérale

Mortalité évitable Jusqu’à 30% de décès évitables dans certaines études … 2 éléments principaux : le choc hémorragique et le délai de prise en charge Kreis. J Trauma. 1986 21% de décès évitables Délai avant la chirurgie incriminé dans 40% des cas Gruen. Ann Surg. 2006 44401 patients entre 1996 et 2004 dans un Trauma Center de niveau I Mortalité globale : 5,8% Mortalité évitable : 0,14% des admissions soit 2,47% des décès Délai de prise en charge incriminé dans 25% des cas (retard d’hémostase) Teixeira. J Trauma. 2007 35311 patients entre 1998 et 2005 dans un Trauma Center de niveau I Mortalité globale : 5,9% Mortalité évitable : 0,1% des admissions soit 2,5% des décès 20 chocs hémorragiques sur les 51 décès évitables Délai de prise en charge incriminé dans 53% des cas

EVALUATION DU TRAUMATISE GRAVE

Grands principes d’évaluation et de prise en charge Rigueur Rapidité (prise en charge raisonnée) Exhaustivité (difficile) pour une bonne orientation (le bon patient au bon endroit) Organisation (leadership) Communication (nombreux intervenants, différents niveaux de compétence) Traçabilité Réanimation horizontale (tâches effectuées simultanément) Respect des bonnes pratiques (guidelines) Des formations existent ATLS : Advanced Trauma Life Support ATCN : Advanced Trauma Care for Nurses

ATLS Formation créée en 1978 aux Etats-Unis qui s’est exportée un peu partout Permet une standardisation de la prise en charge du traumatisé grave Protocole applicable partout (situation d’isolement, hôpital) Principes Bilan initial de prise en charge qui suit l’algorithme ABCDE (détecter une détresse vitale) Mesures de réanimation Bilan secondaire détaillé (examen de la tête aux pieds) Formation recommandée mais des niveaux de preuve insuffisants pour démontrer l’impact de l’ATLS sur la morbi-mortalité Mohammad. World J Surg. 2014

Algorithme ABCDE (ATLS) A. Airway with C-spine protection Libération et protection des VAS avec respect de l’axe tête-cou-tronc B. Breathing Fonction respiratoire C. Circulation Fonction circulatoire D. Disability Fonction neurologique E. Exposure, Environment Déshabillage, prévention de l’hypothermie

Evaluation primaire « A » Contrôle des voies aériennes Apnée ou non Le blessé parle donc il respire Le blessé respire donc il a un pouls Respiration bruyante, stridor Obstruction des voies aériennes (sang, corps étrangers…) Respect de l’axe tête-cou-tronc Collier cervical rigide

Evaluation primaire « B » Observation Cyanose Fréquence respiratoire Asymétrie ventilatoire Volet costal Turgescence jugulaire Palpation Emphysème sous-cutané Point douloureux Auscultation Asymétrie auscultatoire

Evaluation primaire « C » Pression artérielle Hypotension artérielle : signe de gravité (choc hémorragique) Chez le sujet jeune, la TA reste longtemps conservée (il faut une perte de 30% de la masse sanguine) Fréquence cardiaque Tachycardie fréquente : choc hémorragique, douleur, stress… Bradycardie : arrêt cardiaque imminent? Marbrures, sensation de soif, agitation … (signes de choc) Si signes de choc Hémorragie extériorisée évidente (plaie pénétrante, lésion vasculaire…)? Examen abdominal (douleur, défense, marque de la ceinture…)

Evaluation primaire « D » Score de Glasgow Valeur maximale 15 Valeur minimale 3 Intubation si ≤ 8 Examen des pupilles Mydriase uni ou bilatérale Réactivité Testing moteur Mobilisation des extrémités Testing sensitif Anesthésie, hypoesthésie, paresthésies

Score de Glasgow Ouverture des yeux (Y) Réponse verbale (V) Réponse motrice (M) 1 Nulle 2 A la stimulation douloureuse Incompréhensible (sons) Extension anormale (décérébration) 3 Sur ordre Inappropriée (mots) Flexion anormale (décortication) 4 Spontanée Confuse Evitement, retrait à la douleur 5 Cohérente, orientée Adaptée, orientée à la douleur 6 Exécution des ordres simples

