La parenté La plupart des illustrations ont été crées par Brian Schwimmer, University of Manitoba, ©1995-2003, et sont utilisées avec permission. Certaines ont été modifiées; les commentaires ne sont pas de M. Schwimmer. (http://umanitoba.ca/faculties/arts/anthropology/tutor/index.html) Guy Lanoue, Université de Montréal, 2011-2-17
La parenté est un sujet qui a toujours été un domaine d’enquête privilégié par l’anthropologie coloniale à la recherche d’une clef pour identifier l’équivalent des institutions et pratiques de contrôle politique de « chez nous », l’Occident. Les anthropologues se concentrent sur trois choses: les mécanismes qui semblent assurer la continuité sociale dans la dimension temporelle – les dynamiques de la descendance, de la filiation – et les mécanismes qui semblent assurer le contrôle de l’espace social et géographique – les règles de mariage et les règles de résidence. Ces trois dimensions du problème de contrôle – un dans le temps et deux dans l’espace – créent trois orientations: on peut découper les systèmes de parenté par 1) la filiation, par 2) les règles de de résidence, et par 3) la façon dont une société distingue les divers types de cousins. Photos de l’intérieur de 80 Kinship Road, Baltimore; https://www.google.ca/search?q=kinship+rules&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwi3_c2bmMDWAhVpwlQKHcX7BhcQ_AUICygB&biw=1536&bih=726#imgrc=SgNViQSDo425hM:&spf=1506337438482; 24-09-2017
Pourquoi les cousins? Parce que les premières sociétés africaines étudiées par les anthropologues britanniques et français avaient des règles de mariage positives qui s’érigeaient autour d’une distinction entre le mariage d’égo avec une cousine fille de la sœur de la mère ou du frère du père (cousine parallèle), et le mariage d’égo avec la fille du frère de la mère ou de la sœur du père (cousine croisée). La premier forme de mariage, avec quelques exceptions, et défendue; tandis que la 2e est très répandue parmi les sociétés qui favorisent des système de mariage qui unissent deux groupes plutôt que deux personnes. Ces sociétés africaines (et plus tard, polynésienne et australienne) possédaient telles règles et tels systèmes,… … et donc deviennent par inadvertance le modèle pour toutes les autres sociétés « primitives » que les anthropologues étudiaient à l’époque – les premières recherches sur les sociétés occidentales et modernes se déclenchent seulement dans les années 1960s, et même là, les anthropologues ciblent seulement les groupes marginaux des sociétés occidentales – les Québécois, les Gitans, les pauvres, les Afro-américains. Personne ne parle des élites ou des dynamiques hégémoniques de l’Occident.
Les familles et la famille ne sont pas des phénomènes universels Les familles et la famille ne sont pas des phénomènes universels. L’anthropologie a développé une obsession avec la parenté, car le fonctionnalisme, le structuro-fonctionnalisme et même le structuralisme ont soutenu, d'une façon ou d'une autre, que la parenté chez les peuples non occidentaux peut définir des structures émotives, psychiques, et institutionnelles qui jouent des rôles actifs et contraignants dans l’encadrement du quotidien et dans la reproduction sociale, rôle joué « chez nous » par des institutions attachées aux idéologies et aux systèmes juridiques (censés être des incarnations d’un éthos plus avancé, puisqu’elles sont détachées des contingences de la parenté). L’exemple mieux connu est la société acéphale, mais structurée selon la logique patroclanique, les Nuer du Sudan. Une chose est certaine: la famille est polysémique. Par exemple, on a parfois noté le paradoxe où le discours public des sociétés nord-américaines semblent obsédée par la famille, qui serait l’antithèse de valeurs nord-américaines qui favorisent l’individualisme capitaliste. http://www.bible.ca/prayer-family.gif
Cependant, « la famille » n’est qu’un mot Cependant, « la famille » n’est qu’un mot. Elle peut se comprendre en plusieurs sens: famille nucléaire, étendue, souche, ou comme un idée qui fonctionne de métaphore pour le passé et pour l’encadrement social: la famille « d’origine » (quand on se marie, quand on émigre) est aussi une métaphore pour la tradition, pour l’enracinement, pour la résistance aux vicissitudes et aux contingences des forces du marché mondial. Aujourd’hui, elle semble, en Amérique du Nord, avoir acquis d’autres couches de signification, avec l’émergence de ce que plusieurs appellent la néo-parenté: adoptions (légales ou non), familles recomposées, la gestation pour les tiers (surrogacy). Les familles recomposées sont tellement répandues que le bureau de recensement américain a cessé d’enquêter sur ce phénomène après 1990. Même les statistiques fournies par Wikipedia (souvent douteuses sur le plan méthodologique, mais néanmoins indicatives: http://en.wikipedia.org/wiki/Stepfamily#cite_ref-4; 24-09-2017) estiment que 30% des enfants américains sont élevés dans les familles recomposées, et que 50% vivent avec un seul parent biologique et le ou la conjoint(e). Cette complexité des rapports, surtout dans une culture nationale qui est marquée par une forte tendance à invoquer la nature et la biologie comme source de légitimité, transforme la famille en mini-univers, une métaphore pour la complexité et les forces occultées et surtout lointaines du système mondial. Il n’est donc pas surprenant que « la famille » comme catégorie soit souvent invoquée et qu’elle devienne un outil à penser le social. http://www.cartoonstock.com/newscartoons/cartoonists/rro/lowres/rron666l.jpg
