Evaluation du préjudice professionnel après un TC: Le point de vue de l’avocat Colloque « France Traumatisme Crânien » 2 décembre 2016 - Bourg en Bresse « Réinsertion Professionnelle et Traumatisme Crânien » Jean-Michel Grandguillotte Cabinet Arcadio & associés DIU TC enfants et adolescents DU patients EVC-EPR
I - Une évaluation médicale avant d’être juridique Du dommage à la notion de préjudice Importance de l’expertise médicale et notamment… Du choix de la mission d’expertise, (mission E.Vieux – spécifique TC) Des qualifications de l’expert et/ou de son sapiteur (Neurologue, MPR, neuro-radiologue, Médecin du travail, neuropsychologue, ergothérapeute,…)
Les pièges à éviter en expertise… L’imagerie et rien d’autre!? Les bilans trop rapprochés (re-test) La consolidation prématurée (…ou à l’inverse, sans cesse repoussée!) Les apparences parfois trompeuses (reprise du travail ou du cursus scolaire, taux d’incapacité modéré, bilans peu sensibles aux capacités antérieures …)
La spécificité des TC, identifiée par les juristes… L'ouvrage de référence du Professeur LAMBERT-FAIVRE ne manque pas de souligner que le "taux d'incidence professionnelle est particulièrement important pour les traumatisés crâniens dont les séquelles rendent difficiles, voire impossible une vie professionnelle réussie, même si le taux de déficit fonctionnel séquellaire est modéré pour la vie courante". Voir « Droit du dommage corporel systèmes d'indemnisation » Précis Dalloz, 5è édition Page 199
Les pièces essentielles, à ne jamais oublier… Avis d’arrêts de travail, Avis du médecin du travail, Lettre de licenciement, Décision du médecin conseil CPAM, RQTH, AAH, Bilans UEROS ou autres évaluations (stages, EMT,…)
II – L’étape de l’évaluation juridique et monétaire Plus de confusion possible entre « DFP » (incapacité fonctionnelle) et préjudice professionnel. La nomenclature Dintilhac autorise désormais une indemnisation à travers 2 postes distincts: Les pertes de gains futurs (PGPF) L’incidence professionnelle (IP)
1°/ PGPF, quelle approche? Le calcul consiste à faire une projection (viagère ou temporaire) des revenus antérieurs de la victime Rente ou capital? VIGILANCE/ Erosion monétaire et fiscalité! Quid du non salarié, de l’étudiant ou du très jeune enfant???
TC…des victimes Jeunes
En l’absence de référence salariale antérieure Les juristes utilisent volontiers la notion de « perte de chance » Référence au salaire moyen français (INSEE), sauf meilleurs critères… - Niveau d’études antérieur / résultats scolaires, - Environnement familial (parents, fratrie…)
Difficultés liée à une hypothétique reprise d’activité Lorsque le médecin expert décrit une capacité résiduelle à travailler, en milieu ordinaire ou adapté… Comment en être certain? Un marché de l’emploi défavorable (Entre 2011 et 2015: 65% d’augmentation du nombre de chômeurs chez les personnes en situation de handicap!)