Evaluation primaire « E » Mesure de la température corporelle Déshabillage complet Prévention de l’hypothermie

Evaluation secondaire Après avoir traité une défaillance vitale immédiate Examen de de la tête aux pieds Hémorragie extériorisée (plaie du scalp!) Thorax (auscultation cardio-pulmonaire) Abdomen (palpation) Bassin (douleur, impotence fonctionnelle) Membres (douleur, déformation, fracture ouverte/fermée, impotence fonctionnelle, pouls distaux) Rachis (douleur) Ne pas oublier dans la mesure du possible Circonstances et mécanisme lésionnel Identité, âge, antécédents, traitements en cours (anticoagulants…) Surveillance étroite car le statut lésionnel est évolutif

PRINCIPALES LESIONS ENGAGEANT LE PRONOSTIC VITAL

Traumatisme crânien grave Caractérisé par un score de Glasgow ≤ 8 Une des principales causes de décès chez le traumatisé grave Mécanismes Choc direct Accélération-décélération, rotation Lésions primaires inhérentes au traumatisme Hémorragiques extra-cérébrales (HED, HSD) Intra-cérébrales (hémorragiques, axonales) Osseuses Lésions secondaires souvent dévastatrices Oedémateuses Ischémiques Conséquences mettant en jeu le pronostic vital Hypertension intra-crânienne Engagement cérébral, conséquence ultime et dramatique (compression du tronc cérébral siège des centres respiratoires et de la régulation cardiaque)

Traumatisme crânien grave Signes cliniques de gravité Coma de profondeur variable (score de Glasgow) Examen pupillaire (mydriase uni ou bilatérale, réactivité à la lumière) Mydriase aréactive = urgence neurochirurgicale absolue car signe d’engagement cérébral jusqu’à preuve du contraire Déficit focalisé (hémiplégie, paralysie faciale…) Un traumatisé crânien grave est à considérer comme un traumatisé du rachis jusqu’à preuve du contraire Un traumatisme crânien est possiblement évolutif

Hématome extra-dural

Hématome sous-dural

Traumatisme médullaire Par fracture, luxation ou entorse vertébrale Lésion médullaire Section (lésion médullaire définitive) Contusion (lésions macroscopiques de nécrose ou d’hémorragie, lésion médullaire le plus souvent définitive) Compression médullaire (lésions ischémiques, potentiel de récupération) Commotion (lésions microscopiques, récupération rapide) Lésion médullaire complète ou incomplète Lésions primaires et secondaires Conséquences des lésions médullaires complètes pouvant mettre en jeu le pronostic vital Neurologiques sensitivo-motrices (tétraplégie, paraplégie) Cardiovasculaires (par atteinte des systèmes sympathique et parasympathique responsables de troubles tensionnels et rythmiques) Respiratoires (atteinte de la commande du diaphragme et des muscles respiratoires accessoires) Plus la lésion est haute, plus le risque vital est important

Traumatisme médullaire Lésion médullaire > C2 Bulbe rachidien Décès immédiat Lésion médullaire > C4 Emergence des nerfs phréniques Paralysie diaphragmatique et arrêt respiratoire Tétraplégie complète Lésion médullaire C4-D1 Atteinte des muscles respiratoires accessoires Autonomie respiratoire parfois précaire Tétraplégie incomplète Lésion médullaire D2-D8 Paraplégie sans contrôle du tronc Risque cardiovasculaire pour toutes les lésions > D6 Lésion médullaire < D8 Paraplégie +/- complète, contrôle du tronc Risque vital

Compression médullaire C2

Score ASIA

Traumatisme thoracique Cause fréquente de mortalité chez le traumatisé grave Traumatisme thoracique fermé ou pénétrant Lésions multiples Pariétales Pleuro-pulmonaires Cardiaques Gros vaisseaux Diaphragmatiques Conséquences mettant en jeu le pronostic vital Insuffisance respiratoire aiguë Choc hémorragique Choc cardiogénique

Traumatisme thoracique Lésions pariétales Fractures costales (la fracture de la 1ère côte est en faveur d’une cinétique violente) Volet costal (double foyer de fracture sur au moins 3 côtes, respiration paradoxale) Fracture sternale (choc contre le volant, ceinture de sécurité, cinétique violente) Fracture de l’omoplate Lésions cutanées Conséquences Patients hyperalgiques Hypoventilation, encombrement Infection secondaire Risque de détresse respiratoire aiguë Les lésions pariétales s’accompagnent souvent de lésions pleuro-pulmonaires