Abréviations pour les termes de parenté (en anglais, le standard) M = mère; P = père; Z = sœur; D = fille; S = fils; B = frère B. Schwimmer
L’organigramme d’un système linéaire, indiquant les lignes de filiation et l’organisation des catégories selon une logique totémique
La parenté bilatérale (la parentèle bilatérale et égocentrique) B. Schwimmer
Parentèles égocentriques dans un système bilatéral = membres de la parentèle d'Égo = membres de la parentèle de l'Autre (Alter) = personnes qui appartiennent aux deux parentèles B. Schwimmer
Parenté matrilatérale et parenté patrilatérale B. Schwimmer
Parenté matrilinéaire et patrilinéaire = parenté patrilinéaire = parenté matrilinéaire = parenté croisée (tracée par des paires de sexe opposé) B. Schwimmer
Filiation (« descendance ») patrilinéaire, Égo féminin B. Schwimmer
Filiation patrilinéaire, Égo masculin B. Schwimmer
Filiation matrilinéaire, Égo féminin B. Schwimmer
Filiation matrilinéaire, Égo masculin B. Schwimmer
Parenté linéaire et parenté collatérale Parenté linéaire – ancêtres ou descendants (Bleu foncé) Parenté collatérale – branches apparentées aux paires (Bleu pâle) de la parenté linéaire B. Schwimmer
Degré de consanguinité, calcul selon le système canonique B. Schwimmer Selon le système canonique, le degré de parenté est calculé selon le nombre plus grand de liens entre Égo et l'Autre et leur ancêtre partagé. Dans ce cas, Ego compte 4 liens, Alter 3, donc le degré de séparation est 4, autrement dit, 4 degrés de consanguinité.
Degrés de consanguinité, système canonique Selon le système canonique, chaque degré de séparation indique un autre degré de parenté; ce système était utilisé par les Romains, et donc et devenu « canonique » grâce à l’influence de l’Église catholique. B. Schwimmer
Degré de consanguinité, système collatéral B. Schwimmer Le degré de consanguinité est calculé comme le nombre plus petit de liens entre Égo et l'autre à l'ancêtre partagé. Ici, Ego identifie 4 degrés et l'Autre seulement 3, donc le degré de consanguinité est 3 (3 degrés de distance). Ce système était utilisé par les peuples germaniques, et est devenu la base de la parenté européenne.
Degré de consanguinité, système collatéral B. Schwimmer
Degré de consanguinité selon le système civil Ancêtre partagé B. Schwimmer Le degré de consanguinité est calculé en additionnant les degrés séparant Ego et l'Autre de l'ancêtre partagé. Dans ce cas, Ego est à 4 degrés, l'Autre à 3, et donc ils sont séparés par 7 degrés de consanguinité
Cousins croisés et cousins parallèles, matri- et patrilatéraux Dans la notation standard, cousin parallèle = //, cousin croisé = X B. Schwimmer
Système de parenté crow Les définitions formelles de ce système, et des autres qui suivent sont moins importantes aujourd’hui (mais elles se trouvent dans la leçon La Parenté), car elles datent d’une époque où les anthropologues classaient les sociétés tribales selon les termes utilisés pour définir les cousins. Ils avaient noté que certaines formes de mariage et de la résidence après le mariage étaient statistiquement liés à ces distinctions, et donc ils tentaient de trouver des régularités formelles pour mieux comprendre la « structure » des rapports sociaux et, souvent, pour comprendre la façon dont cette structure était liée à la dimension économique et aux rapports avec les voisins. P.e., classer les cousins croisés avec une appellation distincte de celle utilisée pour les cousins parallèles peut suggérer, selon cette logique, que les personnes définissent le mariage idéal comme l’union d’égo et d’un(e) tel(le) cousin(e); donc elles aiment mieux une forme d’endogamie (mariage local, sur le plan social et possiblement sur le plan géographique) « cachée » par la fiction que ces cousin(e)s sont plus « éloignés » que les cousins parallèles. B. Schwimmer
Système de parenté eskimo Selon les classifications, ils sont arrivés à 5 ou 6 systèmes uniques de classification (je n’ai pas présenté les systèmes dravidiens et soudanais). En ligne générale, les anthropologues aujourd’hui n’invoquent pas ces distinctions, car a) ils ont réalisé que les variations sont plus complexes et plus nombreuses qu’on admettait, et b) ils pensent que ce genre de formalisme décontextualise la parenté; plus on adhère à la formalité, plus facile est-il de faire de comparaisons, mais plus on s’éloigne des nuances de la réalité vécue des personnes. B. Schwimmer
Système de parenté hawaïenne B. Schwimmer
Système de parenté iroquois B. Schwimmer
Système de parenté omaha Le système omaha, comme le système crow, invoque la différence d’âge comme principe de classification, où les cousins croisés sont classés avec le frère et la sœur de la mère (Omaha) ou du père (Crow). La difficulté d’ajouter un autre principe (avec distance généalogique, type de mariage, et résidence après le mariage est une des raisons pour lesquelles les anthropologues ont souvent cessé d’invoquer ces distinctions. B. Schwimmer
Résidence néolocale B. Schwimmer