L’hermaphrodisme face aux sciences criminelles des XVIIe et XVIIIe siècles français Par Mathieu Laflamme Candidat au doctorat en histoire Université d’Ottawa (Canada) Université Toulouse – Jean-Jaurès (France)
Plan de la communication Principes généraux sur l’hermaphrodisme en France moderne Division thématique Les examens médicaux L’interrogatoire Techniques policières La scène du crime
Principes généraux sur l’hermaphrodisme L’hermaphrodisme n’était pas un crime en France d’Ancien Régime (on ne condamne pas le corps, mais uniquement les comportements et les actions) Condamnation indirecte par l’arsenal pénal inscrit dans les ordonnances du royaume 8 cas recensés en entre le 16e et le 18e dont 6 furent portés devant les tribunaux Réelle fascination pour l’étrange à l’époque moderne
Demande de permission au lieutenant de police de Rennes pour «exposer» sur la place publique une fille «trop velue» Archives municipales de Rennes, FF415/2, « Requête présentée au lieutenant de police pour exposer une fille velue dans la ville de Rennes ».
L’hermaphrodisme et la justice Lorsque la justice d’Ancien Régime était confrontée à un cas d’hermaphrodisme, elle devait impérativement actionnée ses mécanismes pour déterminer le genre juridique d’un individu
Les sciences criminelles dans les procès pour hermaphrodisme
Examens médicaux La justice devait obligatoirement mandater des experts pour constater le « corps du délit » Les experts devaient rédiger un rapport médical détaillé de leur visite, rapport devant être joint au procès Les magistrats ne pouvaient pas rendre de jugement sur une telle matière juridique sans consulter des experts jurés (reconnus par la justice)
Bibliothèque de l’Arsenal, Archives de la Bastille, ms 10806, f° 74-113, « Cas de la nommée Barbier ».
MORAND, Sauveur-François MORAND, Sauveur-François. Description d’un hermaphrodite que l’on voyait à Paris en 1749, 7 pages.
Examen de Morand Ce petit vagin permet sans peine l’introduction du petit doigt, avec lequel on en touche le fond, qui fait un cul- de-sac arrondi comme le seroit le bout d’une portion de gland qui recouvre un doigt. On ne sent au delà ni ouverture, ni partie saillante en forme d’orifice ; cependant il faut qu’il soit percé au fond, & qu’il y ait un canal plus long que la vagin même, puisqu’une bougie que l’on y a mis devant moi, y est entrée plus de quatre pouces. (MORAND, M. description de l’hermaphrodite que l’on voyait à Paris en 1749. Imprimé, 2e page)
Examen de Morand (suite) À l’égard des fonctions de ces parties, voici ce que j’ai observé. L’hermaphrodite a souvent à son réveil, de l’érection plus ou moins forte, qui se soûtient environ une heure de suite ; il en a aussi lorsqu’il est en compagnie de jeunes filles qui lui plaisent ; il ne se soucie point de se la provoquer hors de ces deux circonstances, & dit que cela lui est fort difficile, quoique possible. Il dit qu’à la fin de l’érection il sent au dedans un chatouillement très-vif qui lui fait plaisir, & que dans ce temps-là il lui semble que quelque chose de chaud s’échappe, sans qu’il ne sache dans quelle partie. On lui a demandé si après cette sensation il n’étoit point mouillé par l’ouverture féminine, il a réponde que non […] (MORAND, M. description de l’hermaphrodite que l’on voyait à Paris en 1749. Imprimé, 3e page)
Traité rédigé en 1604 par le médecin français Jacques Duval où il expose les outils et techniques médicales que les médecins-jurés doivent utiliser pour déterminer le genre juridique d’un individu DUVAL, Jacques. Traité des Hermaphrodits, accouchemens des femmes, et traitement qui est requis pour les relever en santé, & bien élever leurs enfans. Rouen, l’imprimerie de David Geuffroy, 1612, 471 pages.
Interrogatoire L’interrogatoire était considéré comme un véritable art Traités et manuels pour apprendre cet art Le tout était codifié et réglementé. La fameuse «question»
Bibliothèque de l’Arsenal, Archives de la Bastille, ms 10806, f° 74-113, « Cas de la nommée Barbier ».
Techniques policières Réseaux de surveillance urbains Les rumeurs publiques La dénonciation
La scène du crime Les experts médicaux devaient visiter la scène du crime, faire le rapport de la visite et le soumettre aux magistrats pour qu’il soit joint au procès Les magistrats eux-mêmes pouvaient devoir se rendre sur la scène du crime
Conclusions Le système judiciaire de la France d’Ancien Régime n’était pas aussi arbitraire et cruel que pourrait le penser Tout était codifié et règlementé Même en l’absence de preuves par ADN ou d’examens balistiques, les magistrats avaient recours aux «sciences criminelles» à leur disposition et particulièrement l’examen corporel, l’interrogatoire et l’étude de la scène de crime
Remerciements Prof. Sylvie Perrier du département d’histoire de l’Université d’Ottawa Le FRQSC et le programme BÉSO (OGS) pour le financement lors de la rédaction de la thèse Le CRSH pour le financement ayant permis la présente présentation Les membres du laboratoire d’histoire européenne de l’Université d’Ottawa