Fractures costales Pneumothorax traumatique Fractures C3 à C8

Traumatisme thoracique Lésions pleuro-pulmonaires Pneumothorax (tympanisme, diminution du murmure vésiculaire, emphysème sous-cutané, turgescence jugulaire en cas de pneumothorax compressif) Hémothorax (matité, diminution du murmure vésiculaire) Hémo-pneumothorax Contusion pulmonaire (très fréquente) Lacération (traumatisme pénétrant) Conséquences Détresse respiratoire aiguë Choc hémorragique Choc cardiogénique par tamponnade gazeuse (pneumothorax compressif)

Pneumothorax droit compressif

Traumatisme thoracique Lésions cardiaques Plaie cardiaque (très rare et généralement dramatique) Contusion myocardique (choc cardiogénique, troubles du rythme cardiaque, élévation de la troponine, restitution ad integrum) Hémopéricarde (peu fréquent, risque de tamponnade cardiaque et de choc cardiogénique) Conséquences Choc hémorragique cataclysmique Choc cardiogénique

Traumatisme thoracique Lésions des gros vaisseaux Rupture de l’isthme aortique (rare, mortalité > 80%, décélération brutale) Plaies vasculaires Aorte Artère pulmonaire Veine pulmonaire (Lady Di) Artère sous-clavière Artère coronaire Veine cave supérieure Conséquences Choc hémorragique

Rupture de l’isthme aortique Elargissement du médiastin

Traumatisme thoracique Lésion diaphragmatique Rupture diaphragmatique Hernie intra-thoracique de viscères abdominaux Prédominance du côté gauche (ou méconnue à droite?) Rarement isolée Cinétique violente Conséquence Détresse respiratoire aiguë Risque du drainage à l’aveugle en pré-hospitalier car peut simuler un épanchement pleural

Rupture diaphragmatique gauche

Traumatisme abdominal Fréquent Traumatisme fermé le plus souvent Lésion d’organes pleins Rate (organe le plus atteint) Foie Rein Vessie Mésentère Pancréas Lésions d’organes creux (traumatisme pénétrant, ceinture de sécurité) Grêle surtout Côlon

Traumatisme abdominal Conséquences mettant en jeu le pronostic vital Choc hémorragique (organes pleins) Risque infectieux secondairement (péritonite par perforation d’organes creux) Examen difficile Inspection (lésions cutanées) Palpation (contracture, défense) Toucher rectal (jamais fait en pratique dans ce contexte) Contusions pariétales et musculaires très douloureuses sans nécessairement de lésions d’organes Sans grande valeur chez le patient intubé Apport majeur de l’imagerie médicale Echographie (FAST echo) Tomodensitométrie +++

Pneumopéritoine Perforation d’organe creux Croissant gazeux sous-diaphragmatique

Fracture de rate

Hémopéritoine Epanchement liquidien Foie Rein

Traumatisme squelettique Lésions squelettiques Très fréquentes chez le traumatisé grave Susceptibles d’aggraver le pronostic global du patient Certaines lésions sont potentiellement létales à elles seules Pronostic fonctionnel Lésions diverses Fractures (fermées, ouvertes) et luxations (se méfier de lésions vasculo- nerveuses) Plaies (délabrantes, pronostic esthétique, pronostic fonctionnel si lésions tendineuses, risque infectieux) Amputations Certaines lésions peuvent être diagnostiquées tardivement d’où la nécessité d’un bilan lésionnel complet dès la phase initiale Conséquences mettant en jeu le pronostic vital choc hémorragique

Pertes sanguines Lésions Pertes sanguines max Fracture d’une côte 125 mL Fracture d’une vertêbre, des os de l’avant-bras 250 mL Fracture de l’humérus 500 mL Fracture des os de la jambe 1000 mL Fracture du fémur 1000 à 2000 mL Fracture du bassin 500 à 5000 mL Plaie du scalp 500 à 1000 mL

