PSA Cancer de la prostate Dépistage et Diagnostic Frédéric Thibault Service d’urologie HP Metz
La prostate Une glande masculine Un organe très utile Située sous la vessie En avant du rectum Traversée par l’urètre Un organe très utile Reproduction constitution du sperme et fertilité sperme= liquide séminal + spermatozoïdes Sexualité: éjaculation
La prostate Une glande « carrefour » De l’appareil urinaire Urètre De l’appareil génital Emission de sperme = éjaculation vessie urètre prostate testicule
La prostate: des maladies L’infection: 1 homme sur 10 prostatite aig, chronique La tumeur bénigne ou HBP: 2 hommes sur 3 adénome ou hypertrophie bénigne (HBP) La tumeur maligne: 1 homme sur 8 cancer de la prostate
Incidence du cancer de la prostate 1er cancer de l’homme > 71 000 nouveaux cas en 2011 35% des cancers masculins Près de 30% révélés avant 65 ans Age médian au diagnostic: 70 ans (0,5 % avant 50 ans ; 32 % après 75 ans) Augmentation d’incidence = vieillissement + modification des pratiques diagnostiques
Mortalité par cancer de la prostate 3ème cause de mortalité par cancer masculin > 9 000 en 2011 9,8% des décès par cancers masculins 64% des décès avant 85 ans Diminution de la mortalité toutes tranches d’âge = par modification de la prise en charge
Trop de dépistage du cancer de la prostate ?
Dépistage du cancer de la prostate Controverse sur l’intérêt et la pratique du dépistage Confusion sémantique entre différents types Dépistage de masse organisé, systématique Dépistage individuel = démarche individuelle de diagnostic précoce Définition Rechercher et découvrir ce qui est inapparent ou caché
Situation particulière du CaP 3 phases cliniques Stade Incurable détectable Symptômes tardifs Curable détectable Absence de symptômes "Fenêtre de curabilité" : 1 à 5 ans Curable indétectable Absence d'outils Age
Des opposants systématiques … Beaucoup d’encre: blogs de médecins ( la fable du PSA) Médecins de santé publique , épidémiologistes , MG
Des positions ambivalentes! « Pas assez de dépistage ! » « Trop de traitements » « Trop d’effets secondaires ! »
Des recommandations irresponsables!
PLCO JNCI 2012 Le dépistage organisé ne fait pas mieux que le dépistage opportuniste ou individuel ! PLCO proposait un dépistage systématique à la moitié des hommes d’une population nord-américaine qui était déjà largement soumise à un dépistage individuel
Conclusions de l’ERSPC 2009 Réduction significative (21% à 11 ans) du risque de décès par CaP dans le groupe dépistage versus groupe contrôle non soumis au dépistage organisé (hommes 55-69 ans) Amplification attendue de l’effet avec le temps Taux élevé de diagnostic de cancers potentiellement à faible risque évolutif (30%) -> Risque de sur-traitement Intervalle entre dosages de 4 ans (87%) ou 2 ans (13%) 29% pour ceux qui ont réellement suivi le dépistage
1055 dépistés et 37 diagnostiqués ERSPC : surdiagnostic 1 décès évité pour 1055 dépistés et 37 diagnostiqués Taux élevé de diagnostic de cancers potentiellement à faible risque évolutif 40% --> risque de sur-traitement
USPTF
Conclusions HAS / ERSPC - PLCO
Et les recommandations ?
> 2003 L'Association Française d'Urologie recommande : - l’information des hommes sur les risques et bénéfices du dépistage du cancer de la prostate par le dosage du PSA et des traitements induits - le dépistage du cancer de la prostate par le dosage du PSA total et un toucher rectal tous les ans entre 50 et 75 ans et dès 45 ans s'il existe un risque familial ou ethnique + Implication ERSPC + Ajustements (1er dosage, intervalle,…) + Recommandations PBP, prise en charge et suivi + Protocoles surveillance active et TT focal + Évaluation des pratiques Dépistage du cancer de la prostate. Recommandations de l’Association Française d’Urologie (AFU). A Villers, X Rébillard, M. Soulié, JL Davin, P Coloby, JL Moreau, A Méjean, J Irani, C Coulange, P. Mangin. Progrès en Urologie (2003), 13 209-14.
Recommandations EAU (2015)
Evolution de l’épidémiologie depuis le PSA Migration du stade de détection Auparavant, 2/3 au stade localement avancé ou métastatique 75% des patients à ces stades mouraient du CaP En 2007, 64,7% des nouveaux patients ont PSA<10ng/ml Actuellement, au diagnostic: majorité de cancers localisés T1c , découverts grâce au PSA 1/3 T3 cliniques (localement avancés), 2 à 6% métastatiques Mortalité en baisse constante depuis 1990 Au moins 2,5%/an, les 10 dernières années pour la mortalité spécifique
HAS questions / réponses Rapport HAS / DGS 2012 Groupes à risque HAS questions / réponses Reconnaissance de facteurs de risque de survenue plus fréquente Difficulté de repérer à l’échelle populationnelle des groupes d’hommes à risque Génétiques: parents de 1er degré, origine africaine Environnementaux: agents chimiques, chlordecone Pas d’intérêt d’une politique de dépistage dans cette population à risque Importance de l’information dans le cadre du dépistage individuel
Analyse des prises en charge
Amélioration du stade au diagnostic Baisse de la mortalité Pratique large du PSA Situation de « quasi-dépistage » Amélioration du stade au diagnostic Baisse de la mortalité
Ré-estimation incidence / FRANCIM 2011-2012 Progression pendant 25 ans Progression pendant 25 ans, stabilisation à partir de 2005 proche de 70.000 nouveaux cas/an, baisse depuis 2009 toutes tranches d’âges Estimation FRANCIM (non publiée)
Quelle stratégie de dépistage ?
