L’APTITUDE MEDICALE AU TRAVAIL : ROLES DU MEDECIN DU TRAVAIL ET DU MEDECIN TRAITANT Pr Ag Nizar LADHARI
INTRODUCTION L’AMT correspond à l’adéquation du poste de travail avec l’état de santé physique et mentale de la personne qui l’occupe. La décision d’AMT a pour objectif : d'éviter de détériorer la santé du fait du travail ou d'entraîner un danger pour autrui. Elle n'a en aucun cas le but de sélectionner le "meilleur" salarié pour un poste donné ni d'évaluer les aptitudes professionnelles.
ROLE DU MEDECIN DU TRAVAIL En Tunisie, le code du travail dans son article 153-2 charge le médecin du travail de : l’examen, et du suivi de la santé des travailleurs et de leurs aptitudes à effectuer les travaux exigés d’eux aussi bien au moment de l’embauche qu’au cours de l’emploi . Le décret de septembre 2000-1985 du 22 septembre 2000 portant organisation et fonctionnement des services de médecine du travail autorise dans son article 27 le médecin du travail à formuler des propositions ayant trait à l’adéquation entre les postes de travail et les compétences et les aptitudes des travailleurs ainsi qu’à la protection des travailleurs contre les risques professionnels.
ROLE DU MEDECIN DU MEDECIN DU TRAVAIL En raison de sa connaissance des exigences du travail à accomplir par le salarié et des conditions dans lesquelles il va être exercé, le médecin du travail est seul habilité à décider si le salarié est médicalement apte au poste de travail défini par l'employeur.
Les circonstances réglementaires nécessitant un avis d'AMT Le décret de septembre 2000-1985 du 22 septembre 2000 portant organisation et fonctionnement des services de médecine du travail précise dans son article 7 que: la réévaluation de l’aptitude au cours de l’emploi peut s’effectuer lors des examens médicaux périodiques, lors des examens de reprise du travail,
Les visites d'embauche Cette visite permet de déterminer: Le médecin du travail est tenu tout d'abord de procéder à la visite d'embauche de tous les nouveaux salariés de l'entreprise. Cette visite doit être effectuée avant la fin de la période légale d'essai. Mais lorsque le poste de travail expose à un risque le salarié ou la collectivité, elle doit être faite avant la mise au travail. Cette visite permet de déterminer: Si le sujet n'est pas atteint d'une affection dangereuse pour ses camarades de travail, S'il est médicalement apte au travail envisagé
Les visites périodiques Le médecin doit revoir périodiquement tous les salariés de l'entreprise. Cette périodicité est au minimum annuelle, mais elle peut être réduite : pour les sujets exposés à un risque professionnel particulier, pour les sujets déficients, pour les sujets âgés de moins de 20 ans et pour les femmes enceintes. Elle permet de confirmer l'aptitude au travail indiqué et de dépister précocement : des affections comportant une contre-indication à ce poste de travail, des maladies professionnelles et des maladies à caractère professionnel des maladies dangereuses pour l'entourage.
Les visites de reprise Le médecin doit faire subir un examen médical à tous les salariés quise sont absentés: pour cause de maladie professionnelle ou d'accident du travail pour congé de maternité, pour cause de maladie non professionnelle si l'absence a duré plus de trois semaines et en cas d'absences répétées. Cette visite médicale a pour seul but de déterminer le cas échéant : les rapports qui peuvent exister entre les conditions du travail et la maladie ou l'accident et de vérifier si l'aptitude du sujet n'a pas été modifiée par la maladie.
Les visites spontanées Le médecin est tenu d'examiner les salariés dont l'état de santé nécessite un examen urgent : en cas d'accident du travail ou de toute autre urgence médicale nécessitant des soins ou un avis médical.