Fracture du bassin

CRITERES DE GRAVITE

Notions de physiopathologie Mécanismes Directs (compression, traumatisme pénétrant, traumatisme fermé…) Indirects (décélération, blast…) Brûlures 3 détresses vitales Circulatoire Respiratoire Neurologique Notion d’interférence lésionnelle Sommation (association lésionnelle mettant en jeu le pronostic vital) Amplification (une lésion a un effet délétère sur une autre) Occultation (une lésion peut en cacher une autre) Rarement toutes associées

Caractéristiques du traumatisé grave La gravité des lésions ne s’additionne pas mais se multiplie, par potentialisation de leurs conséquences respectives La sous-estimation de la gravité des lésions est un piège mortel L’absence de diagnostic de certaines lésions traumatiques peut avoir des conséquences vitales ou fonctionnelles dramatiques Le temps perdu ne se rattrape pas Les solutions thérapeutiques rendues nécessaires par certaines lésions peuvent être contradictoires impliquant parfois des choix stratégiques difficiles Riou. SFAR. 2006

Cinq étapes d’évaluation Critères de Vittel Cinq étapes d’évaluation Critères de gravité 1. Variables physiologiques Score de Glasgow < 13 Pression artérielle systolique < 90 mmHg Saturation en O2 < 90% 2. Eléments de cinétique Ejection d’un véhicule Autre passager décédé dans le même véhicule Chute > 6 m Victime projetée ou écrasée Appréciation globale (déformation du véhicule, vitesse estimée, absence de casque ou de ceinture) Blast 3. Lésions anatomiques Trauma pénétrant de la tête, du cou, du thorax, de l’abdomen, de la cuisse ou du bras Volet thoracique Brûlure sévère, inhalation de fumées associée Fracas du bassin Suspicion d’atteinte médullaire Amputation au niveau du poignet, de la cheville, ou au-dessus Ischémie aiguë de membre 4. Réanimation pré-hospitalière Ventilation assistée Remplissage > 1000 mL Catécholamines Pantalon antichoc gonflé 5. Terrain Age > 65 ans Insuffisance cardiaque ou coronarienne Insuffisance respiratoire Grossesse (2ème et 3ème trimestres) Troubles de la crase sanguine Riou. SFEM Editions. 2002

Critères de gravité extrême Glasgow = 3  Mortalité 70% PAs < 65 mmHg  Mortalité 62% SpO2 < 80% Mortalité 76%

Catégorisation du traumatisé grave  Catégorie A : patient instable PAS < 80 – 90 mmHg persistante malgré remplissage/Noradrénaline Transfusion préhospitalière SpO2 < 90% persistante malgré oxygénation (MHC/VM) TC avec score de Glasgow ≤ 8, signes d’HTIC  Catégorie B : patient stabilisé Hypotension corrigée SpO2 ≥ 90% TC avec score de Glasgow ≤ 12 Trauma pénétrant (tête, cou, thorax, abdomen, cuisse, bras) Volet thoracique Amputation, dégantage ou écrasement de membres Suspicion de traumatisme grave du bassin Suspicion de traumatisme vertébro-médullaire  Catégorie C : patient stable Chute de plus de 6 mètres Patient traumatisé victime d’une éjection, d’une projection, d’un écrasement et/ou d’un blast Patient décédé et/ou traumatisé grave dans le même véhicule Patient victime d’un accident à haute cinétique selon l’appréciation de l’équipe pré-hospitalière Permet l’orientation du patient vers un centre adapté dès la phase pré-hospitalière (trauma center) Un patient peut changer de catégorie à tout moment D’après Ageron. Urgences. 2010 Congrès des SAMU. Vittel. 2002 Kienlen. Ann Chir. 1999

Trauma system Organisation d’une filière de soins régionale en réseau Trauma center de différents niveaux Niveau I capable de traiter toutes les lésions Aux Etats Unis, ce type d’organisation a eu un impact positif sur la mortalité En France Tendance à l’éparpillement des ressources Une organisation en filière commence à se mettre en place TRENAU (Trauma system du REseau Nord Alpin des Urgences) CHU = trauma center de niveau I Les patients les plus graves vers les structures les mieux équipées d’emblée Tous les traumatisés graves vers ces structures? Problème du choc hémorragique non contrôlé par la réanimation pré-hospitalière, vers l’hôpital le plus proche?