Objectifs Information sur le dépistage individuel et Individualisation des risques
Ajuster et sécuriser la démarche diagnostique Une démarche engagée LES OBJECTIFS Information Quand faire le PSA ? Ajuster et sécuriser la démarche diagnostique Le PSA seul est-il encore valide ? Quand décider de faire des biopsies prostatiques ? Limiter le sur-traitement Surveillance active, traitements focaux, Watchful Waiting Quand traiter ? Eviter les sous-traitements
Optimisation des performances du PSA Données connues PSAt : zone grise de 4 à 10 ng/L (2 à 10) Ajustement PSAt à l’âge Cinétique du PSA +++: temps de doublement Nouvelles formes moléculaires De nouveaux marqueurs d’agressivité? En évaluation Marqueurs ARN : PCA3, test urinaire après massage prostatique Métabolomes : Sarcosine Marqueurs protéiques : gènes de fusion Cellules circulantes
Propositions AUA / NCCN Dosage de PSA dès 40 ans ? Analyse risque individuel
Du neuf dans le diagnostic?
Outils du diagnostic : les mêmes Toucher rectal Opérateur dépendant, non suspect pour un cancer débutant TR anormal avec PSA normal: 15% de CaP Antigène Prostatique spécifique (PSA) Dosage sérique (plusieurs tests) Marqueur spécifique du tissu prostatique, mais non du cancer Difficultés d’interprétation de l’augmentation du PSA: cinétique
Diagnostic par P S A PSA Total probabilité de cancer - Proposition d’abaisser la valeur seuil pour les biopsies à 3, voire 2,5 chez patients < 60 ans - Valeur du PSA à pondérer par: volume prostatique (HBP) âge du patient: 40-49 ans seuil PSA : 2,5 50-59 ans 3,5 60-69 ans 4,5 70-79 ans 6,5 4 10
Diagnostic par P S A PSA Total probabilité de cancer - Proposition d’abaisser la valeur seuil pour les biopsies à 3, voire 2,5 chez patients < 60 ans - Valeur du PSA à pondérer par: volume prostatique (HBP) âge du patient: 40-49 ans seuil PSA : 2,5 50-59 ans 3,5 60-69 ans 4,5 70-79 ans 6,5 4 10
Moyens modernes de diagnostic IRM prostatique fonctionnelle - Types d’antennes: endo rectales, externes - Différents temps: séquenceT2, perfusion gadolinium , diffusion, spectroscopie - Localisation tumeur: lésion cibles - Bilan d’extension: atteinte extra capsulaire, VS T2 ADC
Place de l’IRM dans la détection des cancers de la prostate Cancers > 0,5cc (10 mm de diamètre) ou agressifs (grades 4 ou 5) détectables en IRM Cancers de faible volume et peu agressifs moins visibles Actuellement, aide à la détection après PBP négative et si persistance de suspicion de cancer A l’avenir, l’IRM pourrait contribuer à la décision de réaliser - ou non - une première série de biopsies Test de « triage » : en cas d’IRM normale, la biopsie ne serait pas pratiquée Stratégie en cours d’évaluation Haffner BJUint 2011 Villers 2012
Place de l’IRM dans la détection des cancers de la prostate
Biopsie Écho-guidée Preuve histologique du cancer
Technique des biopsies systématiques Technique en sextant (Hodge 1986) 6 prelévements, base, milieu, apex faux négatifs de 30% Protocole de 10 à 12 biopsies Biopsies de saturation Lateral Sextant biopsies laterales
Fusion image IRM / échographie pour biopsie de la prostate Fusion mentale Koelis / Urostation
Biopsies ciblées : implications cliniques ? Détection⬇ Longueur⬇ Agressivité⬇ Nombre de prélèvements⬆ Infection ? Détection⬆ Longueur⬆ Agressivité⬆ Nombre de prélèvements⬇ Tolérance ++ Infection ?
Gleason: grade et score Bas risque Score Gleason ≤ 6 En général 3+3 Risque intermédiaire Score Gleason =7 3+4 4+3 Haut risque Score Gleason >7 8,9,10
Classification TNM T1 - T2 T1 - TR non suspect T2 - TR anormal T limitée à un lobe PSA élevé diagnostic par biopsie T limitée à un lobe T2b Bas risque T1-T2 et PSA ≤ 10 et SGleason ≤ 6 T envahissant les deux lobes T2c
Groupes pronostiques selon D’Amico T1-T2 et PSA ≤ 10 et SGleason ≤ 6 Groupe favorable T2b ou 10 < PSA ≤ 20 ou SGleason = 7 Groupe intermédiaire T2c-T3 ou PSA > 20 ou SGleason 8-10 (N+) Groupe défavorable
Quand faire un bilan d’extension? et lequel?