Déterminants de l’avis d’AMT Pour le médecin du travail, l’avis d’aptitude est une décision qui peut être lourde de conséquences pour le salarié (et sa famille) et pour l’employeur (et son entreprise). Il doit donc s’être appuyé sur des éléments décisionnels de qualité rassemblant à la fois les aspects médicaux et professionnels. La détermination de l'aptitude se fait après :
Un bilan médical du travailleur se basant sur un examen clinique et sur des examens complémentaires et avis spécialisés Le médecin du travail est juge de la nature et de la fréquence de ces examens complémentaires en fonction des risques auxquels sera exposé le travailleur. Les résultats de ce bilan sont portés au dossier médical constitué au moment de la visite d'embauche et complété lors de chaque examen ultérieur
La définition des caractéristiques du poste de travail la nature du travail et les conditions dans lesquelles va être exercé ce travail. Inventaire de tous les dangers et les risques professionnels auxquels sera exposé le travailleur. Il doit formuler des observations : aménagement, propreté, chauffage, éclairage, aération etc... l'état des machines et de l'outillage, la mise en place des dispositifs de protection et leur fonctionnement, les produits employés. Évaluer les risques : observation du travailleur à son poste de travail, identification des nuisances, métrologie...). L’ inventaire et l’évaluation se font pendant l'activité TIERS-TEMPS du médecin du travail qui doit consacrer le 1/3 de son temps à la visite des lieux du travail
Les conclusions d’AMT : Le médecin du travail doit établir un certificat d'aptitude à l’intention de l’employeur. Ce certificat ne doit comporter que des indications d'aptitude ou d'inaptitude à l'exclusion de tout renseignement médical. En revanche, elle peut indiquer des propositions d'aménagement de poste. 1. Aptitude avec restrictions = Inaptitude Partielle: sous réserve de ne pas effectuer certaines activités mentionnées sur le certificat d'aptitude. Il est nécessaire d'être attentif, car, s’il n'existe pas de possibilité d'aménagement de poste, cette aptitude avec restriction peut entraîner les mêmes conséquences que l'inaptitude totale.
Les conclusions d’AMT 2 Inaptitude temporaire : N'est pas en état momentanément de tenir son poste. Le médecin du travail fixe alors un délai au terme duquel il reverra le salarié afin de réévaluer cette inaptitude. Cet avis d'inaptitude temporaire peut être nuancé avec des propositions d'aménagement de poste soumises à l'employeur. Exemple : Un infirmier qui s’est blessé au niveau d’un doigt peut être inapte temporaire aux tâches de soins mais peut parfaitement assurer des tâches administratives tel que l’inscription des malades à la consultation sans que cela ne puisse retarder la guérison de sa blessure ou transmettre des germes aux malades
3 Inaptitude totale et définitive : Les conclusions d’AMT 3 Inaptitude totale et définitive : L'inaptitude définitive est proposée dans une situation où l’état de santé du salarié est totalement incompatible avec les exigences d’un poste de travail précis. Son travail à ce poste risque d’aggraver son état de santé ou peut constituer un danger pour lui, pour ses collègues du travail et pour les tierces. Le médecin du travail doit alors désigner de manière précise sur le certificat d'aptitude le poste pour lequel ce travailleur est inapte et il peut proposer un reclassement professionnel.
4 Le reclassement professionnel : Les conclusions d’AMT 4 Le reclassement professionnel : Le reclassement professionnel se situe en aval d’une décision d’inaptitude totale ou partielle, temporaire ou définitive, à la suite ou non d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Le reclassement professionnel comprend toutes les mesures qui donnent au salarié la possibilité d’exercer à son poste antérieur ou éventuellement à un autre poste. Le médecin du travail proposera alors soit un aménagement de poste, soit une restriction des tâches, soit un changement de poste : il peut proposer l’affectation ou la mutation du travailleur inapte à un poste donné à un autre poste moins contraignant et compatible avec son état de santé.
Les conclusions d’AMT Exemple : Un épileptique est inapte au poste de chauffeur de bus en raison de risque de crises pendant le travail ce qui peut être à l’origine d’une perte de contrôle du véhicule et donc de la mise en danger sa propre sécurité, de celle de son collègue receveur, de celle des passagers mais aussi des autres utilisateurs de la route. Le médecin du travail peut par contre proposer son affectation ou sa mutation au poste de receveur. L’impossibilité de reclassement professionnel peut conduire à la rupture du contrat de travail.