PRISE EN CHARGE

Phase pré-hospitalière Abord vasculaire Idéalement 2 voies veineuses périphériques de bon calibre (16G) mais au moins une qui permet un débit satisfaisant Cathéter intra-osseux à privilégier si impossibilité de VVP Remplissage pour assurer une perfusion d’organes Analgésie Contrôle des hémorragies extériorisées, réduction et immobilisation des fractures Collier cervical et respect de l’axe tête-cou-tronc Oxygénothérapie et protection des voies aériennes Lutte contre l’hypothermie Bilan lésionnel le plus exhaustif possible pour une orientation optimale Surveillance Ne pas être délétère

Phase pré-hospitalière Objectifs Identifier les détresses vitales et les traiter Effectuer un bilan lésionnel de la tête aux pieds et instaurer les thérapeutiques complémentaires en luttant contre les facteurs aggravants (douleur, hypothermie…) Evacuer et orienter le patient vers une structure adaptée Surveiller et poursuivre les soins pendant le transport Ammirati. SFAR. 2000 Prise en charge raisonnée, rapide et efficace par une équipe entrainée (algorithme ATLS) Le temps bien utilisé en pré-hospitalier (réanimation raisonnée, bon bilan et bonne orientation du patient) n’est pas du temps perdu mais au contraire du temps gagné en hospitalier Rôle essentiel du SAMU pour la coordination de toutes les équipes

Phase hospitalière La « Trauma Team » Pas de place pour l’improvisation (chacun connait son rôle, procédures pré-établies…) Trauma Leader (praticien expérimenté, véritable chef d’orchestre, la décision finale lui appartient en cas de désaccord) Médecin technicien (pratique les gestes techniques éventuels) IDE référent(e) (prépare et organise les soins techniques) IDE assistant(e) AS ou ASH Chirurgiens, AR du bloc (présents à l’arrivée du patient pour concertation et décision consensuelle sur la stratégie à adopter) Radiologue, manipulateurs de radiologie La SAUV est fonctionnelle, vérifiée et éventuellement préparée à l’avance D’après Hamada. MAPAR. 2011

Phase hospitalière A l’arrivée du patient Transmissions Patient installé et monitoré Tâches effectuées simultanément (réanimation horizontale) Evaluation des fonctions vitales (algorithme ATLS) Bilan biologique large (NFS plaquettes, TP, TCA, fibrinogène, groupe, rhésus, RAI, gazométrie artérielle, lactatémie artérielle, ionogramme, toxiques, alcoolémie, bilan hépatique, lipase, troponine …) Pose d’une 2ème VVP si non réalisée en pré-hospitalier En cas d’instabilité hémodynamique : cathéter artériel recommandé, voie veineuse centrale fémorale Préoccupation constante : lutte contre l’hypothermie Le Trauma Leader ne doit pas sous-estimer le temps qui passe D’après Hamada. SFAR. 2013

Phase hospitalière Le bilan lésionnel Examens à réaliser à la SAUV Radiographie de thorax (épanchement? fractures costales? médiastin?...) Echographie (FAST echo) Véritable complément de l’examen clinique Epanchement pleural liquidien ou gazeux? Epanchement intra-abdominal? Epanchement péricardique? Repérage vasculaire avant ponction Doppler trans-crânien +/- Radiographie du bassin Le patient est stable ou stabilisé Bodyscanner

Prise en charge spécifique La détresse respiratoire Objectifs de prise en charge SpO2 > 90% Normocapnie Moyens Désobstruction des voies aériennes supérieures Oxygénothérapie systématique au masque à haute concentration Intubation oro-trachéale et ventilation mécanique Indication large (hors détresse respiratoire) Induction en séquence rapide (estomac plein) par ETOMIDATE + SUXAMETHONIUM Manœuvre de Baltimore (possible lésion du rachis cervical) Entretien de la sédation par SUFENTANIL + MIDAZOLAM Drainage thoracique Pneumothorax ou hémothorax En urgence si instabilité hémodynamique (pneumothorax compressif ++)