Sur-traitement? Surveillance active?
Holmberg / Bill-Axelson 2004 - 2008 Sur-traitement ? Holmberg / Bill-Axelson 2004 - 2008 A 12 ans, la prostatectomie totale réduit la mortalité par cancer (12,5%) comparativement à l’abstention-surveillance (17,9%)
Sur-traitement ? PIVOT Prostatectomie vs surveillance pour des hommes dépistés par PSA : (âge moyen 67ans, PSA médian 7.8 ng/ml) 1 Tendance à la réduction de la mortalité dans le groupe des hommes avec tumeur à haut risque ± risque intermédiaire traités par chirurgie 2 Moindre taux de métastase dans le groupe prostatectomie (4.7 vs 10.6 %) 3 Pas de réduction de la mortalité dans le groupe des hommes avec tumeur à bas risque Limitations liées au protocole (underpowered) : 2000 patients avec suivi de 15 ans prévus mais finalement 731 patients avec suivi de 10 ans
Des réponses au « sur-traitement » Abstention surveillance « Watchful waiting » - Surveillance avec traitement différé si EDV < 10 ans et T1-T2 bien ou moyennement différencié - Traitement hormonal ou palliatif en cas de signes de progression locaux ou généraux Surveillance active « Active monitoring » - Cancer à très faible risque de progression à un stade curable - Discuter une surveillance « organisée » et un traitement curatif différé si nécessaire - Ne pas traiter pour éviter les effets secondaires des traitements Steinberg, J Urol 1998 - Holmberg, NEJM 2002
Des réponses au « sur-traitement » Steinberg, J Urol 1998 - Holmberg, NEJM 2002
Sur quels critères sélectionner un patient pour une surveillance active ? Critères d’éligibilité SURACAP-PHRC 2007 Age < 75 ans Espérance de vie > 10 ans Stade clinique < T2b PSA < 10 ng/ml Biopsie prostatique comprenant ≥ 10 carottes Score de Gleason < 7 (pas de grade 4) Biopsies positives < 3 (soit 1 ou 2) Pas de carotte envahie sur + de 3 mm Surveillance: - PSA - Rebiopsies
Surveillance active : dans quels cas?
Variabilité des critères d’éligibilité aux protocoles de surveillance active
Etude multicentrique CCAFU des pièces de prostatectomie totale de patients répondant aux critères de la surveillance active Sous-évaluation de 37% du score de Gleason (entre la biopsie et la pièce opératoire) Maladie extra-capsulaire pT3 : 15% des cas Les tumeurs « non significatives » < 0,5 cc à très faible risque de progression était de 26% Critères (in)suffisants pour la SA ? Place de l’IRM et des nouveaux biomarqueurs Importance de la re-biopsie et des biopsies pour le suivi
Pourquoi le bon candidat est-il difficile à choisir ? Tous les éléments à considérer sont discutables … T mais 30 à 40% des T1c sont des pT3 Gleason mais concordance inter-observateurs médiocre Biopsies: intérêt des biopsies de restadification (correction dans 30% des cas) PSA, PSA DT, PSA V valeur pronostique médiocre isolément Apport IRM, nouveaux biomarqueurs, nomogrammes Idem pour critères d’interruption de la surveillance Melia, Histopathology 2006 - Oyama, Arch Pathol Lab Med 2005 - Ochiai, J Urol 2005 - Thompson, JAMA 2005
Résultat à long terme de la surveillance active Étude de cohorte de phase II sur la surveillance active (Toronto, 1995) N = 453 pts, âge médian= 70 ans, suivi médian = 7,2 ans À l’inclusion : score de Gleason ≤ 6, PSA ≤ 10 ng/mL Traitement radical si : Temps de doublement du PSA < 3 ans, OU Progression vers un grade 4+3, OU Progression clinique 35% pts traités secondairement en raison d’une reclassification (dont 25 PT : 42% pT2 58% pT3, 8% pN+) 52% de récidive biochimique chez les patients ayant eu un traitement radical
SA : mortalité spécifique basse # 1%
La prostatectomie ?
En conclusion Double objectif de la prise en charge Ne pas sous-traiter les hommes porteurs d’un CP agressif, ce qui implique de les diagnostiquer précocement pour proposer un traitement offrant les meilleures chances de guérison Eviter le diagnostic inutile des CP de faible volume et peu agressifs (diminuer le “sur-diagnostic”), et leur traitement abusif (diminuer le “sur-traitement”) Devant un CP à faible risque, on propose au patient une “surveillance active”, et il doit être informé de cette possibilité avant la réalisation de la biopsie Importance de la discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) de chaque cas de cancer diagnostiqué