Reclassement des victimes d’accidents du travail : Les conclusions d’AMT Reclassement des victimes d’accidents du travail : (loi 94-28 du 21 février 1994 portant régime de réparation des préjudices résultant des accidents du travail et des maladies professionnelles) L’employeur doit maintenir la victime d’un accident de travail dans la même catégorie professionnelle qu’il occupait avant l’accident Le reclassement ou le licenciement de la victime d’accident de travail ne peuvent avoir lieu que si son incapacité permanente l’empêche d’accomplir son travail et après accord de l’inspection médicale du travail. Recours contre l’avis d'aptitude : Lorsqu'il existe un désaccord sur les conclusions d'aptitude données par le médecin du travail, le salarié ou l'employeur peuvent saisir l'inspecteur du travail et le médecin inspecteur du travail
LE ROLE DU MEDECIN TRAITANT Son rôle est totalement différent mais complémentaire de celui du médecin du travail. 1 Connaissance insuffisante du poste de travail : Connaissance insuffisante des caractéristiques du poste de travail (interrogatoire) le médecin traitant ne doit pas émettre un avis d'aptitude ou d'inaptitude définitive au travail mais il a cependant l'initiative de l'arrêt de travail en cas d'affection aiguë.
LE ROLE DU MEDECIN TRAITANT 2 Maladies chroniques et aptitude au travail : Le médecin traitant doit informer le médecin de travail sur: La constations d’une nouvelle maladie chronique L’évolution d’une maladie antérieure modifications ou changement de poste de travail.
LE ROLE DU MEDECIN TRAITANT 3 Aptitude au travail après accidents du travail ou maladie professionnelle : Les accidents du travail et les maladies professionnelles laissent craindre des séquelles fonctionnelles susceptibles de présenter des difficultés d’adaptation aux postes de travail précédemment occupés, le médecin traitant doit prendre contact avec le médecin du travail suffisamment tôt avant la reprise de travail prévue afin qu’un aménagement puisse être organisé.
LE ROLE DU MEDECIN TRAITANT 4 Communication avec le médecin du travail et avec l’employeur : Étant tenu au secret médical (art. 254 du CpT), le médecin traitant ne doit pas communiquer les renseignements même médicaux dont il dispose directement au médecin du travail, il ne peut lui transmettre des renseignements que par l'intermédiaire et avec l'accord du patient.. Il doit éviter à tout prix d'adresser à l’employeur, même par l'intermédiaire du patient, un certificat médical de contre-indication à telle ou telle activité supposée néfaste : cela risque d'aboutir à un licenciement, que le médecin du travail aurait pu éviter.
HANDICAP ET APTITUDE La loi n° 81-46 du 29 mai 1981 relative à la protection et la promotion des handicapés modifiée et complétée par la loi n° 89-52 du 14 mars 1989 énonce un principe absolu en stipulant que « l’handicap ne saurait constituer un empêchement pour l'accès d'un citoyen à un emploi dans le secteur public ou privé s'il a les aptitudes nécessaires pour l'exercer".
HANDICAP ET APTITUDE Des mesures ont été instituées pour promouvoir les possibilités d'emploi des handicapés. La première mesure astreint les entreprises publiques et privées de tous les secteurs économiques, régies par le code du travail de réserver 1% de leurs postes d'emploi aux personnes handicapées. La deuxième mesure concerne l'exonération des employeurs du versement de la totalité ou d'une partie des charges sociales patronales sur chaque handicapé employé.
CONCLUSION Les rôles respectifs du médecin du travail et du médecin traitant sont très spécifiquement différenciés. Vu sa connaissance des caractéristiques du poste de travail, seul le médecin du travail est habilité à se prononcer sur l’AMT d'un salarié à son poste. Le médecin traitant ne peut communiquer des informations au médecin du travail que dans le strict respect du secret médical c'est-à-dire avec l'accord de son patient et par son intermédiaire.