Prise en charge spécifique La détresse neurologique Objectifs Lutter contre les ACSOS (agressions cérébrales secondaires d’origine systémique) Lutter contre l’HTIC (hypertension intra-crânienne) Moyens IOT si Glasgow ≤ 8 (manœuvre de Baltimore) Ventilation mécanique pour SpO2 ≥ 95% et normocapnie Sédation (MIDAZOLAM + SUFENTANIL) et souvent curarisation (CISATRACURIUM) Pression artérielle moyenne à 80-90 mmHg ou pression artérielle systolique à 120 mmHg Température < 38°C Normoglycémie Hémoglobine 9-10 g/dL (?) Osmothérapie si mydriase aréactive (uni ou bilatérale) MANNITOL 20% (soluté hypertonique par rapport au plasma) Diminution de la pression intra-crânienne Amélioration du débit sanguin cérébral Permet de gagner quelques heures avant la chirurgie

Prise en charge spécifique La détresse circulatoire Choc hémorragique dans 80% des cas Dans 20% des cas : choc cardiogénique ou spinal (lésion médullaire) Coagulopathie dans 30% des cas d’hémorragie sévère (prise en charge indissociable de celle du choc hémorragique) Objectifs Limiter le saignement Assurer une perfusion d’organes Corriger l’anémie et la coagulopathie Moyens Hémostase Remplissage vasculaire Vasopresseurs Transfusion et restauration de l’hémostase biologique

Prise en charge spécifique Le choc hémorragique Recommandations européennes (mises à jour en 2013) sur la prise en charge des hémorragies et des coagulopathies post-traumatiques Spahn. Crit Care. 2013

Contrôler l’hémorragie Stopper les hémorragies extériorisées (suture d’une plaie du scalp, tamponnement d’un épistaxis, pansement compressif, garrot en cas d’hémorragie non contrôlable des extrémités (1B) maximum 6h, pansements hémostatiques) Réduction et immobilisation des foyers de fracture (stabilisation pelvienne précoce (1B) par ceinture pelvienne) Le temps de prise en charge avant le bloc opératoire doit être réduit au minimum (1A) "Damage Control" précoce si la réanimation initiale ne contrôle pas le saignement (1B)

Assurer une perfusion d’organes Concepts de « low-volume resuscitation » et d’ « hypotensive resuscitation » Un remplissage abondant est délétère Une pression artérielle excessive favorise le saignement Remplissage précoce (1A) initialement par des cristalloïdes (1B) Sérum salé isotonique à privilégier Vasopresseurs (NOREPINEPHRINE) pour maintenir la pression artérielle (2C) Si les objectifs tensionnels ne sont pas atteints Dès 1000 mL de remplissage sur voie veineuse dédiée Objectifs (tant que l’hémostase n’est pas réalisée) Hémorragie sans TC grave : PAs 80 – 90 mmHg (1C) Hémorragie et TC grave : PAm ≥ 80 mmHg (1C)

Transfusion sanguine Assurer le transport de l’oxygène Transfusion en isogroupe préférable et dès que possible Urgence vitale immédiate Transfusion sans connaissance préalable du groupe et de la RAI O négatif chez la femme en âge de procréer sinon O positif Objectifs Hb entre 7 et 9 g/dL pour tous les patients (1C) 9 à 10 g/dL en cas de traumatisme crânien grave ou chez le coronarien?

Coagulopathie Facteur indépendant de mortalité chez le traumatisé d’après Brohi. J Trauma. 2003 Phénomène complexe et multifactoriel Triade létale contre laquelle il faut lutter Réanimation agressive et précoce Lutte contre l’hypothermie : réchauffement (interne et externe)  normothermie (1C) Lutte contre l’acidose lactique : remplissage et catécholamines, transfusion érythrocytaire Lutte contre la coagulopathie : apports de facteurs de coagulation et d’agents antifibrinolytiques Mortalité Coagulopathie Jurkovich. J Trauma. 1987 T°C Hypothermie Acidose T° < 34°C pH < 7,2 ; lactates > 5 mmol/L

Facteurs de coagulation Agents anti-fibrinolytiques Ne pas attendre les troubles de coagulation mais les anticiper Bilan de coagulation Monitorage précoce et répétée (1C) Plasma frais congelé 1 CG : 1 PFC à 2 CG : 1 PFC (recommandations HAS) Administration précoce pour compenser le déficit en facteur de coagulation Plaquettes Seuil > 50 x 103/mm3 (1C) ou > 100 x 103/mm3 en cas de TC grave (2C) Généralement lors de la 2ème prescription de culots globulaires Fibrinogène 1er facteur de coagulation à s’effondrer Seuil > 1,5 à 2 g/L (1C) CLOTTAFACT 1,5g/100 mL à la vitesse de 20 mL/min maximum