Un solution, …encore peu exploitée La réouverture du dossier en « aggravation situationnelle » (Ne pas confondre avec l’aggravation médicale!) On est ici dans la dimension environnementale du handicap (≠ de l’approche strictement fonctionnelle) Cf. Cass.Civ. 2ème Ch. 16 jan 2014 « La constance des séquelles n’empêche pas l’aggravation du préjudice »
2°/ Incidence professionnelle, quel contenu? Tout ce qui n’est pas appréhendé dans les pertes de gains, à savoir: La pénibilité, La dévalorisation /marché du travail, La perte de promotion, La perte sur la retraite, La perte de statut social … Une critique = indemnisation forfaitaire, souvent peu importante…
Celui qui perd son travail, perd bien plus qu’une simple source de revenus…
Illustration 2 victimes, 2 parcours… Cas de Leyla, TC sévère en 2001, à l’âge de 13ans Cas de Olivier, TC sévère en 1999, à l’âge 29ans
Ex N°1 : LEYLA Accident de circulation en juil. 2001 (passager, non ceinturée) TC Grave, avec comme séquelles: - syndrome cérébelleux, - diplopie, - paralysie faciale droite, - troubles neuropsychologiques
LEYLA (suite) Prise en charge médicale: Hôpital Debrousse jusqu’en aout 2001 Romans FERRARI jusqu’en juin 2003 Fondation RICHARD jusqu’en 2010
LEYLA (suite) Scolarité / Formation : Brevet en 2006 (à 18 ans) 1ère année CAP Prothèse dentaire (échec) BEP secrétariat en 2009 (à 21 ans) Bac pro (abandon) RQTH + AAH ESAT Hors Murs › stages › CDI (20h/semaine) à compter de sept 2011
LEYLA (suite) Au plan procédural: Plusieurs expertises médicales amiables (…en 2001, 2003, 2004, et 2005) Etat jugé non consolidé durant toute cette période
LEYLA (suite) Dernière expertise en 2014 avec avis sapiteurs (neuro + ophtalmo) -Consolidation : juin 2010 (22ans) -SE : 5,5/7 -PE : 4/7 -DFP : 53% -Aide humaine : 2h30/J (7J/7) -Préj. Scolaire : retard 2ans + perte de chance -Préj. Professionnel : apte à un poste sédentaire, en milieu protégé, à temps partiel
LEYLA (suite) Curatelle simple depuis mai 2015 Leyla toujours employée comme assistante administrative (régie) Fatigabilité ++ et difficultés relationnelles+++ (avenir??) « PGPF » + « IP » : indemnisés en capital, sur base d’une perte de chance d’occuper un poste à temps plein, dans un emploi mieux rémunéré + pénibilité
Ex N°2 : OLIVIER 29 ans, sportif, marié, sans enfant, salarié en CDI labo pharmaceutique Accident de circulation en oct. 99 (conducteur/ heurté par un tracteur) TC Grave + coma Nombreuses lésions associées (fémur, tibia-péroné, radius cubitus, bassin…)
OLIVIER (suite) Prise en charge médicale: Hospitalisé CHU Dijon (18 jours), Puis Centre de rééducation Divio (avec nombreux séjour en chir. Ortho) Retour au domicile en octobre 2002, avec comme séquelles: -syndrome tétrapyramidal (marche difficile), -raideur sévère des 2 chevilles, -paralysie sensitivo motrice MSG, -troubles neuro cognitifs (mémoire, attention, désinhibition,…)
OLIVIER (suite) Au plan procédural: 1ère expertise amiable en avril 2000 État non consolidé (hospitalisé) Expertise judiciaire en déc. 2002 Consolidé au 23/09/2002 SE : 5,5/7 DFP : 60% Aide humaine : 10h/semaine Préj. Pro : Reprise activité antérieure impossible, mais état compatible avec un travail en CAT
OLIVIER (suite) Indemnisation par Jugement du TGI de Lyon du 20 sept. 2004 Avec pour son préj. Pro: -Une projection de ce qu’aurait dû être son maintient de salaire + primes (jusqu’à 60ans) - Mais une déduction de ce que pourra être son salaire en milieu protégé (SMIC!)
OLIVIER (suite) Problème! En dépit d’une prise en charge adaptée (RQTH, UEROS…) Seulement QQ missions ponctuelles + stages Olivier n’a jamais été en mesure de retravailler, même en milieu protégé! DONC (depuis 2015) Réouverture de son dossier en aggravation situationnelle (exp. médicale + archi)
« Le travail est l’interface fondamentale entre l’homme et la société, le pivot de toute socialisation » J-baptiste Prévost – philosophe À propos de l’incidence professionnelle Gaz.Pal. 10 août 2010
Merci!