Facteurs de coagulation Agents anti-fibrinolytiques Calcium Indispensable à la cascade de la coagulation sous sa forme ionisée Seuil > 0,9 mmol/L (1C) Acide tranexamique (EXACYL) 1g/10 min puis 1g/8h Dans les 3 heures qui suivent le traumatisme Concentrés de complexes thrombotiques PPSB Antagonisation des AVK et des nouveaux anticoagulants oraux 25 à 50 UI de facteur IX/kg Facteur VII activé recombinant Traitement d’exception

Transfusion Massive 3 à 5% des traumatisés graves Pas de définition consensuelle (> 10 CG/24h, > 4 CG/1h…) Nécessité de protocoles pré-établis Eviter de prendre du retard en attendant les résultats biologiques et de diluer les facteurs de coagulation Prescription initiale (exemple) 6 CGR 4 PFC 1 CPA (concentré plaquettaire d’aphérèse) 3g de Fibrinogène 1 à 2g de Chlorure de Calcium Critères de déclenchement (cliniques, biologiques, score de probabilité de TM) Complications (hypothermie, immuno-allergiques, infectieuses, respiratoires)

Après la phase de déchocage Patient stable/stabilisé Bodyscanner pour un bilan lésionnel exhaustif Radiographies standards (membres) Patient instable Prise en charge type « damage control » Chirurgie d’hémostase uniquement dans un 1er temps associée à une réanimation per-opératoire (chirurgie écourtée < 60 min) Réanimation post-opératoire (lutte contre la triade létale) et bilan lésionnel complet Chirurgie définitive dans un 2ème temps (J2)

ROLE DE L’IDE

Rôle essentiel à tous les niveaux de prise en charge SMUR Assurer un accès vasculaire de qualité Désinfecter, panser les plaies Surveiller les différents paramètres, la douleur Connaitre parfaitement le matériel à disposition (attelles, scope, respirateur…) Aider à la réalisation de gestes médicaux (IOT, KTIO, …) Salle d’accueil des urgences vitales Idem qu’en SMUR Assurer la sécurité transfusionnelle Poser une sonde naso-gastrique, une sonde urinaire Savoir prélever en artériel (gazométrie, lactatémie) Aider à la réalisation de gestes médicaux (VVC, KTA, drainage thoracique…)

Bloc opératoire Rôles plus spécifiques (IBODE, IADE) Réanimation Idem SMUR et SAUV Surveiller et identifier la survenue de certaines complications Connaitre les techniques de suppléances d’organe (épuration extra-rénale, ventilation mécanique…) A tous les niveaux, respect des règles d’asepsie même dans l’urgence NB : penser (à un moment) à s’assurer du statut vaccinal anti-tétanique

COMPLICATIONS

Multiples et pas forcément spécifiques du traumatisé grave Récidive hémorragique ou hémorragie non contrôlée (reprise chirurgicale, radiologie interventionnelle) Rhabdomyolyse (traumatisme musculaire, crush syndrome) avec risque d’insuffisance rénale aigue Ulcère de stress (prévention par IPP, nutrition précoce) Maladie thrombo-embolique (anticoagulation prophylactique à mettre en balance avec le risque hémorragique, contention veineuse) Infections (d’origine multiple, antibioprophylaxie large) Syndrome du compartiment abdominal (hyperpression intra-abdominale associée à une défaillance d’organe) Syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) Syndrome de défaillance multi-viscérale …

CONCLUSION

La gestion initiale d’un traumatisé grave ne laisse pas de place à l’improvisation Le développement de réseaux de soins, avec des centres de traumatologie de référence, peut faire diminuer la mortalité Le facteur temps est essentiel Il y a 3 grandes détresses à repérer et à traiter (circulatoire, respiratoire et neurologique) Le choc hémorragique post-traumatique représente une cause de mortalité évitable Il faut réchauffer le patient et le transfuser précocement pour lutter contre la triade létale Dans les cas les plus graves, la prise en charge repose sur le concept de « damage control » L’IDE, de la phase pré-hospitalière à la réhabilitation, est un maillon essentiel d’une très longue chaine